Le Bonheur est dans le jardin fête ses 10 ans

 

Où sont-elles passées, ces 10 années ? Je vous les raconte à travers quelques billets qui ont jalonné mes explorations aux Etats-Unis, en France et ailleurs à la recherche d’expériences de la nature qui soigne. 267 billets en 10 ans et une masse d’informations qui restent à votre disposition si vous aimez fouiller un peu. N’hésitez pas à utiliser l’outil de recherche et voyez ce qui se cache dans les profondeurs du Bonheur. 

En préparant cette rétrospective, je me rends compte de tous les échanges et les rencontres que le blog a générés pour moi et parfois entre les lecteurs. C’est à cela qu’il sert.

Suzanne Redell dans un oasis de verdure avec une patiente du Cordilleras Mental Health Center (Californie).

2012, les débuts dans l’enthousiasme

En mai 2012, j’explique dans le premier billet pourquoi je lance Le bonheur est dans le jardin. J’habitais alors à Berkeley en Californie, mais le retour à Paris était programmé pour l’automne. Mon objectif était de parler de projets d’hortithérapie, de partager des exemples, d’inspirer. Déjà, j’évoquais la soif de nature et de connexion avec la terre des citadins, thème qui a pris de l’ampleur depuis 2012 et encore plus depuis 2020.

Depuis la Californie, j’avais échangé avec Anne et Jean-Paul Ribes de Belles Plantes ainsi qu’avec Anne Chahine de Jardins & Santé. Lien entre la France et les Etats-Unis, j’avais aussi « recruté » Rebecca Haller, ancienne présidente de l’American Horticultural Therapy Institute, pour le Symposium de Jardins & Santé en novembre 2012. A travers le blog, commençait à se jouer un rôle d’intermédiaire.

Avant de rentrer en France, je m’en donnais à cœur joie en racontant des expériences américaines, en pédopsychiatrie à Cincinnatidans un hôpital gérontologique à Atlanta ou encore de jardin en soins palliatifs en Caroline du Nord. Les soins palliatifs déjà – comme un clin d’œil à aujourd’hui où me voici psychologue dans une équipe mobile de soins palliatifs. A l’époque, j’abordais tous ces sujets sans aucune connaissance de soignante et seulement une courte formation en hortithérapie. Avec un enthousiasme sans doute un peu naïf. Pendant quatre ans, Le bonheur a été publié une fois, voire deux fois, par semaine ! Avant de devenir mensuel lorsque j’ai commencé un master de psychologie à Paris Nanterre. Merci Carole Nahon pour la suggestion de réduire la fréquence, car j’ai bien failli arrêter à ce moment-là devant la somme de travail.

En 2012 toujours,  premier passage au Centre de Formation de Chaumont-sur-Loire comme stagiaire lors de l’une de toutes premières formations aux jardins de soin et rencontre avec quelques personnes clés : Hervé Bertrix, Sébastien Guéret, Stéphane Lanel,  Paule Lebay, Dominique Marboeuf, « les » Ribes,…

Anne Ribes et Suzanne Redell discutent dans le jardin à la Pitié Salpétrière en 2013.

2013, un pied en France, un pied aux Etats-Unis

Je suis en France, mais mes attaches américaines sont encore très fortes (jardin dans des quartiers défavorisés à Portlandoù j’ai vécu plusieurs années, hortithérapie et violences sexuelles, rencontre avec Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur new-yorkais,…). Petit à petit, le centre de gravité se déplace en France (Anne Ribes à la Pitié-Salpétrièrele Jardin d’Olt comme remède contre l’enfermement dans un Ehpad ou un atelier d’horticulture dans un IME). Toujours comme pont entre les deux pays, je commence à décliner le Bonheur en anglais pour alimenter le blog On the Ground du Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller et Christine Capra où j’ai été formée en 2010-2011.

Les animateurs du projet de jardin partagé au CH Georges Daumezon (Loiret) dont Anne Babin (à gauche en tablier vert) et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

2014 fourmille de rencontres

Cette année-là, je commence à participer au jury du prix de la Fondation Truffaut qui récompense pendant plusieurs années, sous différentes formes, des jardins thérapeutiques, d’insertion et sociaux. Ce sera au fil du temps l’occasion de belles rencontres comme celle de Romane Glotain. Elle deviendra une régulière du blog à qui je passerai la plume plusieurs fois. Tout comme Nicole Brès qui écrira plusieurs billets au décours de ses voyages. Je fais aussi la connaissance de France Criou autour du Jardin de l’Armillaire qu’elle a contribué à créer au CHU de Nice. Je m’essaie pour la première fois à la vidéo avec une visite filmée du jardin de l’Ephad d’Onzain en compagnie de Paule Lebay. Ayant convaincu le magazine Le Lien Horticole de publier des articles sur les jardins thérapeutiques, je visite entre autres Dominique Marboeuf au CH Mazurelle à La Roche-sur-Yon. 2014 est aussi l’année où Tamara Singh, hortithérapeute certifiée aux Etats-Unis, débarque en France.

Un des cinq jardins au Legacy Emanuel Medical Center à Portland (Oregon, Etats-Unis).

2015, de la terreur à l’amour du vivant

L’année commence dans la douleur avec les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher et je publie les réflexions de Sébastien Guéret, amoureux des jardins coincé au Japon que j’avais déjà présenté quelques mois plus tôt. Je continue la pratique de passer la plume à d’autres, comme ici pour parler de jardins et de soins palliatifs à la maison médicale Jeanne Garnier. L’Amérique du nord reste un terrain d’aventure fréquent (Une hortithérapeute à temps plein au Mental Health Center à Denverla formation à l’hortithérapie aux New York Botanical Gardens by Tamara Singh, la rencontre avec Jeannine Lafrenière de la Fondation Oublie pour un instant au Canada,…). Je me balade aussi en Belgique où je risque de rester coincée dans un hôpital pour le weekend pour cause de grève des transports. J’évoque pour la première fois l’écothérapie ainsi que la biophilie et E.O. Wilson, ce chercheur iconique qui vient de nous quitter il y a quelques jours. 

Les Jardins de l’Humanité dans la brume

2016, rythme de croisière

Je propose une de mes premières « revues de la littérature » sur les études démontrant les bienfaits de la nature sur la santé mentale. En 2016, visite en chair et en os à Castelnaudary chez John Riddel au Jardin des Vents. Pas moins de 4 billets pour décrire ce projet qui aura pris 10 ans de travail acharné pour se concrétiser et qui rassemble plusieurs établissements. C’est le grand plaisir d’écrire un blog pour une pigiste habituée aux contraintes imposées par des rédac chef : ici, je fais ce que je veux. De même, je consacre une série de quatre billets au grand sujet du financement. Je mets aussi en avant des travaux d’étudiants de différentes disciplines qui ont pris le jardin thérapeutique comme objet d’étude, comme le travail d’Arnaud Kowalczyk en master Promotion et Gestion de la Santé à Tours (et en passant en train par Saint-Pierre-des-Corps, je lui prête un jour le livre de Clare Marcus Cooper sur le quai de la gare). Je reviens à la vidéo pour présenter Laure Bentze et Stéphanie Personne de Ter’Happy, mais c’est à distance que j’interviewe Estelle Alquier des Jardins de l’Humanité dans les Landes. 

Curiosité partagée : le Jardin de Bonne à Paris, le jardin partagé de mon quartier qui rapproche les habitants.

2017, les frémissements d’une future fédération

En 2017, un certain Jérôme Pellissier m’appelle pour boire un café au Père Tranquille à Paris : il va publier un livre (enfin) en français sur l’hortithérapie et les jardins thérapeutiques. Alléluia ! 2017 est aussi une année de symposium Jardins & Santé. Comme d’habitude, j’essaie d’en rendre compte pour les absents. Ce symposium sera de manière informelle, dans un autre bar, le point de départ de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Depuis 2012, j’ai rencontré petit à petit (et présenté ici) presque tous les futurs membres-fondateurs de la « Fédé », y compris Didier Sigler du CH Théophile Roussel. Je prends aussi le temps de revenir sur des projets découverts les années précédentes, un autre luxe que permet un blog indépendant.

Le jardin de soin de Chaumont-sur-Loire, un jardin couteau suisse : pour les stagiaires des formations, pour des bénéficiaires locaux et pour le grand public qui visite le domaine.

2018, des prisons et des bains de forêt

Je suis bien ancrée en France, mais je garde toujours un œil sur les Etats-Unis, par exemple avec ce portrait de Calliope Correia, une hortithérapeute californienne et camarade de cours au Horticultural Therapy Institute, qui travaille entre autre derrière les barreaux avec beaucoup de passion. En 2018, je suis frappée par la multiplication des livres sur les bains de forêts…ce qui m’amènera directement à en écrire un autre pour les enfants et les familles l’année suivante. 

Evénement marquant cette année-là, l’ouverture d’un jardin de soin à Chaumont-sur-Loire, une satisfaction pour toute l’équipe des formateurs dont je faisais partie à l’époque et un projet mené en un temps record à la suite d’une rencontre avec la directrice des lieux. Il y a d’autres bonnes nouvelles : l’arrivée de Heidi Rotteneder, une hortithérapeute certifiée des deux côtés de l’Atlantiquela découverte qu’on peut pratiquer la psychothérapie dans la nature grâce à Beth Collier (une pratique que je commence à m’approprier à ma manière en tant que psychologue et psychothérapeute) ou encore la rencontre avec Green Link, une fondation très nature. Green Link publiera notamment cette même année un livre blanc sur les jardins en prison.

Dr. France Criou et Roger Ulrich, en marge du colloque « Des jardins pour prendre soin » à Saint-Etienne en 2019 à l’initiative de l’équipe du Jardin des Mélisses et de Dr. Romain Pommier.

2019, un livre et un colloque génial

A titre personnel, elle débute avec la publication de mon livre susnommé, Le Shinrin Yoku en famille, qui incite les familles à reconnecter avec la nature dans la lignée de Richard Louv. A titre collectif, elle se poursuit avec le premier anniversaire de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Nous communions avec la communauté hortithérapique lors d’un colloque au CHU de Saint-Etienne avec Roger Ulrich en guest star (pour expliquer l’impact de sa venue en France, je fais le parallèle avec rencontrer Mick Jagger pour un fan de rock anglais). Je parle à des « reconverties » qui ont répondu à l’appel de la nature. Nous causons dans le Jardin du Luxembourg avec une hortithérapeute péruvienneUn nouveau jardin « hors les murs » fait son apparition en Sologne, le Jardin de Vezenne. 

Une sortie des Décliques qui reconnecte les petits Franciliens avec la nature

2020, l’année des confinés

Tout avait si bien commencé. Et puis boum. Confinement acte I (Confinés dans nos corps, pas dans nos têtes), confinement acte II (Quand les confinés redécouvrent la nature, la biophilie explose), confinement acte III (Dans les jardins et la nature, les activités thérapeutiques reprennent de plus belle). Et puis encore et toujours des rencontres : Florence Gottiniaux en face à faceSabrina Serres au téléphone,…

Un jardin à visée thérapeutique à la Clinique de l’Anjou à Angers pour améliorer la qualité de vie des patientes en oncologie

2021, l’année de la formation

2021 explose d’actualité autour de la formation, les trois premiers jardiniers médiateurs et l’annonce d’un DU Santé et Jardins, notamment. Romane Glotain a fait le Tour de France des jardins thérapeutiques. On est parti en Angleterre avec Sue Stuart-Smith pour son excellent livre L’Equilibre du jardinier, en Italie avec Ania Balducci qui lance une formation universitaire à l’hortithérapie et au Kurdistan avec Tamara et Heidi.

Et en 2022 ? Et bien justement, j’ai envie de continuer sur cette lancée hors des frontières. En 2022, le Bonheur va se balader dans le monde entier. La suite en février…Merci de votre fidélité. N’hésitez pas à commenter ou à me donner des pistes de sujets à l’étranger.

Trois professionnelles de la santé mentale s’allient à la nature

Pour conclure 2021, la parole à trois femmes croisées électroniquement ou dans la vraie vie et dont j’avais envie d’avoir des nouvelles. Je leur ai demandé où en étaient leurs projets autour du jardin et de la nature et je partage avec vous leurs réponses. Merci à elles.

Stéphanie Martin : psychologue, elle consulte dans la nature

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux médiations autour du jardin/de la nature?

J’ai exercé  en tant que psychologue clinicienne pendant une dizaine d’années au sein d’établissements médico-sociaux, accueillant des personnes porteuses de handicap. Ces dernières années ma pratique a énormément évolué,  à travers mes besoins propres et auxquels j’ai trouvé un écho auprès de mes patients. Je me suis d’abord formée à la florithérapie, c’est-à-dire aux fleurs de Bach. J’ai découvert un autre univers à travers cet outil, et la puissance de la connexion avec les fleurs m’a amenée à me questionner différemment. J’ai commencé à proposer les fleurs de Bach aux patients que je suivais en institution, et j’ai pu observer des résultats incroyables. Il m’est ensuite apparu comme une évidence qu’il fallait aller plus loin, et j’ai très fortement ressenti le manque de connexion à la nature dont de nombreux patients souffraient. Cela m’est venu en observant le décalage qu’il pouvait y avoir entre les attentes et représentations de mes patients et la réalité du temps qui passe, des saisons, et du temps nécessaire à la maturation psychique. Lorsque l’on mettait en lien par exemple la saisonnalité avec le temps psychique, d’autres perspectives apparaissaient. En fait, une grande partie de mes patients vivaient en foyer d’hébergement, dans un bâtiment situé sur le même lieu que leur lieu de travail (ESAT). Ils passaient d’un bâtiment à l’autre, et en dehors des sorties organisées avec le foyer ou les associations partenaires, ils n’étaient que très peu en lien avec la nature.

J’ai alors commencé à proposer des consultations à l’extérieur, en marchant, notamment à une patiente pour qui je sentais au plus profond de moi que c’était cela dont elle avait besoin. Nous sommes allées dans un petit bois tout proche de l’établissement, et c’est comme si le contact avec la nature, avec les feuilles au sol, avec les couleurs, la luminosité, la reconnectait peu à peu à la vie. J’ai vu son niveau d’anxiété baisser drastiquement au cours de cette courte consultation, et je l’ai sentie s’apaiser au fil de la balade.

Suite à cela j’ai commencé à imaginer un espace thérapeutique en institution, sous forme de jardin. Un espace préservé, pensé pour et avec les patients, où l’on pourrait à la fois proposer des consultations, des groupes thérapeutiques, des temps de méditation, etc…, et à la fois laisser un accès libre afin que chacun puisse s’approprier cet oasis. J’ai alors commencé à faire des recherches en ce sens et j’ai découvert qu’il existait d’autres lieux comme celui que j’imaginais. Malheureusement la conjecture du moment n’a pas permis à ce projet de voir le jour.

De mon côté j’ai ensuite quitté le milieu médico-social avec lequel je me sentais de plus en plus en décalage pour m’installer en libéral, avec toujours en tête cette idée de jardinage thérapeutique.

Quelle est votre implication actuelle ?

Actuellement, je viens d’ouvrir mon cabinet de psychologue clinicienne et psychothérapeute en ville. Je n’ai pas pu trouver un lieu d’exercice qui me permettait d’avoir un jardin thérapeutique sur place, mais j’ai trouvé un cabinet avec une immense baie vitrée donnant directement sur un bel espace de verdure, avec en fond d’un côté les montagnes et de l’autre le lac du Bourget. Cela a été mon compromis pour finalement avoir quand même la nature au sein du cabinet !

Je reçois les patients (enfants, adolescents, adultes) au cabinet, où je leur propose différents outils pour accompagner la psychothérapie. Je travaille toujours avec les fleurs de Bach comme alliées du travail psychique. Et surtout, je propose également des consultations à l’extérieur, en milieu naturel. J’ai la chance de travailler dans un cadre exceptionnel, où les espaces naturels sont proches et accessibles (bords de lac, forêt, jardin vagabond…), alors je m’en saisis pour accompagner mes patients.

Je continue également d’accompagner des personnes en situation de handicap, ce qui a été ma spécialité pendant de nombreuses années. J’utilise différents moyens de communication et de support thérapeutique afin de m’adapter aux spécificités de chacun. Nous mettons aussi en place ensemble des outils qui permettent de transposer dans la vie quotidienne ce qui est travaillé en séance.

Enfin je suis en train de me former en phytothérapie et aromathérapie afin de compléter ma palette thérapeutique et de proposer un accompagnement plus global de chaque personne.

Quels sont les projets que vous souhaitez entreprendre dans ce domaine?

D’ici quelques temps je vais également proposer des groupes thérapeutiques au jardin, en partenariat avec une maraîchère permacultrice. Nous attendons le printemps pour que la saison soit plus appropriée, et aussi que ma patientèle soit plus développée afin de construire un projet solide.

J’ai pas mal d’idées qui bouillonnent dans ma tête, des envies de partenariats avec d’autres professionnels, des envies de formation… mais j’essaie de me raisonner et de ne pas tout attaquer en même temps ! Moi aussi j’apprends à me reconnecter à la saisonnalité, et au temps réel de la vie !

Pour en savoir plus sur Stéphanie, vous pouvez visiter son site.

Marion de Lamotte : infirmière, elle accompagne des patients au jardin

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux médiations autour du jardin/de la nature?

Depuis ma plus tendre enfance, la nature fait partie de mon environnement. J’ai grandi à la campagne, puis m’en suis éloignée pour me centrer sur mes études d’infirmière. 

J’exerce depuis 15 ans dans un hôpital psychiatrique en Vendée, le centre hospitalier Georges Mazurelle qui est réputé pour son parc paysager, pensé pour le bien être des patients, soignants et famille (voir le portrait de Dominique Marboeuf en 2014, son successeur est Michel Grelier). Sur les premières années, en collaboration avec l’équipe et le paysagiste de l’hôpital, j’ai monté de petits projets de jardins attenants aux unités d’hospitalisation. De petits « havres » de tranquillité pour les patients mais qui se pérennisaient rarement dans le temps, faute de moyens et car la mobilité nous amène à changer régulièrement de poste. 

En 2016, je suis arrivée sur un Hôpital de Jour pour une durée de 4 ans, structure de l’hôpital proposant des activités thérapeutiques. J’ai tout naturellement monté un groupe Jardin, avec une collègue infirmière et un groupe de 7 patients. Groupe ayant lieu tous les lundi matin. La dimension thérapeutique a pris tout son sens au travers du cadre proposé, des objectifs posés et du temps régulier mis à disposition pour la pratique mais aussi pour la régulation du projet. Le jardin a entièrement été conçu avec le groupe. Une expérience collective très riche. 

C’est vraiment sur cette période que les questions sur mon devenir professionnel se sont dessinées, que j’ai pris connaissance des savoirs théoriques et scientifiques existants et que j’ai contacté la Fédération Française Jardins Nature et Santé dont je suis devenue membre sympathisante. J’ai récemment décidé d’en devenir membre active.

En parallèle, depuis la naissance de mes enfants, j’avais eu besoin de la nature et du jardin pour me restaurer psychiquement et physiquement. J’ai donc pu expérimenter personnellement et collectivement les bienfaits de la nature. Je me suis tournée vers la permaculture qui m’a apporté une vision et une éthique proche de mes valeurs, qui m’accompagne aujourd’hui dans mon quotidien personnel et professionnel.

Quelle est votre implication actuelle ?

Depuis un an, je suis sur une autre structure de jour de ce même hôpital. Le fonctionnement est le même que sur l’hôpital de jour avec une dimension sociale approfondie du soin.

J’accompagne donc un groupe de 7 patients souffrants de pathologies psychiatriques, avec une collègue ergothérapeute, sur un jardin partagé dépendant d’une maison de quartier de la ville. Au-delà de l’aspect groupal, où se travaille déjà le lien à l’autre, se joue l’aspect sociétal, emprunt de représentations de la maladie mentale et le but est d’étayer puis autonomiser les patients dans la restauration ou la mise en place d’un lien à l’autre sécurisant. Le jardin faisant tiers dans la relation. Les autres aspects de la médiation sont également déployés à savoir la dimension physique, psychique et cognitive. 

Il y a un peu plus d’un an, je me suis formée au Jardin de soin module de base de Chaumont sur Loire, pour asseoir et formaliser des pratiques, acquérir des connaissances et surtout échanger avec des professionnels intéressés.

Quels sont les projets que vous souhaitez entreprendre dans ce domaine?

Depuis 2 ans, je réfléchis, en collaboration avec l’actuel responsable des espaces verts de l’hôpital, à un projet de jardin partagé sur l’hôpital. Un évènement que nous avons nommé « Parlons jardin » a réuni au mois de novembre les équipes et usagers intéressés par le sujet pour échanger sur les pratiques actuelles et lancer une dynamique collective et participative de réflexion. Un souhait commun, voir les premières plantations au printemps 2022.

Je suis persuadée que ce type de projet répond aux enjeux actuels. Il peut redynamiser l’institution, créer du lien entre les équipes, favoriser le bien être des patients, des soignants, des familles, créer un « ailleurs » ressource, faire des ponts avec des projets culturels et être favorable à la biodiversité et aux enjeux écologiques.

Pour ma part, après avoir argumenté, défendu le projet, rencontré des partenaires, mon avenir se dessine ailleurs. Je déménage à Angers prochainement et n’emporte pas mon statut de fonctionnaire avec moi. Je souhaite cependant continuer à œuvrer dans cette dynamique et proposer mes services aux institutions et aux particuliers ayant des problématiques de santé et voulant y répondre par l’intermédiaire du jardin. 

Pour retrouver Marion de Lamotte, voici son compte LinkedIn.

Elisabeth Cuchet Soubelet : chercheuse en reconversion, elle choisit un jardin thérapeutique comme terrain de stage

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux médiations autour du jardin/de la nature ?

De formation scientifique, j’ai fait de la recherche pendant plus de 25 ans dans l’industrie de l’imagerie médicale. Chercheuse en innovation technologique puis responsable de la recherche clinique, j’ai collaboré avec des chirurgiens du monde entier. Si ce métier m’a passionné, il impliquait aussi beaucoup de travail, de responsabilités, de voyages et de stress. J’ai essayé la méditation pour réduire ce stress, mais c’est une pratique que je trouve difficile. Par contre, j’ai crée il y a 3 ans un petit jardin sur le toit de mon garage en banlieue parisienne, qui est rapidement devenu mon lieu « ressource » : je me suis rendu compte que quelques minutes passées les mains dans la terre ou à regarder les insectes butiner me permettaient de m’apaiser. 

Il y a quelques mois, j’ai vécu une période difficile, entre le rachat de mon entreprise et des difficultés personnelles. J’ai alors décidé de partir « changer d’air » quelques jours en me formant à la permaculture dans la Drôme, à l’université des Alvéoles.  Ce stage a été pour moi une révélation : j’ai découvert que la permaculture ne touche pas seulement au végétal mais aussi à l’humain ! Cette approche écosystémique bienveillante où l’humain retrouve toute sa place au sein de la nature, qui allie des connaissances scientifiques très poussées mais laisse aussi une grande part à l’expérimentation du travail de la terre, m’a permis de me ressourcer et de me remettre en marche. Ce temps passé au plus près de la nature a été pour moi une véritable thérapie : en seulement une semaine, j’avais retrouvé l’envie de faire des projets et de me projeter dans l’avenir. 

Au retour de ce stage, à 53 ans, j’ai quitté mon travail et je me suis inscrite à l’université, en master de psychologie, avec l’idée d’explorer le pouvoir thérapeutique de la nature. J’ai alors découvert la littérature scientifique déjà très importante sur ce sujet, et trouvé de nombreux contacts grâce à la Fédération Française Jardins Nature et Santé. 

Quelle est votre implication actuelle ? 

Grâce à la FFJNS, j’ai pris contact avec l’hôpital Cognac Jay où je suis actuellement en stage de M1 de psychologie en service nutrition et obésité. Cet hôpital a été rénové en 2006 par l’architecte Japonais Toyo, autour d’un magnifique jardin. Anne Surdon, médiatrice en jardin thérapeutique, y organisait des ateliers thérapeutiques jusqu’à l’arrivée de la pandémie de COVID 19.  Anne avait envie depuis quelques mois de proposer à nouveau ces ateliers, et mon souhait de mener un projet de recherche sur les effets thérapeutiques du jardin pour les patients souffrants d’obésité a motivé toute l’équipe à redémarrer cet atelier. Je suis encore en phase de définition de mon projet de recherche, mais j’ai déjà observé lors du premier atelier combien les patients étaient fiers de ce qu’ils avaient pu réaliser au jardin !

Quels sont les projets que vous souhaitez entreprendre dans ce domaine?

Je souhaite dans deux ans exercer en tant que psychologue clinicienne, en tant que soignante, et utiliser la nature comme médiation thérapeutique dans ma pratique. Je reste cependant passionnée de recherche clinique, et j’aimerais donc pouvoir continuer à mener des recherches sur la valeur thérapeutique de la nature, en particulier pour des patients souffrant de psychopathologies sévères. 

Pour retrouver Elisabeth Cuchet Soubelet, voici son compte LinkedIn.

Bon courage à toutes les trois ! Bonne fin d’année à vous toutes et tous.

A Chaumont-sur-Loire, un jardin de soin dédié à la formation

Déclaration : je précise que, depuis septembre 2017, je fais partie de l’équipe de formateurs qui intervient dans les formations courtes de Chaumont-sur-Loire sur la thématique des jardins de soin et de santé. Je ne suis pas impartiale sur le sujet.

L’idée couvait depuis un moment. En septembre 2017, le directeur du centre de formation  de Chaumont, Hervé Bertrix, et une bonne partie de l’équipe de formateurs intervenant dans les modules sur les jardins de soin rencontrent Chantal Colleu-Dumond, la directrice du Domaine de Chaumont-sur-Loire. Objectif, discuter du triple intérêt pour le domaine de se doter de son propre jardin de soin : terrain d’application pour la centaine de stagiaires concernés tous les ans, outil de sensibilisation pour le grand public (plus de 400 000 visiteurs par an!) et jardin d’accueil pour des établissements de soin de la région. Avec son feu vert et le déblocage d’un budget, les concepteurs de l’équipe – Dominique Marboeuf et Florence Gottiniaux – se mettent immédiatement au travail. Très rapidement, un plan est validé et au printemps 2018 les travaux commencent. Au coeur du domaine (à deux pas de l’extraordinaire potager), le jardin de soin a accueilli les premiers stagiaires en mai, stagiaires du module de base, puis stagiaires d’une formation à l’animation. Ce fut un sacré tour de force de mener le projet à terme en si peu de temps, avec la participation active d’Hervé Bertrix et de Paule Lebay pour chouchouter le jardin, arroser les plantes ou dissuader les chevreuils. Le jardin est en partie financé par la Matmut.

A ma connaissance, une formation dotée d’un jardin de soin est une première en France avec un seul précédent en Europe (en Suède). Quant aux Etats-Unis, de rares formations comme celle du Chicago Botanic Gardens ont des jardins d’application sur place. Je vous invite à découvrir le jardin de soin de Chaumont-sur-Loire en vidéo avec Hervé Bertrix et Florence Gottiniaux.

 

 

 

 

 

 

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Eloge d’un jardinier : Dominique Marboeuf et le centre hospitalier Mazurelle

IB Dominique Marboeuf 5Cette semaine, je partage cet article écrit pour Le Lien Horticole (l’hebdo des professionnels de l’horticulture ornementale qui s’intéresse au sujet de l’hortithérapie). J’ai eu le plaisir d’aller rendre visite à Dominique Marboeuf « chez lui » au centre hospitalier Georges Mazurelle à la Roche-sur-Yon où il officie depuis presque 40 ans. Depuis notre première rencontre en octobre 2012 à Chaumont-sur-Loire, l’objectif était d’aller voir sur place comment Dominique a transformé le parc pour qu’il contribue au bien-être des patients. A la fin de l’année, Dominique prendra sa retraite et passera le flambeau à l’un de ses collaborateurs, Michel Grelier. Eloge d’un jardinier modeste.

Cliquez sur le lien : Le Lien Horticole 27 août 2014

Formation « Le Jardin de soin et de santé » : 9-11 avril à Chaumont-sur-Loire

Certains lecteurs du Bonheur est dans le jardin me demandent régulièrement où se former à la thérapie horticole en France. Le sujet de la formation est vaste et ne sera pas résolu de si tôt. Par contre, la prochaine session de l’atelier « Le Jardin de soin et de santé », elle, est programmée pour les 9, 10 et 11 avril au domaine de Chaumont-sur-Loire. Pour tous ceux qui veulent apprendre comment concevoir un projet de jardin de soin, le financer, le réaliser et l’animer dans la durée, je conseille très vivement cet atelier mené par Anne et Jean-Paul Ribes, deux pionniers français qui se complètent à merveille.

Infirmière jardiniste et auteur de Toucher la terre : Jardiner avec ceux qui souffrent, Anne a de nombreux jardins de soin à son actif et cette vaste expérience alimente bien sûr l’atelier. Jean-Paul apporte un cadre théorique aux nombreux exemples pratiques. Ils ont eu la bonne idée de s’entourer d’intervenants qui apportent d’autres éclairages : Sébastien Guéret de Formavert est jardinier et animateur de formations, Stéphane Lanel raconte l’expérience du Jardin d’Epi Cure et Dominique Marboeuf fait rêver tous ceux auxquels il décrit les espaces verts du centre hospitalier Mazurelle. Une dream team qui rend cette formation extrêmement vivante et riche.

J’en parle en connaissance de cause, ayant eu le grand plaisir de participer à la première édition de cet atelier à l’automne 2012. Une expérience que j’ai décrite dans ce billet à chaud et dont j’ai raconté les enseignements dans cet autre billet. Une expérience à ne pas rater pour ceux qui s’intéressent à cette discipline à la fois ancienne et neuve et qui ont envie de participer pendant trois jours à des échanges très riches avec des pionniers et d’autres participants qui s’interrogent comme eux sur cette pratique. Très honnêtement, je suis un peu jalouse de tous ceux qui auront la chance d’assister à cet atelier printanier (Chaumont au printemps !), tant je garde un bon souvenir de ces trois jours.

Pour la description complète et les modalités d’inscription, il suffit de suivre le lien vers la brochure de l’atelier. Pour toute question, Hervé Bertrix, responsable de la formation à Chaumont, est joignable au 02 54 20 99 07 et sur formation@domaine-chaumont.fr.

Formation à Chaumont-sur-Loire

Le festival des jardins à Chaumont-sur-Loire

En France, les occasions de se former à la thérapie horticole sont encore très rares. En voici une en or. Les 10, 11 et 12 octobre, le Domaine de Chaumont-sur-Loire, bien connu pour son Festival des Jardins, accueillera des intervenants prestigieux pour un atelier intitulé Le Jardin de soin et de santé (comment aborder la conception d’un projet, en assurer le financement, la réalisation, l’animation et la pérennité?).

Retours d’expériences, études de cas et conseils pratiques permettront aux participants de repartir avec des clés pour lancer un programme de thérapie horticole. Les intervenants sont des pionniers en France : Anne Ribes, infirmière jardiniste à l’origine de plusieurs projets, Jean-Paul Ribes, président de l’association Belles Plantes, Sébastien Guéret de Formavert, Stéphane Lanel, animateur à la Maison des Aulnes, Michelle Tanguy, infirmière psychiatrique à l’hôpital de Landernau et Dominique Marboeuf, responsable des espaces verts au centre hospitalier G Mazurelle.

Tous les renseignements se trouvent en ligne. Il reste encore apparemment quelque place, mais il est conseillé de se renseigner par téléphone auprès d’Hervé Bertix au 02 54 20 99 22. Pour information, une seconde session est déjà prévue pour 2013. Ce sera les 9, 10 et 11 avril avec un programme enrichi des enseignements de la première session.