Romane Glotain : un projet de jardin thérapeutique ouvert

Aujourd’hui, Romane Glotain, 1ere ex-aequo dans la catégorie Excellence du Concours d’Avenir 2016 de la Fondation Truffaut, nous raconte son parcours et son projet. Pour le coup, elle ne fait pas partie des candidats qui ont découvert les jardins thérapeutiques à travers ce concours. Au contraire, elle a déjà une expérience et une réflexion très avancées sur le sujet. Et un projet auquel on souhaite beaucoup de réussite. Quant à l’autre lauréat de cette catégorie, Yves-Aubert Alonzeau et son super projet à Montreuil, j’espère que nous aurons l’occasion d’en reparler bientôt. Je passe la parole à Romane.

 

Romane et une jardinière au Jardin pour Tous

Romane et une jardinière au Jardin pour Tous

Hortithérapeute ? Tu veux soigner avec les plantes médicinales ? Soigner avec l’ortie ? C’est vrai que ça a beaucoup de vertus …Ces questions! J’ai pu les entendre des dizaines de fois lorsqu’on m’a demandé ce que je voulais faire comme métier. Je tiens tout d’abord à me présenter. Romane Glotain, 19 ans, étudiante en BTSA Production Horticole au lycée du Fresne d’Angers. Je souhaite vous faire part de mon projet professionnel qui est de devenir hortithérapeute (soigner par la pratique du jardinage) ainsi que mon parcours qui m’a fait connaître le concept.

Tout a commencé à mon arrivée en seconde au lycée Jules Rieffel de Saint-Herblain (44). Une association nommée les « écoresponsables » était dirigée par un animateur en développement durable, Florent Dionizy: un monsieur F-O-R-M-I-D-A-B-L-E !!! Cette association représentée par les élèves comprenait de nombreux projets en faveur du développement durable (gestion de ruches, projet Cameroun pour une filière de cacao équitable, projet jardin pour tous, etc…).
6 juin 2012 (24)Le projet « jardin pour tous » a été une évidence. J’adore le jardin, j’adore les p’tits vieux! En effet, le lycée était relié à la maison de retraite du Tillay de Saint-Herblain (qui est malheureusement fermée aujourd’hui) dont la plupart des résidents étaient atteints de la maladie d’Alzheimer. Le but était de leur proposer des activités jardinage deux mercredis par mois pour une durée d’environ 1h30 dans un but de thérapie. Pendant la période hivernale, le petit groupe d’élèves volontaires se rendait à la résidence avec le matériel nécessaire pour l’animation (bouquets séchés, décoration de Noël végétale, etc..). Certaines mamies avaient déjà retroussé leurs manches avant même que nous arrivions! « Vous comprenez, ça me fait du bien de mettre les mains dans la terre », m’avait dit Mme B., une fidèle des ateliers.

Et puis à la belle saison, nous accueillions les résidents et leurs animatrices dans le jardin de soins qui se trouvait dans l’enceinte du lycée et qui était aménagé pour leur pathologie. Quatre bacs pour jardiner à hauteur (pour les fauteuils roulants), jardin clos (sécurité, pour que les personnes restent dans le cadre), éveil des 5 sens (qui diminuent avec la maladie)… et le jardin s’est développé avec un coin potager, plantations de fruitiers. L’objectif était vraiment que les personnes soient détendues, qu’il y ait un bien-être qui s’installe, qu’on provoque des réactions parfois inattendues. Je me souviens d’une résidente qui ne montrait aucune émotion, aucune parole, rien! En se baladant dans le jardin avec une des animatrices, elle s’est arrêtée net devant une plante et l’a fixée pendant quelques minutes commençant à l’effleurer; ça ne paraît rien mais c’était juste magique! Pour elle, pour nous, pour les animatrices. Le lien social était créé ou recréé aussi et en plus intergénérationnel!

2013-09-25 15.06.54C’était vraiment un travail d’organisation entre les animatrices, Florent et les élèves comme pour le choix des activités (bien sûr en fonction des saisons pour que les personnes aient un repère spatio-temporel), rédiger un compte rendu après chaque séance, faire remonter les points positifs observés. Notre devise était: « prendre soin du végétal pour prendre soin de soi et donc se faire du bien ! » Et puis à chaque fin d’année, on se retrouvait autour d’un pique-nique comme en 2012 à Quimiac, au bord de la mer (44) où une résidente m’a confié: « vous vous rendez compte, ça fait plus de 20 ans que je n’ai pas vu la mer. » C’est dans ces moments là qu’on se sent utile…J’en profite pour remercier de tout cœur Florent qui m’a amené, aidé à conduire le projet mais aussi aux animatrices (Babeth, Gaby, Odette …) pour leurs motivations et leurs croyances dans les bienfaits du jardinage. Merci aussi aux p’tits vieux qui m’ont tant apporté!

 

Sortie au bord de la mer à Quimiac (Loire-Atlantique)

Sortie au bord de la mer à Quimiac (Loire-Atlantique)

Trois ans après, j’ai quitté le lycée avec mon BAC STAV (Sciences et Technologies de l’Agronomie et du Vivant) en poche pour préparer un BTSA en Production Horticole au lycée du Fresne sur Angers. Je le termine justement cette année au mois de juin. J’avais toujours en tête le projet de devenir hortithérapeute; je me suis construit un classeur avec tous les documents, articles, contacts en lien avec le sujet et j’allais directement visiter des structures se rapprochant de mon projet, comme la ferme de Nat’ en Maine et Loire qui pratique de la médiation animale avec des enfants handicapés, l’ESAT de Vertou qui travaille l’horticulture avec des handicapés et d’autres.

Puis un évènement m’a relancée! Le concours « Projet d’Avenir » que la Fondation Georges Truffaut propose pour les élèves en filière horticole ou paysagère. Le but étant de créer un jardin thérapeutique pour un public ciblé. J’étais obligée d’y participer! C’était le meilleur moyen de valoriser l’hortithérapie qui est peu connue et encore moins reconnue! Et aussi d’y expliquer mon projet professionnel. Il a fallu réaliser des plans, des dessins, un budget détaillé, un dossier de présentation…un gros travail en plus des cours. Mais comme on dit: le travail paye! En effet, un mois après l’envoi de mon dossier, le travail a payé! On m’annonce que j’ai fini première de la région Centre-Ouest et que je suis invitée au siège de Truffaut pour présenter à l’oral mon projet de jardin thérapeutique pour les personnes âgées atteintes d’Alzheimer. Le 4 mai dernier, me voilà à Lisses (91) où j’ai pu rencontrer des candidats avec des présentations très différentes (jardin pour obèses, burn-out ..) et aussi écouter des professionnels, des formateurs dans le domaine.

Au final, j’ai été 1ère nationale ex-aequo avec un autre étudiant et la jolie somme de 1350 euros qui est une aide pour financer le projet. Je remarque aujourd’hui, que le concours a été une formidable expérience afin de mettre en valeur mon projet; quelques articles ont été écrits, un formateur (Mr Bertrix) m’invite même à une de ses formations (jardins de soins et de santé) en octobre prochain à Chaumont-sur-Loire et beaucoup de personnes me soutiennent; C’est vraiment super! Je suis presque plus contente que lorque j’ai su que j’avais mon BAC !!!

En parlant de mon projet professionnel, je voudrais vous l’expliquer. Je souhaite réaliser un jardin thérapeutique pouvant accueillir cette fois différents publics (enfants, handicapés, personnes âgées, personnes stressées …) afin de proposer des demi-journées de jardinage et amener un bien-être aux patients. Le but étant que les séances soient régulières pour en sentir les bienfaits. Le jardin sera réalisé à Campbon, dans ma commune native entre Nantes et St-Nazaire (44). Mon père ancien agriculteur a gardé quelques terrains… J’espère le commencer l’année prochaine en même temps que ma licence professionnelle que je souhaite réaliser dans le social afin de me spécialiser et d’acquérir des compétences dans ce domaine. Je pense sûrement créer le jardin du concours en y ajoutant d’autres éléments pour l’adapter à tous. Je réfléchis encore pour le financer, pour m’installer, m’organiser dans les activités que je pourrais proposer, repérer les structures.

J’espère pouvoir redonner goût à la vie par le jardinage pour ceux que j’accueillerai. On démontre seulement aujourd’hui que c’est une science véritable. Elle existe pourtant depuis des années! Pourquoi tant de personnes possèdent-elles un jardin qu’il soit potager ou fleuri? Ou ne serait-ce qu’une plante sur son balcon, dans sa cuisine? N’importe qui retrouve des effets bénéfiques, une sérénité, le bonheur tout simplement.

En attendant, je suis ouverte à toutes vos questions et aides. Mon projet aboutira forcément un jour. En tout cas, je l’espère vraiment, c’est devenu une vraie passion! Renouer le lien entre l’Homme et la nature… une évidence!

Vous pouvez me contacter : romane.glotain@gmail.com ou 06 49 93 18 80.

Association Jardins et Santé : bourses et Fête au jardin

Les lauréats des bourses Jardins et Santé

Les lauréats des bourses Jardins et Santé depuis 2009.

Tous les ans depuis 2009, l’association Jardins et Santé décerne des bourses « Jardins à but thérapeutique » à des établissements de santé. Sur la page du site de Jardins et Santé dédiée à cette action, on découvre en détail tous les établissements qui ont reçu une de ces bourses depuis 2009.

Pour le dernier appel à projets, 148 projets s’étaient manifestés. Voici les lauréats:

  • Le Centre de Gérontologie Départemental de Marseille 12ème arrdt (13)
  • Le Centre de Psychothérapie de Nancy à Laxou (54)
  • L’EHPAD Grange à Tanninges (74)
  • L’hôpital Bel Air de Corcoué sur Logne (44)
  • Le Pôle de psychiatrie du CHU de Saint-Etienne à Saint Priest en Jarez (42)
  • Le Centre hospitalier de Brive (19)

Pour rappel, et parce que les définitions sont importantes dans cette discipline encore mal reconnue, redonnons ici intégralement celle des jardins à but thérapeutique retenue par l’association.

“Le Jardin à But Thérapeutique est un espace extérieur, intégré à un établissement hospitalier ou para hospitalier (Centres hospitaliers, psychiatriques, éducatifs, pour cérébraux lésés, pour personnes atteintes d’autisme, âgées, vulnérables, fragilisées, dépendantes, handicapées, unités pour alcooliques …).

  • Il permet de préserver une perméabilité nécessaire  pour que l’établissement soit un univers à la fois clos et sécurisant mais aussi ouvert au monde et vivifiant.
  • Il s’intéresse aux gens et crée des situations de bien être et de confort où les choses sont liées entre elles par des pactes extrêmement nombreux.
  • Il s’agit non seulement d’offrir la possibilité de vivre dans un jardin, mais aussi de participer à sa création, à son évolution, d’en prendre soin.”

Fête au jardin, le dimanche 26 juin

Fete au jardin 26 juinPar ailleurs, l’association organise la Fête au jardin qui ouvre les portes d’établissement d’hébergement pour personnes âgées dotés de jardins. “Dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées, le jardin peut être aussi un lieu de prévention et de maintien des fonctions physiques et cognitives ainsi qu’un espace de créativité pour les résidents. Pour faire découvrir ces jardins différents et partager un temps festif en famille ou entre amis, les établissements pour personnes âgées se mobilisent près de chez vous”, explique Jardins et Santé. “Le dimanche 26 juin, pendant une journée, partout en France, ils ouvriront leurs portes au public et proposeront des visites guidées, des goûters festifs, des animations ludiques, réalisées par les personnels soignants et les residents.” Pour s’inscrire, on peut se rendre sur la page Facebook, sur le site de l’association ou sur helloasso.

L’événement fédère cette année des partenaires historiques (Agevillage.com, la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d’Aide à la Personne (FEHAP), la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et de services pour personnes âgées (FNADEPA)), mais aussi plusieurs nouveaux venus comme les réseaux d’établissements publics (UNCCAS), le Groupement national des Animateurs en Gérontologie (GAG) et la Croix Rouge.

Symposium Jardins et Santé reporté

Sur une note plus triste, le symposium de Jardins et Santé n’aura pas lieu en 2016 comme prévu. Ce moment de rencontres devenu incontournable depuis 2008 permet tous les deux des partages d’expériences, y compris avec des participants étrangers. Il n’a pas d’équivalent en France. Après avoir participé aux éditions 2012 et 2014, je me faisais une joie de retrouver tout un tas de passionnés “dans la vraie vie” au mois de novembre prochain. Mais un événement d’une telle ampleur est très lourd à organiser pour une association composée de bénévoles. A ce propos, Jardins et Santé a besoin de bénévoles qui croient aux vertus thérapeutiques du jardin…Avis aux bonnes volontés qui ont un peu de temps libre.

Des jardins japonais qui guérissent les blessures

Frédérique Dumas

Frédérique Dumas

Voilà pourquoi j’adore écrire ce blog qui me réserve tant de belles rencontres, comme celle de Frédérique Dumas. Amoureuse depuis l’enfance de la nature, elle propose des stages et conçoit des jardins thérapeutiques inspirés des jardins japonais qu’elle a beaucoup étudiés. Son site, qui regorge de beaux textes et de belles photos, raconte cette passion pour les jardins japonais et l’art de la taille qu’elle a décidé de partager (Niwathérapie©).

Le plus vieux souvenir de Frédérique est d’être émerveillée devant la nature. « J’avais 4 ans. J’habitais dans une grande ville. Le jeudi après-midi, ma mère et ma grand-mère m’emmenaient dans un jardin public avec des sources souterraines qui ressortaient. Il y avait des mousses et des fougères et un petit filet d’eau entre des pierres plates. Je passais des heures à les observer. C’était un ravissement, j’avais le cœur qui sortait de la poitrine. » Les weekends de Frédérique se passent dans la nature et dans les bois dans la vallée du Rhône, entre le Vercors et l’Ardèche. C’est en Ardèche, à Talencieux, qu’elle est aujourd’hui installée.

A l’âge de 12 ans, elle se fascine pour les bonsaïs avec son père et possède toute une collection après avoir appris « en me trompant ». Après un bac agronomie, elle travaille dans la vente. Son jardin devient son poumon, le paysagisme japonais avec ses vallonnements et ses rochers une source de paix. Il y a une quinzaine d’années, la mort soudaine de son compagnon d’une crise cardiaque bouleverse sa vie. « Il n’était plus question de faire un travail alimentaire, j’avais envie d’aller en profondeur et de faire ce que j’aimais », explique-t-elle. Elle se forme à l’énergétique chinoise et l’EMDR (Eye movement desensitization and reprocessing). L’idée lui vient naturellement de marier les deux approches et elle commence à proposer des stages.

Stage d'hortithérapie en création de jardins japonais

Stage d’hortithérapie en création de jardins japonais

Au départ, des amateurs venus par le biais du jardin japonais s’intéressent à l’hortithérapie. « Pour moi, le but est de parvenir à une guérison émotionnelle et spirituelle. Couche par couche, nous faisons l’expérience de notre être profond et de notre propre intégrité, loin des diktats sociaux. Travailler avec ses mains est une source de création et de guérison. » Parmi les stagiaires, des personnes atteintes de maladies graves qui veulent libérer leur anxiété et apprendre à faire face ou des victimes de traumatismes tels que le viol. D’autres ressentent un vide et cherchent leur voie. En parallèle, elle a lancé une activité de création de jardins thérapeutiques pour des particuliers ou des établissements ainsi qu’une formation longue d’hortithérapeute-consultant Niwathérapie©. « Concernant cette formation longue, elle s’étale sur 18 mois, alternant cours et travail personnel. Elle s’adresse à des étudiants en poursuite d’études, à des professionnels de la santé souhaitant diversifier leur activité, à des salariés en reconversion professionnelle, mais tout autant à des personnes du grand public sensibles au maintien et à l’amélioration de leur santé ainsi que de leur qualité de vie », explique Frédérique.  « Je ressens une certaine plénitude. Oui, j’ai l’impression d’avoir trouvé ma voie. »

En harmonie avec la nature

Pourquoi les jardins japonais ? « C’est le jardin qui se veut le plus pur reflet de la nature. C’est toujours une production humaine. Mais on cherche à copier et à restituer ce que la nature réalise dans son grand jardin universel. Je trouve d’autres jardins beaux, mais ils ne génèrent pas la même émotion que suscite un jardin japonais pour moi. En résumé, je dirais que c’est le désir de vivre en harmonie avec la nature », explique Frédérique. «  Dans un jardin japonais, on tient compte de chaque ouverture de la maison pour donner un point de vue sur le jardin et se sentir comme si on était dans le jardin. Il y a des baies vitrées et le jardin arrive jusqu’au bord de la maison. Une terrasse vitrée et couverte tout autour de la maison permet de profiter du jardin. Mais on est coupé du monde par des palissades, des murs ou des haies très hauts, pour se dégager des turpitudes du monde. »

Un tsuboniwa éphémère réalisé avec un stagiaire

Un tsuboniwa éphémère réalisé avec un stagiaire

Elle décrit la philosophie du jardin de thé dans ce même esprit. « Avant de rentrer dans cette hutte très rustique et naturelle, le jardin est construit pour restituer un sentier humide de rosée qui déambule dans un sous-bois avec les odeurs d’humus, les mousses, une feuille qui vole. On se met dans une disposition d’esprit pour participer à la cérémonie. » Parmi les différents styles de jardins japonais, celui qu’elle affectionne particulièrement est le Tsubo-niwa, un petit jardin adapté aux villes. Sa véritable passion est le Niwaki, l’art de la taille des arbres. Des séjours réguliers au Japon auprès de plusieurs maitres dans cet art ancien lui permettent d’approfondir ses connaissances techniques et son appréciation. D’ailleurs, elle annonce la sortie à l’automne 2016 d’un livre sur la Niwathérapie© aux éditions Eyrolles.

Concours d’Avenir 2016 de la Fondation Truffaut : honneur aux jardins incarnés

Les lauréats des Prix Espoir et Excellence 2016

Les lauréats 2016  du Concours d’Avenir de la Fondation Truffaut, catégories Espoir, Excellence et Coups de coeur.

 

 

 

L’année dernière, la Fondation Truffaut avait inauguré une nouvelle formule pour ses prix initialement lancés en 2013. Il s’agissait de faire réfléchir les étudiants en horticulture au jardin thérapeutique (voir les lauréats nationaux du Concours d’Avenir 2015). En 2016, même concept avec une modification bienvenue, la création d’une catégorie Espoir (jusqu’au bac) et Excellence (BTS et licence) pour mieux refléter la maturité et l’expérience des candidats. Le mercredi 4 mai, les lauréats nationaux issus d’une sélection en régions, leurs professeurs et leurs supporters, un aéropage d’amoureux des jardins de soin et le « Grand Jury », dont je faisais partie, se sont réunis à Lisses (91) au siège paradisiaque de Truffaut pour un grand oral.

Rappelons les conditions fixées aux candidats.

« Le concours porte sur la réflexion d’une création d’un jardin à but thérapeutique avec toutes les spécificités qu’il comporte. Le projet peut être imaginé ou rattaché à une association agissant dans ce domaine. Il s’agit d’un projet individuel. La participation d’un groupe n’est pas possible.

Le participant prendra notamment en compte les éléments suivants :

  • Surface du jardin fixé à 200m² maximum ;
  • Liberté du choix du handicap visé (Alzheimer, Autisme, Psychiatrie, Polyhandicap,…) ;
  • Intégration de la stimulation des 5 sens ;
  • Adaptation du jardin aux besoins et contraintes des utilisateurs ;
  • Prise en compte du rythme des saisons ;
  • Choix des végétaux. »

 

Catégorie Espoir 

Laura Pioche1ère place: Laura Pioche

Laura est en dernière année de Bac Professionnel Aménagement Paysager au Lycée Agricole et Horticole de Saint-Germain-en-Laye (78). Son projet « Souvenir d’une vie » n’est pas rattaché à un lieu ou un établissement existant, mais a convaincu par sa cohérence : un jardin d’agrément avec une promenade, un kiosque central, un coin avec des tables de jeux et une pergola de roses conçue comme un cocon, mais aussi un potager. Dessiné avec des personnes âgées en tête, ce jardin propose sièges et bancs, zones d’ombre et lieux de contemplation ainsi que des activités. Un hybride entre les « healing gardens » et les « enabling gardens » décrits par Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs.

2ème : Joé Pinto

Joé étudie au lycée Horticole et Paysager Sainte-Jeanne d’Arc des Apprentis d’Auteuil, nouvellement déménagé à Loches (37). Son projet conçu autour de l’eau, de la terre et du ciel s’inscrit dans son établissement qui accueille une classe « Service à la personne en milieu rural » (SMR) . Dans cette classe, les élèves apprennent à aider des adultes et des enfants atteints de handicap. Joé a donc imaginé un jardin accueillant pour des personnes en fauteuil roulant ou en déambulateur. Son texte de présentation, le seul manuscrit, a séduit le jury par sa sincérité et sa réflexion sur le jardin. Le détail d’une fontaine d’eau potable est aussi un plus.

3ème : Milan Marcer

Milan est en Brevet Professionnel en Aménagement Paysagiste au CFPPA de Marseille-Valabre (13). Il s’est penché sur les besoins des usagers de son jardin en se mettant dans la peau d’une personne malade ou hospitalisée qui fait l’expérience de perturbations sur le plan physique, psychologique et social. Aux problèmes de repli sur soi, de communication et de mobilité, il propose un jardin d’ateliers et de contemplation.

 

Catégorie Excellence

Gilles Mollard, le nouveau PDG de Truffaut, Yves-Aubert Alonzeau et Romane Glotain, les deux lauréats 1er ex-aequo du Prix Excellence.

Gilles Mollard, le nouveau PDG de Truffaut, Yves-Aubert Alonzeau et Romane Glotain, les deux lauréats 1er ex-aequo de la catégorie Excellence.

1er ex-aequo : Romane Glotain et Yves-Aubert Alonzeau

Romane est en 2e année de BTSA Production Horticole au Lycée Le Fresne à Angers (49). Elle a imaginé un jardin pour des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Une entrée bien matérialisée avec une porte en fer forgé, une allée bordée de groseilliers et de cassissiers, un pommier trônant au milieu de l’allée avec une astucieuse grille pour ramasser les pommes sans se baisser, un bassin, des animaux, un potager,…..Pour l’instant, c’est un projet virtuel. Mais comme l’a expliqué Romane qui envisage de poursuivre en licence professionnelle (Technique d’intervention et d’animation psychosociale auprès des publics vulnérables ou bien Coordination handicap et vieillissement), son projet est de créer un jardin thérapeutique pour y accueillir un public allant des enfants aux personnes âgées et atteints de diverses pathologies. L’endroit est même déjà trouvé sur un terrain appartenant à son père. Une idée unique en son genre en France qui me fait penser au Ability Garden de Wilmington en Caroline du Nord…On en reparlera très certainement.

 

Yves-Aubert est en 2e année de BTS au Lycée des Métiers de l’Horticulture et du Paysage de Montreuil (93). Son projet est également fortement incarné puisqu’il se base sur un terrain à proximité de la résidence pour personnes âgées Les Beaux Monts et d’une aire de jeux pour enfants dans le quartier Bel Air de Montreuil. Yves-Aubert a déjà bien avancé dans la prise de contact et l’élaboration du projet avec ses partenaires. Il s’agit de créer un jardin thérapeutique dont les ateliers répondent pile poil à l’un des axes de l’établissement : accompagner et préserver l’autonomie des personnes âgées. Conçu comme « jardin à vivre, jardin plaisir, jardin de soins ou jardin au service de l’être humain », le projet s’articule autour d’un circulation circulaire, d’une aire de repos, de bancs, d’un abri de jardin, d’un composteur, de potagers en carré dont certains accessibles aux personnes à mobilité réduite,…On a hâte de voir le projet se concrétiser. En parallèle, son professeur Joël Dommanget travaille déjà à adapter le projet d’Yves-Aubert pour le transformer en support de cours pour les futures promotions.

3ème : Hubert Proffit

Hubert est étudiant à l’Institut Charles Quentin à Pierrefonds (60). Il s’est lui aussi rapproché d’une association, La Luciole, « association familiale de soutien aux parents et aux jeunes toxicomanes. » Une maison de campagne, conçue par l’association comme un lieu de vie plutôt qu’un lieu médicalisé, est le terrain choisi pour l’élaboration de son projet. Jardin de soin au milieu d’un plus vaste terrain, le projet d’Hubert verra aussi peut-être le jour. Il me fait penser au programme de l’hortithérapeute Gene Jones dans un programme résidentiel de désintoxication en Caroline du Nord.

4ème : Perrine Di Ciaccio

Perrine est en 2e année d’un BTSA Aménagement Paysager au CFPPA Lycée des Calanques de Marseille (13), le même lycée que fréquente Milan. Elle a fait le choix original d’imaginer un jardin pour des participants souffrant d’obésité dans l’optique de l’éducation thérapeutique du patient. Elle appuie sa réflexion sur des expériences, notamment en Suisse, qui ont montré que « le jardin thérapeutique permet aux patients de gagner en motivation et en confiance en soi ». Elle pense que son jardin pourrait s’intégrer dans un établissement tel que le centre de l’obésité de l’hôpital privé Résidence du Par ou au sein de l’Unité Méditerranéenne de Nutrition à Marseille. Là encore, on ne peut qu’espérer que le projet se concrétise.

Félicitations à tous les lauréats du concours national et à tous les participants dans les concours régionaux qui, en tant qu’amoureux de la nature et futurs professionnels, ont pu découvrir une nouvelle facette du jardin. Bonne chance à eux pour la suite de leurs aventures.

Oliver Sacks, le cerveau et le jardin

En révisant mon cours de neuropsychologie cognitive et particulièrement la partie sur les aphasies et les amnésies (c’est coriace, mais passionnant), comment ne pas repenser à ces beaux récits de patients apaisés par le jardin tirés du livre L’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau d’Oliver Sacks (1933-2015)? Bien que le lien avec le jardin soit beaucoup plus ténu, je vous conseille aussi son livre Awakenings (L’Eveil en français) ou la version cinématographique avec Robin Williams et Robert de Niro.

Certains sont branchés par la biophilie. Le « truc » d’Oliver Sacks était la musicophilie, sujet d’un de ses livres et de travaux importants dans sa carrière. Voici ce qu’il écrit sur la musique:

 

« Music can lift us out of depression or move us to tears – it is a remedy, a tonic, orange juice for the ear. But for many of my neurological patients, music is even more – it can provide access, even when no medication can, to movement, to speech, to life. For them, music is not a luxury, but a necessity. »

Grâce à Buzzfeed (!!), je découvre d’autres citations d’Oliver Sacks qui parleront peut-être à certains d’entre vous. Dans celle-ci, il décrit sa conception de la neurologie, mais surtout sa perception du rapport entre le malade et sa maladie ainsi que le rapport entre le malade et son médecin.

« I always wanted to get people’s stories and access to their lives. I feel I’m at the interface of biography and biology, person and person-hood. I remember one man with Tourettes, who wrote and said that he had ‘a tourettised soul’, it affects one and one affects it—there’s a liaison of a sort. A condition is sometimes a collusion, and sometimes a compromise.

Although it’s up to me as a neurologist to diagnose the disease and to think in therapeutic terms, I always want to address the person as much as the disease, and I’m very glad my own doctor feels similarly. I’m not just a case to him, I’m a person responding to the situation. So I somehow sit between the biology and the humanist point of view. »

Et à la fin de sa vie…

« I cannot pretend I am without fear. But my predominant feeling is one of gratitude. I have loved and been loved; I have been given much and I have given something in return; I have read and traveled and thought and written. I have had an intercourse with the world, the special intercourse of writers and readers.

Above all, I have been a sentient being, a thinking animal, on this beautiful planet, and that in itself has been an enormous privilege and adventure. »