Comment les plantes ont sauvé Naim

Ce sont les participants qui ont construit la serre.

Ce sont les participants qui ont construit la serre.

En août dernier, je vous avais présenté le programme de thérapie horticole de Gene Jones au sein d’un programme résidentiel de désintoxication pour des alcooliques et des toxicomanes en Caroline du Nord. A cette époque, Gene et les participants étaient en train de construire une serre hydroponique pour se lancer dans la culture et la commercialisation de laitues. Gene espérait aussi embaucher un de ses « clients» séduit par le travail avec les plantes. Les deux projets ont bien avancé et je voulais partager quelques nouvelles.

Naim au travail dans la serre hydroponique de Recovery Ventures Corporation.

Naim au travail dans la serre hydroponique de Recovery Ventures Corporation.

Naim s’apprête à terminer le programme de désintoxication en mars. Voici ce qu’il écrit après avoir été embauché il y a quelques mois pour seconder Gene. « Je n’aurais jamais pensé que prendre soin de plantes pouvait être aussi paisible. Je n’aurais jamais pensé que planter des graines et les regarder pousser pouvait être aussi passionnant. Je n’aurais jamais pensé que voir un client apprécier nos produits serait aussi réjouissant. » Selon Gene, les participants expriment souvent le sentiment que de voir le résultat de leurs efforts du début à la fin est très motivant. Ils apprécient aussi le fait que les plantes dépendent d’eux et des soins qu’ils leur apportent.

A une époque, Naim avait failli claquer la porte du programme. C’est le travail avec les plantes qui l’avait convaincu de rester. « Tout comme nos plantes grandissent, mon éducation dans ce domaine grandit. Ce programme m’a permis de travailler avec d’autres personnes et de leur montrer les bénéfices de la thérapie horticole et comment cela peut les aider à s’en sortir. C’est pour cela que j’ai choisi de faire de l’horticulture ma carrière. » En parallèle, il suit des cours d’horticulture dans un établissement de la région pour approfondir ses connaissances.

Une dizaine de participants viennent travailler à la ferme tous les jours.

Une dizaine de participants viennent travailler à la ferme tous les jours.

Tous les jours, Gene et Naim reçoivent 10 à 12 résidents du programme qui viennent travailler à la ferme. Ce sont eux qui ont construit les serres et ils sont maintenant responsables des opérations de la serre hydroponique. Ils sèment et accompagnent la production jusqu’à la récolte et à la commercialisation auprès des clients. « Ceux que ce domaine intéresse auront des compétences professionnelles quand ils sortiront du programme », affirme Gene. La serre hydroponique permet de cultiver 6 000 têtes de laitues de trois variétés différentes ainsi que du basilic et quelques herbes. « D’ici l’automne 2013, nous projetons au moins deux autres unités pour produire des tomates et des concombres », explique Gene Jones. Le travail des résidents fournit déjà six gros restaurants locaux.L’histoire pourrait se répéter. Une jeune femme qui doit terminer le programme en septembre a exprimé l’envie de rester travailler avec Gene et Naim. On peut suivre les aventures de Gene et de son équipe sur Facebook.

Gene Jones entouré de 6 000 laitues

Gene Jones entouré de 6 000 laitues

Sept jardins collectifs de Washington racontés dans un documentaire

Cintia Cabib pendant le tournage de Community of Gardeners au Washington Youth Garden

Cintia Cabib pendant le tournage de Community of Gardeners au Washington Youth Garden

La réalisatrice indépendante Cintia Cabib a tourné Community of Gardeners pour montrer la diversité des jardins collectifs dans la capitale américaine, un centre urbain qui recèle finalement une grande richesse d’espaces consacrés au jardinage. Comme l’indique en concentré le synopsis, « le film explore le rôle vital de sept jardins collectifs de Washington, en tant que sources de nourriture saine et nutritive, d’endroits de guérison, de classes de plein air, de liens vers leur patrie pour des immigrants, de centres d’interaction sociale et d’oasis de beauté et de calme dans des quartiers du centre-ville. » Même si Washington est plus verte que New York, la majorité de la population vit en appartement et n’a pas accès à un jardin…

Une jeune élève arrose dans le jardin de la Melvin Sharpe Health School.

Une jeune élève arrose dans le jardin de la Melvin Sharpe Health School.

Bien que ni la documentariste, ni ses interlocuteurs n’utilisent souvent le terme de « thérapie », il est clair que ces jardins contribuent de multiples façons au bien-être physique, psychologique et social des jardiniers. « La femme qui dirige l’association de Fort Stevens Community Garden se bat contre le cancer. Elle dit que le jardin l’aide car elle oublie sa maladie quand elle jardine », explique Cintia Cabib. « Dans une école qui accueille des enfants handicapés, le jardin, accessible en fauteuil roulant, est une de leurs rares opportunités d’être dehors et de faire des expériences sensorielles. »

Fondé en 1971 au sein du US National Arboretum, le Washington Youth Garden est une « salle de classe vivante » pour les jeunes de la ville qui viennent y prendre des leçons sur l’environnement et l’alimentation. « Les enfants m’ont dit « Je n’avais jamais rien vu pousser ». Pour des enfants qui vivent en ville, le simple d’être dehors et de travailler dans la boue est merveilleux », raconte la réalisatrice. Pour une fratrie au passé difficile, ce jardin est même devenu un refuge. « Une famille de quatre enfants, deux garçons et deux filles, a été divisée à la mort de leur mère. Des profs qui connaissaient les enfants les ont inscrits à des programmes au Washington Youth Garden pour leur donner un endroit où se retrouver. »

Cintia LizFalk7thStreetGardenAutre jardin, autres bénéfices. « Au 7th Street Garden qui a maintenant déménagé et s’appelle le Common Good City Farm, les participants bénévoles reçoivent des fruits et légumes en échange de leur travail au lieu d’aller à une épicerie sociale chercher de la nourriture. Ils considèrent que le jardin leur redonne leur dignité. » Dans son documentaire, Cintia Cabib, une Argentine qui vit dans la région de Washington, explique l’histoire des « community gardens » aux Etats-Unis, y compris des « Victory gardens » pendant les deux dernières guerres mondiales. « En temps d’incertitude économique, cultiver sa nourriture redevient réconfortant », explique Cintia. « Les jardins collectifs ont connu des hauts et des bas. Ils étaient très à la mode dans les années 60 et 70. Chicago, New York, Philadelphie étaient à la pointe. Washington s’y est mis.  Maintenant, ils reviennent en force. On considère un jardin collectif comme tout lopin cultivé par un groupe et j’y inclus les jardins d’écoles. » La ville de Washington organise d’ailleurs depuis plusieurs années Rooting DC, une journée pratique sur le thème du jardinage urbain.

Community of Gardeners est sorti en 2011, « juste au bon moment » comme le reconnaît Cintia. Elle se rend à de nombreuses soirées autour du film où elle explique comment lancer un jardin collectif. Parfois, des personnes interviewées dans le film viennent parler avec elle.  Le film a également été diffusé sur des stations de télévision PBS, la chaine publique américaine, et dans de nombreuses écoles. « J’espère inspirer des gens à créer des jardins collectifs. A Washington, il y a encore des coins qui sont des déserts alimentaires (food deserts). La question de l’alimentation et de l’obésité sont des questions de société », explique Cintia.  Quand on parle de lutte contre l’obésité, impossible de ne pas mentionner la jardinière la plus connue de Washington, Michelle Obama dont j’avais décrit le jardin il y a quelques mois.

Dans ces cartons, Cintia a d’autres projets liés à ce thème. « Je veux tourner des vidéos plus courtes sur des sujets comme la possibilité d’utiliser les « food stamps » (le programme d’aide alimentaire américain qui a explosé à cause de la crise avec 47,1 millions de bénéficiaires, soit près de 20% de la population, NDRL) dans les marchés fermiers. Il y aussi des « truck farm », des programmes d’éducation qui installent une ferme dans un camion et se déplacent dans les écoles. » La matière et l’enthousiasme ne manquent pas.

Regardez la bande annonce de Community of Gardeners.

Les formations à la thérapie horticole aux Etats-Unis : 60 ans de recul

Aux Etats-Unis, la “horticulture therapy” fleurit depuis une soixantaine d’années. En 1951, Alice Burlingame introduit le premier programme de thérapie horticole à l’hôpital universitaire de Michigan State auprès d’une population de personnes âgées et dès 1955 Michigan State University délivre le premier master en thérapie horticole. Cette pionnière est très tôt persuadée que la thérapie horticole est une profession à part entière qui a besoin de formations dédiées. Elle écrit d’ailleurs le premier manuel, Therapy Through Horticulture, en 1960.

Capture d’écran 2013-01-11 à 14.20.07En 1971, Kansas State University développe un programme sanctionné par l’équivalent d’une licence (bachelors degree) en thérapie horticole en mêlant une formation en horticulture et en psychologie. Les thérapeutes horticoles travaillent avec des patients aux diagnostics divers (crise cardiaque, traumatisme crânien, dépression, troubles mentaux ou du développement, addictions,…). En collaboration avec le reste de l’équipe soignante, ils mettent en place des programmes visant à améliorer la vie de leurs patients grâce au travail avec les plantes. En 1972, la profession s’organise en association qui deviendra l’actuelle American Horticultural Therapy Association (AHTA).

Sur le site de l’AHTA dans la rubrique Education, on trouve une liste de tous les programmes existants, depuis les programmes universitaires jusqu’à des programmes accrédités ou non par l’AHTA et des cours en ligne. Pour résumer, cinq universités délivrent des bachelors, des masters et/ou des doctorats (Colorado State, Kansas State, Oregon State, Rutgers et Texas A & M) tandis que d’autres institutions délivrent un diplôme court et souvent disponible en formation continu, accrédité par l’AHTA (Delaware Valley College, HT Institute, Kansas State, Legacy Health, Minnesota Landscape Arboretum, New York Botanical Garden et Temple University). Il faut avoir suivi avec succès certains cours bien définis en horticulture, en sciences sociales et en thérapie horticole avant d’effectuer 480 heures de stage supervisé.

L’AHTA a récemment annoncé que les critères pour les « certificates » accrédités par ses soins allaient changer en 2013. Ce sont surtout les cours nécessaires qui évoluent. Ce changement, qui survient après des modifications plus importantes en 2008, a provoqué une levée de boucliers parmi des étudiants en bout de parcours. « L’intention est bonne », explique une actrice américaine de la formation en thérapie horticole. « On se dirige vers un examen des compétences comme cela existe dans la thérapie par la musique et par l’art. C’est important pour que les thérapeutes horticoles soient reconnus, embauchés et payés par les assurances. »

Même si les Etats-Unis sont à des années-lumière de la France sur le plan de la formation, on constate que le sujet fait l’objet de controverses et de débats aux Etats-Unis aussi.

Formation « Le Jardin de soin et de santé » : 9-11 avril à Chaumont-sur-Loire

Certains lecteurs du Bonheur est dans le jardin me demandent régulièrement où se former à la thérapie horticole en France. Le sujet de la formation est vaste et ne sera pas résolu de si tôt. Par contre, la prochaine session de l’atelier « Le Jardin de soin et de santé », elle, est programmée pour les 9, 10 et 11 avril au domaine de Chaumont-sur-Loire. Pour tous ceux qui veulent apprendre comment concevoir un projet de jardin de soin, le financer, le réaliser et l’animer dans la durée, je conseille très vivement cet atelier mené par Anne et Jean-Paul Ribes, deux pionniers français qui se complètent à merveille.

Infirmière jardiniste et auteur de Toucher la terre : Jardiner avec ceux qui souffrent, Anne a de nombreux jardins de soin à son actif et cette vaste expérience alimente bien sûr l’atelier. Jean-Paul apporte un cadre théorique aux nombreux exemples pratiques. Ils ont eu la bonne idée de s’entourer d’intervenants qui apportent d’autres éclairages : Sébastien Guéret de Formavert est jardinier et animateur de formations, Stéphane Lanel raconte l’expérience du Jardin d’Epi Cure et Dominique Marboeuf fait rêver tous ceux auxquels il décrit les espaces verts du centre hospitalier Mazurelle. Une dream team qui rend cette formation extrêmement vivante et riche.

J’en parle en connaissance de cause, ayant eu le grand plaisir de participer à la première édition de cet atelier à l’automne 2012. Une expérience que j’ai décrite dans ce billet à chaud et dont j’ai raconté les enseignements dans cet autre billet. Une expérience à ne pas rater pour ceux qui s’intéressent à cette discipline à la fois ancienne et neuve et qui ont envie de participer pendant trois jours à des échanges très riches avec des pionniers et d’autres participants qui s’interrogent comme eux sur cette pratique. Très honnêtement, je suis un peu jalouse de tous ceux qui auront la chance d’assister à cet atelier printanier (Chaumont au printemps !), tant je garde un bon souvenir de ces trois jours.

Pour la description complète et les modalités d’inscription, il suffit de suivre le lien vers la brochure de l’atelier. Pour toute question, Hervé Bertrix, responsable de la formation à Chaumont, est joignable au 02 54 20 99 07 et sur formation@domaine-chaumont.fr.