Hortithérapie dans le monde : les quatorze associations qui font bouger les choses

Strength in unity. L’union fait la force. La fuerza de la unión. Dans toutes les langues, on comprend l’intérêt et l’envie pour des personnes animées par une passion commune de se rassembler. C’est ce qu’ont fait des hortithérapeutes dans une bonne douzaine de pays. J’ai repris la liste publiée dans cet article, en me rendant compte que j’avais déjà évoqué la majorité de ces associations et/ou leurs fondateurs et fondatrices depuis 10 ans. Petit tour d’horizon en commençant par la plus ancienne de ces associations.

  1. American Horticultural Therapy Association (AHTA)

Cette année, l’AHTA fête ses 50 ans !

« Fondée en 1973, l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) est la seule organisation nationale américaine qui défend le développement de la profession d’hortithérapeute et la pratique de l’horticulture comme thérapie pour le bien-être humain. L’AHTA soutient le développement professionnel, l’éducation et l’expertise des praticiens de l’horticulture thérapeutique. Les membres sont des personnes et des organisations situées aux États-Unis et ailleurs. Nous sommes une organisation à but non lucratif (501(c)(3)) dont la mission est de promouvoir et de faire progresser la profession de l’horticulture thérapeutique en tant que modalité thérapeutique et de réadaptation. »

Accréditation professionnelle, conférences annuelles, coordination de la National Horticultural Therapy Week tous les printemps, journal scientifique et magazine, l’AHTA est incontournable. Pour son 50e anniversaire, elle innove avec une conférence virtuelle qui se tiendra les 20 et 21 octobre. Une opportunité « d’atteindre un groupe plus large d’hortithérapeutes du monde entier » et de faire un bilan des pratiques passées, présentes et à venir. Pour répondre à l’appel à communications, c’est par ici (deadline le 21 avril).

Des réseaux régionaux pour favoriser la proximité

Dans un pays aussi vaste que les Etats-Unis, l’envie de se regrouper au sein d’entités régionales s’est naturellement fait sentir. C’est ce que nous expliquait Beth Carter dans ce billet de 2014. Elle faisait partie du Carolinas Horticultural Therapy Network, un groupe d’hortithérapeutes de Caroline du Nord et du Sud créé en marge du American Horticultural Therapy Association dont les règles pour établir un chapitre local leur semblaient trop lourdes. « Nous nous rencontrons deux fois par an pour échanger des idées. L’un de nous accueille la réunion pour le weekend sur notre lieu de travail. Il y a toujours une ou deux présentations », expliquait Beth il y a 9 ans déjà. Souvent isolés au quotidien, les hortithérapeutes aiment se rencontrer et partager.

Au départ, se sont créées des branches régionales de l’AHTA. Par mesure de réduction des coûts, l’AHTA a ensuite dissous l’affiliation des branches, obligeant les membres des branches à développer un système de réseau. Cela s’est produit il y a plus de 15 ans et a tendu les relations entre l’AHTA et les réseaux régionaux.

Aujourd’hui, il existe huit réseaux régions reconnus par l’AHTA, mais opérant de manière indépendante. L’AHTA s’efforce actuellement de renforcer ses relations avec les réseaux, car de nombreux membres de ces derniers ne sont pas membres de l’AHTA. Or, cette dernière aimerait attirer plus de membres. Actuellement, l’AHTA organise des «  community meetings » où tous sont invités, membres de l’AHTA et toute personne intéressée par l’hortithérapie.

Si je vous raconte ces « travails » (un mot utilisé en anglais pour décrire une situation ardue), c’est pour montrer que partout où des personnes se rassemblent autour d’un intérêt commun, de belles choses se produisent. Mais ce serait naïf de passer sous silence les tensions organisationnelles et relationnelles qui compliquent souvent la tâche. Si on reste au-dessus de la mêlée, il est évident que, dans leur grande majorité, les personnes impliquées cherchent à faire avancer la reconnaissance de l’hortithérapie du mieux qu’elles peuvent. Mais voilà parfois, les être humains s’engluent.

L’exemple du North East Horticultural Therapy Network

Le North East Horticultural Therapy Network, NEHTN, est l’un des plus anciens réseaux des États-Unis. Colleen Griffin que vous aviez rencontrée dans ce billet l’année dernière (et que je vais avoir le plaisir de rencontrer en personne en France ce mois-ci !) raconte. « Notre région couvre la Nouvelle-Angleterre, l’État de New York et le sud-est de la Pennsylvanie. Une région assez vaste, en effet ! La région du NEHTN chevauche celle de notre réseau voisin, le Mid-Atlantic Horticultural Therapy Network ou MAHTN. Les deux réseaux collaborent souvent et de nombreux membres de chaque réseau participent aux événements des deux réseaux. C’est une relation très agréable à entretenir ! »

Quel est l’attrait de rejoindre un réseau régional ? « Je pense que les réseaux régionaux sont attrayants pour de nombreux non-membres de l’AHTA car les frais d’adhésion aux réseaux régionaux sont très abordables et offrent des avantages comparables. Comme les réseaux sont situés plus près de nos membres, l’ambiance est plus conviviale que dans une grande organisation nationale. Avant le COVID, les réseaux régionaux proposaient des rassemblements fréquents et facilement accessibles. Il s’agissait d’événements très abordables qui offraient une merveilleuse connexion sociale.  Et maintenant que nous semblons sortir de la pandémie, les rencontres en personne se multiplient. Il est intéressant de participer à un rassemblement relativement restreint avec des collègues de la Nouvelle-Angleterre plutôt que de traverser le pays pour assister à un rassemblement à l’échelle nationale. »

  • Canadian Horticultural Therapy Association (CHTA)

La CHTA présente beaucoup de similarités avec son voisin américain.

« L’Association canadienne d’horticulture thérapeutique est l’organisation professionnelle des praticiens de l’horticulture thérapeutique (HT) au Canada. Nous fournissons un processus d’inscription professionnelle volontaire pour les professionnels de l’HT et nous offrons des adhésions (étudiante, individuelle et d’entreprise/institutionnelle) pour toute personne intéressée à soutenir notre mission et à rester au courant des dernières nouvelles, recherches et opportunités dans le domaine.

Fondée en 1987, la CHTA dispose d’un réseau de plus de 300 membres actifs au Canada et à l’étranger, et de plus de 3 000 adeptes sur les médias sociaux. Les membres comprennent des horticulteurs thérapeutes agréés (HTT/HTR/HTM) et des professionnels tels que des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des ludothérapeutes, des travailleurs sociaux, des infirmières, des psychologues, des architectes paysagistes et des horticulteurs, ainsi qu’un groupe diversifié de passionnés de plantes qui s’intéressent vivement aux liens entre les gens et les plantes.

Nous sommes une organisation bénévole à but non lucratif et nous fournissons des informations, un soutien et des ressources à nos membres, aux professionnels et au public sur les pratiques et les avantages de l’hortithérapie (HT) et de l’horticulture thérapeutique (TH).

Les professionnels de l’horticulture thérapeutique offrent une grande variété de services d’horticulture thérapeutique dans de nombreux contextes différents : maisons de soins infirmiers, hôpitaux et centres de réadaptation ; centres de formation professionnelle, programmes de lutte contre la toxicomanie et établissements correctionnels ; centres de jour pour adultes, communautés agricoles thérapeutiques et jardins scolaires et communautaires, pour n’en citer que quelques-uns. »

A lire, le code d’éthique de la CHTA. L’association a dans le passé accrédité des formations et elle est en train de reprendre ce chemin sous un nouveau format. Quant à l’accréditation des professionnels, il existe deux niveaux : horticultural Therapist Technician (HTT) et horticultural Therapist Registered (HTR).

J’ai malheureusement peu « exploré » le Canada depuis 10 ans, à part cette rencontre avec Jeannine Lafrenière et cette autre avec Mélanie Massonnet. Une lacune que je suis en train d’essayer de combler.

  • Korean Horticultural and Well-Being Association

Difficile de trouver des renseignements sur la Korean Horticultural and Well-Being Association. Je n’ai pas réussi à trouver un site pour cette association.

Tout juste un article en ligne datant de 2012 et expliquant : « L’hortithérapie (HT) en Corée a connu une croissance rapide au cours des 15 dernières années. L’Association coréenne d’horticulture et de bien-être a joué un rôle crucial dans le développement de l’HT coréenne. L’Association coréenne d’horticulture et de bien-être propose quatre niveaux de certification en HT, à savoir l’HT avancée, l’HT niveau 1, l’HT niveau 2 et l’horticulture de bien-être. À l’heure actuelle, le nombre d’horticulteurs qualifiés s’élève à environ 2 000 et l’HT est proposé à environ 1 700 établissements tels que des organismes d’aide sociale, des centres de réinsertion professionnelle, des hôpitaux, des centres de santé publique, des écoles, etc. pour diverses personnes. La pratique de l’HT comprend quatre phases : le diagnostic et la préparation, la planification, la mise en œuvre et l’évaluation. Actuellement, des efforts sont en cours pour obtenir des certifications d’État pour les HT et pour assurer une couverture d’assurance médicale. »


Et un autre de 2021 se concentrant sur la formation : « Cette étude rend compte des perspectives d’emploi des hortithérapeutes coréens et de la nécessité de reconnaître l’horticulture thérapeutique comme une spécialisation des professionnels des services de bien-être en Corée du Sud. À ce jour, malgré la qualification privée d’horticulteur de bien-être proposée par l’Association coréenne d’horticulture et de bien-être (KHTA), il n’existe toujours pas de cadre national de qualification pour l’horticulture thérapeutique en Corée du Sud, ni de lois régissant cette profession. En 2008, la première qualification privée dans le domaine de l’horticulture thérapeutique a été enregistrée auprès de l’Institut coréen de développement des compétences professionnelles (KVCDI) (qualification n° 2008-0243). En décembre 2020, 5 560 stagiaires avaient acquis la qualification d’hortithérapeutes de bien-être, aux niveaux de supervision, de grade enregistré 1, 2 et 3. Pour devenir un hortithérapeute de bien-être qualifié, un stagiaire doit suivre un programme de 90 heures reconnu par la KHTA, comprenant la science horticole, la thérapie horticole, la médecine connexe, le bien-être social et la psychologie de conseil. En outre, les qualifications peuvent être obtenues s’il existe un dossier d’examens écrits, de pratique clinique, de participation à des ateliers et de présentation de thèse. Nos résultats ont montré que les compétences clés des hortithérapeutes requises dans le domaine clinique étaient les capacités de conception de programmes thérapeutiques, la compréhension de l’horticulture thérapeutique et le conseil psychologique. La méthode de formation préférée pour améliorer les compétences professionnelles du stagiaire était la méthode de formation pratique, et le rôle le plus important de la KHTA attendu par les hortithérapeutes était la création d’emplois par l’octroi de qualifications reconnues au niveau national pour les horticulteurs de bien-être. »

  • Taïwan Horticultural Therapy Association

Je vous dirige vers le site de la Taïwan Horticultural Therapy Association et sa page Facebook. Sur le site de la THTA (grâce à la traduction de DeepL), on découvre plusieurs figures nationales.

Huang Sheng-ying, « forte de 32 ans d’expérience en tant que conseillère et enseignante en éducation spécialisée, est directrice exécutive de l’Association taïwanaise de thérapie horticole et thérapeute horticole senior HTM de l’Association de thérapie horticole Asie-Pacifique. Elle se consacre actuellement à la planification de plans de cours et d’activités de thérapie horticole pour différents groupes, ainsi qu’au développement et à l’innovation de matériel pédagogique. Grâce à sa riche expérience de l’enseignement et à son style de direction unique et joyeux, elle fait en sorte que chaque classe soit pleine de rires et de joie. » Elle est la coauteure de « The Green Life Healing Handbook : 100 Recipes for Gardening Healing » avec Huang Shenglin et Cai Youting.

M. Huang Shenglin est « un hortithérapeute certifié de l’université Merritt aux États-Unis en 2004 et revenu à Taïwan pour se consacrer à la fusion des principes de la pharmacologie et des méthodes de soins de santé chinoises avec les herbes indigènes pour former un système unique et pratique d’horticulture thérapeutique trois en un : agriculture, médecine et alimentation. Il est également le co-auteur de « The Green Life Healing Handbook ». »

Chia-Rong Shih D., « Université du Wisconsin-Milwaukee, Département d’architecture/Centre d’études sur le vieillissement et l’environnement, promeut l’intégration de l’hortithérapie et de la guérison par la forêt dans la conception architecturale et paysagère afin de créer des espaces de guérison intérieurs et extérieurs pour les personnes âgées, et aide à la planification d’espaces de soins verts et d’expériences extérieures pour permettre aux personnes âgées de faire l’expérience du pouvoir de guérison de la nature dans les milieux communautaires et institutionnels. »

  • Hong Kong Association of Therapeutic Horticulture

Le site de la HKATH est très riche en informations en anglais. Connie Fung Yuen Yee, qui détient le titre américain de HTR, est présidente de cette association créée en janvier 2008. En 10 ans, des cursus de formation sont apparus dans plusieurs établissements, celui de la HKATH qui suit le modèle de l’AHTA étant considéré comme le plus exigeant. HKATH s’efforce de faire reconnaître l’hortithérapie à Hong Kong avec deux axes d’action : des collaborations avec des universités, des hôpitaux et des organisations de santé pour conduire des recherches sur l’application de l’hortithérapie pour différentes populations et la sensibilisation du grand public (activités de promotion, participation dans des activités de la communauté et interviews dans les média). « Avec nos capacités disponibles, nous souhaitons également partager notre précieuse expérience avec nos homologues en Chine continentale, à Taïwan et à Macao, afin d’introduire une thérapie horticole authentique dans davantage de régions de la Grande Chine. À cette fin, nous avons déjà lancé avec succès des programmes de formation et des programmes de stages dans ces domaines au cours des dernières années », ajoute la présidente sur le site. Effectivement, la liste des membres accrédités référence des professionnels à Hong Kong, mais aussi à Taiwan et en Chine.

Connie Fung Yuen Yee, présidente de la Hong Kong Association of Therapeutic Horticulture
  • Japanese Society of People-Plant Relationship et Japanese Horticultural Therapy Association

Sur le site de la Société Japonaise pour les relations entre l’homme et les plantes, on apprend que « La recherche sur la fonction des plantes dans le confort de l’esprit commence à être considérée comme importante pour la race humaine dans sa quête d’une vie confortable. La Société est un forum de discussion où des personnes issues de nombreux domaines se réunissent pour exploiter pleinement le rôle des plantes dans la culture d’une humanité riche, avec pour mot clé la relation entre les humains et les plantes. La Société est une organisation de recherche académique coopérative du Conseil scientifique du Japon. »

Ailleurs, on lit que « On dit que le XXIe siècle est le siècle des plantes. En effet, on s’inquiète de plus en plus de la crise alimentaire provoquée par l’explosion démographique et des changements environnementaux dus au réchauffement de la planète, et l’on reconnaît aujourd’hui l’importance des plantes pour faire face à ces problèmes, qui sont liés à la survie de la race humaine. Cependant, le rôle des plantes pour nous, les humains, ne se limite pas à cette contribution physique/physique. D’un point de vue spirituel, elles ont également joué un rôle majeur dans la croissance humaine, la santé et le développement de la civilisation. »

« Actuellement, au niveau national, la Japanese Society of People-Plant Relationship se concentre sur la promotion et la facilitation de la recherche multidisciplinaire sur les relations entre les personnes et les plantes, tandis que la Japanese Horticultural Therapy Association gère le système national de qualification des horticulteurs professionnels », peut-on apprendre en ligne.

Le besoin de traduire page à page rend difficile une vue d’ensemble des activités de ces deux entités. Pour les plus curieux, n’hésitez pas à vous plonger dans le site plus en détails. Cet article que j’avais écrit en 2015 semblait indiquer que, comme dans d’autres pays asiatiques, le développement de l’hortithérapie japonaise s’est construit sur un modèle américain et avec l’AHTA comme exemple. Je vous renvoie également vers cet article de Masahiro Toyoda qui explique l’histoire de l’hortithérapie au Japon.

  • Therapeutic Horticulture Association – THA (Australie)

Le site de la Therapeutic Horticulture Association australienne est ici. Je vous oriente aussi vers cet article de janvier 2023 sur l’hortithérapie ou plutôt l’horticulture thérapeutique en Australie à travers une interview de Leigh McGaghey, vice-présidente de THA.

Sur l’utilisation de l’expression horticulture thérapeutique, elle expliquait : « C’est une question de sémantique. En Australie, vous ne pouvez pas vous appeler thérapeute à moins d’avoir des diplômes spécifiques. C’est lié au système médical gratuit, les professions médicales et paramédicales sont subventionnées. Utiliser « horticulture thérapeutique » met plus l’accent sur l’horticulture et moins sur la thérapie. Il y a un mois, il y a eu un changement. Par exemple, vu mes diplômes, je ne peux plus me dire thérapeute. Qui a fait pression pour cela ? L’association des ergothérapeutes et d’autres personnes ayant des diplômes universitaires qui voulaient préserver leurs titres. Cela n’aide pas le public d’avoir cette confusion interne et cette complexité autour de notre nom. »

  • Thrive et Trellis Scotland

Laissons l’association anglaise Thrive se présenter.

« Thrive est la principale organisation caritative du Royaume-Uni qui utilise le jardinage pour apporter des changements positifs dans la vie des personnes handicapées, malades, isolées, défavorisées ou vulnérables. C’est ce qu’on appelle l’horticulture sociale et thérapeutique (HST). 

L’horticulture sociale et thérapeutique utilise les plantes et les jardins pour améliorer la santé physique et mentale, ainsi que les capacités de communication et de réflexion. Les jardins offrent un lieu sûr et sécurisé pour développer la capacité d’une personne à se mélanger socialement, améliorer sa forme physique et acquérir des compétences pratiques qui l’aideront à être plus indépendante.

Nous inspirons et encourageons les personnes qui viennent nous voir en nous concentrant sur ce qu’elles peuvent faire, et non sur ce qu’elles ne peuvent pas faire. Nous organisons des programmes thérapeutiques dans nos jardins de Battersea Park, à Londres, de Beech Hill, à Reading, et de Birmingham. Nous nous rendons également dans des maisons de soins, des salles de village et des projets communautaires pour encourager les activités de jardinage.

Parmi nos clients figurent des personnes blessées à la suite d’un accident, des personnes souffrant de difficultés d’apprentissage ou de handicaps physiques tels que la perte de la vue ou de l’ouïe, des personnes souffrant de maladies liées à l’âge telles que les accidents vasculaires cérébraux, la démence et les problèmes cardiaques, ainsi que des jeunes ayant des difficultés sociales, émotionnelles ou comportementales et des personnes en mauvaise santé après avoir quitté les forces armées.

Thrive offre également 

  • Une variété de possibilités de formation et d’éducation allant d’ateliers d’une journée à des qualifications d’enseignement supérieur pour les professionnels et les changements de carrière potentiels.
  • Des formations sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques d’organisations ou de groupes individuels.
  • Des services de conseil spécialisés pour les organisations caritatives, statutaires et privées.
  • Journées sur la responsabilité sociale des entreprises.
  • Conférenciers pour des événements professionnels et communautaires.
  • De nombreuses possibilités de bénévolat dans nos jardins, nos bureaux et lors d’événements spéciaux de collecte de fonds. »

Vous pouvez suivre Thrive sur son site ou sur LinkedIn. Je dois avouer que je n’ai pas développé de lien avec Thrive en 10 ans (malgré cet article succinct en 2015), une autre lacune.

Par contre, je connais mieux Trellis, l’association écossaise et sa figure de proue, Fiona Thackeray « rencontrée » en 2015 et revisitée en 2022. Pour suivre cette association très dynamique, voici son site et notamment son Seminar Series qui se déroule ces jours-ci (7 et 8 mars).

  • Internationale Gesellschaft Gartentherapie – IGGT (Allemagne)

En octobre dernier, nous avions fait la connaissance d’Andreas Niepel, un hortithérapeute central en Allemagne. Depuis 2009, il est président de la Internationale Gesellschaft Gartentherapie (IGGT), la Société internationale de thérapie par le jardin qui rassemble des associations existantes. Pour le site, c’est par ici.

  1. Fédération Française Jardins Nature et Santé – FFJNS (France)

En vous promenant sur ce blog, vous retrouveriez des portraits d’une bonne partie des membres fondateurs de la Fédération Française Jardins Nature et Santé – avant même que la FFJNS ne soit créée en 2018. En tant que première présidente de cette association de 2018 à 2021, je trouve que la tâche d’en parler est difficile.  Je vous renvoie à son site et à sa page LinkedIn. Je vous encourage aussi à lire sa charte dont je reste fan plus de 5 ans après sa rédaction.

Je rappelle de manière concise ses missions :

Fédérer les acteurs du domaine

Promouvoir leurs diverses pratiques (hortithérapie, jardins thérapeutiques, écothérapies)

Se soutenir entre professionnels.

Assemblée constituante de la Fédération Française Jardins Nature et Santé
  1. Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica – AEJHST (Espagne et pays hispanophes)

Pour comprendre la genèse de l’Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica (AEHJST ou association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique) en 2018, je vous suggère cette interview de Leila Alcalde Banet que j’avais présentée comme la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine. Et voici le site de l’AEJHST.

  1. Asociación Peruana de Horticultura Terapéutica y Social (APHTS)

Voici une autre locomotive en Amérique latine : Daniela Silva-Rodríguez Bonazzi est présidente de l’Asociación Peruana de Horticultura Terapéutica y Social. Mais aussi directrice de l’Instituto de Horticultura Terapéutica dont le nom et la mission de formation évoquent beaucoup le Horticultural Therapy Institute où elle a étudié. Deux lieux pour se renseigner : en ligne et sur LinkedIn. Pour en apprendre plus sur Daniela, c’est par ici.

Le jardin de son père

Federica Cane enseigne l’hortithérapie en Italie

Federica Cane est une hortithérapeute italienne, francophone, membre de la Fédération Française Jardins Nature et Santé ainsi que de la Canadian Horticultural Therapy Association (CHTA). Dans notre tour du monde, je vous propose un arrêt à Rome à la rencontre de Federica. Pour rappel, nous avions déjà fait la connaissance d’une autre hortithérapeute italienne, Ania Balducci, en 2021.

Federica est née à Turin dans les années 1960. « La nature me vient depuis l’enfance, mais je ne le voyais pas. Nous passions tous nos étés à la campagne dans le village de ma grand-mère. Pendant trois mois, on avait une grande liberté. Nous étions une dizaine d’enfants, ruraux et citadins. On était tout le temps dehors, sur nos vieux vélos. »

Premier déclic : « L’énergie vitale de mon père vient de la terre. »

« Mon père aimait avoir les mains dans la terre. Dès le printemps, il plantait sur le balcon à Turin. Dans son potager, son jardin à la campagne, il laissait tout pousser, pour voir ce que c’était. Quant à ma mère, elle était enchantée par les fleurs. Mon père vient d’avoir 93 ans, il a semé cet été. Et en même temps, nous avons vidé la dernière maison des trois maisons que nous avons habitée dans le village, celle-ci pendant 26 ans. Son potager va être détruit par les propriétaires. Je me rends compte que c’est un peu mourir pour lui. Il y aura des conséquences. Son énergie vitale vient de la terre. »

Federica et son père l’été dernier

Deuxième déclic : « A la quarantaine, je fais le lien entre les humains et la nature »

A Turin, Federica fait des études de philo. « J’ai toujours aimé « circuler ». A 25 ans, dans le cadre de mes études, j’ai passé un an aux Etats-Unis pour finir un travail sur la valeur symbolique du langage politique. En même temps, j’étais « au pair » dans une famille. Je me suis prise d’affection pour la culture américaine dont je vois bien les limites. » Dans les années 1980 à Turin, elle découvre aussi l’approche de se taire et d’observer, qui doit beaucoup à la psychanalyste Mélanie Klein. Une sensibilité qui lui est très utile dans son travail aujourd’hui. Sa première carrière professionnelle la plonge pendant des années dans le monde du livre, en tant que libraire et bibliothécaire.

« Ca a mis longtemps à devenir évident pour moi. A Paris, j’avais un mini jardin de 20 m2. J’ai été bénévole dans un jardin partagé à Denfert-Rochereau, puis à Clamart pendant 7 ans. Avec une association, nous travaillions pour aider des adultes qui rencontraient différentes difficultés, comme les addictions ou le chômage, à se réinsérer. On mangeait ensemble et on se voyait tous les jours pendant un an. A travers une formation et l’horticulture, on pouvait les aider à se remettre sur les rails. Avant la quarantaine, je n’avais jamais fait ce lien entre les humains et le monde naturel. »

Dernier déclic : « Je découvre que le métier d’hortithérapeute existe »

« Une nuit, à 2h00 du matin, j’ai découvert un site canadien qui proposait une formation à l’hortithérapie. Hortithérapeute, c’était un métier ! Ca existait et on pouvait l’étudier. C’était en 2005. A Paris, j’avais pris contact avec Anne Ribes et j’avais été observer ce qu’elle faisait à la Pitié Salpétrière. Je me suis dit : « Je veux faire ça. » ».

En 2009, Federica suit dans un premier temps les cours d’horticulture à l’Ecole agricole du Parc de Monza, une école italienne fondée par des femmes pour les femmes dans les années 1930, ce qui la mènera à un cours d’été aux New York Botanical Gardens.

L’année suivante, à l’âge de 50 ans, elle s’engage dans une formation qui la mène à New York, « après mille hésitations » car cela suppose de laisser sa famille pendant deux mois de cours intensifs. Entre temps, Federica, son mari et leurs deux garçons quittent Paris pour s’installer à Rome. Elle n’a pas tout à fait complété sa formation. Elle la terminera finalement en 2018 et en beauté grâce à un stage au NYU Langone, un terrain de formation exceptionnel. Jugez plutôt la richesse des programmes d’hortithérapie proposés dans cet hôpital new-yorkais. « C’était un stage formidable. Il y a peu d’hôpitaux où on pratique comme cela. J’ai vu tous les services de l’hôpital, des enfants aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. J’ai beaucoup appris de Matt Wichrowski, en psychiatrie et pour l’épilepsie. A New York, je me suis aussi liée d’amitié avec Phyllis d’Amico, une femme d’origine italienne qui est responsable de la formation à l’hortithérapie aux New York Botanical Gardens. »

Aujourd’hui, enseigner et animer des ateliers

« J’ai enseigné la théorie de l’hortithérapie à l’Ecole agricole du Parc de Monza, soit une dizaine d’heures d’enseignement sur les 100 heures de cours que compte le programme. Je fais aussi l’introduction d’une formation de 30 heures à Gênes pour une coopérative agricole. C’est sur le terrain d’une association de parents de patients souffrant de troubles psychiques, avec des appartements sur place, un lieu de vie autour de l’agriculture sociale. »

« A Rome, je conçois et anime des activités pour des enfants et des jeunes adultes avec Happy Time. C’est une association fondée par un groupe de parents dont les enfants sont fragiles (autisme, vulnérabilité psychique de différentes natures). Nous proposons des activités à deux groupes de jeunes et une fois par mois aux parents et à leurs amis. C’est ma plus longue collaboration à ce jour, quatre ans malgré le Covid. Par contre le Covid a arrêté un programme que j’animais à la prison pour femmes de Rebibbia à Rome. »

« La base de notre métier est de nous regarder nous-mêmes dans l’esprit du psychologue américain Carl Rogers. Observer nos motivations, nos émotions, faire silence malgré l’angoisse du vide et laisser l’autre nous donner des indices, voir comment nous réagissons. Nous faisons un métier à la lisière, en étant bien conscients de qui nous sommes. Nous sommes sur une ligne de crête, on peut tomber. Mais nous avons la conviction que quelqu’un sait comment faire. Nous devons être conscients que, seuls, nous ne sommes pas grand chose. L’ambiance du lieu est centrale : comment rendre accueillant pour rendre libre. »

Federica donne des exemples. « Un jeune garçon sautait tout le temps en jetant la terre par terre. On a inventé des histoires sur les semis qu’on met dans la terre pour qu’ils n’aient pas froids. » Ou cet homme souffrant de troubles obsessionnels, rencontré pendant un remplacement de trois mois dans une résidence psychiatrique. « Il était malheureux d’être en groupe, avec un besoin d’ordre et de silence. Je lui ai proposé de travailler à l’écart sur des semis, un travail qui demandait de la patience. Un contact s’est créé et d’autres choses sont venues. »

« J’aimerais travailler auprès de personnes âgées. Je suis émue par les personnes qui se perdent. C’est un peu romantique comme idée. L’écoute et le silence mettent en évidence ce qui est… »

L’Australie pratique l’horticulture thérapeutique

Quand j’ai commencé à explorer l’hortithérapie en Australie, j’avais bon espoir de trouver des pistes intéressantes. Assez vite, la Therapeutic Horticulture Association (THA) est apparue sur les radars (pour la suivre sur LinkedIn). Sa mission est clairement énoncée : « Nous sommes une association nationale de membres représentant l’horticulture thérapeutique en Australie. Nous soutenons les personnes et les organisations dans l’utilisation de l’horticulture pour la santé et le bien-être à travers des réseaux, la formation, l’éducation et la recherche. »

Pendant la conférence annuelle de THA à Melbourne en octobre 2022

C’est avec Leigh McGaghey, vice-présidente de THA, que j’ai eu le plaisir d’échanger pour vous faire découvrir ce qui se passe « down under ». Voici comment Leigh se présente en ligne. « Elle vit et travaille à Sydney où elle conçoit des jardins réparateurs pour des clients privés, en même temps qu’elle consulte pour des services de thérapie horticole dans des maisons de retraite, des logements multi-résidentiels et à travers la communauté. Leigh et son mari psychologue ont créé Wired for Nature en 2018 pour compléter les stratégies traditionnelles de conseil psychologique par des pratiques d’hortithérapie et d’autres activités d’engagement dans la nature.

Les stratégies qu’ils conçoivent sont fondées sur des preuves neurologiques, issues d’une compréhension de la façon dont nos cerveaux sont « câblés » pour répondre à la nature. Diplômée en architecture paysagère, en éducation des adultes et en thérapie récréative, Leigh a pu combiner ces disciplines pour étayer son travail et s’intéresse particulièrement à la promotion de l’horticulture thérapeutique en tant que profession identifiée, ainsi qu’à la promotion de l’éducation et des voies de formation pour les praticiens. L’amour de la science, des jardins, de l’écologie et de la perte dans son propre jardin désordonné signifie que la vie est en constante évolution et que les personnes qu’elle rencontre dans le cadre de son travail et de ses activités de bénévolat sont une source d’inspiration [et de fun]. »

Leigh McGaghey, vice-présidente de Therapeutic Horticulture Association (THA)

Quel est le parcours qui vous a amenée à l’horticulture thérapeutique ?

Ma première carrière dans la finance était devenue insatisfaisante et le monde naturel m’attirait. Dans les années 1980-1990, je me suis tournée vers le métier d’architecte paysagiste même si ce n’était pas un choix idéal. C’était un milieu très misogyne. De plus j’avais un jeune enfant et cela n’a pas été facile de finir mes études. Cependant, j’y suis parvenue. Après quelques années, j’ai commencé à enseigner l’horticulture dans un programme de formation professionnelle. Il se trouve qu’il y avait là un bâtiment dédié à l’horticulture pour des jeunes porteurs de handicaps avec des ergothérapeutes, des kinés, des assistants sociaux qui travaillaient avec eux. Ce fut mon premier aperçu. Je me suis dit que ça avait l’air sympa.

Quels types de projets poursuivez-vous actuellement ?

Mon mari est psychologue et nous partageons un bureau. Il ne me demandait pas mon avis, mais j’ai commencé à suggérer que les patients pourraient bénéficier de visites dans un jardin. Il était d’accord car il lui semblait qu’il y avait souvent une déconnexion, quelque chose qui manquait pour ses patients. A partir de 2018, nous avons combiné son expérience de psychologue et mon expérience avec les plantes et la création d’environnements biophiliques. Je dois dire qu’en Australie, la psychologie est plutôt conservatrice. Par exemple, la psychologie environnementale n’est pas reconnue! En tant que psychologue, il doit se battre.

Grâce notamment aux réseaux sociaux, ce qui est assez peu conventionnel, nous avons commencé à travailler avec des jeunes qui connaissaient des problèmes de santé mentale en les guidant vers une compréhension des neurosciences tout en les aidant à mettre les mains dans la terre. Nous ne parlions pas directement de problèmes psychologiques. Personne d’autre ne faisait cela. Puis d’autres personnes travaillant dans des structures qui hébergent des personnes âgées ont commencé à me contacter. Mais c’est alors que le Covid a frappé. Nous avons fonctionné sous forme de clubs de jardinage en ligne, de manière informelle.

Pouvez-vous expliquer pourquoi en Australie vous utilisez le terme d’horticulture thérapeutique plutôt que d’hortithérapie ?

C’est une question de sémantique. En Australie, vous ne pouvez pas vous appeler thérapeute à moins d’avoir des diplômes spécifiques. C’est lié au système médical gratuit, les professions médicales et paramédicales sont subventionnées. Utiliser « horticulture thérapeutique » met plus l’accent sur l’horticulture et moins sur la thérapie. Il y a un mois, il y a eu un changement. Par exemple, vu mes diplômes, je ne peux plus me dire thérapeute. Qui a fait pression pour cela ? L’association des ergothérapeutes et d’autres personnes ayant des diplômes universitaires qui voulaient préserver leurs titres. Cela n’aide pas le public d’avoir cette confusion interne et cette complexité autour de notre nom.

Voici la définition de l’horticulture thérapeutique développée par la THA.

Parlez-nous de THA.

J’avais eu l’occasion de présenter notre travail en 2018 à la première conférence de THA. A partir de là, mon implication a grandi dans l’association et j’ai rejoint le CA il y a 10 mois. La difficulté est que chaque état australien avait son association. Par exemple en Nouvelle-Galles du Sud (New South Wales en anglais), l’association Cultivate représentait l’horticulture thérapeutique et sociale. Il y a eu un effort pour se rassembler afin de faciliter le développement et de favoriser la reconnaissance de notre discipline.

Nos membres viennent à 51% des professions médicales et alliées et à 49% des métiers de l’horticulture et du paysagisme. Environ 10% ont une double qualification et peuvent utiliser le terme hortithérapeutes. Nous avons environ 200 membres (il y a plusieurs types de membres, un peu comme dans la Fédération Française Jardins Nature et Santé). En octobre 2022, nous avons tenu notre conférence nationale avec une soixantaine de membres présents à l’Université de Melbourne. Nous sommes concentrés dans les principales villes : Sydney en Nouvelle-Galles du Sud, Melbourne dans l’état de Victoria et aussi Adelaïde en Australie du Sud.

Notre mission est d’encourager et de soutenir l’horticulture thérapeutique fondée sur des preuves, éthique et centrée sur la personne en Australie et de développer une industrie robuste, professionnelle et éthique qui soit largement reconnue, appréciée et utilisée.

Une session pendant la conférence annuelle de THA en octobre 2022

Où en êtes-vous en Australie dans l’acceptation et le développement de ces interventions justement?

Je pense que nous ne sommes pas aussi avancés chez nous qu’aux Etats-Unis ou en Europe. Nous travaillons sur la formation car ce n’est pas une profession reconnue officiellement. Elle n’entre pas dans les statistiques gouvernementales. Elle est encore mal définie. L’état actuel de l’éducation est très contesté. Les institutions ne sont pas convaincues qu’il existe un besoin suffisant. Avec 25 millions d’habitants en Australie, nous pensons qu’il y a une économie d’échelle.

Les principaux secteurs qui se sont développés sont le secteur du handicap avec beaucoup de foyers résidentiels qui ont des programmes d’horticulture thérapeutique, le domaine de l’aide sociale et du logement social avec des institutions publiques et des associations qui travaillent ensemble pour apporter le jardinage aux résidents ainsi que dans les prisons. De plus, des programmes ciblent les immigrants via l’action sociale (est-ce que cela vous rappelle l’Autriche ?). Par contre, l’horticulture thérapeutique n’est pas très représentée dans le domaine de la psychiatrie en Australie. (Comme dans d’autres pays, la pratique s’adresse aux personnes âgées souffrant de troubles cognitifs comme le décrit ce reportage.)

Vous avez un intérêt pour la recherche en Australie.

Oui par exemple, il existe un projet de recherche universitaire en cours sur la prescription nature (Nature Prescribing). L’hortithérapie fait partie des outils thérapeutiques de cet « engagement dans la nature » identifiés dans cette recherche.  C’est très intéressant car le projet a permis de créer un cadre pour la manière dont la prescription de nature peut fonctionner en Australie. Voici une mise à jour de l’université sur le projet.

Deux autres acteurs marquants

Tara Graham-Cochrane est présidente de THA. « Tara est une architecte paysagiste primée au niveau international, spécialisée dans la conception de paysages thérapeutiques et de guérison pour les secteurs des soins de santé, des soins aux personnes âgées, du handicap et de l’éducation en Australie. Tara est convaincue que les environnements physiques peuvent être conçus pour réduire le stress, améliorer la santé et favoriser le bien-être des personnes. »

Steven Wells est infirmier et pratique l’horticulture thérapeutique depuis 30 ans. Découvrez son profil sur LinkedIn, ce que son employeur Austin Health dit de son travail depuis 2005 et visitez son jardin personnel dans ce reportage d’octobre 2022.

Bonne découverte de nos consoeurs et confrères australiens et bien sûr bonne année 2023.

Steven Wells de Melbourne, Australia : « Coordinateur des jardins et espaces verts, thérapeute horticole, horticulteur thérapeutique du projet de bien-être du personnel et infirmier à Austin Health ».

A Singapour, des personnes âgées et des jardins

Il y a quelques semaines, l’Université de Floride publiait un panorama de l’hortithérapie dans le monde, un panorama qui citait d’ailleurs la Fédération Française Jardins Nature et Santé. L’article distinguait les pays qui se sont dotés de programmes de référencement professionnel et d’accréditation comme les Etats-Unis, le Canada, Hong Kong et Taiwan et ceux qui n’ont pas encore atteint ce niveau de professionnalisation. L’article affirme que la pratique de l’hortithérapie se développe même dans des pays sans association professionnelle et c’est tant mieux. Tout de même, une association qui rassemble les divers professionnels « alliés » est un énorme atout pour faire connaitre et reconnaitre cette médiation encore trop confidentielle.

Dans notre tour du monde, je vais m’arrêter ce mois-ci à Singapour. Malheureusement, je n’ai pas pu discuter en direct avec les acteurs de l’hortithérapie dans ce minuscule état insulaire au sud de la Malaisie. Mais les traces en ligne d’une activité d’hortithérapie, tournée majoritairement vers les personnes âgées, sont nombreuses.

Singapour et son National Parks : une île qui se préoccupe de la nature

A en croire ce site gouvernemental, la nature et la biodiversité font l’objet d’efforts intenses depuis plusieurs décennies. « NParks va continuer à développer le réseau de parcs naturels et nous visons à avoir 200 hectares supplémentaires de parcs naturels d’ici 2030 », peut-on lire en ligne. « Ces parcs naturels servent de zones tampons et d’habitats complémentaires permettant à la faune et à la flore indigènes de Singapour de se développer, tout en permettant aux visiteurs de profiter d’activités liées à la nature en perturbant le moins possible les réserves naturelles. »

Excellente nouvelle, ces efforts font la part belle à la dimension thérapeutique de la nature et aux jardins thérapeutiques. « NParks intègre également davantage de paysages thérapeutiques dans les jardins et les parcs. Nous avons développé des jardins thérapeutiques spécialement conçus et programmés pour les personnes âgées. NParks développe également d’autres typologies de jardins pour répondre à diverses pathologies telles que les troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH), la démence, les accidents vasculaires cérébraux, les troubles cardiaques et de l’humeur. D’ici 2030, il y aura 30 jardins thérapeutiques à Singapour pour répondre à différents besoins. »

30 jardins thérapeutiques adaptés à une variété de besoins d’ici 8 ans! Pour une ville nation de 5,4 millions d’habitants vivant sur 700 km² (sous la gouvernance de la présidente, Halimah Yacob, depuis 5 ans). Pour comparaison, la France compte 65,5 millions d’habitants pour 643 801 km². Et le nombre de jardins thérapeutiques en France est, quant à lui, un mystère.

Depuis 2016, huit jardins thérapeutiques ouverts

Sur le site de National Parks ou NParks pour faire plus court, on trouve bien sûr des informations plus précises sur les jardins thérapeutiques déjà ouverts. « Nous avons développé une série d’ateliers adaptés aux groupes de personnes âgées, aux personnes atteintes de démence et à d’autres besoins spécifiques. Ces programmes sont dirigés par des guides qualifiés et ont été spécialement conçus pour : promouvoir les exercices de faible intensité et améliorer les capacités motrices, stimuler la mémoire, encourager les interactions sociales positives et la connexion avec la nature et promouvoir la pleine conscience. »

On trouve en ligne le calendrier des ateliers dans huit jardins, répartis dans autant de parcs de Singapour, auxquels on peut s’inscrire. Ainsi 16 ateliers sont proposés pour le mois de décembre ! Que fait-on dans ces ateliers ? Le site liste des activités : propagation de plantes comestibles, fabrication de sacs de senteurs, collage de feuilles, jardinage (taille, arrosage, désherbage), culture de pousses comestibles, pressage de fleurs et de feuilles sur des cartes. Les ateliers sont encadrés par des bénévoles formés et les organisateurs se disent à la recherche de nouveaux bénévoles. En 2021, un journal local se faisait l’écho de l’ouverture d’un de ces jardins thérapeutiques. A suivre, une autre initiative intéressante est l’entreprise sociale Edible Garden City qui encourage à la fois l’agriculture urbaine et l’hortithérapie. Vous pouvez en apprendre plus sur Edible Garden City et son fondateur, Bjorn Low, ici, ici et .

Ces jardins et les activités proposées sont basés sur les preuves. Sur cette page, National Parks explique les fondements scientifiques des interventions basées sur la nature. Les principes de conception des jardins thérapeutiques sont expliqués dans ce guide coécrit par une flopée de spécialistes en 2016, date de l’ouverture du premier jardin thérapeutique baptisé HortPark. Si vous avez été formé.e à l’hortithérapie en France, vous serez en terrain familier (biophilie, théorie de la restauration de l’attention, théorie de la réduction du stress). A cette exception près que, à part Eric Fromm pour l’hypothèse de la biophilie, les chercheurs à l’origine de ces théories ne sont pas nommés !

Des jardins thérapeutiques objets d’études

Dans la tradition des interventions fondées sur les preuves comme j’en parlais le mois dernier, ces jardins thérapeutiques et les activités dans la nature ont fait l’objet de recherches. Sur cette page déjà citée, vous trouverez les références de plusieurs publications pour la période 2017-2020. Retenons-en deux.

Un essai contrôlé randomisé étudient plusieurs biomarqueurs et mesures psychosociales. Tout d’abord, cette étude publiée en 2018 qui s’intitule « Effects of Horticultural Therapy on Asian Older Adults: A Randomized Controlled Trial ». Un essai contrôlé randomisé, le saint graal de la recherche, est une méthode rarement utilisée dans la recherche sur les écothérapies. Par « randomisé », il faut comprendre que les participants ont été assignés dans le groupe hortithérapie ou dans le groupe contrôle (une liste d’attente) de manière randomisée. Vous pouvez lire l’étude en intégralité en la téléchargeant sur ResearchGate.

En voici le résumé : « L’effet de l’horticulture thérapeutique (HT) sur les biomarqueurs immunitaires et endocriniens reste largement inconnu. Nous avons conçu un essai contrôlé randomisé avec liste d’attente pour étudier l’efficacité de l’HT dans l’amélioration du bien-être mental et la modulation des niveaux de biomarqueurs. Un total de 59 adultes âgés ont été recrutés, dont 29 ont été assignés de manière aléatoire à l’intervention HT et 30 au groupe témoin sur liste d’attente. Les participants ont assisté à des séances d’intervention hebdomadaires pendant les trois premiers mois et à des séances mensuelles pendant les trois mois suivants. Des données biologiques et psychosociales ont été recueillies.

Les biomarqueurs comprenaient IL-1, IL-6, sgp-130, CXCL12/SDF-1, CCL-5/RANTES, BDNF (brain-derived neurotrophic factor), hs-CRP, cortisol et DHEA (déhydroépiandrostérone). Les mesures psychosociales ont porté sur les fonctions cognitives, la dépression, l’anxiété, le bien-être psychologique, les liens sociaux et la satisfaction de la vie. Une réduction significative du taux plasmatique d’IL-6 (p = 0,02) a été observée dans le groupe d’intervention HT. Pour le groupe témoin sur liste d’attente, des réductions significatives du taux plasmatique de CXCL12 (SDF-1) (p = 0,003), de CXCL5 (RANTES) (p = 0,05) et de BDNF (p = 0,003) ont été observées. Une amélioration significative du lien social a également été observée dans le groupe HT (p = 0,01). Conclusion : L’HT, en réduisant le plasma IL-6, peut prévenir les troubles inflammatoires et, en maintenant le plasma CXCL12 (SDF-1), peut maintenir le soutien hématopoïétique au cerveau. L’HT peut être appliquée dans le jardinage communautaire pour améliorer le bien-être des personnes âgées. »

(Ng, K. S. T., Sia, A., Ng, M. K. W., Tan, T. Y C., Chan, H. Y., Tan, C. H., Rawtaer, I., Feng, L., Mahendran, R., Larbi, A., Kua, E. H., and Ho, R. C. M. (2018). Effects of Horticultural Therapy on Asian Older Adults: A Randomized Controlled Trial. Int. J. Environ. Res. Public Health 15, 1705.)

Activités dans la nature et bien-être chez les personnes âgées sous les tropiques. Dans une autre étude publiée en 2020, Angelia Sia de NParks et ses collaborateurs se sont intéressés à l’impact des activités de nature pour « les personnes âgées asiatiques vivant sous les tropiques ». Les résultats de leur étude ont confirmé les bienfaits multiples constatés chez des personnes âgées dans d’autres endroits du monde. Pour accéder à l’article entier.

En voici le résumé. « La littérature actuelle montre que l’interaction avec la verdure urbaine peut avoir un large éventail de résultats positifs pour la santé. Des programmes ciblés basés sur la nature, tels que l’horticulture thérapeutique, se sont avérés avoir de multiples effets bénéfiques sur la santé des personnes âgées résidant dans des environnements tempérés, mais beaucoup moins de recherches ont été menées sur des populations au phénotype différent, telles que les personnes âgées asiatiques vivant sous les tropiques. L’étude actuelle a examiné les effets d’un programme d’horticulture thérapeutique de 24 sessions sur 47 participants âgés à Singapour, avec un plan expérimental pré-test post-test. Nous avons constaté que les participants ont conservé des habitudes de sommeil saines et une bonne santé psychologique, et ont montré une réduction de l’anxiété et une amélioration du fonctionnement cognitif (p < 0,05). En outre, ils ont signalé une augmentation du score moyen de bonheur après chaque session. Cette étude fournit de nouvelles preuves en utilisant un ensemble complet d’indicateurs dans les domaines affectif, cognitif, fonctionnel, psychosocial et physique, soutenant la littérature actuelle sur les avantages des programmes de nature, avec un accent nouveau sur les environnements tropicaux. Elle fournit des preuves que l’intervention basée sur la nature a le potentiel d’être transposée à des programmes au profit des personnes âgées dans les tropiques. »

(Sia, A., Tam, W.W.S., Fogel, A., Kua, E. H., Khoo, K. and Ho, R. C. M. (2020). Nature‑based activities improve the well‑being of older adultsSci Rep 10, 18178.)

Et la formation ?

Avec cet accent mis sur les jardins thérapeutiques pour les personnes âgées – mais pas que, on peut imaginer que Singapour s’est saisi de la question de la formation. Il en existe en effet plusieurs. Comme ce certificat en hortithérapie proposé par…NParks dans son Centre for Urban Greeny and Ecology (CUGE) présenté comme un cours pour des professionnels déjà sensibilisés (pas de date actuellement proposée cependant). Ou encore cette formation continue de 4 jours, une introduction à l’hortithérapie offerte par Nanyang Polytechnic (NYP). Ou encore ce certificat sur 12,5 jours, également proposé par un organisme de formation continue, celui de Ngee Ann Polytechnic (School of Life Sciences & Chemical Technology !). Mais là non plus, aucune date annoncée.

Quelques figures de l’hortithérapie à Singapour

J’ai déjà cité Angelia Sia qui est à l’origine de plusieurs études sur le sujet en tant que chercheuse au Centre for Urban Greenery & Ecology pendant plus de 10 et aujourd’hui comme directrice adjointe de la recherche au National Parks Board. Un de ses principaux centres d’intérêt est la connexion entre contact avec la nature et santé humaine.

Maxell Ng travaille pour NParks où il supervise le développement de l’hortithérapie. Il est le co-auteur de plusieurs études conduites à Singapour et en 2021 il était invité à présenter le mouvement de l’hortithérapie à Singapour par le Trellis Seminar Series de l’association écossaise en 2021.  Vous pouvez l’écouter dans cette vidéo (en anglais).

On peut aussi citer Tham Xin Kai, un paysagiste formé en Australie qui conçoit des jardins thérapeutiques dans des établissements de santé et ailleurs. Il travaille au sein de l’entreprise Hortian Consultancy qui a dédié une entité aux jardins thérapeutiques, Hortherapeutics. Découvrez quelques « case studies » et le profil de Tham Xin Kai. Et pour la route, une interview du jeune paysagiste. A savoir que Hortherapeutics ainsi que Angelia Sia semblent en contact avec Elizabeth R.M. Diehl (RLA, HTM) de l’Université de Floride. L’hortithérapie ne connaît pas les frontières.

Therapeutic garden at a nursing home in Singapore | Tham Xin Kai

Recherches internationales sur l’hortithérapie : 2012-2022

A quoi ça sert la recherche ? (Si la question avait été « A quoi ça sert l’amour ? », c’est Edith Piaf qui vous aurait fourni la réponse).

« La recherche scientifique est essentielle à la production de nouvelles connaissances pour mieux comprendre un phénomène ». Dans le cas de l’intervention non-médicamenteuse qu’est l’hortithérapie, il est utile de savoir si elle apporte des bienfaits à des personnes dans diverses situations (difficultés liées à la santé mentale ou à des maladies neurodégénératives, rééducation suite à un AVC ou un accident de la route, stress post-traumatique, etc…). Plus complexe encore : la recherche peut tenter d’expliquer comment l’intervention fonctionne, par quels mécanismes elle agit.

Vaste entreprise donc qui a pour objectif de mieux comprendre l’hortithérapie afin de mieux la mettre en œuvre et idéalement d’encourager son développement. Dans l’idéal, des études de bonne qualité doivent aider les praticiens sur le terrain, mais aussi faciliter l’adoption de l’hortithérapie en apportant des arguments dont ont besoin les décideurs, depuis les institutions de santé (ministère de la Santé, ARS,…) jusqu’aux responsables d’établissements, aux médecins, aux chefs de service. Ca, c’est dans l’idéal.

On se situe là dans un modèle inspiré de l’Evidence-Based Medicine ou médecine fondée sur les preuves qui veut que c’est en combinant le sens clinique et les résultats de la recherche la plus récente et la plus probante qu’on obtient la solution la plus adaptée au patient, à la personne aidée. Ce sont les mêmes principes qui fondent l’Evidence-Based Design, dont Roger Ulrich est le chercheur le plus souvent cité, c’est-à-dire la conception d’établissements de santé fondée sur les données de la recherche, sur les preuves.

Toutes les études ne sont pas égales

Pourtant impossible d’appliquer à l’étude de l’hortithérapie les mêmes méthodologies que celles utilisées dans la recherche médicale. Ainsi, il n’est pas possible d’étudier une activité d’hortithérapie en double aveugle où ni le soignant, ni le participant ne sauraient si l’hortithérapie est appliquée ou pas ! Malgré tout, l’objectif est de mettre au point des méthodologies aussi rigoureuses que possibles pour s’assurer qu’on observe bien ce qu’on cherche à observer, en « contrôlant » le plus possible les variables. Or, toutes les études ne sont pas égales en qualité et en puissance. Parfois la qualité n’est pas au rendez-vous, pour de multiples raisons. C’est ce que pointe cette revue Cochrane des études concernant l’hortithérapie et la schizophrénie (pour plus d’infos sur les revues Cochrane). Faire de la recherche, c’est important. Mais faire de la bonne recherche, qu’elle soit quantitative ou qualitative, c’est encore mieux.

Comment trouver des études pertinentes ?

Plus besoin d’avoir accès à une bibliothèque universitaire pour trouver des études publiées dans des journaux scientifiques. Grâce àGoogle Scholar, ResearchGate ou Base si vous souhaitez « dégoogliser » votre vie, on peut identifier des études qui aideront à monter un projet de jardin thérapeutique ou bien à faire la revue de littérature nécessaire avant de lancer…une nouvelle étude. Les revues de littérature et les méta-analyses sont particulièrement intéressantes.

En 10 ans, le nombre de publications a fortement augmenté (15 600 résultats pour « horticultural therapy research » en la période 2010-2020 contre 6 400 pour 2000-2010). Les personnes âgées et les personnes souffrant de troubles psychiques ont reçu le plus d’attention. Actuellement beaucoup d’études sont issues de chercheurs en Corée, Chine, Japon et Singapour.

.

10 ans, 10 articles

Voici une sélection tout à fait aléatoire de 10 études, revues de littérature ou méta-analyses publiées ces 10 dernières années. J’ai essayé de montrer la variété des sujets. Un autre parti pris était que l’article entier soit disponible en ligne gratuitement. J’ai extrait la conclusion de chaque article, mais allez plutôt découvrir l’intégralité par vous-même.

Amélioration de l’attention et de la socialité chez les enfants présentant une déficience intellectuelle

Kim, B. Y., Park, S. A., Song, J. E., & Son, K. C. (2012). Horticultural therapy program for the improvement of attention and sociality in children with intellectual disabilities. HortTechnology, 22(3), 320-324.

Conclusion. L’utilisation d’un programme d’hortithérapie, basé sur la théorie de la modification du comportement de Skinner et sur la section vie du programme d’enseignement scientifique du septième programme d’éducation spécialisée, a permis une amélioration significative de la sociabilité des enfants présentant des déficiences intellectuelles. Pour que le programme ait un impact majeur, les recherches futures devraient prendre en compte les niveaux de handicap, l’année scolaire, le nombre de participants et d’autres facteurs.

Lire l’article complet.

Réduction du stress et de la dépression post-traumatique

Kotozaki, Y. (2013). The psychological changes of horticultural therapy intervention for elderly women of earthquake-related areas. Journal of Trauma Treat, 3(1), 1-6.

Conclusion. Cette étude suggère que l’hortithérapie améliore le stress lié au tremblement de terre, comme la dépression, chez les femmes âgées qui vivent dans la zone sinistrée du tremblement de terre du Grand Est du Japon et que les effets psychologiques de l’hortithérapie sont durables. Nous pensons que l’hortithérapie peut être en mesure de suggérer la possibilité est l’une des interventions efficaces pour le stress lié au tremblement de terre. Nous espérons que l’hortithérapie se répandra en tant que soutien psychologique à moyen et long terme dans les zones de catastrophe naturelle.

Lire l’article complet.

Conception de jardins et personnes âgées atteintes de troubles cognitifs

Charras, K., Laulier, V., Varcin, A., & Aquino, J. P. (2017). Conception de jardins à l’usage des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs: revue de la littérature et cadre conceptuel fondé sur la preuve. Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement, 15(4), 417-424.

Résumé. L’exploitation des jardins en tant que lieu de convivialité, d’activité et de ressourcement, rencontre de plus en plus de succès dans les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs. Cependant, les publications scientifiques sur les bénéfices des jardins sur les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs sont rares. Cette revue de la littérature a pour objectif de dégager les principales données scientifiques relatives aux aménagements, aux usages et aux vertus thérapeutiques des jardins pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. À partir des composantes tirées des principaux modèles de conception de jardins théra- peutiques, une démarche de design fondé sur la preuve a été adoptée afin de déterminer l’impact sur le bien-être et le comportement des personnes malades. Vingt-deux articles ont été sélectionnés pour les besoins de cette étude avec un niveau de preuve faible en regard aux standards scientifiques. Les résultats de cette revue de la littérature font ressortir six dimensions de conception paysagère. Ces six dimensions sont regroupées dans un cadre conceptuel et discutées en termes de conception paysagère et d’impact sur les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

Lire l’article complet.

Méta-analyse sur l’amélioration des fonctions cognitives

Tu, H. M., & Chiu, P. Y. (2020). Meta-analysis of controlled trials testing horticultural therapy for the improvement of cognitive function. Scientific reports, 10(1), 1-10.

Résumé. L’amélioration de la fonction cognitive est l’un des problèmes mondiaux les plus difficiles à résoudre pour la population souffrant de troubles cognitifs. L’hortithérapie fait appel à l’expertise d’un hortihérapeute qui établit un plan de traitement pour des activités horticoles visant à obtenir des changements cognitifs et à améliorer ainsi la qualité de vie liée à la santé. Cependant, des preuves plus convaincantes démontrant l’effet de l’hortithérapie sur la fonction cognitive sont essentielles. L’objectif de cette étude était de réaliser une méta-analyse d’essais contrôlés testant l’effet de l’hortithérapie sur la fonction cognitive. Les résultats indiquent que les programmes d’hortithérapie améliorent significativement la fonction cognitive. L’ampleur de l’effet du programme d’horticulture thérapeutique était importante. Les résultats de cette méta-analyse ont des implications importantes pour la pratique et les politiques. Les systèmes de santé contemporains devraient considérer l’hortithérapie comme une intervention importante pour améliorer la fonction cognitive des patients. Les gouvernements et les décideurs politiques devraient considérer l’horticulture thérapeutique comme un outil important pour prévenir le déclin de la fonction cognitive chez les personnes atteintes de troubles cognitifs.

Lire l’article complet.

Activité horticole à l’école primaire et réduction du stress

Shao, Y., Elsadek, M., & Liu, B. (2020). Horticultural activity: Its contribution to stress recovery and wellbeing for children. International Journal of Environmental Research and Public Health, 17(4), 1229.

Conclusion. La présente étude a apporté un soutien scientifique aux impacts physiologiques et psychologiques de l’activité horticole sur les élèves de l’école primaire. L’activité horticole pendant 5 minutes a amélioré la relaxation physiologique des enfants en supprimant l’activité du système nerveux sympathique et la conductance de la peau par rapport à l’utilisation du téléphone portable. En outre, l’activité horticole a eu tendance à soulager les niveaux d’anxiété et à apporter plusieurs avantages pour la santé tels que le confort, la relaxation, la gaieté et les émotions naturelles des enfants. Il a été démontré de manière décisive que les enfants pouvaient grandement bénéficier physiologiquement et psychologiquement de l’activité horticole. En général, les résultats ont des applications importantes et un grand potentiel pour être intégrés comme programme quotidien pour les élèves dans les écoles.

Lire l’article complet.

Hortithérapie et réduction du risque suicidaire chez des vétérans

Meore, A., Sun, S., Byma, L., Alter, S., Vitale, A., Podolak, E., … & Haghighi, F. (2021). Pilot evaluation of horticultural therapy in improving overall wellness in veterans with history of suicidality. Complementary therapies in medicine, 59, 102728.

Conclusion. Cette évaluation d’un programme pilote fournit des preuves préliminaires que les interventions d’hortithérapie réduisent les symptômes des syndromes cliniques qui ont été associés au risque de suicide. Compte tenu des avantages potentiels pour nos vétérans qui présentent un risque de suicide beaucoup plus élevé, l’intervention d’hortithérapie peut être une intervention thérapeutique prometteuse pour promouvoir la résilience et améliorer le bien-être général des populations de vétérans à risque.

Lire l’article complet.

Un programme d’Éducation Thérapeutique du Patient, jardin et art-thérapie pour des patientes obèses

Sittarame, F., Lanier-Pazziani, M., Chambouleyron, M., & Golay, A. (2021). ETP/TPE.

Conclusion. Le programme « Jardin et art-thérapie » pour les patientes souffrant d’obésité propose un nouveau terrain de travail en éducation thérapeutique du patient. Cet espace thérapeutique situé entre nature maîtrisée et création offre un cadre aux patientes pour penser, projeter et transformer leur rapport à leur corps, à leur maladie et plus largement à leur vie.

Un temps éducatif et réflexif permet de révéler les prises de conscience, les liens entre ce qui est fait dans le jardin extérieur et ce qui est mobilisé dans le « jardin intérieur ».

Un cadre thérapeutique solide est nécessaire pour accueillir le rapport intime des patientes à leur corps, leur histoire et leurs émotions. L’association du travail au jardin et de l’art-thérapie dans un programme d’éducation thérapeutique semble être pertinente et pourrait être transposable à d’autres maladies chroniques.

Lire l’article complet.

Au delà de l’hortithérapie, les interventions basées sur la nature

Coventry, P. A., Brown, J. E., Pervin, J., Brabyn, S., Pateman, R., Breedvelt, J., … & White, P. L. (2021). Nature-based outdoor activities for mental and physical health: Systematic review and meta-analysis. SSM-population health, 16, 100934.

Conclusion. Cette revue systématique large et inclusive visait à identifier et à synthétiser les preuves provenant d’études contrôlées et non contrôlées sur l’efficacité des interventions basées sur la nature pour la santé mentale et physique parmi les populations adultes de la communauté. Notre revue montre que les interventions en plein air basées sur la nature améliorent les résultats en matière de santé mentale chez les populations adultes dans la communauté, y compris celles souffrant de problèmes de santé mentale courants, de problèmes de santé mentale graves et d’affections de longue durée. Les thérapies fondées sur la nature, telles que les bains de forêt, se sont avérées efficaces de manière constante pour tous les résultats en matière de santé mentale, bien que les preuves issues d’essais cliniques randomisés soient limitées. Les interventions de jardinage de groupe et d’exercices verts sont également efficaces pour améliorer les résultats en matière de santé mentale, bien que les effets soient moins forts pour l’affect négatif, en particulier chez les populations souffrant de maladie mentale grave. Nous avons trouvé moins de preuves que les interventions basées sur la nature amélioraient la santé physique, mais il existe un potentiel pour que les exercices verts et le jardinage augmentent l’activité physique.

Lire l’article complet.

Hortithérapie et santé générale chez les personnes âgées

Wang, Z., Zhang, Y., Lu, S., Tan, L., Guo, W., Lown, M., … & Liu, J. (2022). Horticultural therapy for general health in the older adults: A systematic review and meta-analysis. PloS one, 17(2), e0263598.

Conclusion. L’hortithérapie peut améliorer la fonction physique et la qualité de vie des personnes âgées, réduire l’IMC et améliorer l’humeur positive. Une durée appropriée d’hortithérapie peut être de 60 à 120 minutes par semaine pendant 1,5 à 12 mois. Cependant, on ne sait toujours pas ce qui constitue une recommandation optimale.

Lire l’article complet.

Hortithérapie, anxiété et dépression

Lasater, C. (2022). A Systematic Review of Studies Evaluating the Effectiveness of Horticultural Therapy for Increasing Well-Being and Decreasing Anxiety and Depression.

Conclusion. De nombreuses études ont démontré des corrélations entre le manque de contact avec la nature (ou le temps passé à l’intérieur) et des conséquences négatives sur de nombreuses variables. Ces variables comprennent les variables de santé mentale, les variables de santé physique et le bien-être social et spirituel. Une revue des revues systématiques et des méta-analyses a indiqué que l’horticulture thérapeutique est une intervention efficace pour de nombreuses populations sur un large éventail de variables de résultats. La revue systématique et la méta-analyse suivantes s’appuient sur les connaissances existantes en étudiant l’efficacité de l’horticulture thérapeutique et son utilité potentielle en tant qu’intervention en travail social.

Lire l’article complet.

Andreas Niepel : au cœur de la « gartentherapie » en Allemagne

Andreas Niepel

« What am I ? », répond Andreas Niepel quand je lui demande de se présenter et de décrire son parcours lors d’une conversation en visio courant septembre. « I am a gardener ». Puis il rentre dans les détails. 

« C’est en travaillant dans un hôpital pendant que je faisais mon service militaire que j’ai découvert l’intérêt social et thérapeutique du jardin. Ensuite mon premier travail m’a amené à la production végétale, ce que j’ai détesté. J’avais envie de combiner le jardin et les gens et de devenir un jour un jardinier thérapeutique. Mais cela n’existait pas à l’époque. Quand on a un rêve, soit on le réalise, soit on l’oublie. » Andreas n’a pas mis son rêve de côté. Au contraire, il est devenu une force motrice en Allemagne et bien au-delà, en pratiquant, en enseignant, en écrivant et en fédérant la communauté croissante de la thérapie par le jardin.

30 ans d’expérience

Andreas a rejoint une clinique spécialisée dans la rééducation neurologique et neurochirurgicale – aujourd’hui connue sous le nom de VAMED Klinik Hattingen – où il dirige depuis 1992 le service de jardinage/thérapie horticole à Hattingen en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. 

En parallèle, il lance il y a une quinzaine d’année sa propre société de conseil dans le domaine des jardins thérapeutiques (Andreas Niepel Grünplanung) et un institut baptisé « Gardens help live » grâce auxquels il intervient en Allemagne, mais aussi en Pologne, en République Tchèque ou encore en Irak à travers des formations et des séminaires.

Diffuser la culture du soin par le jardin passe inévitablement par l’écriture, en Allemagne comme en France, si on veut sortir de la dépendance à l’anglais. Ce n’est d’ailleurs pas uniquement une question de langue puisque des sensibilités diverses peuvent ainsi voir le jour. Andreas a plusieurs livres à son actif. « Garten und Therapie – Wege zur Barrierefreiheit » (en collaboration avec Silke Emmrich aux éditions Eugen Ulmer, 2005),  « Gartentherapie »  (édité par l’association allemande des ergothérapeutes), « Praxisbuch Gartentherapie » (en collaboration avec Thomas Pfister, 2009) pour ne citer que les principaux.

La 2e édition du « Praxishandbuch Gartentherapie » (manuel pratique de la thérapie horticole) écrit par Andreas Niepel et Gabriele Vef-Georg (2020)

Depuis 2009, cette mission passe aussi par la présidence de la Internationale Gesellschaft Gartentherapie (IGGT), la Société internationale de thérapie par le jardin qui rassemble des associations existantes. « C’est une organisation « parapluie » dont tous les membres sont des institutions, des associations, d’ergothérapeutes par exemple, des universités. L’objectif est de travailler ensemble à un développement de qualité de nos pratiques. »

Le développement de la « gartentherapie » en Allemagne

« En Allemagne, tout commence avec la psychiatrie, comme Pinel en France et Benjamin Rush aux Etats-Unis, avec des patients qui travaillent dans les champs », explique Andreas. « Et puis sont venus les Nazis. Pendant des années après la guerre, il était impossible d’envisager de faire de nouveau travailler des gens dans les champs. Enfin, à la fin des années 1980, est arrivé Konrad Neuberger, psychothérapeute et co-fondateur d’IGGT, qui a relancé le mouvement. C’était comme un champ vide avec des petites fleurs qui poussaient ça et là : des travailleurs sociaux, des pédagogues qui créaient des jardins… ».

Pour sa part, Andreas estime avoir eu de la chance. « J’ai commencé dans cette clinique au point zéro. Le fondateur avait un intérêt personnel pour le jardinage. Il m’a demandé d’écrire un texte sur les effets qu’on pouvait en attendre pour les patients. L’idée était que le jardin devienne une autre « pièce » de soin. » 

Le jardinier d’Hattingen cite un chiffre : presque trois Allemands sur quatre ont un jardin ou en voudraient un. « Alors imaginez parmi nos patients ! Il n’y avait aucun argument contre les bienfaits en tant qu’intervention thérapeutique ». Une semaine après notre conversation, en septembre 2022, Andreas fêtait son 30e anniversaire à son poste à la clinique d’Hattingen.

« Notre programme, comme beaucoup d’autres en Allemagne, s’est développé en commençant petit et surtout en collaborant avec d’autres professions : les ergothérapeutes, les pédagogues, les psychologues. Nous avons fait des projets communs, ils voyaient le potentiel des jardins dans une approche globale », raconte Andreas. « Les art thérapeutes et les musicothérapeutes ont été moins intéressés. Pour nous, l’objectif était de diminuer certaines difficultés et d’augmenter les ressources des patients pour améliorer leur qualité de vie. On parle de promotion de la santé, les frontières sont proches de la pédagogie ou de l’éducation. »

Hortithérapie vs. gartentherapie

A ce stade, il est nécessaire de faire une mise au point sur les termes employés. « Au début en allemand, on parlait d’hortithérapie. Quand je suis allé aux Etats-Unis pour la première fois, je me suis rendu compte que, pour parler d’hortithérapie dans ce pays, il fallait que le patient soit actif. Le patient doit planter quelque chose, avoir une action dans le jardin. En Allemagne, nous considérons que, pour une personne atteinte de démence par exemple, s’asseoir calmement avec le groupe, revivre des souvenirs, être fasciné avec les sens en éveil, est important. » Ainsi, le terme qui est le plus utilisé en Allemagne actuellement est « gartentherapie ».

« La thérapie par le jardin est un processus centré sur le participant, dans lequel des experts formés définissent et vérifient les objectifs individuels et planifient et utilisent des activités liées au jardin ou aux plantes comme outils thérapeutiques pour promouvoir les aspects liés à la santé des participants », explique un texte de la Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik de Vienne (Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale), membre de la IGGT dont nous avions fait la connaissance à travers Birgit Steininger au mois de juillet.

Andreas Niepel

« Je travaille avec des patients qui ont eu des AVC. Nous commençons le travail très tôt, au chevet du patient. Ils ont des déficits de nature. Je pense à cette vieille dame qu’on a accompagnée dans le jardin en fauteuil roulant. Elle s’est mise à pleurer en disant que cela faisait un an qu’elle n’était pas sortie dehors. Nous n’avons rien « fait » ensemble. » Quand Andreas évoque cette anecdote, je lui parle d’Oliver Sachs qui raconte sa première sortie dans un jardin après un grave accident de manière si éloquente.

« Si nous allons en soins intensifs, nous ne travaillons pas avec des plantes, mais avec l’imagination. « Vous aviez un jardin ? Vous pouvez fermer les yeux et vous y transporter. » La prochaine étape sera d’apporter des photos de leur jardin. C’est de la gartentherapie, mais ce n’est pas de l’hortithérapie », résume Andreas.

Et il va plus loin. « Où plaçons-nous l’hortithérapie dans le modèle biopsychosocial ? Nous en avons parlé pour définir nos pratiques. En fait, ce modèle ne va pas assez loin. La nature a un impact sur l’être humain qui n’est pas pris en compte dans le modèle biopsychosocial. Nous savons depuis les années 1960 que nous pouvons être malade écologiquement. Pour nous, c’est une thérapie écologique en contact avec la nature. »

Une thérapie acceptée qui évolue

« Dès le départ, il a été clair que ces approches étaient acceptées. Mais était-ce sérieux ? Etait-ce thérapeutique ? Le premier niveau a été l’acceptation par les collègues, les patients et leurs familles. Au début, les patients aimaient beaucoup cette médiation, mais ne la considéraient pas comme une thérapie comme les autres. Puis la recherche et les études ont montré qu’ils étaient extrêmement satisfaits par la gartentherapie. »

Deuxième étape, les proches. « Dans les maisons de retraite, on sait que les interlocuteurs sont les familles. Ils demandent que leur parent sorte et jardine car c’est une de leurs activités quotidiennes préférées depuis toujours. » Et puis viennent les institutions. « En 2023, une grande assurance allemande va lancer un programme avec l’IGGT pour amener plus de gartentherapie dans les institutions. La gartentherapie entre dans le champ de la prévention et de la promotion de la santé. »

« On peut aussi parler d’une acceptation de l’intérieur. Depuis 20 ou 30 ans, beaucoup de disciplines contribuent et apportent de la diversité à notre pratique. Les évaluations peuvent se faire de plusieurs points de vue et nous tirons partie de cette diversité » explique Andreas. « Notre discipline a ainsi pris des directions qui n’étaient pas prévues au départ. »

Une de ces directions est la promotion de la santé. « La prévention avait un statut de thérapie de seconde classe. Mais si on regarde ce que la thérapie devrait faire, selon les Grecs, c’est « Primum non nocere ». En premier lieu ne pas nuire, ne pas faire de mal. Ni aux patients, ni aux soignants. Et les besoins psychologiques ? Etre renfermé pendant six semaines dans un service pourrait bien vous faire du mal. Pour ne pas faire de mal aux patients, il faut garder un contact social, un contact avec la nature. Permettre de profiter, de s’amuser, d’être soi même. »

La formation et la certification, indispensables maillons

« Les formations se sont développées en Allemagne, en Suisse à l’Université de Zurich et en Autriche à la Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik de Vienne qui offre un des plus anciens programmes de formation. Cependant les programmes étaient tous différents et une des premières tâches de l’IGGT a été de les harmoniser », explique Andreas. « A tout moment dans les pays germanophones, une centaine de personnes sont en formation dans notre discipline. »

Un autre axe de l’IGGT est la certification. « Qui peut se dire « registrierter Gartentherapeut » ? Nous avons conçu un système de points selon la profession exercée, la formation continue, l’expérience et la pratique. C’est un point essentiel pour la qualité de la profession. Actuellement, nous comptons environ 70 « registrierter Gartentherapeut » et bien d’autres qui ne le sont pas. »

Où trouve-t-on des programmes en Allemagne ? « Beaucoup travaillent avec des personnes âgées atteintes de démences. Je dirais qu’en Allemagne 90% des institutions accueillant ces personnes ont un jardin spécifique. On compte entre 400 et 500 programmes. La rééducation comme la clinique où je travaille est un autre domaine important ainsi que la psychiatrie et l’addictologie avec plus d’une cinquantaine de programmes. Enfin, les programmes de travail protégé pour des personnes avec des handicaps sont fréquents. Suite au Covid, un nombre grandissant de projets concerne les enfants et les jeunes. »

Perspectives d’avenir

Avec ses trente ans d’expérience, Andreas peut s’appuyer sur son expérience pour identifier les défis et les opportunités. « Je vois du développement. Je vois aussi des vagues. Dans les années 90, les disciplines créatives comme l’art thérapie et la musicothérapie avaient le vent en poupe, puis leur popularité a baissé. A la fin des années 90 et au début des années 2000, le jardin allait très fort. Et puis on a vu arriver la robotique et des programmes assistés par ordinateur et la nature est passée au second plan. Mais on en revient. »

« Le plus important est que nous pouvons nous définir nous-mêmes. Quand nous avons commencé à combiner jardin et thérapie, nous avons rassemblé des disciplines très variées pour en arriver là aujourd’hui. Avec le Covid, tout le monde a vu que le jardin était leur thérapie personnelle. Pour mon grand-père, le jardin était principalement économique. Pour moi, il était écologique, c’est-à-dire pour la nature. Aujourd’hui, qu’est-ce qui nous amène au jardin en Allemagne ? Notre âme, notre esprit. Le jardin nous donne de l’énergie et nous calme. Le Covid a montré que nous avons tous besoin du jardin. »

Et de conclure notre entretien marathon avec un programme tourné vers les jeunes justement : « Cet hiver, j’ai participé à un programme avec des jeunes – c’est eux qui ont souffert le plus du Covid. « Les autres sont dangereux » est devenu une idée présente. Ils sont plus stressés que moi à leur âge », constate-t-il. « Et bien nous avons planté ensemble. L’idée que leurs plantes puissent ne pas pousser était considérée comme un échec. « Apprendre à échouer » est devenu un thème. Et alors comment les motiver ? En tant que thérapeute, quelles ressources puis-je aller chercher chez eux ? Nous leur renvoyons souvent des images négatives, par exemple qu’ils sont toujours sur leurs écrans. Et bien, ils postent ce que nous faisons sur Instagram. Et là, ils se sent capables. » Adaptation, maitre mot pour tout thérapeute.

Leila Alcalde Banet : la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine

Leila Alcalde Banet, hortithérapeute espagnole formée et active en Angleterre, travaille à fédérer la communauté des hortithérapeutes hispanophones depuis plusieurs années.

« J’ai de la chance », annonce Leila Alcalde Banet dès le début de notre conversation par écran interposé. « Depuis septembre 2020, je travaille pour Share Community, une association caritative anglaise qui accompagne des adultes souffrant de troubles de l’apprentissage, d’autisme, de handicaps physiques et de problèmes de santé mentale. Nous disposons d’un hectare avec une serre, des tunnels pour faire pousser les légumes, une mare,…» 

Présent dans plusieurs quartiers de Londres depuis 1972, Share Community se concentre « sur ce que les gens peuvent faire, et non sur ce qui les empêchent. Et nous pensons que chacun a quelque chose à offrir à sa communauté, que ce soit en matière d’emploi ou en tant que membre actif de notre société. » 

En tant qu’hortithérapeute, « selon les besoins de l’étudiant, je me concentre sur des objectifs thérapeutiques (interaction sociale, estime de soi, mémoire, capacité d’attention, etc.) ou de formation, certains étudiants ayant le potentiel d’obtenir une qualification et de trouver un emploi. Je propose une approche holistique en tenant compte de leurs capacités, de ce qu’ils aiment et n’aiment pas afin de proposer des activités qui ont du sens. J’encourage également le maintien ou le développement d’autres compétences liées à la lecture, l’écriture et le calcul, l’indépendance et un mode de vie sain ».

Avant de rejoindre Share Community, Leila avait travaillé auprès de groupes de personnes âgées aux premiers stades de maladies neurodégénératives ainsi que de personnes en risque d’exclusion sociale. Ainsi, elle a participé pendant neuf mois à Hambourg en Allemagne au projet « Garten der Nationen » (Jardin des Nations) qui lutte contre l’exclusion des réfugiés. En Angleterre, elle a apporté ses compétences d’hortithérapeutes à plusieurs institutions avant Share.

C’est d’ailleurs en Angleterre que cette Espagnole, ingénieure agricole et horticole de formation, a obtenu un diplôme en « horticulture sociale et thérapeutique » à l’université de Coventry en 2016. Son projet de fin d’étude, reconnu pour son excellence par l’association Thrive, s’est déroulé auprès de « Make me Green », un programme en Espagne qui permet aux personnes souffrant de troubles de l’apprentissage d’accéder à l’emploi, en l’occurrence grâce à une année de travail dans une ferme.

Share et toutes ses riches expériences depuis 2015, c’est le travail de terrain et le travail de jour de Leila. En ligne, elle est une des hortithérapeutes de langue espagnole les plus reconnues et son engagement a contribué à fédérer ses consœurs et confrères sur deux continents.

AEHJST : fédérer les hortithérapeutes hispanophones

Très active sur les réseaux sociaux, elle commence à contacter des personnes pratiquant en Espagne et en Amérique latine. « Par curiosité, je voulais savoir quelles formations ces personnes avaient faites, quels défis elles rencontraient dans leurs pays respectifs, au Chili, en Argentine, au Pérou, à Puerto Rico,…». 

« On voyait qu’il y avait des initiatives dans de nombreux pays. Au Chili, un projet existe depuis plus de 20 ans et pourtant il n’y a pas d’association nationale dans ce pays. Il y avait des projets en Colombie, au Mexique, au Costa Rica. C’est Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi (une hortithérapeute péruvienne formée au Horticultural Therapy Institute aux Etats-Unis) qui a suggéré une association globale pour nous rassembler. »

En 2018, elles décident de co-fonder l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica). Tiens, la même année que se lance aussi la Fédération Française Jardins Nature et Santé…Une prise de conscience, une maturité des pratiques, un besoin de connexion entre professionnels bouillonnait dans les pays hispanophones comme en France.

« Nous sommes une association sans but lucratif formée par des professionnels et des collaborateurs dans le but de promouvoir l’horticulture et le jardinage comme outils thérapeutiques et de socialisation », peut-on lire sur le site de l’association. Leila ajoute que l’association a pour objectif « de faire connaître cette voie professionnelle. En outre, elle est axée sur la formation d’autres professionnels et le développement de la recherche dans ce domaine en langue espagnole, ce qui permettra de consolider les hypothèses sur les avantages de l’utilisation de l’horticulture comme thérapie. » 

Quant au rôle personnel de Leila, il est vaste. « Mon rôle est celui de trésorière. En outre, dans le cadre de mes tâches, je dispense des formations à d’autres professionnels et leur offre des conseils sur la manière d’utiliser l’horticulture comme thérapie. » En effet, le site collecte et répond à des demandes de conseils.

La variété des associations d’hortithérapie dans le monde hispanophone – Savias Conexiones

Une histoire de définitions : de quoi parle-t-on ?

« Qu’est-ce qui constitue un jardin thérapeutique dans chaque pays ? Cette question est bien centrale puisque l’AHTA y a consacré un symposium en octobre dernier », explique Leila. En effet, la question anime à peu près toutes les conversations dès que vous rassemblez plus de deux ou trois personnes avec une pratique dans ce domaine. Et avec des débats parfois très vifs! Arrêtons-nous un instant sur les définitions et positions proposées par l’AEHJST. Je me permets de vous donner ici une traduction des définitions intégrales exposées sur le site de l’association et je vous invite à les mettre en regard des définitions proposées par l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) dont elles me semblent proches. 

Voici les définitions de l’AEHJST :

Horticulture et jardinage sociaux et thérapeutiques

Elle englobe toutes les utilisations de l’horticulture et/ou du jardinage pour les approches suivantes : professionnelle, sociale et thérapeutique. En outre, l’utilisation des deux termes, horticulture et jardinage, facilite la compréhension de la portée de cette association et du travail de ses membres professionnels.

Les différentes approches dans le domaine de l’horticulture et du jardinage sociaux et thérapeutiques sont décrites ci-dessous :

Thérapeutique. Également connue sous le nom de « thérapie horticole ». Il s’agit d’un processus formel par lequel le thérapeute évalue et convient d’une série d’objectifs avec l’utilisateur participant. Le thérapeute, utilisant l’horticulture et le jardinage comme support, conçoit un programme individualisé et accompagne le client dans la réalisation de ces objectifs. Les interventions peuvent avoir lieu tant au niveau individuel que collectif, mais toujours en respectant les objectifs de chaque participant. Ce type d’intervention est plus courant dans les milieux cliniques, où le thérapeute travaille au sein d’une équipe multidisciplinaire en collaboration avec d’autres professionnels tels que des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des infirmiers et des psychologues.

Social ou récréatif. Également connue sous le nom d' »horticulture thérapeutique ». Il s’agit d’un processus informel dans lequel le thérapeute ne convient pas d’objectifs spécifiques avec le client, bien qu’il puisse le faire s’il le juge approprié. Le client participe dans le contexte des objectifs du programme de manière active ou passive. Ce type de programmes se concentre généralement sur l’inclusion sociale, l’occupation et le bien-être général. Ils sont généralement développés dans des centres de jour, des centres pour personnes âgées, des jardins scolaires, des jardins urbains, des centres pénitentiaires, des projets associatifs, etc.

Travail. Le thérapeute est chargé de préparer l’usager à sa future intégration sur le marché du travail. Il est chargé de la formation aux tâches liées à l’horticulture et/ou au jardinage, ainsi que de l’évaluation et du suivi de l’utilisateur dans le processus d’acquisition de compétences professionnelles. Des compétences qui lui permettront d’opter pour un emploi dans le secteur agricole, sans exclure d’autres secteurs dans lesquels l’utilisateur peut envisager son employabilité. Ce type de programme est généralement promu par des associations de personnes handicapées, malades et/ou en risque d’exclusion sociale

*Au sein d’une entité ou d’un programme, le champ social ou récréatif peut être combiné avec le champ thérapeutique ou de travail.

Mission n°1 : la formation

« En parlant avec des gens dans les différents pays, je me suis rendue compte que leur formation avait eu lieu aux Etats-Unis ou en Angleterre comme moi. Mais c’est une barrière pour beaucoup de monde, à cause de la langue et du coût. » C’est ainsi que l’AEHJST a commencé rapidement à proposer plusieurs formations, une différence avec la FFJNS qui n’est pas un organisme de formation, mais dont certains membres proposent des formations, une douzaine au total.

En Espagne, le pays de Leila, « nous travaillons avec deux universités. Avec l’université autonome de Barcelone (UAB) et son école d’infirmières et d’ergothérapeutes, nous sommes dans la 2e année d’un cours en ligne de 20 heures, une initiation ouverte à tous. C’est un cours de 20 étudiants maximum, enseigné par une équipe dont je fais partie. Avec l’université de Saragosse, c’est un cours pendant l’été, plus pratique, qui se déroule en partie dans un jardin ouvert à la communauté. » 

«  Quant au cours « Social and Therapeutic Horticulture » de 45 heures, il est enseigné par une équipe multidisciplinaire très riche : Perla Sofía Curbelo (HT à Puerto Rico), Eva Creus Gibert (HT), Daniela Silva-Rodríguez (HT), Andrea Costas Aranda (jardinier), Karin Palmlöf (conceptrice de jardins thérapeutiqeus), José María Salas (collaborateur de Karin), Ariana Smith Rodríguez (ergothérapeute, collaboratrice de Karin), Salvador Simó (consultant),  Albert Cervera (consultant) et moi-même. »

Pour découvrir l’offre de formation de l’AEHJST, c’est par ici.

Suivre Leila

En 2016, elle a lancé le blog Vitamina Verde en espagnol pour partager des informations autour de l’hortithérapie. Le blog est actuellement en pause par faute de temps. Il reste une ressource importante en espagnol.

Sur les réseaux sociaux, vous pouvez la suivre sur @VitaminaVerdeTH. De son côté, Leila suit assidument tout ce qui touche à la « hortoterapia ». Avec sa collègue péruvienne Daniella, elle est en train de développer un glossaire en espagnol. Les projets ne manquent pas.

Vous pouvez écouter cette conférence de Leila pendant le Trellis Seminar Series de 2021

Autre ressource, Savias Conexiones, un lieu d’échange entre hortithérapeutes de langue espagnole, une série de causeries qui ont débuté pendant la pandémie et qu’on peut retrouver en ligne (2020) sur Facebook ou sur Instagram. Leila y a apporté sa contribution. 

L’hortithérapie en Autriche : état des lieux

Un cours au Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale à Vienne

Ce mois-ci, nous nous posons en Autriche pour parler à trois femmes au cœur de la pratique de l’hortithérapie dans ce pays. Tout commence par une conversation avec Heidi Rotteneder qui est la plus grande voyageuse des hortithérapeutes à ma connaissance ! Nous l’avions d’abord rencontrée en Californie, puis elle s’est installée pendant quelques années à Grenoble en France où elle a rejoint la Fédération Française Jardins Nature et Santé. Avant de retourner en Autriche comme elle va nous le raconter. Sans oublier une mission au Kurdistan l’an dernier. 

Grâce à Heidi, j’ai rencontré Birgit Steininger, enseignante chargée de deux formations dans un collège universitaire à Vienne. Puis Ruth Sander, une ergothérapeute diplômée du Master Green Care de cet établissement qui travaille à la CityFarm Emmaüs de Saint Pölten et enseigne également l’hortithérapie. 

Je vous invite à les rencontrer.

Heidi Rottenederhortithérapeute sur deux continents, explore de nouvelles voies

Dans quelles activités t’es-tu lancée en revenant chez toi en Autriche ?

Depuis août 2021, j’ai deux activités et aucune n’a trait à l’hortithérapie classique ! Cela a été un choix de changer d’activité. Une chose qui me manquait était de produire des récoltes, domaine dans lequel j’avais quelques connaissances. Pour décrire mes activités aujourd’hui, je parlerais plutôt qu’agriculture sociale et cela m’a ouvert de nouvelles possibilités. Ceci dit, j’ai deux projets en cours liés à l’hortithérapie, l’un avec des personnes âgées et l’autre autour de la formation.

Mon premier travail est un programme résidentiel pour des personnes souffrant de polyhandicaps. C’est une ferme avec des serres et des terres où nous cultivons des fruits, des légumes, des herbes et des fleurs. Nous sommes auto-suffisants. Nous ne vendons rien, mais nous faisons du troc localement. Nous avons aussi des animaux : deux chevaux, dix poules et deux chats. Ce que j’aime dans ce programme, c’est qu’on combine les plantes qui sont « indulgentes » et les animaux qui ne le sont pas.

La ferme se situe dans la région de Vienne, elle est assez excentrée. Pour moi qui suis en vélo, c’est à une heure. L’association qui gère la ferme est aussi responsable de deux résidences dans Vienne. Le personnel est pluridisciplinaire. Nous accueillons 7 résidents pour trois ou quatre professionnels en journée.

Et ton deuxième projet ?

L’autre programme est situé à Taiskirchen dans un centre d’accueil pour réfugiés qui est le plus gros et le plus ancien du pays. A certains moments, il a accueilli jusqu’à 5 000 personnes. Il y a 5 ans, la ville a donné des terres pour créer un jardin et pour que les réfugiés et les locaux se rencontrent. Tous les samedis, on sert un petit déjeuner que nous préparons pour tout le monde et on vend la récolte en échange de dons. Les réfugiés reçoivent de l’argent de poche (la loi ne les autorise pas à travailler).

Ce qui est le plus précieux pour les réfugiés est d’être engagés dans une activité qui a du sens pendant qu’ils attendent la décision de la justice et qu’ils prennent des cours d’allemand. Nous accueillons entre 15 et 20 personnes, trois fois par semaine. Pendant leurs journées de travail dans le jardin, ils partagent un déjeuner et construisent une communauté. Dans le cadre de leur demande d’asile, ce travail leur permet aussi de montrer qu’ils sont intégrés. 

Heidi Rotteneder

Après ton expérience en France, quel regard portes-tu sur l’hortithérapie dans notre pays ?

J’ai beaucoup aimé l’ouverture qui existe en France à d’autres thérapies autour de la nature comme les bains de forêt par exemple. C’est le cas aussi en Allemagne et en Autriche. Aux Etats-Unis, les lignes sont plus strictes. Si on sort du cadre, ce n’est plus de l’hortithérapie. Cette différence est en partie culturelle. C’est aussi dicté par le fait de vouloir être certifié.

Birgit Steininger, enseignante dans deux formations à Vienne

Birgit Steininger est chargée de cours et rattachée à la direction de la formation pour le Master Green Care et le programme « expert académique en thérapie par le jardinage » au Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale à Vienne.

Birgit Steininger

Comment est né votre intérêt pour l’hortithérapie ?

J’ai fait des études d’horticulture à l’Université de Vienne. Mon mémoire de master s’intéressait à un jardin d’école pour des enfants porteurs de handicaps. En 1998, j’ai rencontré quelqu’un qui traduisait un article américain sur l’hortithérapie. A la fin de mes études, j’ai travaillé dans une organisation internationale qui organisait des conférences scientifiques. En 2000, j’ai eu l’occasion de visiter le Rusk Institute àNew York avec Matt Wichrowski et d’aller dans le Kansas (où il y a une des formations universitaires à l’hortithérapie les plus anciennes des Etats-Unis). En rentrant en Autriche, j’ai travaillé pendant quelque temps dans une clinique de rééducation en utilisant l’hortithérapie.

Où en est la formation à l’hortithérapie en Autriche aujourd’hui ?

En 2002, avait été organisée à Vienne une conférence autour de l’hortithérapie avec des intervenants de qualité comme Nancy Chambers. Cela a suscité des vocations. Mais où se former ? L’idée a été de créer une certification en hortithérapie pour des personnes déjà qualifiées dans l’un ou l’autre des domaines (jardinier, paysagiste, fermier, médecin, thérapeute, pédagogue). Cependant, en Autriche, il n’est pas possible de créer de nouveau profil de formation comme l’hortithérapie. Nous avons plutôt tendance actuellement à supprimer des profils.

Nous sommes un collège universitaire qui forme des enseignants. Ce que nous avons créé au sein du Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale, et en collaboration avec la faculté de médecine, est un certificat « expert académique en thérapie par le jardinage » (« academic expert in garden therapy »). Nous pensons que c’est un atout d’avoir de nombreux professionnels différents dans ce domaine. Dès la formation, cela suscite des échanges intéressants entre étudiants. C’est donc une formation continue en deux ans, soit 16 weekends de cours et deux stages. La première promotion a démarré en 2006. Voici le curriculum.

Vous ne vous êtes pas arrêtés là. Décrivez-nous le Master Green Care ?

Effectivement, nous sentions qu’il y avait une demande pour un diplôme d’enseignement supérieur. En 2012, nous avons créé le Master Green Green, qui comprend aussi la thérapie avec les animaux. Le critère d’entrée est d’avoir une licence. Nous attirons des travailleurs sociaux, des enseignants, des ergothérapeutes, etc…Que ce soit pour le certificat ou le master, je leur dis qu’ils ne deviendront pas des thérapeutes. C’est plutôt un outil à ajouter à leur pratique qu’une nouvelle profession. Nous organisons aussi des conférences chaque année. La dernière a eu lieu le 24 juin. 

Comment sont acceptées ces médiations en Autriche ?

L’acceptation est de plus en plus forte. Les médias parlent de plus en plus de la nature qui guérit et la crise sanitaire a accentué cet intérêt. Des cliniques et d’autres institutions sont plus nombreuses aujourd’hui à considérer que la nature et le jardin ont un rôle à jouer. Pour notre part, nous avons formé 240 professionnels à ce jour. Je pense que beaucoup de gens font de l’hortithérapie sans le savoir. Malgré tout, cela reste difficile d’embaucher des gens pour travailler dans le monde médical. Mais nous continuons à organiser des conférences, à publier notre magazine Green Care et à participer à des programmes Erasmus pour mettre à disposition des documents et des manuels sur le sujet.

Ruth Sander : ergothérapeute à la CityFarm Emmaüs de St Pölten, enseignante

Pouvez-vous vous présenter ?

Je travaille à CityFarm Emmaüs à St. Pölten (la capitale de la Basse-Autriche) en tant qu’ergothérapeute depuis 13 ans. J’ai suivi le programme du Master « Green Care » au Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale à Vienne où j’ai également enseigné l’hortithérapie en psychiatrie.

Ruth Sander

Comment êtes-vous venue à pratiquer l’hortithérapie et quel est votre rôle actuel ?

J’ai suivi une formation d’ergothérapeute, ce qui était la profession de mes rêves depuis l’âge de 13 ans. Dès cette époque, j’ai été fascinée par l’idée que « faire des choses » peut avoir un sens, être méditatif et favoriser la santé. Enfant, j’étais très créative en matière de travaux manuels. Mais à la fin de ma formation, j’ai commencé à préférer le jardinage. J’ai fait un stage dans les serres de Schönbrunn (le palais et résidence des Habsbourg). Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai travaillé avec des enfants souffrant de handicaps physiques et mentaux lourds. J’étais motivée pour accompagner les enfants dans le jardin de l’institution chaque fois que cela était possible, même si cela impliquait un effort supplémentaire. J’étais convaincue qu’ils percevaient et appréciaient les odeurs, les sons et les vues du jardin. 

Pendant ma formation, nous avons fait une excursion au centre de soins de jour « Emmaüs CityFarm », un projet de thérapie horticole pour la réhabilitation psychiatrique à Saint-Pölten. J’ai été impressionnée par Gabriele Kellner, l’ergothérapeute qui y travaille et qui a partagé ses expériences avec nous. Après avoir travaillé 6 ans dans le foyer pour enfants handicapés, j’ai vu un poste vacant dans la ferme urbaine d’Emmaüs et j’ai su que c’était le travail qui me conviendrait parfaitement. J’ai eu la chance d’être embauchée et j’y travaille depuis 13 ans maintenant.

Racontez-nous comment fonctionne le programme CityFarm ?

Il y a eu beaucoup de changements dans nos structures et de développement de nos stratégies au fil des ans à la CityFarm, mais je vais vous dire ce que nous faisons maintenant. Nous travaillons en quatre groupes de huit clients chacun, accompagnés par deux professionnels. 

Deux groupes ont un niveau plus élevé : le groupe « Jardin » s’occupe de l’entretien de jardins privés, ce qui est physiquement et socialement difficile. Le groupe « Légumes » s’occupe de la culture de nos aliments dans les champs et dans la serre, ce qui est également très éprouvant – surtout en été – et mentalement difficile, car le champ est immense et les mauvaises herbes poussent vite. Les participants à ces groupes ont pour objectif de retrouver un emploi après des années de chômage ou ils veulent simplement avoir une structure quotidienne où ils peuvent libérer leur énergie à travers un « véritable travail ».

Les deux autres groupes « Cuisine » et « Herbes » s’adressent à des personnes souffrant de maladies psychiatriques qui souhaitent retrouver une structure quotidienne et clarifier leurs capacités à travailler à nouveau – en tout cas à travailler dans un environnement protégé comme la « CityFarm » d’Emmaüs. Le groupe « Cuisine » récolte et cuisine tous les jours pour les 40 clients et employés de l’institution. Le groupe « Herbes » (dans lequel je travaille) cultive et transforme les herbes et les fleurs en thé, épices et encens. Bien sûr, tous les groupes participent à la vaisselle et au nettoyage des chambres. 

En outre, les quatre groupes ont la possibilité de participer chaque semaine à une activité créative et à un groupe sportif – ce sont des cadres populaires, où il n’est pas important d’améliorer ses capacités, mais d’exprimer ses sentiments et de passer un bon moment.

Le matin, chaque groupe se réunit avec les personnes responsables pour un tour de table, où chacun est invité à faire part de son humeur et de ses besoins particuliers. Ensuite, les tâches de la journée – qui changent rapidement au cours de l’année – sont distribuées. Les clients peuvent choisir la tâche qui correspond à leurs préférences ou qui leur permet de développer leurs capacités. Leur capacité et leur motivation à travailler, ainsi que leurs objectifs dans le centre de jour, font l’objet de discussions régulières avec leur référent.

Les pauses et les repas sont pris ensemble – de préférence sur la terrasse – et les fêtes de l’année sont célébrées ensemble à la ferme. Je crois fermement que le lien avec les saisons, le travail avec les mains dans la terre et l’expérience directe des résultats de leur travail favorisent grandement les processus de stabilisation et de guérison des clients. 

En ce qui concerne la formation, quelle est votre expérience et votre spécialité ?

J’ai enseigné « l’horticulture thérapeutique en psychiatrie ». Je me suis principalement basée sur le modèle d’ergothérapie « OPM – Occupational Performance Model » qui divise les capacités et les besoins d’une personne en 5 niveaux : Bio-mécanique, Sensori-moteur, Cognitif, Intra-personnel et Inter-personnel. Chacun de ces niveaux peut être analysé et entraîné à travers l’hortithérapie. 

Prenons, par exemple, le niveau intra-personnel (émotionnel). Si une personne est dans un état maniaque ou contrarié, elle est invitée à tondre la pelouse pour se calmer. Si quelqu’un est d’humeur dépressive et a peu d’énergie, on lui offre un endroit sûr et calme pour semer de nouvelles plantes ou couper des herbes. Pour encourager les compétences interpersonnelles, on peut recommander de désherber ensemble sur le terrain ou de casser des noix en hiver.

Lorsque j’enseigne, je parle de mon travail avec les clients pour offrir des exemples vivants. J’aime parler d’un projet que j’ai lancé il y a 8 ans : chaque client se voit offrir une petite plate-bande (1 x 2 mètres) pour cultiver ses propres plantes. Nous commençons en avril par le dessin des planches et la planification des cultures mixtes. Après le grand marché de printemps, où la CityFarm vend des milliers de jeunes plants, les clients peuvent choisir des jeunes plants ou des graines pour leurs planches. Ils aiment aussi faire un petit tour de shopping dans la jardinerie voisine. 

Les plantes sont installées dans les plates-bandes et arrosées chaque jour par une personne du groupe. Chacun est invité à prendre soin de ses propres plantes, mais nous nous réunissons une fois par mois pour désherber, récolter et partager nos connaissances et parfois aussi les fruits des plates-bandes, qu’ils peuvent conserver pour leur propre usage. Dans ce cadre, les clients apprennent beaucoup sur le jardinage de leurs propres légumes, herbes et fleurs et font l’expérience de l’auto-efficacité et de la prise de responsabilité. 

Dans la formation, je parle également des résultats de mon mémoire de maîtrise. Dans ce mémoire, j’ai demandé aux clients « Que signifie le jardin pour vous ? » et je les ai invités à prendre une photo à l’aide d’une tablette. Ensuite, nous avons réfléchi à la photo et à leurs endroits et tâches préférés dans le jardin. Par exemple, un client souffrant de dépression sévère a beaucoup apprécié la variété des fleurs colorées du « jardin mandala ». Une femme souffrant de stress post-traumatique a préféré les endroits clôturés, où elle se sentait en sécurité. 

Bien entendu, j’enseigne également le soin de soi ou auto-soin (self-care) en tant que thérapeute – ces stratégies peuvent également être recommandées aux clients en cas de besoin. L’endroit le plus populaire pour les activités d’auto-soin est le jardin – c’est un endroit pour se connecter, se calmer et recharger nos batteries intérieures.

« Créer un jardin de soins » : Paule Lebay vous propose les clés

Faut-il encore présenter Paule Lebay *? Infirmière de métier et co-créatrice d’un jardin thérapeutique à l’accueil de jour de la maison de retraite d’Onzain (Loir-et-Cher) dès 2012, elle a créé le site Plus de vert less béton à travers lequel elle « aide les professionnels de santé qui ont le sentiment de perte de sens dans leur vie, à rétablir une relation d’aide auprès de personnes vulnérables, grâce au jardin de soins et à l’hortithérapie ». 

Suite logique à cet engagement, écrire un livre pour partager ce qu’elle a appris depuis 10 ans sur la création, la réalisation et l’animation d’un jardin de soins. C’est chose faite avec la sortie chez Terre Vivante de « Créer un jardin de soins : du projet à la réalisation ».

Après la sortie en 2017 de « Jardins thérapeutiques et hortithérapie » de Juliette Pellissier chez Dunod, livre réédité ces jours-ci, le livre de Paule vient compléter la bibliothèque de tout.e hortithérapeute francophone ou personne curieuse de cette médiation autour du vivant avec des conseils éminemment pratiques. C’est le livre de chevet indispensable dès que l’idée d’un jardin de soins commence à trotter dans la tête.

Son livre sous le bras, Paule Lebay est entourée plusieurs membres de la FFJNS (de gauche à droite, Sébastien Guéret, Jérôme Rousselle, Thomas Guizard et Isabelle Launet) en route pour une table ronde sur l’hortithérapie dans les établissements de soins à Jardins, Jardin le 12 juin 2022.

« Le jardin de soins est un lieu où domine le vivant »

« Le jardin de soins est un espace dans lequel les plantes sont prédominantes, qui a été pensé et adapté à un public vulnérable précis, avec la volonté de reconnecter l’Homme au vivant, par une immersion et/ou des activités horticoles réfléchies, dans l’intérêt de son bien-être, de sa santé et de son autonomie », définit Paule d’entrée de jeu, prenant le parti de préférer ce terme à celui de jardin thérapeutique qui lui  semble prématuré en France du fait de l’absence de formation spéficique. 

Des définitions de base à la construction du projet (les questions à se poser en amont, la constitution de l’équipe, le temps de l’observation, l’estimation des coûts, la recherche de mécénat,…) à l’aménagement du jardin de soins (les éléments du jardin de soin, le points de vigilance,…) et à l’animation (les compétences d’un animateur au jardin de soins, la dimension soignante des séances au jardin, préparer une séance d’hortithérapie,…), Paule vous prend par la main tout en vous poussant à la réflexion.

Paule ponctue son livre de quatre interviews avec des pionnières du mouvement : Rebecca Haller, une Américaine qui dirige le centre de formation Horticultural Therapy Institute et a présidé la American Horticultural Therapy Association (AHTA) et trois Françaises. Anne Ribes, auteure de « Toucher la terre » et créatrice de nombreux projets en France depuis les années 1990, France Criou, médecin et paysagiste également à l’origine de plusieurs jardins emblématiques et Emmanuelle Lutton, confondatrice du Jardin de Vezenne. Leurs témoignages et leurs éclairages enrichissent énormément le livre de Paule.

Depuis quelques semaines, le livre de Paule fait partie de tous mes déplacements. Attention, vous pourriez devenir accro.

L’avenir des jardins qui soignent

Enfin, Paule nous laisse avec ses réflexions sur cette nouvelle médiation, à la fois dans son développement auprès des personnes vulnérables et dans son développement en tant que profession(s) nouvelle(s). « Pour conclure, je dirais que si nous souhaitons une reconnaissance des jardins de soins, cela devrait passer par le développement de la professionnalisation plurielle. Accueillir la pluralité permettra de renforcer les échanges et donc la qualité pour chaque corps de métier. S’y opposer, rester dans l’entre-soi incitera des personnes totalement étrangères au secteur du soin à créer des produits inadaptés, voire néfastes pour les jardins de soin et l’hortithérapie. »

En effet pour elle, les compétences nécessaires au jardin de soins sont diverses : les pathologies et handicaps avec leurs méthodes de prise en soin bien sûr, mais aussi les approches psychologiques, le vivant, les moyens de communication, les méthodes d’éducation thérapeutique du patient, les méthodes d’animation de groupe sans oublier les techniques de jardinage. Un programme complet.

* J’ai rencontré Paule pour la première fois en octobre 2012 lors d’une formation à Chaumont-sur-Loire. Depuis, nous sommes restées en contact, avons participé à l’aventure de la création de la Fédération Française Jardins Nature et Santé et échangé à propos de ce projet de livre qu’elle a patiemment mûri. C’est un plaisir de tenir enfin ce livre en mains (et cerise sur le gâteau, ma mère aime beaucoup la couverture, Paule).

Voici quelques autres apparitions de Paule dans ce blog au fil des ans : Croyez en vous en 2020, visite en vidéo du jardin d’Onzain en 2014, le démarrage du jardin en 2013.

Vida Pura Vida : récit d’un voyage au Costa Rica

Ce mois-ci, je passe la plume à Sébastien Guéret. La dernière fois qu’il avait écrit ici, les circonstances étaient bien différentes. Pourtant, je vois un lien direct entre les grandes lignes de vie qu’il énonçait dans ce texte écrit en janvier 2015 et ce récit de son voyage au Costa Rica, du 18 janvier au 1er mars 2022. Merci, Sébastien. Je suis contente que tu aies accepté de partager ton expérience (et de te mettre la pression pour écrire avec une date butoir).

Sébastien et les arbres

Pura Vida ! Je l’avais lu dans le « Guide du Routard » du Costa Rica, quelques jours avant mon départ. Je ne comprenais pas trop ce que ça voulait dire et le Routard m’avait paru assez flou pour définir ce que signifiait « la vie pure ». 

Je ne vais pas vous raconter toutes les complications et les indécisions liées, entre autres choses, au contexte sanitaire de ces dernières années, dans la préparation de mon voyage, mais c’est un voyage dans lequel je me projetais pour la première fois en février 2020, quinze jours avant le premier confinement. Et ces indécisions demeureront jusqu’au jour du départ, et même jusqu’au passage de la douane à San José.

Mais me voici à lire le Routard aux alentours du 10 janvier, billet en poche et, « inch Buddha », je partirai le 18 janvier pour 6 semaines ! 

Maintenant tous les indicateurs sont au vert. Tous, excepté l’aspect financier un peu critique après 2 années à travailler à 50-70%, mais qu’importe ! Je taperai dans mon « bas de laine », c’est bien à ça qu’il doit servir. 

Et si demain, telle la cigale je me retrouve sans le sou ben je me mettrai en mode fourmi et puis c’est tout ! L’heure est à la « Pura Vida » ! 

Arrivée au Costa Rica

Sur place je ne comprends toujours pas le sens de l’expression. En tous cas, pas immédiatement. L’arrivée à San José se passe très bien, j’arrive aux alentours de 19h. Le temps de récupérer mon bagage et d’arriver à l’auberge que j’ai réservée, je me couche vers minuit. Je ne veux pas rester en ville à San José. Je n’ai qu’une hâte, celle de découvrir la campagne, les montagnes, les forêts. Le village où je dois participer à un chantier de reforestation, officiellement la raison principale de mon voyage, est à 4 heures de route au Sud de la capitale, à l’intérieur des terres, et à environ 50 km de l’Océan Pacifique.

Je repars donc dès le lendemain pour retrouver Rémy qui organise le chantier de plantation. Et je découvre la « Finca Sonador » et ses environs. Une Finca est un espace agricole autour duquel s’organise un village. Ou l’inverse… Près de 700 habitants dans cette Finca, principalement des familles de paysans Ticos (nom donné aux Costariciens). C’est un village un peu particulier car développé à l’origine, à la fin des années 70, par la communauté Longo Maï, basée en France pour accueillir les réfugiés politiques du Nicaragua et du Salvador. 

Rémy m’explique rapidement que le chantier de plantation a changé de nature. En effet il s’est rendu compte sur place, en discutant à droite et à gauche que le projet initial qu’il envisageait était en fait une forme de « green whashing » pour une grosse compagnie d’ananas qui d’un côté déboise et pollue pour ses cultures et d’un autre finance des projets comme celui que nous voulions mener pour soigner son image. Donc plutôt que de forêt nous planterons des fruitiers dans le village. 

L’entrée du village

 

Découverte du village : de surprises en émerveillements

Le lendemain matin j’accompagne Rémy dans son footing matinal. Je découvre le décor dans lequel je vais évoluer et auquel je vais contribuer par mon action ! C’est juste splendide. Nous remontons la « route » principale du village (route de cailloux) jusqu’au premier site de plantations. – Le but est de planter dans des endroits accessibles aux villageois pour qu’ils puissent se servir directement des fruits qui borderont cette circulation. – Puis nous continuons pour arriver à la fin de la route, à la lisière de la forêt. Rémy m’explique qu’il y a plusieurs sentiers qui mènent à différents endroits, dont un qui va rejoindre un site appelé « El bosquet primario » : la forêt primaire. 

Quand Longo Maï a acheté la parcelle (1200 ha), une partie de la forêt était exploitée et une autre était restée vierge. La communauté a pris le partie de préserver cet espace privilégié et c’est ainsi que je découvre qu’au bout du village où je réside il y a quelques 150 ha de forêt vierge. 

Forêt séculaire qui n’a jamais été exploitée, n’a subi aucune autre dégradation que celle du temps qui fait son œuvre. J’ai déjà tellement envie d’y aller ! Je me sens appelé, j’ai envie d’aller me présenter à ces arbres, de les embrasser, de les câliner, de les gouter ! 

Le lendemain nous attaquerons les trous de plantations … Nous achèterons ensuite les plants chez « Angelus » un pépiniériste dont les terrains sont sur la Finca. 

Chez Angelus le pépiniériste, avec Aron et Jona deux jeunes Autrichiens en service civique dans le village

Chez Angelus le pépinièriste, avec Aron et Jona deux jeunes autrichiens en service civique sur le village

Dès mon arrivée à La Finca je suis subjugué par les paysages, la lumière et la luxuriance de la végétation. Par exemple, je découvre ce qu’ils appellent la « Caña India » (Draceana indica). Ils se servent de cette plante pour faire des piquets de clôtures. Quand on n’y prête pas attention, on ne remarque pas que ces clôtures sont vivantes par leur seule volonté propre. Je m’explique : Pour faire leurs clôtures, les Ticos coupent des piquets de Caña India. Ces bouts de bois sont ensuite plantés dans le sol pour établir la clôture. Généralement on y cloue plusieurs fils barbelés, et voilà la clôture en place. Sauf que ces piquets font très rapidement de nouvelles racines, et de nouvelles feuilles. Et voilà ces clôtures qui reverdissent à vitesse grand V ! Je m’en suis rendu compte et j’ai été assez ébahi en voyant certains de ces piquets qui avaient été laissé au sol… Certainement jugés inaptes pour ce à quoi on les destinait, ils ont été jetés par terre sans plus de considération… Et par le simple contact avec le sol et les conditions climatiques favorables, ils se sont mis, eux aussi, à refaire de la végétation et à synthétiser de la matière organique ! Miracle de la vie. Oui, on peut le dire ainsi. Nietzche parle de « la pulsion de vie ». Jusqu’alors l’image que j’en avais c’était les bambous. Bambous qui, même sous nos latitudes, ont cette faculté de repousser à partir de fragments laissés aux sols…  C’est la même chose ici avec la Caña India. 

Les photos que je fais me semblent toutes merveilleusement belles. Et pour cause !!! Les couleurs et la lumière sont tellement belles ! 

Un piquet de Caña India qui refait des racines et du feuillage après avoir été jeté au sol

 

Le mystère de la « Pura Vida » s’éclaircit

Et si c’était ça la « Pura Vida » finalement ? Des conditions de vie telles que tout pousse, sans attention particulière. Des conditions de vie telles que chacun à de quoi manger et vivre dignement ?

En fait, c’est un peu ce que semblent vivre les Ticos et je commence à mieux comprendre cette expression qu’ils lancent à tout bout de champ. 

Ces gens flegmatiques et souriants semblent naturellement heureux et paisibles. Habitants d’un pays qui a renoncé à son armée en 1949 et qui a misé dès les années 1980 sur une économie liée à l’éco-tourisme en faisant du respect, du maintien et de la protection de la biodiversité un objectif national dont tous semblent très fiers. 

Le Costa Rica, c’est un tout petit pays de 51 000 km2 (en comparaison la France en fait près de 550 000, soit 10 fois plus). Ce sont 0,05% des terres émergées du globe qui accueillent près de 5% de la biodiversité mondiale. Douze zones climatiques différentes, des hauts plateaux du centre du pays avec ses chaines volcaniques, entourées de 2 océans, Pacifique d’un côté et Atlantique (mer des Caraïbes) de l’autre. 

Et des forêts en veux-tu, en voilà : forêts tropicales basses, forêts tropicales sèches, forêts humides d’altitude, forêts pluvieuses ou « de nuages »

Sur le plan économique, c’est un des pays les plus riches de la région, avec un taux d’alphabétisation de 98% et une espérance de vie qui avoisine les 80 ans. 

Le chantier et ses défis

A la Finca Sonador, le rythme est le suivant : levé aux environs de 5h, et départ pour le chantier vers 7h. Travail jusqu’à 12-13h, puis chacun fait ce qu’il veut. Je me lèverai plusieurs fois à 4h pour aller méditer en forêt ;-). On travaille la semaine, du lundi au jeudi ou vendredi et on profite des week-ends pour visiter les environs. 

Le chantier s’est avéré n’être pas très bien organisé et au total nous avons planté peut-être une cinquantaine de sujets quand nous aurions certainement pu en planter 10 fois plus. Qui plus est, nous avons vite compris sur place que ce n’était pas le bon moment pour planter des arbres puisque nous étions au début de la saison sèche et qu’il allait falloir suivre l’arrosage de très près alors que si nous avions planté 3 ou 4 mois plus tard, les conditions auraient été beaucoup plus favorables à la reprise. Mais c’était ainsi et j’avoue franchement que ce chantier était un prétexte pour partir à la rencontre de ce pays qui m’attirait depuis un bon moment. 

Rencontres sensibles avec les plantes et les arbres

Les premiers arbres que je côtoie lors de mes méditations, sont Chiricano et Chonta (orthographe phonétique), des arbres endémiques et emblématiques de ces régions. Mais je les ai rencontrés sans chercher à connaître leur nom. Pendant ce voyage et pour la première fois depuis très longtemps pour un voyage à l’étranger (et hors d’Europe qui plus est), je n’ai pas vraiment cherché à identifier les végétaux que je rencontrais. 

En 1995, lors de mon voyage en Polynésie après avoir atterri à Papeete, j’étais complètement perdu car je ne reconnaissais rien de la végétation. Jeune jardinier, je me sentais complètement démuni de ne rien reconnaître. Alors très rapidement je m’étais acheté une flore locale pour me rendre compte qu’en fait je connaissais la plupart des espèces. Simplement, je ne les reconnaissais pas dans leur environnement naturel et à leur taille naturelle. 

Le pothos (Scindicapsus),  par exemple, qui est une plante d’intérieur très commune chez nous doit avoir une feuille qui mesure entre 10 et 20 cm de long. Là-bas, elles mesuraient peut-être un mètre ou 1,5 mètre, donc l’échelle était totalement différente… 

Par la suite j’ai pris l’habitude quand je voyageais d’acheter dès l’arrivée des livres de reconnaissance des végétaux locaux pour me familiariser avec le pays. Je disais souvent que j’aimais bien connaître les plantes, par leur nom latin notamment car je me sentais partout chez moi sur la planète dès lors que je reconnaissais les plantes et que je connaissais même leurs « petits noms». 

D’ailleurs je me souviens que quand j’ai commencé à travailler avec Jean-Paul et Anne RIBES cela faisait écho à leur discours lorsqu’ils disent que le jardin de soin se doit d’être familier. Je me disais, en fait moi mon jardin c’est la planète. 

Mais pour ce voyage j’en avais décidé autrement. Je ne voulais pas rencontrer ces arbres et ces plantes de manière « intellectuelle », ou scientifique, à la manière d’un botaniste. Je voulais juste une rencontre sensible. Peu m’importait comment ces plantes s’appelaient, seules leur présence et notre rencontre m’importaient. J’ai donc arpenté les forêts sans me soucier de chercher à reconnaitre les êtres qui les peuplaient. Pas toujours facile pour moi de lâcher là-dessus. 

Mais les rencontres furent nombreuses et vibrantes. En fait là-bas on prend un vrai « shoot » de nature. 

C’est maintenant prouvé dans toute la littérature au sujet de la sylvothérapie, le contact de la forêt modifie beaucoup de choses en nous. Et même si je vis déjà ça au quotidien en France, au Costa Rica j’ai vraiment eu des sensations intenses. 

Après 2 années passées dans un contexte sanitaire hyper anxiogène et qui nous a privés d’une part de nos libertés, et notamment celle, pas des moindres, d’aller et venir à notre guise où bon nous semble, qu’il était bon de se sentir libre et au contact de cette nature luxuriante. Pour moi qui vis à Marseille, ville très minérale et très sèche, je redécouvre la joie de me retrouver dans ces forêts vertes et humides, au fil de l’eau. 

Après l’effort, le réconfort

 

Une douce ivresse avec la nature comme guide

Je ne vais pas vous raconter tout mon voyage car ce n’est pas le propos mais ce qu’il m’apparaît important de relater ici, au-delà de cette sorte d’ivresse douce causée par la nature c’est aussi la merveilleuse sensation d’être guidé en permanence par les végétaux et les éléments. 

Je le dis maintenant régulièrement dans les bains de forêt que j’anime une fois par mois : ces êtres sont de précieux alliés pour ceux qui « savent » les écouter. Et je mets exprès des guillemets car il ne s’agit nullement d’un savoir au sens de connaissance, et encore moins de secret, mais bien de compétences, ou de qualités que nous avons tous au fond de nous. 

J’ai redécouvert il y a peu sur un post de Romane Glotain cette citation de Victor Hugo : « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas ».

Savoir écouter la nature qui nous entoure, c’est simplement être attentif. Attentif à cette nature, mais attentif avant tout à soi. Depuis tout petit, je vis une forme de paradoxe vis-à-vis de cette nature. Natif de Paris, je me suis toujours senti « en manque » de nature. Et dans notre société, tout nous pousse à nous croire séparés de la nature. On parle de l’environnement, comme quelque chose d’extérieur à nous-même. Et le paradoxe que j’ai toujours senti en moi, enfant et jeune adulte, était de croire comme on a voulu me l’inculquer qu’il y avait l’homme d’un côté et la nature de l’autre. Mais nous sommes la nature. 

Gilles Clément parle d’écologie humaniste. L’écopsychologie depuis les années 1990 nous dit que « la crise extérieure n’est peut-être finalement que le reflet de nos crises intérieures ». (Jean-Pierre Le Danf, revue L’Ecologiste, n°33 hiver 2010). Carl Jung parlait déjà de la dérive du monde moderne qui pousse les humains à se vivre comme séparés de la nature. 

Savoir écouter la nature c’est donc avant tout savoir s’écouter. Sentir ce qui est bon pour nous, sentir ce qui nous attire, sentir ce qui nous repousse. 

Et tout mon voyage s’est déroulé comme guidé par la forêt, la montagne, les océans et tous leurs habitants. 

Quelle merveille ! Tout du long j’ai eu la sensation d’être sur mon chemin. Toutes les portes s’ouvraient devant moi lorsque je voulais aller quelque part. J’ai rencontré plusieurs personnes (souvent des jeunes) à qui il arrivait des « galères ». Ils pensaient avoir « la poisse » et que moi j’avais « la baraka ». Mais je ne crois pas à cela et je leur disais d’accepter ce qui leur arrivait comme quelque chose de positif, même quand cela leur semblait difficile. 

Pour ma part à chaque fois que je n’arrivais pas à obtenir quelque chose, j’avais le sentiment profond que quelque chose de meilleur, pour moi, m’attendait autre part. A chaque fois que je ne pouvais pas aller quelque part, c’est qu’il y avait un autre endroit qui m’attendait. Je pense que c’est aussi ça, être à l’écoute de la nature, de sa nature. 

On parle souvent de la loi de l’abondance. Et beaucoup réduisent l’abondance à l’argent. Beaucoup attendent de cette loi naturelle, confort matériel et argent. Ce qui est compréhensible dans le contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui et vu la place prépondérante que prend l’argent dans nos vies. Mais l’abondance, c’est avoir ce qu’il vous faut pour vivre, dignement et dans la joie. Ni plus, ni moins. Et pour ça nul besoin d’être riche.

Je dis souvent que je ne joue pas au Loto parce que je ne veux pas gagner. Je ne veux pas devenir riche. Que deviendrait le sens de ma vie si je devenais riche ? Que deviendrait mon discours si j’étais riche ? Les gens me diraient : « C’est facile de prôner la simplicité, et la confiance quand on n’a pas de soucis à se faire pour son avenir », sous entendu, pas de soucis financiers. Mais l’abondance c’est aussi, et surtout, avoir une bonne santé, être entouré de gens aimants, avoir un travail qui vous nourrisse intellectuellement, culturellement, humainement… Voilà ce qu’est l’abondance…

Vol de Pélicans au dessus du Pacifique

A l’écoute

Etre à l’écoute des arbres et de la nature, c’est donc être centré (on parle d’alignement aussi : esprit, corps, cœur) pour ressentir à leur contact, dans quelle direction aller. 

Certains poseront des questions directement. D’autres plutôt une intention, d’autres encore seront en réflexion, ou totalement ouverts, en état méditatif et sans pensées… Et les réponses peuvent être multiples et variées. Pour ma part parfois il s’agit de visualisations, d’autres fois d’intuition, ou encore de signes qui m’apparaissent comme évidents… Les réponses sont parfois immédiates, mais d’autres fois elles viennent plus tard. Il m’est arrivé de me sentir « en errance » et de « questionner » un arbre sans obtenir de réponse et puis deux ou trois jours plus tard, l’arbre m’apparaît subitement et la réponse avec, comme une évidence…

Trouvé sur mon chemin dans la forêt lors de ma méditation matinale, le lendemain d’une belle rencontre… Parfois les signes sont très clairs 😉 Faut-il encore les voir

Alors vous me direz qu’on s’est peut-être éloigné de l’hortithérapie dans ce voyage au Costa Rica et c’est vrai, je le conçois. Mais l’hortithérapie n’est rien d’autre qu’une application pratique parmi d’autres de cette harmonie que nous devons chercher à retrouver avec la nature, avec notre nature. Notre propre nature d’homme-animal et notre nature au sens où cet environnement est bien notre nature et pas La nature.

Forêt humide d’altitude – Cerro Chirripo