L’équilibre du jardinier de Sue Stuart-Smith : un livre pour nourrir votre esprit

Sorti en avril 2020 en Angleterre et dans 15 langues depuis, L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne est tombé à pic. Confinés, nous redécouvrions avec émerveillement l’enchantement de la nature et en creux un sentiment de perte pour ceux qui avaient laissé le lien se délier. 

Dans cet excellent livre, la psychiatre anglaise Sue Stuart-Smith nous livre son expérience personnelle de jardinière vivant au rythme de son jardin avec son mari paysagiste, mais aussi de touchants témoignages de personnes fragilisées et requinquées par la nature ainsi que la richesse des recherches et théories scientifiques. Un livre qui parle à tout le monde sur un ton accueillant et enrichissant, un livre qui m’a touchée chapitre après chapitre et m’a laissée remplie d’enthousiasme.

Je vous propose une découverte en deux temps : une interview de Sue Stuart-Smith et une sélection de mes passages préférés de son livre. Histoire de vous donner envie de le découvrir en entier.

La parole à Sue Stuart-Smith

Il y a quelques jours, j’ai eu le plaisir de discuter avec Sue de son livre, des retombées de sa publication, de sa passion pour les jardins, de ses projets.

Le livre et l’après. « Ce livre réunit deux aspects de ma vie. Il met en avant le jardinage et ses aspects thérapeutiques.  Mais je voulais aussi qu’il soit agréable à lire sans donner au lecteur le sentiment d’être sermonné.

Pour les personnes impliquées dans des projets de jardinage thérapeutique, le livre est une confirmation de ce qu’elles font. Il leur donne de la crédibilité. Il fournit également des preuves pour ceux qui cherchent des financements pour leurs projets. J’ai également parlé à des lecteurs qui n’étaient pas des jardiniers. Ils m’ont dit : « Je n’avais jamais jardiné auparavant, mais maintenant je sème des graines ».

Depuis la publication du livre, j’ai parlé à de nombreux groupes dans le monde entier par visioconférence : des psychiatres en Allemagne, des étudiants en horticulture et en hortithérapie en Chine, des clubs de jardinage et des professionnels de la santé au Royaume-Uni. J’ai prévu de rendre visite à une société de jardinage australienne travaillant avec des jeunes en 2023. Et aujourd’hui même, j’ai rencontré des personnes d’un jardin communautaire près de chez moi qui sont venues voir notre projet dans notre verger à Serge Hill. »

Les projets en cours. « Le projet Serge Hill est de construire un centre dans notre verger pour des conférences et des événements, pour les écoles locales. En raison du confinement, nous avons plusieurs mois de retard. Mais nous avons pu faire pousser des légumes et les offrir aux familles de notre petit hameau. Nous avons également reçu un patient en traitement contre le cancer. Mon mari a déménagé son studio de design de Londres pour travailler ici. »

La place de la nature dans la santé, une bataille d’actualité. « Certaines personnes veulent sans doute se précipiter pour retrouver la vie d’avant. Ce sera un processus complexe. L’une des bonnes choses de cette situation est un éveil au monde naturel. Au Royaume-Uni, nous sommes devenus conscients de l’énorme différence en matière de santé mentale si les gens ont accès à un jardin ou pas. Une personne sur huit n’a pas de jardin. Les parcs sont bondés. Il y a une énorme pression pour l’urbanisme et le développement. J’espère que mon livre pourra aider les gens à faire campagne et à faire passer le message. Nous pouvons changer les choses si nous accordons de l’importance à la nature.

Le NHS ne donne pas beaucoup de fonds, mais le département de la santé encourage les médecins de famille à utiliser la « prescription verte ». La « prescription sociale », comme le bénévolat ou l’adhésion à une chorale, était déjà acceptée. On assiste maintenant à une évolution vers la « prescription verte ». C’est un pas dans la bonne direction. Nous pouvons boucler la boucle : des groupes de personnes travaillant avec des organisations caritatives dans des parcs ! »

Explorons L’Equilibre du jardinier 

Chapitre 1. Au commencement

« Comme un temps suspendu, l’espace protégé du jardin permet à notre monde intérieur et au monde extérieur de coexister, libérés des pressions du quotidien. En ce sens, les jardins nous offrent un entre-deux, espace de rencontre possible entre notre être le plus intime, le plus imprégné de rêves, et le monde physique réel. Ce brouillage des limites correspond à ce que le psychanalyste Donald Winnicott a qualifié d’ « espace transitionnel » » (p. 25).

« L’investissement affectif et physique qu’entraine le travail consacré à un lieu affecte à terme le sens de l’identité…C’est au psychiatre et psychanalyste John Bowlby que l’on doit dans les années 1960 les premiers travaux sur la théorie de l’attachement…Pour Bowlby, l’attachement était « le fondement » de la psychologie humaine….L’attachement au lieu et l’attachement aux personnes relèvent d’un même processus évolutif et sont tous deux spécifiques à chaque individu » (p. 26-27).

Chapitre 2. Nature verdoyante et nature humaine

Grace souffre de dépression et d’anxiété suite à une série d’événements douloureux dont le point culminant a été la mort de sa mère. Elle a rejoint un groupe de jardinage thérapeutique sur les conseils de son psychiatre. C’est dans ce groupe que l’auteure la rencontre et Grace lui décrit les bienfaits qu’elle ressent au jardin. « Il n’y a pas d’agitation. Cela m’apaise…Je ne me suis jamais sentie comme cela – au jardin, je vis dans un autre monde… ». Quand elle souffre d’anxiété, elle pense au jardin. « C’est comme si, dans ma tête, j’avais un coin tranquille » (p. 46-49).

Des signes encourageants pour l’hortithérapie en Angleterre : l’Oxford Textbook of Nature and Public Health estime que « pour une livre d’investissement dans un projet horticole, le NHS pourrait en économiser cinq en dépenses de santé » (p. 50) et « la revue British Journal of Psychiatry en 2018 a ouvert ses pages pour la première fois à un essai de thérapie par l’horticulture, ce qui indique que le jardinage gagne en crédibilité dans les milieux médicaux traditionnels. » (p. 51). « Et malgré toute leur importance, ces recherches scientifiques ne sauraient refléter tout l’éventail des effets thérapeutiques de l’hortithérapie. Le jardinage a pour singularité d’englober les aspects affectifs, physiques, sociaux, professionnels et spirituels de l’existence » (p.  51).

Un exemple anglais décrit dans le livre à découvrir en ligne : Bridewell Gardens.

Chapitre 3. Les graines de la confiance en soi

L’auteure a visité des prisonniers qui jardinent. Ecrasé par des sentiments d’échec et de honte, Samuel ressent pour la première fois de la fierté en faisant pousser une courge et retrouve un rapport avec sa mère qui n’est pas fait de préoccupation pour lui (p. 58). Un autre prisonnier explique que le jardin met radicalement les gens à égalité, que « travailler la terre, cela semble créer un lien authentique entre les gens, loin des affectations et des préjugés qui caractérisent tant de relations entre les êtres humains » (p. 67). Elle a aussi rencontré des jeunes qui participent au projet Growing Options de Thrive et retrouvent « la joie d’être la cause créatrice » (p. 77).

« Quand nous semons une graine, nous plantons le récit d’un futur possible. C’est un acte d’espoir. Toutes les graines semées ne vont pas germer, mais c’est rassurant de savoir que l’on a mis des graines dans le sol » (p. 78).

Chapitre 4. Quand le vert est sérénité

« Le genre de lien qui nous attache aux arbres est l’inverse de celui qui nous attache aux jeunes plants, tout petits. C’est tellement plus petit que nous, une plantule, que nous nous occupons d’elle et la protégeons, mais, à l’abri d’un arbre, c’est nous qui sommes les tout-petits et qui pouvons nous appuyer sur lui, qui est si fort » (p. 95).

Après avoir parlé avec des soldats souffrants de SSPT (syndrome de stress post-traumatique- rencontrés à l’association Thrive, « je sentais que le jardin l’avait aidé à retrouver quelque chose d’intact au fond de lui. Qu’il ait été à même de renouer avec la nature dans ses souvenirs d’enfant par le biais de son expérience actuelle, c’était le signe que sa perception de lui-même gagnait en intégration et qu’il recouvrait son identité » (p. 99). On visite aussi le jardin Nacadia au Danemark et on évoque l’usage de l’hortithérapie dans la clinique de Karl Menninger avec des soldats de la Seconde Guerre mondiale.

Chapter 5. La nature en ville

« Comme dans d’autres démarches artistiques, l’art du jardinage peut être une réponse à une perte. La création d’un jardin est autant une re-création qu’une création, celle d’une vision du paradis, d’un endroit qui nous relie à un paysage que nous avons aimé et qui nous console d’avoir été séparés de la nature » (p.102).

« Une des meilleures descriptions des bienfaits procurés par la verte nature est due au paysagiste Frederick Law Olmsted, créateur de Central Park à New York. « Si nous considérons la relation intime de l’esprit avec le système nerveux », écrit-il au milieu du XIXe siècle, alors il est facile de comprendre comment il se fait qu’un beau paysage naturel «occupe l’esprit sans le fatiguer tout en l’engageant, le tranquillise tout en l’éveillant et, l’esprit influençant le corps, procure ainsi un repos bienfaisant qui revigore l’être » (p. 105).

« Quand nos ancêtres chasseurs-cueilleurs se déplaçaient dans la forêt, leur sécurité dépendait de leur réceptivité et de leur attention de tous les instants à l’environnement. Il y a des raisons évolutives pour lesquelles se trouver dans la nature fait oublier les pensées anxieuses au profit d’un état d’esprit à la fois détendu et alerte : se perdre dans le processus récursif de la rumination n’est pas une bonne stratégie pour survivre » (p. 111).

L’auteur rencontre Francis qui souffre de schizophrénie. « En jardinant, il avait acquis ce qu’il appelait « une compréhension plus profonde de la vie » et il s’était habitué « au fait que tout passe ». Il avait aussi arrêté de se fâcher si fort contre lui-même. Il avait toujours été plutôt brouillon et désorganisé, mais son comportement dans le jardin était différent : « On ne peut pas faire ça ici, parce que le jardinage, c’est justement une question d’organisation. Si vous ne vous occupez pas des plantes, elles dépérissent et elles meurent »…« Je suis plus présent à la vie maintenant – loin du fracas.» » (p. 118).

« Le bon sens suffit pour se douter que l’air frais, la lumière naturelle, l’exercice physique et l’accès à des lieux verdoyants et calmes vont améliorer la santé des citadins. Pourtant notre éloignement de ces éléments naturels est tel que nous avons besoin de preuves scientifiques pour être convaincus de leurs effets positifs » (p. 121).

Chapitre 6. Racines

Après avoir parlé des origines de l’agriculture et des jardins, Sue Stuart-Smith tire des parallèles des relations de collaboration dans la nature. « Nous avons tendance à croire la nature régie par des relations prédatrices ; or le monde naturel regorge de collaborations qui parfois s’apparentent étonnamment au jardinage » (p. 129). Je dois passer trop rapidement sur les femmes Achuar en Amazonie qui accouchent dans leur jardin, sur l’influence de la colonisation sur l’environnement naturel, sur le mythe sumérien racontant l’histoire de l’art du jardinage avec « le péché mortel du jardinier » qui s’applique aussi à notre époque 5 000 ans plus tard et jusqu’à Carl Jung qui estimait que « Chaque être humain devrait avoir un bout de terre pour permettre à ses instincts de revivre » (p.  147).

« Jardiner, c’est toujours compter avec des forces qui nous dépassent. Nous avons beau laisser notre empreinte sur un lieu, l’adapter à nos besoins – de quelque manière que nous définissions ceux-ci – le jardin est un être vivant qui n’appartient qu’à lui-même et que nous ne pouvons totalement contrôler. Le lien entre lui et nous s’exprime par une influence réciproque qui nous façonne autant que l’inverse : c’est un processus qui m’apparaît maintenant comme la croissance mentale du jardinier » (p. 148).

Chapitre 7. Le pouvoir des fleurs

L’exemple thérapeutique choisi dans ce chapitre est celui de Renata, une jeune femme rencontrée dans un programme italien de désintoxication. Elle fait pousser des fleurs et parvient à dépasser sa haine de soi et sa perte d’attachement à la vie, en particulier en s’attachant à des plants de cactus malades dont elle prend soin (p. 368-373). 

Chapitre 8. Solutions radicales

Synergie entre tisserands déracinés et plantes transplantées dans l’Angleterre du 19e siècle, organisation de floralies comme de brèves immersions dans la beauté aux débuts de l’ère industrielle. Avec Carl Jung à la rescousse : « Nous avons tous besoin de nourrir notre psyché, ce qui est impossible dans des immeubles urbains sans un coin de verdure ou un arbre en fleur » et encore « Je suis pleinement convaincu de la nécessité pour l’existence humaine d’être enracinée dans la terre » (p. 179).

Ce chapitre est dédié aux expériences actuelles de végétalisation en ville : le démarrage des Incroyables Comestibles en Angleterre, la ferme urbaine d’Oranjezicht en Afrique du Sud, Bronx Green Up à New York, Windy City Harvest à Chicago,…

Chapitre 9. La guerre et le jardinage

Sue Stuart-Smith relate l’histoire des « jardins de tranchées », des deux côtés, dans la bataille de la Somme pendant la Première Guerre mondiale. Des potagers, mais surtout des jardins de fleurs. D’abord spontanés comme des instincts de survie, puis repris par la hiérarchie militaire comme moyen de subsistence. 

« Toutes les valeurs incarnées par le jardin rejettent la guerre, ce qui amène l’historien Kenneth Helphand à voir en eux les porteurs d’un message pacifiste. C’est ce qu’il écrit dans Defiant Gardens (Les jardins rebelles) : « La paix n’est pas simplement l’absence de la guerre, c’est une attitude positive etdéterminée…. Le jardin n’est pas simplement une retraite et un répit, mais la formulation d’un mode de vie, un modèle à suivre » (p. 209). Une idée que l’on retrouve dans les jardins de l’hôpital de Craiglockhart où sont envoyés les soldats blessés, pour un traitement qui reposait sur la croyance au pouvoir thérapeutique de la nature. L’auteure raconte ensuite l’histoire de son grand-père Ted, engagé dans la Première Guerre mondiale et fait prisonnier dans des conditions traumatiques, lui aussi soigné par le pouvoir du jardin à son retour de la guerre.

Chapitre 10. L’hiver de la vie

« Le poète Kunitz commença à travailler dans une ferme voisine. Labourer la terre, écrit-il, crée un lien entre le moi et « le reste du monde naturel ». Les cycles de la croissance et de la décomposition végétale lui firent comprendre pour la première fois « que la mort est absolument indispensable à la continuation de la vie sur notre planète»» (p. 234). Au jardin, on ne peut pas ignorer que les plantes meurent. 

Diana Athill est une écrivaine qui commença à jardiner après l’âge de 60 ans et s’installa à 90 ans passés dans une maison de retraite où elle continua à jardiner. « Athill ne prétendait pas qu’il fût simple de devenir très âgée, loin de là, mais les fleurs et les arbres lui offraient une forme de plaisir qui pouvait subsister, contrairement à beaucoup d’autres dans l’extrême vieillesse » (p. 237). Ou encore : « Les contraintes de l’âge et de la maladie limitent la possibilité de faire de nouvelles expériences, mais dans le cadre du jardin, plus on regarde de près, plus on découvre » (p. 245). L’exemple de la fin de vie de Freud, dans un jardin anglais, est très touchant et je vous laisserais en faire la découverte dans ce chapitre.

« Nos différentes représentations symboliques de la mort déterminent la peur ou l’absence de peur qu’elle nous inspire, et notre capacité ou non à percevoir la fin de la vie comme naturelle. Depuis toujours, dans toutes les cultures, les plantes et les fleurs influencent notre compréhension de la vie et de la mort ; elles structurent notre pensée en éloignant de nous la peur et le désespoir. Nous pouvons encore et toujours compter sur le retour annuel du printemps et, puisque tout ne meurt pas avec notre mort, nous pouvons nous dire que la bienfaisance terrestre continue. C’est le réconfort que nous offre le jardin avec le plus de ténacité » (p. 253).

Chapitre 11. Le temps du jardin

« Le jardin est un lieu qui nous ramène aux rythmes biologiques fondamentaux de la vie. Le tempo de la vie et celui des plantes ne font qu’un ; nous voilà forcés de ralentir, tandis que le sentiment d’être protégés dans un lieu enclos et familier nous aide à adopter un état d’esprit plus propice à la réflexion. Le jardin nous offre aussi un récit cyclique. Les saisons reviennent, c’est le retour de ce que nous connaissons, encore que certaines choses changent, tandis que d’autres sont identiques. La structure du temps saisonnier est réconfortante, elle est plus charitable pour la psyché : elle vous permet d’apprendre car vous avez droit à une seconde chance. Si ça ne marche pas cette année, vous savez que vous pouvez toujours réessayer l’an prochain au même moment » (p. 259).

On découvre dans les jardins d’Alnarp en Suède un programme pour des personnes souffrants de burn out et on rencontre Joahn Ottoson, victime d’un accident de vélo qui a écrit un article scientifique sur l’importance de la nature pour gérer une crise. Car « le jardinage peut se comprendre comme un remède spatio-temporel. Le travail au grand air nous aide à développer notre espace mental et les cycles biologiques des plantes peuvent modifier notre relation au temps » (p. 268).

« La lenteur n’implique pas dans ce contexte de faire les choses plus lentement. Quand on souffre d’épuisement au travail et de dépression, on ralentit son rythme considérablement sans aller forcément mieux pour autant. La lenteur qu’il s’agit de cultiver fait entrer dans une relation vivante avec le présent. C’est une telle expérience qu’a vécue Carl Jung dans la tour de Bollingen, sur la rive du lac de Zurich. Là-bas, sans électricité, il vivait selon les rythmes naturels, écrivant le matin, puis allant travailler dehors après une sieste, s’occupant de son carré de pommes de terre et de son champ de maïs et coupant du bois. Pendant la guerre, il cultiva un plus grand terrain, faisant pousser des haricots, du blé, et des pavots pour produire de l’huile, en plus du maïs et des pommes de terre. Ces activités le délassaient toujours et lui redonnaient des forces – « Car ce sont le corps, les émotions, les instincts qui nous relient au sol ». En s’ancrant dans la nature, il faisait l’expérience de l’interdépendance de tout ce qui forme le vivant : « J’ai parfois l’impression de me déployer dans tout ce qui existe, de survoler le paysage, et d’être moi-même dans chaque arbre, dans l’éclaboussement des vagues, dans les nuages et les animaux qui vont et viennent, dans la succession des saisons. » C’était là pour Jung un moyen d’entrer en contact avec « l’homme de deux millions d’années qui vit en chacun de nous ». » (p. 269).

Chapitre 12. Chambre d’hôpital avec vue

« Dans de nombreux cas, les jardins et la nature sont plus efficaces que n’importe quel médicament », cette citation d’Oliver Sachs ne surprendra pas les lecteurs réguliers de ce blog.

Des études ont montré que les gens qui reçoivent des fleurs font de « vrais sourire » et restent heureux plus longtemps que ceux qui reçoivent un autre cadeau d’une même valeur. D’autant plus de raisons d’offrir des fleurs à l’hôpital. La célèbre infirmière Florence Nightingale a écrit au 19e siècle sur l’importance de chambres d’hôpital claires et aérées et de bouquets de fleurs sauvages pour accélérer la guérison. Si Sue Stuart-Smith cite bien sûr l’étude de Roger Ulrich de 1984 sur la vue de la chambre, elle cite aussi une autre étude récente montrant que les patients dans une chambre fleurie sont moins anxieux, consomment moins d’anti-douleurs et ont un rythme cardiaque moins élevé (p. 282). Une vue par la fenêtre ou un bouquet dans la chambre, mêmes effets bénéfiques.

« La nature demande des efforts moins astreignants ; pour citer van den Berg, « la nature ne fatigue pas l’esprit » (car les formes naturelles offrent des structures fractales reproduites à l’infini qui facilitent le travail du cerveau). Quand notre corps est malade, quand notre énergie est au plus bas, les stimulations sensorielles doivent être juste au bon niveau – il n’en faut ni trop ni trop peu -, et la douceur des formes naturelles dans la nature y pourvoit parfaitement » (p. 287). Découvrez les Horatio Garden, construits dans des centres dédiés aux pathologies de la colonne vertébrale (p. 291).

On retrouve Oliver Sachs, comme patient à la suite d’un grave accident. Il sort de sa chambre pour la première fois après un mois d’hospitalisation. « Joie pure et intense bonheur, bonheur ineffable du soleil sur mon visage, du vent dans mes cheveux, du bruit des oiseaux, de la caresse et du spectacle des plantes vivantes que je pouvais toucher de mes doigts. Un lien essentiel, une communication avec la nature venaient de se réinstaurer après l’isolement et l’aliénation horribles que j’avais traversés. Quand on m’emmena au jardin, une partie de moi revint à la vie, un pan de mon être affamé, mort peut-être à mon insu. Un malade ou un grand blessé, écrit Sachs, a par définition besoin d’un « entre-deux », « d’un endroit calme, d’un abri, d’un refuge ». On en peut pas « se jeter de nouveau dans le monde d’un seul coup » » (p. 293).

Chapitre 13. La fleur dans la verdeur

Coincés entre minimiser la crise climatique et succomber au désespoir et à l’inaction, que pouvons-nous faire ? Voici ce que nous propose Sue Stuart-Smith.

« Dans notre ère de mondes virtuels et de faits inventés, le jardin nous ramène à la réalité. Pas au sens où celle-ci serait connue et prévisible, car le jardin nous surprend toujours et nous fait accéder à un autre type de connaissance – sensorielle et physique –, tout en stimulant les aspects affectifs, spirituels et cognitifs de notre être. En ce sens, le jardinage est ancien et moderne à la fois. Ancien en raison de l’adéquation évolutive du cerveau et de la nature, également en tant que mode de vie, entre cueillette et agriculture, exprimant notre besoin profond de nous attacher à un endroit. Moderne, parce que intrinsèquement il va de l’avant et que le jardinier envisage toujours meilleur futur.

Cultiver son jardin, cela marche dans les deux sens : c’est un travail intérieur autant qu’extérieur, et cela peut devenir une hygiène de vie. Dans un monde de plus en plus dominé par la technologie et la consommation, le jardinage nous met directement en contact avec la réalité de la création et de l’entretien de la vie dans toute sa fragilité et sa fugacité. Maintenant plus que jamais rappelons-nous que nous sommes des créatures de la terre » (p. 310).

Pour écrire son livre, Sue Stuart-Smith a rencontré et rendu visite à des dizaines de personnes, dont Anne et Jean-Paul Ribes qu’elle cite dans les remerciements. Espérons qu’elle aura bientôt l’occasion de revenir en France visiter d’autres jardins thérapeutiques dans des temps plus favorables.

L’équilibre du jardinier : Renouer avec la nature dans le monde moderne, Sue Stuart-Smith, Albin Michel, 2021

L’école dehors

La classe dehors

Si vous vous demandez quelles ont été les conséquences psychologiques de la crise sanitaire et des confinements sur les enfants et les adolescents, jetez un œil sur cette revue de la littérature publiée en décembre 2020 qui recense plus de 70 études internationales. Détresse psychologique comme l’inquiétude, l’impuissance et la peur, « collage » aux parents, inattention, irritabilité et comportements obsessionnels, mais aussi peur de la mort d’un proche, troubles du sommeil, manque d’appétit, fatigue, cauchemars, inconfort et agitation et bien d’autres encore. 

« La fermeture des écoles, le manque d’activité en plein air, les habitudes alimentaires et de sommeil aberrantes sont susceptibles de perturber le mode de vie habituel des enfants et peuvent potentiellement favoriser la monotonie, la détresse, l’impatience, la gêne et diverses manifestations psychiatriques », explique la revue de littérature.

L’activité en plein air et le contact avec la nature, certains enseignants les ressentent comme un besoin de leurs élèves maintenant plus que jamais. Et agissent.

« L’école dans la nature, l’école du futur ? » : la question était posée sur France Culture il y a quelques jours. Car à l’occasion du retour en classe le 26 avril 2021, après un troisième confinement, le gouvernement encourageait à faire classe en plein air…Un changement de paradigme qui n’est pas nouveau pour certains enseignants.

En maternelle à Rennes

Dans une maternelle du centre ville de Rennes, Sarah Köhler s’estime très chanceuse d’avoir accès à un grand jardin qui longe les quatre classes de l’école. « Depuis un an, toutes les classes vont dehors. Elles ont toutes deux bacs potagers. On sort la classe dehors en installant tables, bacs à livres et chevalets. On fait classe dans le jardin, on jardine aussi. Je le faisais déjà avant, mais cela s’est systématisé dans l’école », explique l’enseignante, passionnée de jardinage à ses heures.

« Mes élèves sont principalement des petits citadins qui n’ont pas accès à un jardin. Je laisse les enfants explorer. Par exemple, on a planté des cailloux et des bâtons…En octobre, nous avons travaillé avec le fruit de passiflore pour extraire les graines de leur pellicule visqueuse et les mettre au frigo. On les plantera. Est-ce qu’on va réussir ? Ca débute par une envie des enfants et j’apporte des connaissances en leur disant que je me suis renseignée. » Les ressources ne manquent pas autour. Un collègue entomologiste partage des planches sur les insectes. Un autre est une véritable encyclopédie du jardin et a déjà mis en place le tri et le compost que les enfants pratiquent maintenant tout naturellement.

Les objectifs sont multiples. Les enfants acquièrent des connaissances sur le vivant et le jardin sert aussi de support à des travaux (prendre des photos et écrire des textes pour expliquer ce qu’on fait, faire des dessins basés sur l’observation). La maitresse cultive aussi ce sens de l’observation et d’attention à soi et aux autres par d’autres moyens, à travers la méditation et des ateliers philo.

Les bienfaits aussi sont multiples. « Ils développent l’observation et l’attention. Ils mettent les mains dans la terre et c’est concret. C’est excessivement rare qu’un enfant reste en retrait quand on jardine. Il y a une forte adhésion de tous les enfants. Je constate une évolution : ils n’écrasent plus les bêtes, ils n’arrachent pas les plantes, ils ont moins peur. Ils posent des questions », raconte Sarah. « Dans le jardin, on est calme. Le bruit ne se propage pas comme à l’intérieur et le volume baisse d’un ton. Le jardin instaure un climat serein. Le jardin participe à donner envie de venir à l’école. C’est affectif. Ils travaillent mieux. » Les enfants sont ravis, les enseignants et les parents aussi. 

Un potager à l’école, ce n’est pas simple quand vient l’été. « On plante aussi en fin d’année pour que la prochaine classe découvre à la rentrée. Et pour l’arrosage, j’y vais et le centre de loisirs donne aussi un coup de main. »

En primaire en Charente

Dans ce petit village de Charente, Laurence M. et ses collègues jardinent avec leurs élèves de primaire depuis 6 ans. Tout a commencé avec l’aide des Jardins Respectueux, un réseau de jardins pédagogiques partagés impulsé par un parent paysagiste. Quelques bacs, un poulailler, un compost, des bancs, un mini théâtre de verdure et voilà la cour d’école transformée. Les « petits » plantent et récoltent. Des artichauts, des tomates, des aromatiques, des plantes qui soignent. Ils observent. Ils ramassent les œufs. Les poules sont nourries grâce aux épluchures de la cuisine centrale qui dessert la cantine de l’école. Le cercle vertueux est bouclé. 

« Même si les enfants vivent majoritairement dans des maisons, ils n’ont pas nécessairement l’occasion de « farfouiller » dans la terre. Ils découvrent par exemple les osmies, ses abeilles qui ne piquent pas », explique Laurence. « Le jardin change aussi le cadre, les enfants se sentent bien. Ceux qui ne jouent pas au ballon peuvent s’installer au jardin et parler pendant la récréation. Sans cris. » Les enfants participent de A à Z et développent ainsi la confiance en soi. « Avec les Jardins Respectueux, nous avons fabriqué les bacs et les bancs. Ils ont scié eux-mêmes. » On imagine leur fierté.

Dehors, on récite aussi des poésies, on mène des ateliers philo, on fait des présentations orales. En parlant de cercle vertueux, les enseignants ont initié le mouvement de goûters sans déchet et aussi de pique-niques sans déchet lors des sorties. « Nous formons de futurs citoyens », conclut Laurence.

Dès la crèche dans les Ardennes

Il y a quelques semaines, Juliette Cheriki-Nort, art-thérapeute, animatrice d’ateliers d’écriture, de création et d’expression et formatrice, se retrouvait devant le personnel de deux crèches pour une courte formation prometteuse organisée par le CNFPT. « La place de la nature et du plein air dans le développement des enfants », tel était le sujet. Apport théorique, expérimentation d’activités concrètes, échange sur les pratiques déjà en place : autant de graines semées auprès du personnel. Pour s’inspirer, elle conseille ces découvertes, une éco-crèche en France racontée dans Silence ça pousseune garderie dans la nature au Québec ou encore la classe dans la forêt au Danemark. Et elle me fait part d’une conversation avec une étudiante en 3ème année de formation au diplôme d’Éducateur de Jeunes Enfants qui réalise son mémoire de recherche sur la place de la nature et de l’animal dans le développement du jeune enfant. Le sujet est donc bien vivace.

Allez hop, je conclus en vous suggérant mon livre, Le Shinrin-Yoku en famille. Les enseignants peuvent y piocher quelques idées. Et maintenant, tout le monde dehors !

L’ortoterapia : les jardins italiens qui soignent

Dans une vie précédente, Ania Balducci a terminé un master en agriculture avant de se marier et d’élever ses trois enfants. A ses heures perdues, elle concevait des jardins pour des amis et faisait activement du bénévolat. Mais à la cinquantaine, changement de cap. Cette Italienne dynamique découvre l’hortithérapie à travers les livres de Rebecca Haller et Christine Capra Kramer. Quittant l’Italie qui n’offrait pas de formation sur le sujet, elle commence par se former auprès de Thrive en Angleterre. Puis elle traverse l’Atlantique pour suivre la formation de Rebecca et Christine au Horticultural Therapy Institute d’abord en « présentiel » comme on dit depuis la Covid, puis en visioconférence pour finir le cursus

Ania Balducci (en noir) pendant une séance de formation à l’Horticultural Therapy Institute

Projet du plus beau jardin du monde

Imaginez un palais florentin et son jardin abandonné. Quatre jours par semaine, Ania Balducci accompagne dans ce jardin un groupe de jeunes gens, garçons et filles, de 15 à 22 ans. Identifiés par les travailleurs sociaux et psychologues de la ville de Florence, les jeunes jardiniers sont aux prises avec diverses difficultés d’apprentissage et de socialisation. Un éducateur est présent aux côtés d’Ania pour mener les activités : produire et récolter toutes sortes de fruits et légumes, les transformer, apprendre les noms latins des plantes et la botanique,…

Lancé en 2019 pour trois ans, le projet est financé par le système des pharmacies de Florence. « Ces jeunes étaient laissés à eux-mêmes. Ils sortaient peu de chez eux et n’avaient pas d’occupation. A leur grande surprise, ils aiment être au grand air et apprendre sur les plantes. Leur estime de soi remonte. On voit des améliorations dans leurs capacités physiques, chacun selon ses capacités », décrit Ania. « C’est une expérience enrichissante de les voir devenir un groupe. » Visitez la page Facebook pour voir Ania et ses étudiants en action : Siamo l’orto più bello del mondo

Projets en chantier

Dans le plus vieil hôpital de Florence, fondé par le père de Béatrice, la muse de Dante, Ania participe à un projet de « healing garden » qui avait été approuvé avant le début de la Covid et pour lequel une campagne de financement avait déjà démarré. « L’objectif est de rendre le cloitre aux patients comme un lieu de soin. » Une autre piste poursuivie avec des gériatres est d’offrir à des personnes âgées fragiles, vivant chez elles ou dans des résidences, un accès à la nature au sein de cet hôpital qu’elles fréquentes pour des visites. « Et puis, un jardin est également bénéfique pour le personnel. »

Comment les médecins accueillent-ils l’hortithérapie en Italie ? « Certains nous soutiennent et y croient », affirme Ania, sous-entendant que cette nouvelle discipline ne fait pas encore l’unanimité. « Une cardiologue m’a demandé de participer à des groupes pour des patients avec des prédispositions cardiaques. Dans ces groupes, on parle de nutrition, d’exercice, de mode de vie. J’interviens sur le bien-être. »

Formation en préparation à l’Université de Bologne

Frappée par le manque de formation en Italie, Ania s’est rapprochée de l’Université de Bologne pour proposer un cursus de niveau master. « Le programme sera lancé en 2022. Nous serons plusieurs formateurs. Nous disposerons d’un parc pour y mener les cours pratiques. En tant qu’hortithérapeutes, nous travaillons avec des personnes fragiles. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des erreurs qui seraient dangereuses pour les participants. » Pour 2021, un premier galop d’essai prendra la forme d’une formation plus courte et hybride, moitié en ligne et moitié en face à face.

Pour appuyer la formation, Ania est en train d’écrire un manuel en italien avec une collègue. Elle est également secrétaire d’ASSIOrt (Associazione Italiana Ortoterapia). « L’association était en souffrance, elle repart depuis ce printemps. » J’ai rencontré Ania dans le cadre d’une série de séminaires organisée au mois de mars 2021 par l’association d’hortithérapie écossaise Trellis (vidéos des séminaires à venir). Lorsque nous avons discuté par la suite avec Ania, une idée est venue… « Une association européenne d’hortithérapie nous rendrait plus forts », évoque-t-elle en conclusion.

Ailleurs dans le monde

Si vous voulez savoir ce qui se passe dans d’autres pays, voici quelques pistes.

Pour les pays hispanophones, suivez Leila Alcalde Banet sur les réseaux sociaux. Elle a co-fondé la Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica. Vous pouvez en apprendre plus sur le parcours de Leila en écoutant ce podcast en espagnol ou cette conférence en anglais dans le cadre des séminaires proposées en mars par l’association Trellis. Vous pouvez aussi écouter la conférence de Daniela Silva Rodriguez Bonazzi sur le jardin de soin qu’elle a créé dans un orphelinat à Lima au Pérou.

Aux Etats-Unis, l’association de référence est l’American Horticultural Therapy Association.

En Ecosse, allez voir du côté de Trellis Scotland. Liste non-exhaustive, à compléter…

Deux nouvelles formations aux jardins qui soignent

2021, une année à marquer d’une pierre blanche pour celles et ceux qui veulent se former à la conception et à l’animation de jardins de soin, de jardins thérapeutiques ou de jardins à visée thérapeutique, ces trois termes étant tous utilisés pour suggérer les bienfaits du jardin pour des personnes fragilisées (sans marcher sur les platebandes des thérapeutes patentés).

Deux nouvelles formations, plus longues et mieux reconnues que les formations existantes, ont vu le jour cette année et accueillent leur première promotion. Une bonne nouvelle pour ces pionniers et les suivants, pour les établissements médico-sociaux et pour les futurs jardiniers qui pourront être toujours mieux accompagnés dans leur parcours de soin grâce à la nature.

Deux nouvelles formations qui nous montrent que les avancées se font sur des temps longs et sur des bases existantes bien enracinées. On parle de jardins, la patience est donc une vertu essentielle. Cette nouvelle étape est énorme et devra être suivie d’autres initiatives dans les années à venir. 

Pour l’instant, savourons notre plaisir et bravo aux deux initiateurs, Emmanuel Coulombs et Audrey Gueit, qui ont déployé tant d’énergie pour que ces deux formations voient le jour.

En Corrèze, une formation de Jardinier Médiateur

Emmanuel Coulombs, enseignant au lycée de l’horticulture et du paysage de Brive-Voutezac et membre fondateur de la Fédération Française Jardins Nature et Santé, portait le projet depuis un bon moment. Comme il le précise, « depuis près de 10 ans le lycée de l’horticulture et du paysage de Brive-Voutezac transmet aux étudiants en Aménagement Paysager l’importance de la nature et des jardins en particulier pour la Santé Humaine et la Cohésion Sociale. Après bien des rencontres et des visites de jardins de soins, de jardins partagés, de jardins d’insertion et de jardins pédagogiques, l’établissement a décidé de soutenir tous ces jardiniers incroyables en créant la spécialisation Jardinier Médiateur. »

La SIL (spécialité d’initiative locale) Jardinier Médiateur a ouvert ses portes il y a quelques semaines et accueille ses trois premiers stagiaires venus d’univers différents : un parc floral à vocation touristique, une collectivité territoriale et une ferme pédagogique. J’ai prévu de vous les présenter plus en détails quand ils auront terminé la formation et pourront nous en faire un retour avec un peu de recul.

Que couvre cette formation continue ? Ce titre professionnel est basé sur l’acquisition de quatre principales capacités : concevoir, créer, gérer et animer des aménagements paysagers et comestibles à visées sociales et/ou thérapeutiques. « L’Agroécologie et la Solidarité entre les formes du Vivant constituent le socle du référentiel professionnel de ces passeurs de biodiversité, ces « fournisseurs d’accès » aux bienfaits de la Nature », explique encore Emmanuel Coulombs. Vous l’avez compris le focus n’est pas uniquement sur les jardins à visée thérapeutique, mais aussi sur ceux dont la visée est sociale. Il semble intéressant en effet d’élargir les compétences de ce nouveau métier de « jardinier médiateur ». A noter que les stagiaires font un passage par le centre de formation du Domaine de Chaumont-sur-Loire, pionnier dans la formation aux jardins de soin en France depuis 2012.

Programme, référentiel, habilitation officielle, tous les détails sont ici et là. Pour tout renseignement complémentaire sur la formation et sur les prochaines sessions, n’hésitez pas à contacter Emmanuel Coulombs : emmanuel.coulombs (at) educagri.frou 06 13 29 26 03

Dans la Drôme, une formation « Conduire un jardin à visée thérapeutique, pour créer un lieu de bien être et d’activité » 

A Audrey Gueit aussi, il a fallu deux ou trois ans, pour faire émerger cette nouvelle formation. Mais là aussi, les racines sont bien plus profondes. Depuis près de 10 ans, le CFPPA Terre d’horizon de Romans-sur-Isère travaille en partenariat avec l’ADAPEI Drôme avec un objectif d’intégration et de partage entre le monde médico-social et le monde dit ordinaire. C’est tout naturellement par le biais du jardin, du jardinage et de la passion des végétaux que le CFPPA a créé des liens, des projets de jardins de soin dans plusieurs établissements et des classes intégrées en son sein.

Riche de ses compétences en jardins et de ses connaissances du monde médico-social, le CFPPA a décidé de créer la formation « Conduire un jardin à visée thérapeutique, pour créer un lieu de bien être et d’activité ». Cette certification de niveau Licence est une spécialisation reconnue par France Compétence, inscrite au Registre spécifique. Elle est répertoriée au CPF (compte personnel de formation) depuis janvier 2021. La formation comprend un total de 250 heures étalées sur 7 mois. Les principales capacités sont la conception et la gestion de jardin de soin ainsi que la création et l’animation d’activité au jardin auprès de personnes vulnérables. A noter que plusieurs membres de la Fédération Française Jardins Nature et Santé sont intervenant(e)s dans cette formation.

Elle ouvrira ces portes en avril 2021. Pour plus d’information, le site du CFPPA Terre d’horizon. Ou bien contactez Audrey Gueit au 04.75.71.25.10 ou audrey.gueit@educagri.fr

Et toujours….

Si vous cherchez une formation dans ce domaine, une source incontournable est le site de la Fédération Françaises Jardins Nature et Santé (rubrique Formations) qui en recense une douzaine, plus courtes que ces nouvelles venues et réparties dans toute la France.

Si vous cherchez une formation là, maintenant, tout de suite, je vous conseille la formation animée par Dr. France Criou-Pringuey du 24 au 26 mars au CFPPA de Carpentras, « Jardins thérapeutiques, des fondements scientifiques à la réalisation »

Si vous avez besoin de plus de bonnes nouvelles…

Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette information qui nous vient du Canada via Jeannine Lafrenière. Au Canada, des professionnels de santé peuvent désormais prescrire des moments dans la nature, « une cure de nature ». Cette pratique basée sur les preuves scientifiques est reconnue très officiellement. En Ontario depuis cette semaine comme le décrit cet article, mais aussi en Colombie Britannique depuis décembre 2020. Yes !

« Nous avons eu un intérêt incroyable pour le PaRx (Park Prescriptions), avec près de 500 prescripteurs inscrits de neuf provinces et territoires depuis son lancement il y a moins de trois mois », explique Melissa Lem, médecin de famille en Colombie Britannique et directrice de Park Prescriptions. « La plupart des prescripteurs inscrits sont des médecins de famille, suivis par des oncologues, des médecins d’urgence, des psychiatres et des infirmières. Nous avons également des psychologues, des physiothérapeutes, des pharmaciens, des ergothérapeutes, des chiropracteurs et des naturopathes inscrits ». Une initiative inspirée d’un programme similaire en Californie…et qui devrait inspirer à son tour d’autres pays…

« Manières d’être vivant » : les humains, une espèce parmi tant d’autres

J’ai découvert le livre de Baptiste Morizot, Manières d’être vivant (Actes Sud, 2020) cet été chez des amis. Je me le suis procuré et il murit doucement. Ce mois-ci, c’est ce dont j’ai envie de vous parler.

Commençons par la quatrième de couverture.

« Imaginez cette fable : une espèce fait sécession. Elle déclare que les dix millions d’autres espèces de la Terre, ses parentes, sont de la « nature ». A savoir : non pas des êtres mais des choses, non pas des acteurs mais le décor, des ressources, à portée de main. Une espèce d’un côté, dix millions de l’autre, et pourtant une seule famille, un seul monde. Cette fiction est notre héritage. Sa violence a contribué aux bouleversements écologiques….Il s’agit de refaire connaissance : approcher les habitants de la Terre, humains compris, comme dix millions de manières d’être vivant. »

Maitre de conférence en philosophie à l’université d’Aix-Marseille, Baptiste Morizot est aussi un homme de terrain. Son livre nous emmène avec ses compagnons à la rencontre des loups dans le Vercors. Morizot, l’homme qui hurle avec les loups. Et ils lui répondent.

Malgré la distance que nous avons mis entre les autres êtres vivants et nous, Morizot pense que la communication n’est pas impossible. Après avoir hurlé toute une soirée avec les loups, il écrit que « en fait, si l’on fait le travail diplomatique de traduction, d’intercession, si l’on se déplace dans cette zone frontière où les formes spécifiques se brouillent, il est possible d’entrer en contact avec tous les aliens familiers (alien kins » (p. 106).

S’il s’intéresse à la manière d’être vivant des loups, il s’intéresse aussi à celle des humains et écrit ceci : 

« Le vivant se sédimente temporellement comme la roche, mais la différence entre lui et elle, c’est que dans le vivant les couches d’ancestralité sont toutes simultanément disponibles à la surface, et se composent ensemble malgré leur ancienneté différente : dans l’acte d’écrire ses lignes, le pouce opposable offert par les primates il y a trois millions d’années s’allie à l’œil-puits, que j’hérite d’un ancêtre du Cambrien (cinq cent quarante millions d’années), et les deux s’allient à l’écriture, technique apparue il y a quelques six mille ans. 

Les ancestralités animales sont comme des spectres qui vous hantent, en remontant à la surface du présent. Des spectres bienveillants, qui vous viennent en aide, qui font de vous un panimal, animal total, métamorphe comme le dieu Pan, lorsque le besoin s’en fait sentir, pour inventer une solution inouïe au problème de vivre. » (p. 107)

Pour revenir au tout. 

« Et ces ascendances sont partagées. C’est l’idée que par héritage commun ou par convergence évolutive – parce que deux formes de vie ont pendant un certain segment de leur histoire évolutive partagé les mêmes conditions écologiques et les mêmes relations avec d’autres formes de vie – se sont sédimentés, chez des formes de vie qui peuvent être prodigieusement éloignées sur l’ »arbre » du vivant, des dispositions, des comportements et des tonalités affectives qui se ressemblent : des manières partagées d’être vivants. » (p. 109)

Et pour enfoncer le clou.

« Dans l’approche inséparée du vivant défendue ici, la dynamique évolutive prend un autre visage que la seule « théorie de l’évolution » par variation-sélection. Elle devient la sédimentation de dispositif dans le corps, produits par une histoire : des ascendances. Et ces ascendances entrent dans des constellations particulières à chaque moment du drame qu’est la vie d’une lignée ou d’un individu. Ces constellations de puissances corporelles vont inventer littéralement un espace de possibles, une aventure de l’existence jamais vue jusque-là : cette manière d’être vivant comme un loup, comme une tique, comme une sauge des près, comme un humain. Si l’ancestralité animale, végétale, bactérienne est la forme que prend le trait sédimenté lorsqu’il est latent et replié dans un corps ; l’ascendance quant à elle est la forme dynamique que prend l’ancestralité quand elle remonte à la surface du présent pour se conjuguer avec d’autres, et donner le faciès si étrange et pourtant nécessaire, si élégant dans son bricolage, de chaque forme de vie, spécifique et individuelle. Le poète Novalis redécrit de manière libératrice ce que notre tradition nomme Nature. Il écrit : « J’appelle Nature cette communauté merveilleuse où nous introduit notre corps. » C’est de corps-là qu’il parle : épais de temps, tissés d’aliens familiers, bruissants d’ascendances disponibles. » (p. 113)

Retrouver des égards pour le monde vivant

« Pourquoi devrait-on  des égards au monde vivant ? Mais parce que c’est lui qui a fait nos corps et nos esprits, capables d’émotions, de joie, de sens. C’est le monde vivant qui a sculpté toutes nos facultés jusqu’aux plus émancipatrices, dans un tissage constitutif avec les autres formes de vie. C’est lui qui nous maintient debout face à la mort, par sa perfusion continue et joyeuse de vie (cela s’appelle, entre autres, « respirer »). Débranchez ce lien à lui et tout est fini. » (p. 281)

Ou pour le résumer dans la postface écrite par l’écrivain Alain Damasio :

« Baptiste Morizot le pointe avec brio : la crise écologique actuelle est d’abord une crise de nos relations au vivant. Donc une crise de la sensibilité. Un appauvrissement tragique des modes d’attention et de disponibilité que nous entretenons avec les formes de vie. Une extinction discrète des expériences et des pratiques qui participents de l’évidence de faire corps, de se sentir chair commune avec le monde plutôt que viande bipède sous vide d’art. » (p. 310) Il liste les trois contributions majeures de Morizot : redonner la liberté créative au vivant, politiser le vivant et nous recoudre « fil à fil, très finement, en conjurant la malédiction des modernes par une réinscription de l’humain à sa juste place « panimale ».

Ce qui touche dans ce livre est que Morizot n’est pas un philosophe assis derrière un bureau. Il passe du temps dans la montagne qui lui inspire de très beaux textes (les extraits choisis n’en sont pas le meilleur exemple). En tout cas, une lecture dérangeante et enrichissante pour ceux qui, comme moi, clament que renouer nos liens avec la nature est central pour notre bien-être global. Sauf qu’on ressent comme un malaise à utiliser le mot nature ainsi défini et à se centrer autant sur le bien-être de l’animal humain. Morizot élargit cette vision.

Pour écouter Morizot parler de son livre à La Grande Librairie ou sur France Culture.

Des raisons d’espérer : place aux jeunes

Après avoir conclu 2020 avec un billet résolument orienté espoir et optimisme, je persiste et je signe pour inaugurer 2021. Au risque de passer pour une « Pollyanna », une personne excessivement optimiste, aveuglément enjouée ! Je ne délire pas, je sais que nous traversons des moments inédits de mémoire d’humain. Pourtant, les signes d’espoir sont là aussi. Cette fois, parlons des enfants, des adolescents, des jeunes adultes!

Des enfants de maternelle dehors

Au détour d’une conversation, ma cousine Sarah qui enseigne en maternelle dans une grande ville de Bretagne me racontait comment, depuis des années, elle délocalise sa classe à l’extérieur autant qu’elle le peut. Cela aide que la classe en question donne de plein pied vers dehors, un espace vert, des jeux et même pendant un temps un poulailler. Installés à l’extérieur, les enfants dessinent, font des expériences ou écoutent un conte. Ce pas de côté fait toute la différence.

Cela m’a ravigotée de l’entendre parler de ses pratiques qui, dans le cadre du possible, tendent vers le concept des Forest Schools encore très rares en France. Vous en trouverez une liste non exhaustive sur le site Ecole Alternative.

Des adolescents face à la vie et à la montagne

« Vertiges et adolescence: réflexion théorico-pratique sur l’escalade et la montagne comme médiations thérapeutiques à l’adolescence ». C’est la thèse d’exercice de médecine soutenue en octobre par Pauline Espi à l’université Claude Bernard Lyon 1 sous la direction du Professeur Nicolas Georgieff. 

« A la fin du 1er chapitre, nous avions déjà abordé l’intérêt des médiations thérapeutiques avec les adolescents, car nous avions vu en quoi la relation psychothérapeutique classique peut être chargée de menaces. D’autre part, certains des adolescents que nous accueillons dans nos dispositifs de soin se trouvent dans une difficulté d’élaboration psychique et n’ont que peu d’accès à leurs affects (que ce soit dans les troubles psychotiques, les pathologies états-limites ou les conduites addictives). C’est bien d’ailleurs toute la fonction des agirs et des passages à l’acte : traduire ce que la pensée n’arrive pas à élaborer et à adresser. D’autres adolescents ont justement développé un clivage corps-esprit très fonctionnel comme par exemple dans l’anorexie. » 

Présentant ensuite les idées d’Henri Wallon (« La fonction motrice comme première fonction de relation et comme prélude au langage) et le postulat de la psychomotricité (« C’est par le geste que nous rencontrons le monde »), la jeune pédopsychiatre pose les bases : « c’est l’action qui médiatise la rencontre en psychomotricité. Le soignant propose un engagement du corps autant que de l’esprit. Il ne s’agit pas de dire que le mouvement est thérapeutique en soi, car il ne serait alors que de l’agitation ; mais il s’agit de créer un espace où le sujet peut redevenir actif, dans sa double dimension corporelle et psychique. »

Prévenant que « ce découpage est forcément simplificateur, mais il a le mérite de pouvoir organiser les concepts », Pauline Espi met en relation les enjeux adolescents (corps et motricité, fonctions mentales et cognitives, fonction affective, fonction relationnelle) et les leviers thérapeutiques de l’escalade. Voici par exemple les liens qu’elle établit pour les relations affectives.

On apprend qu’une culture de l’escalade thérapeutique est déjà développée en Allemagne et en Autriche. L’Institute for Climbing Therapy s’est créé à Salzbourg en 2005 et des études qui démontrent l’efficacité de la « bouldering psychotherapy » sur les symptômes dépressifs ont été publiées à partir de 2015. Parmi les facteurs actifs, on fait l’hypothèse que l’exercice physique, le sentiment d’efficacité personnelle, la convivialité des échanges au sein du groupe et les exercices de méditation/mindfulness contribuent à l’efficacité de cette psychothérapie.

En tout cas, cette culture de l’escalade thérapeutique arrive doucement en France et aux Etats-Unis et la thèse de Pauline Espi contribue à la crédibiliser. Elle ouvre ainsi des voies de communication entre plusieurs champs du soin et envisage de nouveaux dispositifs soignants comme des groupes d’escalade parents-enfants pour travailler – justement – l’enjeu de la séparation d’avec les parents…

Une jeune adulte sur le Tour de France

Romane Glotain est bien connue des lecteurs et lectrices du Bonheur est dans le jardin depuis plusieurs années (iciici ou encore là). C’est aussi une membre très active de la Fédération Jardins Nature et Santé. Ce printemps, elle se lancera dans une aventure extraordinaire qu’elle racontait le 5 janvier dans l’émission Carnets de Campagne sur France Inter. Son tour de France des jardins thérapeutiques, « Le jardin des Maux’passants prend la poudre d’escampette » va mettre un formidable coup de projecteur sur les jardins thérapeutiques en France. L’itinéraire est quasiment calé autour d’une quarantaine d’étapes, le vélo électrique est trouvé…Vous pourrez la suivre sur Facebooksur YouTube et sur Instagram. Bon voyage, Romane.

Des raisons d’espérer

Les jours raccourcissent. Le soleil se cache. Les mois de confinement, déconfinement, reconfinement font doucement leur travail de sape. Les fêtes de fin d’année s’annoncent comme un vrai casse-tête, voire une roulette russe, pour concilier envie de se retrouver en famille et précautions raisonnables contre la propagation de la Covid.

Même si je reviens d’une grande marche dans les bois en cette fin de dimanche après-midi, l’ambiance est un peu morose. Je ne me sens pas très inspirée devant la tâche de conclure l’année avec un billet énergisant, plein d’optimisme.

Voyons voir si on peut trouver de belles histoires qui nous redonnent de l’espoir face à toutes ces incertitudes.

La maison de retraite Simone Veil des Ulis jardine pendant la crise sanitaire

Cette maison de retraite en Essonne est toute neuve. L’objectif des activités de jardin thérapeutique était de proposer des cultures potagères prolongées par des ateliers de cuisine en commun, autour de 8 jardinières adaptées de la société Verdurable, société dont je vous avais parlé en 2014. L’animatrice de la maison de retraite, Sonia Chedri, avait déjà une expérience du jardin comme outil thérapeutique à l’hôpital gérontologique La Collégiale à Paris. 

« Avec les soignants, nous avons constaté que certains résidents regrettaient leurs anciennes activités comme le jardinage. Ce projet avait pour objectif de favoriser leur bien-être et de les aider à se sentir comme chez eux », explique-t-elle. Pour démarrer, le projet a reçu des financements du programme +de Vie de la Fondation Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France ainsi que de la Fondation Truffaut. 

« Le jardin nous a bien aidés pendant le confinement. Nous avions huit jardiniers, dont quatre du PASA (Pôles d’Activités et de Soins Adaptés) chaque matin. Ils arrosaient, ils aéraient la terre. Les repas thérapeutiques qu’ils préparaient de l’entrée au dessert leur permettaient de se sentir comme chez eux. Ils ont adoré et veulent continuer. Le jardin déstresse, apporte une bouffée d’air et de la gaité », constate Sonia Chedri qui reconnaît avoir beaucoup appris des résidents. « Pendant le premier confinement, c’était dur. On était épuisés. Ca remonte le moral de voir les résidents heureux au jardin. » Les soignants sont conquis, les familles aussi. Un jour peut-être, on n’envisagera pas de construire une nouvelle maison de retraite sans un jardin et sans des ateliers d’hortithérapie.

« A growing body of evidence » : le doute n’est plus permis

LUISA RIVERA FOR YALE ENVIRONMENT 360

On peut avoir des incertitudes sur beaucoup de choses en ce moment. C’est à mon sens un sentiment clé de cette année exceptionnelle. Mais s’il y a une chose dont on est tout à fait sûr, c’est que la nature nous fait du bien. C’est démontré, étude après étude. Pour les enfants et pour les personnes âgées, pour les urbains et pour les campagnards, pour les malades et pour les bien portants.

« Ecopsychology: How Immersion in Nature Benefits Your Health ». Cette sorte de « méta –analyse » de vulgarisation rapporte un tas de conclusions dont certaines ont déjà été évoquées ici comme l’étude de Matthew White qui a démontré, 20 000 personnes à l’appui, que passer deux heures par semaine dans la nature est bon pour notre santé et notre bien-être. Cet article inspirant, paru sur le site Yale Environment 360 de la Yale School of the Environment, date déjà de janvier 2020. Je l’avais laissé mûrir dans ma réserve de bonnes nouvelles, sans doute pour le présenter au moment opportun. 

 

Depuis janvier, de nouvelles études sont encore sorties comme celle-ci sur les « marcheurs émerveillés » de 60 à 90 ans. Dans l’ensemble, les « marcheurs émerveillés », ceux à qui on avait donné la consigne de prêter attention à leur environnement pendant leurs marches, se sentaient plus heureux, moins troublés et plus connectés socialement que les marcheurs « classiques » du groupe de contrôle. Ces derniers avaient tendance à ressasser leurs soucis pendant leur marche au lieu de laisser la nature les émerveiller. Merci à Jeannine Lafrenière de la Fondation Oublie pour un instant d’avoir déniché et partagé cet article.

 

Oui, mais comment ça marche ?

OK, la nature nous fait du bien. On le savait et les études le prouvent. Il reste une question de taille. Par quels mécanismes la nature agit-elle sur notre santé et notre bien-être ? Si vous voulez le savoir, cette revue de littérature avance plusieurs hypothèses. Elle nous vient du « Landscape and Human Health Laboratory » au « Department of Natural Resources and Environmental Sciences » de l’université d’Illinois à Urbana-Champaign. Voici quelques hypothèses probables :

Les conditions environnementales : les phytoncides (des composés organiques volatiles antimicrobiens), les ions négatifs de l’air, la bactérie Mycobacterium vaccae, des vues et des sons qui inhibent le système nerveux sympathique et activent le système nerveux parasympathique, la réduction des pollutions.

Des états psychologiques : expériences d’émerveillement, des sentiments de vitalité et la restauration de l’attention.

Des comportements et conditions qui contribuent à la santé comme l’activité physique, l’obésité, le sommeil et les liens sociaux.

Chacun de ces mécanismes joue un rôle, plus ou moins important. Cependant, l’auteur pense qu’un principe actif central est l’amélioration du système immunitaire, c’est-à-dire l’ensemble des mécanismes de défenses de l’organisme.

Wangari Maathai, Prix Nobel de la paix pour sa lutte contre la déforestation du Kenya

Wangari Maathai (1940-2011) a bravé bien des obstacles dans sa vie. D’abord pour recevoir une éducation en tant que fille et ensuite pour stopper la déforestation et l’érosion des sols grâce à son Mouvement de la ceinture verte qui a fédéré les femmes dans les villages kenyans. Son combat est une inspiration. Lisez cet article richement illustré sur Wangari Maathai dans ma newsletter préférée du dimanche matin, Brain Pickings, de Maria Popova. En passant, je vous conseille cette newsletter qui parle très souvent, très littérairement de notre lien avec la nature.

Wangari Maathai la femme qui plante des millions d’arbres de Franck Prévot et Aurélia Fronty

Finalement, toutes ces ondes positives m’ont fait du bien. A vous aussi, j’espère. Je vous souhaite de bonnes fêtes. Prenez soin de vous et de vos proches. 

Sabrina Serres : une soif d’apprentissages et de partages

Sabrina Serres

Les lecteurs historiques et attentifs du Bonheur est dans le jardin connaissent déjà Sabrina Serres. En 2017, elle avait partagé avec nous son mémoire « L’hortithérapie, pratique thérapeutique non médicamenteuse, humaniste et innovante »écrit dans le cadre de la licence ABCD qu’elle venait de terminer (Conseil et développement en agriculture biologique). Je l’avais rencontrée quelques mois plus tôt à l’occasion de la 3e édition du concours « Projet d’avenir » de la Fondation Truffaut dont elle avait été lauréate avec un projet de jardin thérapeutique pour le PASA (pôle d’activités et des soins adaptés) d’une maison de retraite dans le Tarn.

Approfondir ses connaissances, élargir son horizon et partager ses réflexions sont des valeurs fortes pour Sabrina. Nous la retrouvons aujourd’hui alors qu’elle vient de terminer un nouveau diplôme, un nouveau jalon dans son parcours. Mais pour mieux comprendre ce parcours, je vous propose un retour en arrière.

Sabrina, peux-tu nous expliquer ton parcours jusqu’à aujourd’hui ? Comment les différentes étapes s’imbriquent-elles ? Quel est le fil conducteur ? 

Le fin conducteur est mon besoin d’être au service de l’autre, d’apporter le soin, de pratiquer le care toujours dans l’échange et le partage. En tant qu’orthoprothésiste pendant 16 ans, je fabriquais des appareillages en concertation avec les kinés, les ergothérapeutes, les médecins, les équipes en atelier. Je me suis rendue compte que le care pouvait être encore plus fort en intégrant le végétal.

Cette prise de conscience est venue d’une remise en question à la naissance de mon premier fils. Je me suis demandée ce que j’avais envie de donner au monde. A ce moment-là, je suis passée par le rapport à l’assiette et à l’alimentation avec une imbrication de ma vie personnelle et de ma vie professionnelle. Je me suis demandée comment je pouvais produire quelque chose de beau et de bon. C’est ainsi que j’ai validé en 2016 un Brevet de technicien Responsable Exploitation Agricole (REA) en maraîchage biologique. Puis j’ai obtenu une licence ABCD (Conseil et développement en agriculture biologique) en co-habilitation avec l’Université Blaise Pascal d’Aubière, VetAgroSUp et l’établissement Inéopole Formation.

Mais cela ne me semblait pas suffisant. J’avais envie de développer la conception et l’animation de jardins thérapeutiques adaptés aux personnes en situation de handicap, personnes âgées et personnes fragilisées. Je me suis lancée dans une formation sur la conception des espaces à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, une formation en deux ans.

Parle-nous de ce diplôme de concepteur et créateur de jardins que tu viens tout juste de terminer à l’ENSP de Versailles ?

J’avais besoin de comprendre les espaces et comment ils impactent l’état de santé, par la lumière par exemple ou en répondant au besoin de protection. J’avais aussi besoin de nourritures intellectuelles pour comprendre comment les choses se créent. Ce diplôme m’a permis d’améliorer ma réflexion, de me donner les moyens. Mon but maintenant est d’être un maillon de la chaine pour agir sur les espaces.

La formation à Versailles m’a appris à être dans un temps de rendu et de travail dense car, pendant deux ans, cette formation m’a permis une remise en question perpétuelle. Je peux voir comment j’ai évolué dans ma relation à l’autre et ma vision du jardin de soin qui, pour moi, dépasse l’hôpital et l’institution. J’ai envie d’apporter cette énergie au plus grand nombre, en bas des immeubles par exemple et jusqu’à la fin de vie.

Dans l’esprit de partage qui est le sien depuis que je l’ai rencontrée, Sabrina partage son nouveau travail, ce mémento qui est le point d’orgue de sa formation à l’ENSP sur « L’art des jardins au service de la santé ». Après un historique très complet, le mémento déploie des réflexions sur l’habitat refuge, la scénographie propre à stimuler la curiosité, la sensorialité, le jeu de l’ombre et des lumières ou encore les synusies (l’ensemble des organismes vivants, et donc des plantes, suffisamment proches par leur espace vital, leur comportement écologique et leur périodicité pour partager à un moment donné un même milieu). Elle partage également une proposition de synthèse de la pyramide des besoins de Maslow et des travaux de Nigel Dunett applicable aux jardins de soins. Enfin, elle nous rappelle très à propos que « le Plan National Santé Environnement 4 (PNSE 4) « Mon environnement, ma santé » (2020-2024) renforce l’action globale d’amélioration de la santé dans son environnement. Ce plan dépasse les frontières des établissements et s’étend à l’ensemble de l’espace urbain »….Ces oasis de biodiversité deviennent des lieux, apportent le cadre, nécessaires à une santé préventive individuelle et collective, sur l’ensemble du territoire. »

Quels sont maintenant tes projets en t’appuyant sur l’ensemble de tes formations ? 

J’espère pouvoir œuvrer maintenant sur cette thématique des jardins de soin enrichie de cette expérience auprès de l’école de Versailles. J’ai commencé mon activité en créant ma structure, Atelier Paysages et Ressources, et intégrant une coopérative d’emploi qui répondait à mes valeurs sur le développement durable et l’écologie.

Dans un premier temps, je vais faire une présentation début novembre à l’ancienne structure pour laquelle je travaillais en tant qu’orthoprothésiste, l’ASEI (« L’ASEI a pour objet, l’accompagnement, l’éducation, l’insertion des personnes en situation de handicap et des personnes dépendantes et fragilisées. L’association gère 114 établissements et services sanitaires et médico-sociaux » ). Je voudrais partir des besoins des établissements de l’ASEI. Ce serait une évolution naturelle. Puis dans un second temps, j’envisage de contacter d’autres établissements.

J’entends que ce n’est pas évident de vivre de cette activité de conception de parcs et jardins et de prises en charge autour du végétal, c’est-à-dire d’hortithérapie, dans les jardins que je créerai. C’est ce que je veux faire et je vais le faire corps et âme. Je suis dans le Tarn en Occitanie, mais je peux intervenir là où le vent me porte. Par exemple, j’ai fait un stage chez Audrey Hennequin de Courant d’Air en Nouvelle Aquitaine. Ces échanges me nourrissent intellectuellement et émotionnellement.

Je crois que tu as déjà un projet en route ?

Oui, j’anime depuis peu des ateliers dans un Ehpad de Castres. Nous fixons des objectifs thérapeutiques pour chaque participant. Au bout de 10 ateliers, nous verrons si on constate une amélioration de l’état. Vendredi dernier, nous avons travaillé sur le toucher. Lors du prochain atelier, nous allons collaborer avec la psychomotricienne sur la fluence verbale, la verbalisation de ce qu’on voit et de ce qu’on fait. Pour l’instant, nous travaillons avec des jardinières de Verdurableavant d’évoluer vers un jardin. Je précise que c’est France Alzheimer Tarn qui subventionne mon intervention.

Pour contacter Sabrina Serres, voici son compte LinkedIn où elle explique sa démarche et son email : atelierpaysagesetressources (at) gmail.com

Pour lire le mémento issu de son travail à l’ENSP de Versailles

La hiérarchie des besoins de Maslow adapté à la conception des jardins en lien avec la santé, inspirée des travaux de Nigel Dunett pour un plan de plantation naturaliste
Inviter l’usager du site à se mouvoir dans un lieu resserré stimulant des notions comme la proprioception, l’éveil des sens par le frottement du corps, de la main sur le végétal propose des effet de surprise et de curiosité. Le rythme des carrés de bois structure l’espace et cadre la déambulation au milieu des aromatiques.
Une palette végétale goûteuse offrant au visiteur une proposition de mise en scène du goût par la plasticité des végétaux, leurs couleurs et le rythme des saisons.
Ce travail a été influencé par des ateliers de recherches sur la couleur réalisées à l’école national supérieurs de Paysage sur Versailles où j’ai pu appréhender l’impact chromatique visuel sur notre perception.
Cet extrait de conception proposé pour l’accueil de jour de l’hôpital de la Porte Verte de Versailles invite à accompagner le résident au-delà de l’entrée de la structure par ce couloir végétal. Cet espace, ce couloir est un lieu de transition entre un espace ouvert vers un espace fermé accompagne sereinement le résident vers l’établissement, mais aussi marque une limite entre les espaces accueil, l’établissement et le jardin de soin.

Florence Gottiniaux : paysagiste convaincue du lien jardin-santé

Je connais Florence depuis….belle lurette. L’envie de parler de son travail dans le monde des jardins de soins n’est pas nouvelle. Mais hier, dans des circonstances qui seraient un peu longues à expliquer, nous avons eu l’occasion de partager une tisane et de discuter devant une caméra.

Le 15 octobre, vous pourrez retrouver Florence lors du webinaire « Biodiversité : quels impacts de la nature sur la santé des citadins ? » organisé par le CIBI (Centre International Biodiversité et Immobilier) et Plante & Cité. Elle interviendra aux côtés de Gilles Galopin, enseignant-chercheur à Agrocampus Ouest Angers et de Bastien Vajou, psychologue et doctorant, Université d’Angers et Plante & Cité, dont la thèse en cours s’intéresse aux effets des espaces de nature urbains sur la santé mentale des citadins pour Plante & Cité. Pour s’inscrire gratuitement au webinaire (100 participants maximum), cliquez ici. L’échange promet d’être passionnant.

Croquis du jardin de soin que Florence Gottiniaux a conçu pour le domaine de Chaumont-sur-Loire en 2018

Quand une paysagiste s’éveille aux bienfaits du jardin

Combiner jardin et soin demande une nouvelle formation

Des projets de longue haleine

Pour plus d’information sur la réalisation du jardin de soin et de santé de Chaumont-sur-Loire, vous pouvez consulter ce billet de juin 2018.

Formatrice en inter et en intra à Chaumont-sur-Loire

Une prise de conscience encore timide en France

En conclusion, des signes d’espoir

Les jardins ne font pas la rentrée

Il y a quelques semaines au Jardin de Bonne

C’est la rentrée. Prenons une grande respiration pour calmer nos esprits déjà surchauffés. Oui, vraiment. Fermez les yeux si vous en avez envie et respirez profondément plusieurs fois. Pour vous reconnecter à votre corps, à ce moment. Pour arrêter la roue à hamster quelques instants. C’est un super pouvoir que nous avons toutes et tous.

Les jardins, on le sait, ne prennent pas de vacances. Ils poussent, avec ou sans nous. Pour celles et ceux qui s’occupent de jardins dans des lieux de soin, j’espère que vos jardins ont bien passé le cap de l’été et des vagues de chaleur. J’espère aussi que, pendant ces deux derniers mois, vous avez eu « votre dose » de nature, que vous avez profité de moments d’émerveillement dans un minuscule jardin urbain ou une immense forêt millénaire, que vous avez fait des découvertes étonnantes tous vos sens en éveil, que vous avez rencontré vos proches et vos amis différemment entourés de nature en promenade ou en pique-nique ou bien encore que vous avez fait une sieste dehors bercés par le chant des oiseaux. 

La nature, ce n’est pas que pendant les vacances. Rappelez-vous qu’elle est là autour de vous à tout moment, même pour les ultra-urbains. Pendant le confinement, on l’a vue se manifester plus librement et beaucoup de gens ont ressenti une attirance nouvelle pour la nature et son pouvoir ressourçant. J’en avais parlé en avril, en mai, en juin et vous avez sans doute lu pas mal d’articles un peu partout à ce sujet. Ne l’oublions pas.

Psychothérapie à l’air libre

C’est sur la force de ce constat et en me basant sur mon engagement depuis 2012 autour de la nature et de la santé que j’ai pris une décision toute naturelle. En parallèle de mon travail de psychologue à temps plein auprès de personnes âgées qui vivent chez elles, je souhaitais lancer une activité de psychothérapeute – forcément réduite en termes d’heures par semaine – auprès d’adolescents ou d’adultes. Cette activité se déroulera exclusivement dans des jardins à Paris. Il existe des jardins assez grands et procurant assez d’espaces privés pour servir de cadre à des séances qui respectent la nécessité de confidentialité. Assis ou en marche, nous utiliserons l’approche des thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles (TCC ou TCCE) à laquelle je suis formée et qui a fait ses preuves pour les personnes souffrant de nombreux troubles comme la dépression et l’anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs, le stress post-traumatique, la douleur, les troubles du sommeil et d’autres.

Je n’invente rien. Yann Desbrosses que je vous avais présenté au début de l’été pratique en plein air et considère même que « les séances en pleine nature sont une alternative sanitaire » dans la période actuelle. Il y a deux ans, je vous avais aussi parlé de Beth Collier, une psychologue anglaise qui reçoit dans les bois. Si cette pratique n’est pas nouvelle, elle n’est pas encore très répandue. Mais elle me semble s’imposer aujourd’hui comme une évidence. Il existe sans doute d’autres exemples, que j’aimerais découvrir. En tout cas, c’est l’envie qui me porte de mon côté et qui devra forcément correspondre à l’envie de mes futurs patients. 

Deux suggestions pour nourrir l’esprit

La reprise des activités diverses, les sollicitations en tout genre nous accaparent. Le temps nous semble compté. Je ne vais pas vous submerger. Voici juste deux propositions qui ont le mérite d’ouvrir nos horizons, de nourrir nos esprits.

Mon été a été marqué par une lecture recommandée par Florence Gottiniaux. Merci, Florence. Vous connaissez peut-être déjà ce livre. Il pose beaucoup de questions qui partent du jardin potager et maraicher et ont des ramifications globales. « Permaculture, guérir la Terre, nourrir les hommes », Perrine Hervé-Gruyer et Charles Hervé-Gruyer, Actes Sud, 2017.

Je vous suggère aussi cette master classe de Gilles Clément diffusée sur France Culture en 2019. On cite souvent Gilles Clément sans l’avoir lu ou sans bien le connaître. J’avoue que c’est mon cas. Voici l’occasion en une heure de l’écouter développer sa pensée. Rien à lire, juste à écouter. « La nature vient créer avec vous, elle continue quand vous n’êtes pas là ».

Mon chêne préféré dans le Poitou