Le mois dernier, je vous promettais de reparler de l’hortithérapie au Canada rapidement. Chose promise, chose due. Voici un entretien avec Cheney Creamer, présidente de la Canada Horticultural Therapy Association (CHTA) avec qui j’ai échangé par visio en début de semaine.
Pouvez-vous vous présenter et décrire votre parcours dans l’hortithérapie ?
C’est une question complexe. Jusqu’où est-ce que je dois remonter ? Je vais commencer dans le présent et repartir dans le passé. Je suis présidente de la CHTA. Je suis aussi la fondatrice et présidente de One Green Square Wellness Consulting. J’aide les personnes, les équipes et les groupes à se connecter aux plantes. Ma mission est de maximiser le potentiel d’une relation pleine de sens entre les plantes et les humains. Cette relation nous permet de montrer plus de compassion, de mieux communiquer, d’être plus innovant et de mieux gérer le stress.
Ma carrière depuis plus de 20 ans a été tournée vers le bien-être dans les organisations. Je me suis spécialisée dans la gestion du stress ou ce qu’on appelle maintenant la construction de la résilience. Aujourd’hui, j’évalue des espaces pour un usage thérapeutique (dans des résidences pour personnes âgées, dans des établissements pour des enfants) et puis je travaille sur cette expérience thérapeutique dans ces espaces. J’aide principalement des adultes à développer des pratiques pour gérer leur stress ainsi que des soignants tels que des infirmières à intégrer les jardins thérapeutiques dans leurs pratiques. En travaillant avec des gens en Italie ou aux Etats-Unis, j’ai pu me rendre compte que la pratique au Canada peut être différente ne serait-ce qu’à cause de la météo et de nos longs mois d’hiver.
En ce moment, je suis sur le point de lancer un programme composé de cinq modules sur l’hortithérapie au Canada (Présentation de l’hortithérapie au Canada ; Evaluer, développer et utiliser les jardins thérapeutiques ; Cultiver votre approche thérapeutique authentique ; Facilitation virtuelle ; Maximiser le potentiel thérapeutique). Je vais commencer très bientôt et les cours seront disponibles en visio ainsi qu’en présentiel.
Cheney Creamer, présidente de la Canadian Horticultural Therapy Association
Comment décririez-vous la situation actuelle de l’hortithérapie au Canada ?
Nous sommes dans une position favorable en ce moment. C’est un des bénéfices inattendus du Covid. Il y a trois ou quatre ans, les gens ne comprenaient pas de quoi vous parliez quand vous mentionniez « horticultural therapy ». Ils comprenaient horticulture et thérapie, mais pas la combinaison des deux. Maintenant ils comprennent comment les deux peuvent marcher ensemble. Pas dans les détails certes, mais il y a une prise de conscience parce qu’ils comprennent ce qu’ils ont pu vivre en terme d’isolement et de stress et comment la connexion avec la nature a pu les aider. Ils le comprennent à un niveau tout à fait nouveau, personnel. Avant je devais leur faire vivre une expérience pour leur faire comprendre. Maintenant, tout le monde comprend.
Comment devient-on hortithérapeute au Canada ?
L’hortithérapie est en croissance rapide. Actuellement, nous avons 35 professionnels qui sont « registered ». Moi-même, je ne suis pas encore « registered » malgré des études de psychologie et d’horticulture. J’y suis presque. L’éducation était dans un état de stagnation parce que nos professionnels expérimentés ne sont pas des enseignants, qui plus est spécialisés dans la formation pour adultes. Il se trouve que je suis diplômée en psychologie et que j’ai une formation en éducation pour les adultes. Mais nous avons une difficulté pour transmettre les savoirs. Au Canada, nous n’avons pas de formation universitaire, contrairement aux Etats-Unis où cependant le nombre de programmes universitaires est en déclin. Par contre, nous avons des universités qui vont commencer à offrir des cours optionnels en école d’infirmières ou dans des études sur l’environnement. Il existe aussi deux certifications à l’hortithérapie qui sont accréditées, une en ligne et une sur l’ile de Vancouver. Nous avons une liste des connaissances de base pour permettre d’approuver un programme. Ce qui est intéressant, c’est que différentes personnes peuvent proposer des cours dans leur spécialité. Elles peuvent enseigner des composantes.
Le processus pour candidater et devenir « registered » était très difficile. Au 1er mars 2023, nous l’avons changé et amélioré. Avant, un stage semblait un obstacle alors que ce n’est pas absolument nécessaire. Notre système est un système à points. Il faut avoir une formation ainsi que de l’expérience dans trois domaines : l’hortithérapie, l’horticulture et la thérapie. Ainsi de nombreuses routes peuvent mener au statut « registered ». Il n’est peut-être pas nécessaire d’obtenir un nouveau diplôme. Une nouveauté structurelle est que les stages ne sont plus aussi courants au Canada car ils doivent maintenant être rémunérés. On peut obtenir les points de l’expérience par des emplois plutôt que par des stages. Nous avons aussi plus de bénévoles dans l’association, une quarantaine en tout, qui peuvent guider les candidats dans le processus. J’étais dans une visio récemment et une dizaine de personnes, rien que dans ce groupe, était en train de devenir « registered » !
Session d’hortithérapie en petit groupe sous le gazebo par temps pluvieux
Dans quels secteurs trouve-t-on des programmes d’hortithérapie au Canada ?
Dans les résidences pour personnes âgées. Dans des établissements pour enfants : des crèches, des programmes classiques, quelques établissements spécialisés et aussi dans les écoles de nature qui sont très populaires au Canada. En psychiatrie, cela a été plus long, mais l’hortithérapie vient s’ajouter à la « wilderness therapy » qui est plus rude. Là où on voit le plus de croissance est avec les adultes et les adolescents qui se battent contre l’anxiété. Au Canada, l’éco anxiété est aussi une préoccupation de plus en plus présente en santé mentale.
Quel est l’état de la recherche chez vous ?
Nous en voulons tous, mais peu s’y lancent. On nous en demande souvent, en soutien dans les demandes de subventions notamment. Si les praticiens viennent du monde de l’horticulture, ils ont peu de compétences en recherche. Plus nous aurons de professionnels, plus nous pourrons encourager la recherche qui demande d’établir des buts et objectifs, de déterminer des résultats mesurables et d’évaluer pour mesurer. On peut même imaginer un modèle où les thérapeutiques recueillent les données efficacement et d’autres personnes se chargent de la recherche.
Vous distinguez « horticultural therapy » et « therapeutic horticulture ». Vous pouvez nous rappeler la différence ?
Cela nous a mis plus de trois ans à faire comprendre la différence. Dans les deux cas, un professionnel formé est impliqué. « Horticultural therapy » est une application clinique avec des buts et des objectifs mesurables, une évaluation clinique sur les plans physique, cognitif, psychologique, social et/ou spirituel. Pour la « therapeutic horticulture », on peut avoir des objectifs et des évaluations, mais ils ne sont pas directement exprimés et discutés. C’est une approche moins clinique où une évaluation rigoureuse n’est pas nécessaire ou même appropriée. Je travaillais récemment avec des ambulanciers dans un programme de bien-être : pour eux, il aurait été contreproductif d’évaluer, cela rappelle trop leur environnement de travail. En tout cas, les deux approches se différencient clairement d’une simple activité de jardinage.
J’ai deux devises pour expliquer. « Approach before activity » : pourquoi vous venez ? Si c’est une activité, c’est plutôt un club de jardinage pas une approche thérapeutique. « Are you leaving with a practice or a product ? » : est-ce que vous confectionner un produit à remporter chez vous comme une couronne ou bien est-ce que vous aurez choisi de faire une couronne en pommes de pin pour leur résilience, une couronne qui vous permet d’entrer en relation avec la plante ?
Aire de jeux sensoriels pour les aînés de Holyrood Manor
Pouvez-vous nous parler de l’histoire de la CHTA ?
La création date de 1987, nous sommes le petit frère de l’AHTA américaine qui s’est formée en 1973. Il y avait un fort intérêt dans les années 1980, puis l’hortithérapie a disparu des radars pendant une dizaine d’années. L’écopsychologie a réveillé l’intérêt. Mon but actuellement est de créer une communauté. Nous avons 35 hortithérapeutes « registered », mais nous avons 300 membres et plus de 4 000 personnes qui nous suivent sur les réseaux. C’est une nouvelle montée en puissance aujourd’hui. La prochaine étape sera l’accréditation, avec l’obligation de passer un examen pour accéder à un titre. En cela, nous sommes entre 5 et 10 ans derrière les Etats-Unis.
Que devrions-nous savoir pour mieux comprendre la CHTA ?
Dans l’esprit de la permaculture, nous privilégions « earth care, people care and resource share », la protection de la terre, la protection des personnes et le partage des ressources. Au Canada, la protection de la terre passe par reconnaître et honorer les peuples indigènes et notre code d’éthique y fait référence. Lors de nos conférences, nous avons toujours des leaders indigènes qui ouvrent et ferment le rassemblement car ce sont eux qui ont pris soin de la terre jusque là. La protection des personnes, ce sont nos membres, nos bénévoles, nos professionnels et comment nous soutenir et créer des opportunités. Le partage des ressources, c’est le partage de la formation, de la recherche nationalement et internationalement.
Nous devons pratiquer ce dont nous parlons, nous mettre nous mêmes dans nos pratiques, c’est-à-dire semer nos graines, observer la nature qui nous enseigne, suivre notre bonheur au quotidien. Cela ne doit pas être des tâches qui s’ajoutent, mais des pratiques qui sont tissées naturellement dans nos vies très occupées. Construire une relation avec la nature nous rend plus heureux et en meilleure santé. Il est important d’aider tout le monde à expérimenter les avantages de mettre les mains, les pieds et le visage dans la terre !
Strength in unity. L’union fait la force. La fuerza de la unión. Dans toutes les langues, on comprend l’intérêt et l’envie pour des personnes animées par une passion commune de se rassembler. C’est ce qu’ont fait des hortithérapeutes dans une bonne douzaine de pays. J’ai repris la liste publiée dans cet article, en me rendant compte que j’avais déjà évoqué la majorité de ces associations et/ou leurs fondateurs et fondatrices depuis 10 ans. Petit tour d’horizon en commençant par la plus ancienne de ces associations.
« Fondée en 1973, l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) est la seule organisation nationale américaine qui défend le développement de la profession d’hortithérapeute et la pratique de l’horticulture comme thérapie pour le bien-être humain. L’AHTA soutient le développement professionnel, l’éducation et l’expertise des praticiens de l’horticulture thérapeutique. Les membres sont des personnes et des organisations situées aux États-Unis et ailleurs. Nous sommes une organisation à but non lucratif (501(c)(3)) dont la mission est de promouvoir et de faire progresser la profession de l’horticulture thérapeutique en tant que modalité thérapeutique et de réadaptation. »
Accréditation professionnelle, conférences annuelles, coordination de la National Horticultural Therapy Week tous les printemps, journal scientifique et magazine, l’AHTA est incontournable. Pour son 50e anniversaire, elle innove avec une conférence virtuelle qui se tiendra les 20 et 21 octobre. Une opportunité « d’atteindre un groupe plus large d’hortithérapeutes du monde entier » et de faire un bilan des pratiques passées, présentes et à venir. Pour répondre à l’appel à communications, c’est par ici (deadline le 21 avril).
Des réseaux régionaux pour favoriser la proximité
Dans un pays aussi vaste que les Etats-Unis, l’envie de se regrouper au sein d’entités régionales s’est naturellement fait sentir. C’est ce que nous expliquait Beth Carter dans ce billet de 2014. Elle faisait partie du Carolinas Horticultural Therapy Network, un groupe d’hortithérapeutes de Caroline du Nord et du Sud créé en marge du American Horticultural Therapy Association dont les règles pour établir un chapitre local leur semblaient trop lourdes. « Nous nous rencontrons deux fois par an pour échanger des idées. L’un de nous accueille la réunion pour le weekend sur notre lieu de travail. Il y a toujours une ou deux présentations », expliquait Beth il y a 9 ans déjà. Souvent isolés au quotidien, les hortithérapeutes aiment se rencontrer et partager.
Au départ, se sont créées des branches régionales de l’AHTA. Par mesure de réduction des coûts, l’AHTA a ensuite dissous l’affiliation des branches, obligeant les membres des branches à développer un système de réseau. Cela s’est produit il y a plus de 15 ans et a tendu les relations entre l’AHTA et les réseaux régionaux.
Aujourd’hui, il existe huit réseaux régions reconnus par l’AHTA, mais opérant de manière indépendante. L’AHTA s’efforce actuellement de renforcer ses relations avec les réseaux, car de nombreux membres de ces derniers ne sont pas membres de l’AHTA. Or, cette dernière aimerait attirer plus de membres. Actuellement, l’AHTA organise des « community meetings » où tous sont invités, membres de l’AHTA et toute personne intéressée par l’hortithérapie.
Si je vous raconte ces « travails » (un mot utilisé en anglais pour décrire une situation ardue), c’est pour montrer que partout où des personnes se rassemblent autour d’un intérêt commun, de belles choses se produisent. Mais ce serait naïf de passer sous silence les tensions organisationnelles et relationnelles qui compliquent souvent la tâche. Si on reste au-dessus de la mêlée, il est évident que, dans leur grande majorité, les personnes impliquées cherchent à faire avancer la reconnaissance de l’hortithérapie du mieux qu’elles peuvent. Mais voilà parfois, les être humains s’engluent.
L’exemple du North East Horticultural Therapy Network
Le North East Horticultural Therapy Network, NEHTN, est l’un des plus anciens réseaux des États-Unis. Colleen Griffin que vous aviez rencontrée dans ce billet l’année dernière (et que je vais avoir le plaisir de rencontrer en personne en France ce mois-ci !) raconte. « Notre région couvre la Nouvelle-Angleterre, l’État de New York et le sud-est de la Pennsylvanie. Une région assez vaste, en effet ! La région du NEHTN chevauche celle de notre réseau voisin, le Mid-Atlantic Horticultural Therapy Network ou MAHTN. Les deux réseaux collaborent souvent et de nombreux membres de chaque réseau participent aux événements des deux réseaux. C’est une relation très agréable à entretenir ! »
Quel est l’attrait de rejoindre un réseau régional ? « Je pense que les réseaux régionaux sont attrayants pour de nombreux non-membres de l’AHTA car les frais d’adhésion aux réseaux régionaux sont très abordables et offrent des avantages comparables. Comme les réseaux sont situés plus près de nos membres, l’ambiance est plus conviviale que dans une grande organisation nationale. Avant le COVID, les réseaux régionaux proposaient des rassemblements fréquents et facilement accessibles. Il s’agissait d’événements très abordables qui offraient une merveilleuse connexion sociale. Et maintenant que nous semblons sortir de la pandémie, les rencontres en personne se multiplient. Il est intéressant de participer à un rassemblement relativement restreint avec des collègues de la Nouvelle-Angleterre plutôt que de traverser le pays pour assister à un rassemblement à l’échelle nationale. »
Canadian Horticultural Therapy Association (CHTA)
La CHTA présente beaucoup de similarités avec son voisin américain.
« L’Association canadienne d’horticulture thérapeutique est l’organisation professionnelle des praticiens de l’horticulture thérapeutique (HT) au Canada. Nous fournissons un processus d’inscription professionnelle volontaire pour les professionnels de l’HT et nous offrons des adhésions (étudiante, individuelle et d’entreprise/institutionnelle) pour toute personne intéressée à soutenir notre mission et à rester au courant des dernières nouvelles, recherches et opportunités dans le domaine.
Fondée en 1987, la CHTA dispose d’un réseau de plus de 300 membres actifs au Canada et à l’étranger, et de plus de 3 000 adeptes sur les médias sociaux. Les membres comprennent des horticulteurs thérapeutes agréés (HTT/HTR/HTM) et des professionnels tels que des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des ludothérapeutes, des travailleurs sociaux, des infirmières, des psychologues, des architectes paysagistes et des horticulteurs, ainsi qu’un groupe diversifié de passionnés de plantes qui s’intéressent vivement aux liens entre les gens et les plantes.
Nous sommes une organisation bénévole à but non lucratif et nous fournissons des informations, un soutien et des ressources à nos membres, aux professionnels et au public sur les pratiques et les avantages de l’hortithérapie (HT) et de l’horticulture thérapeutique (TH).
Les professionnels de l’horticulture thérapeutique offrent une grande variété de services d’horticulture thérapeutique dans de nombreux contextes différents : maisons de soins infirmiers, hôpitaux et centres de réadaptation ; centres de formation professionnelle, programmes de lutte contre la toxicomanie et établissements correctionnels ; centres de jour pour adultes, communautés agricoles thérapeutiques et jardins scolaires et communautaires, pour n’en citer que quelques-uns. »
A lire, le code d’éthique de la CHTA. L’association a dans le passé accrédité des formations et elle est en train de reprendre ce chemin sous un nouveau format. Quant à l’accréditation des professionnels, il existe deux niveaux : horticultural Therapist Technician (HTT) et horticultural Therapist Registered (HTR).
J’ai malheureusement peu « exploré » le Canada depuis 10 ans, à part cette rencontre avec Jeannine Lafrenière et cette autre avec Mélanie Massonnet. Une lacune que je suis en train d’essayer de combler.
Korean Horticultural and Well-Being Association
Difficile de trouver des renseignements sur la Korean Horticultural and Well-Being Association. Je n’ai pas réussi à trouver un site pour cette association.
Tout juste un article en ligne datant de 2012 et expliquant : « L’hortithérapie (HT) en Corée a connu une croissance rapide au cours des 15 dernières années. L’Association coréenne d’horticulture et de bien-être a joué un rôle crucial dans le développement de l’HT coréenne. L’Association coréenne d’horticulture et de bien-être propose quatre niveaux de certification en HT, à savoir l’HT avancée, l’HT niveau 1, l’HT niveau 2 et l’horticulture de bien-être. À l’heure actuelle, le nombre d’horticulteurs qualifiés s’élève à environ 2 000 et l’HT est proposé à environ 1 700 établissements tels que des organismes d’aide sociale, des centres de réinsertion professionnelle, des hôpitaux, des centres de santé publique, des écoles, etc. pour diverses personnes. La pratique de l’HT comprend quatre phases : le diagnostic et la préparation, la planification, la mise en œuvre et l’évaluation. Actuellement, des efforts sont en cours pour obtenir des certifications d’État pour les HT et pour assurer une couverture d’assurance médicale. »
Et un autre de 2021 se concentrant sur la formation : « Cette étude rend compte des perspectives d’emploi des hortithérapeutes coréens et de la nécessité de reconnaître l’horticulture thérapeutique comme une spécialisation des professionnels des services de bien-être en Corée du Sud. À ce jour, malgré la qualification privée d’horticulteur de bien-être proposée par l’Association coréenne d’horticulture et de bien-être (KHTA), il n’existe toujours pas de cadre national de qualification pour l’horticulture thérapeutique en Corée du Sud, ni de lois régissant cette profession. En 2008, la première qualification privée dans le domaine de l’horticulture thérapeutique a été enregistrée auprès de l’Institut coréen de développement des compétences professionnelles (KVCDI) (qualification n° 2008-0243). En décembre 2020, 5 560 stagiaires avaient acquis la qualification d’hortithérapeutes de bien-être, aux niveaux de supervision, de grade enregistré 1, 2 et 3. Pour devenir un hortithérapeute de bien-être qualifié, un stagiaire doit suivre un programme de 90 heures reconnu par la KHTA, comprenant la science horticole, la thérapie horticole, la médecine connexe, le bien-être social et la psychologie de conseil. En outre, les qualifications peuvent être obtenues s’il existe un dossier d’examens écrits, de pratique clinique, de participation à des ateliers et de présentation de thèse. Nos résultats ont montré que les compétences clés des hortithérapeutes requises dans le domaine clinique étaient les capacités de conception de programmes thérapeutiques, la compréhension de l’horticulture thérapeutique et le conseil psychologique. La méthode de formation préférée pour améliorer les compétences professionnelles du stagiaire était la méthode de formation pratique, et le rôle le plus important de la KHTA attendu par les hortithérapeutes était la création d’emplois par l’octroi de qualifications reconnues au niveau national pour les horticulteurs de bien-être. »
Huang Sheng-ying, « forte de 32 ans d’expérience en tant que conseillère et enseignante en éducation spécialisée, est directrice exécutive de l’Association taïwanaise de thérapie horticole et thérapeute horticole senior HTM de l’Association de thérapie horticole Asie-Pacifique. Elle se consacre actuellement à la planification de plans de cours et d’activités de thérapie horticole pour différents groupes, ainsi qu’au développement et à l’innovation de matériel pédagogique. Grâce à sa riche expérience de l’enseignement et à son style de direction unique et joyeux, elle fait en sorte que chaque classe soit pleine de rires et de joie. » Elle est la coauteure de « The Green Life Healing Handbook : 100 Recipes for Gardening Healing » avec Huang Shenglin et Cai Youting.
M. Huang Shenglin est « un hortithérapeute certifié de l’université Merritt aux États-Unis en 2004 et revenu à Taïwan pour se consacrer à la fusion des principes de la pharmacologie et des méthodes de soins de santé chinoises avec les herbes indigènes pour former un système unique et pratique d’horticulture thérapeutique trois en un : agriculture, médecine et alimentation. Il est également le co-auteur de « The Green Life Healing Handbook ». »
Chia-Rong Shih D., « Université du Wisconsin-Milwaukee, Département d’architecture/Centre d’études sur le vieillissement et l’environnement, promeut l’intégration de l’hortithérapie et de la guérison par la forêt dans la conception architecturale et paysagère afin de créer des espaces de guérison intérieurs et extérieurs pour les personnes âgées, et aide à la planification d’espaces de soins verts et d’expériences extérieures pour permettre aux personnes âgées de faire l’expérience du pouvoir de guérison de la nature dans les milieux communautaires et institutionnels. »
Hong Kong Association of Therapeutic Horticulture
Le site de la HKATH est très riche en informations en anglais. Connie Fung Yuen Yee, qui détient le titre américain de HTR, est présidente de cette association créée en janvier 2008. En 10 ans, des cursus de formation sont apparus dans plusieurs établissements, celui de la HKATH qui suit le modèle de l’AHTA étant considéré comme le plus exigeant. HKATH s’efforce de faire reconnaître l’hortithérapie à Hong Kong avec deux axes d’action : des collaborations avec des universités, des hôpitaux et des organisations de santé pour conduire des recherches sur l’application de l’hortithérapie pour différentes populations et la sensibilisation du grand public (activités de promotion, participation dans des activités de la communauté et interviews dans les média). « Avec nos capacités disponibles, nous souhaitons également partager notre précieuse expérience avec nos homologues en Chine continentale, à Taïwan et à Macao, afin d’introduire une thérapie horticole authentique dans davantage de régions de la Grande Chine. À cette fin, nous avons déjà lancé avec succès des programmes de formation et des programmes de stages dans ces domaines au cours des dernières années », ajoute la présidente sur le site. Effectivement, la liste des membres accrédités référence des professionnels à Hong Kong, mais aussi à Taiwan et en Chine.
Connie Fung Yuen Yee, présidente de la Hong Kong Association of Therapeutic Horticulture
Japanese Society of People-Plant Relationship et Japanese Horticultural Therapy Association
Sur le site de la Société Japonaise pour les relations entre l’homme et les plantes, on apprend que « La recherche sur la fonction des plantes dans le confort de l’esprit commence à être considérée comme importante pour la race humaine dans sa quête d’une vie confortable. La Société est un forum de discussion où des personnes issues de nombreux domaines se réunissent pour exploiter pleinement le rôle des plantes dans la culture d’une humanité riche, avec pour mot clé la relation entre les humains et les plantes. La Société est une organisation de recherche académique coopérative du Conseil scientifique du Japon. »
Ailleurs, on lit que « On dit que le XXIe siècle est le siècle des plantes. En effet, on s’inquiète de plus en plus de la crise alimentaire provoquée par l’explosion démographique et des changements environnementaux dus au réchauffement de la planète, et l’on reconnaît aujourd’hui l’importance des plantes pour faire face à ces problèmes, qui sont liés à la survie de la race humaine. Cependant, le rôle des plantes pour nous, les humains, ne se limite pas à cette contribution physique/physique. D’un point de vue spirituel, elles ont également joué un rôle majeur dans la croissance humaine, la santé et le développement de la civilisation. »
« Actuellement, au niveau national, la Japanese Society of People-Plant Relationship se concentre sur la promotion et la facilitation de la recherche multidisciplinaire sur les relations entre les personnes et les plantes, tandis que la Japanese Horticultural Therapy Association gère le système national de qualification des horticulteurs professionnels », peut-on apprendre en ligne.
Le besoin de traduire page à page rend difficile une vue d’ensemble des activités de ces deux entités. Pour les plus curieux, n’hésitez pas à vous plonger dans le site plus en détails. Cet article que j’avais écrit en 2015 semblait indiquer que, comme dans d’autres pays asiatiques, le développement de l’hortithérapie japonaise s’est construit sur un modèle américain et avec l’AHTA comme exemple. Je vous renvoie également vers cet article de Masahiro Toyoda qui explique l’histoire de l’hortithérapie au Japon.
Therapeutic Horticulture Association – THA (Australie)
Sur l’utilisation de l’expression horticulture thérapeutique, elle expliquait : « C’est une question de sémantique. En Australie, vous ne pouvez pas vous appeler thérapeute à moins d’avoir des diplômes spécifiques. C’est lié au système médical gratuit, les professions médicales et paramédicales sont subventionnées. Utiliser « horticulture thérapeutique » met plus l’accent sur l’horticulture et moins sur la thérapie. Il y a un mois, il y a eu un changement. Par exemple, vu mes diplômes, je ne peux plus me dire thérapeute. Qui a fait pression pour cela ? L’association des ergothérapeutes et d’autres personnes ayant des diplômes universitaires qui voulaient préserver leurs titres. Cela n’aide pas le public d’avoir cette confusion interne et cette complexité autour de notre nom. »
Thrive et Trellis Scotland
Laissons l’association anglaise Thrive se présenter.
« Thrive est la principale organisation caritative du Royaume-Uni qui utilise le jardinage pour apporter des changements positifs dans la vie des personnes handicapées, malades, isolées, défavorisées ou vulnérables. C’est ce qu’on appelle l’horticulture sociale et thérapeutique (HST).
L’horticulture sociale et thérapeutique utilise les plantes et les jardins pour améliorer la santé physique et mentale, ainsi que les capacités de communication et de réflexion. Les jardins offrent un lieu sûr et sécurisé pour développer la capacité d’une personne à se mélanger socialement, améliorer sa forme physique et acquérir des compétences pratiques qui l’aideront à être plus indépendante.
Nous inspirons et encourageons les personnes qui viennent nous voir en nous concentrant sur ce qu’elles peuvent faire, et non sur ce qu’elles ne peuvent pas faire. Nous organisons des programmes thérapeutiques dans nos jardins de Battersea Park, à Londres, de Beech Hill, à Reading, et de Birmingham. Nous nous rendons également dans des maisons de soins, des salles de village et des projets communautaires pour encourager les activités de jardinage.
Parmi nos clients figurent des personnes blessées à la suite d’un accident, des personnes souffrant de difficultés d’apprentissage ou de handicaps physiques tels que la perte de la vue ou de l’ouïe, des personnes souffrant de maladies liées à l’âge telles que les accidents vasculaires cérébraux, la démence et les problèmes cardiaques, ainsi que des jeunes ayant des difficultés sociales, émotionnelles ou comportementales et des personnes en mauvaise santé après avoir quitté les forces armées.
Thrive offre également
Une variété de possibilités de formation et d’éducation allant d’ateliers d’une journée à des qualifications d’enseignement supérieur pour les professionnels et les changements de carrière potentiels.
Des formations sur mesure pour répondre aux besoins spécifiques d’organisations ou de groupes individuels.
Des services de conseil spécialisés pour les organisations caritatives, statutaires et privées.
Journées sur la responsabilité sociale des entreprises.
Conférenciers pour des événements professionnels et communautaires.
De nombreuses possibilités de bénévolat dans nos jardins, nos bureaux et lors d’événements spéciaux de collecte de fonds. »
Par contre, je connais mieux Trellis, l’association écossaise et sa figure de proue, Fiona Thackeray « rencontrée » en 2015 et revisitée en 2022. Pour suivre cette association très dynamique, voici son site et notamment son Seminar Series qui se déroule ces jours-ci (7 et 8 mars).
Internationale Gesellschaft Gartentherapie – IGGT (Allemagne)
En octobre dernier, nous avions fait la connaissance d’Andreas Niepel, un hortithérapeute central en Allemagne. Depuis 2009, il est président de la Internationale Gesellschaft Gartentherapie (IGGT), la Société internationale de thérapie par le jardin qui rassemble des associations existantes. Pour le site, c’est par ici.
Fédération Française Jardins Nature et Santé – FFJNS (France)
En vous promenant sur ce blog, vous retrouveriez des portraits d’une bonne partie des membres fondateurs de la Fédération Française Jardins Nature et Santé – avant même que la FFJNS ne soit créée en 2018. En tant que première présidente de cette association de 2018 à 2021, je trouve que la tâche d’en parler est difficile. Je vous renvoie à son site et à sa page LinkedIn. Je vous encourage aussi à lire sa charte dont je reste fan plus de 5 ans après sa rédaction.
Je rappelle de manière concise ses missions :
Fédérer les acteurs du domaine
Promouvoir leurs diverses pratiques (hortithérapie, jardins thérapeutiques, écothérapies)
Se soutenir entre professionnels.
Assemblée constituante de la Fédération Française Jardins Nature et Santé
Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica – AEJHST (Espagne et pays hispanophes)
Pour comprendre la genèse de l’Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica (AEHJST ou association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique) en 2018, je vous suggère cette interview de Leila Alcalde Banet que j’avais présentée comme la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine. Et voici le site de l’AEJHST.
Asociación Peruana de Horticultura Terapéutica y Social (APHTS)
Voici une autre locomotive en Amérique latine : Daniela Silva-Rodríguez Bonazzi est présidente de l’Asociación Peruana de Horticultura Terapéutica y Social. Mais aussi directrice de l’Instituto de Horticultura Terapéutica dont le nom et la mission de formation évoquent beaucoup le Horticultural Therapy Institute où elle a étudié. Deux lieux pour se renseigner : en ligne et sur LinkedIn. Pour en apprendre plus sur Daniela, c’est par ici.
Il y a quelques semaines, l’Université de Floride publiait un panorama de l’hortithérapie dans le monde, un panorama qui citait d’ailleurs la Fédération Française Jardins Nature et Santé. L’article distinguait les pays qui se sont dotés de programmes de référencement professionnel et d’accréditation comme les Etats-Unis, le Canada, Hong Kong et Taiwan et ceux qui n’ont pas encore atteint ce niveau de professionnalisation. L’article affirme que la pratique de l’hortithérapie se développe même dans des pays sans association professionnelle et c’est tant mieux. Tout de même, une association qui rassemble les divers professionnels « alliés » est un énorme atout pour faire connaitre et reconnaitre cette médiation encore trop confidentielle.
Dans notre tour du monde, je vais m’arrêter ce mois-ci à Singapour. Malheureusement, je n’ai pas pu discuter en direct avec les acteurs de l’hortithérapie dans ce minuscule état insulaire au sud de la Malaisie. Mais les traces en ligne d’une activité d’hortithérapie, tournée majoritairement vers les personnes âgées, sont nombreuses.
Singapour et son National Parks : une île qui se préoccupe de la nature
A en croire ce site gouvernemental, la nature et la biodiversité font l’objet d’efforts intenses depuis plusieurs décennies. « NParks va continuer à développer le réseau de parcs naturels et nous visons à avoir 200 hectares supplémentaires de parcs naturels d’ici 2030 », peut-on lire en ligne. « Ces parcs naturels servent de zones tampons et d’habitats complémentaires permettant à la faune et à la flore indigènes de Singapour de se développer, tout en permettant aux visiteurs de profiter d’activités liées à la nature en perturbant le moins possible les réserves naturelles. »
Excellente nouvelle, ces efforts font la part belle à la dimension thérapeutique de la nature et aux jardins thérapeutiques. « NParks intègre également davantage de paysages thérapeutiques dans les jardins et les parcs. Nous avons développé des jardins thérapeutiques spécialement conçus et programmés pour les personnes âgées. NParks développe également d’autres typologies de jardins pour répondre à diverses pathologies telles que les troubles de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH), la démence, les accidents vasculaires cérébraux, les troubles cardiaques et de l’humeur. D’ici 2030, il y aura 30 jardins thérapeutiques à Singapour pour répondre à différents besoins. »
30 jardins thérapeutiques adaptés à une variété de besoins d’ici 8 ans! Pour une ville nation de 5,4 millions d’habitants vivant sur 700 km² (sous la gouvernance de la présidente, Halimah Yacob, depuis 5 ans). Pour comparaison, la France compte 65,5 millions d’habitants pour 643 801 km². Et le nombre de jardins thérapeutiques en France est, quant à lui, un mystère.
Depuis 2016, huit jardins thérapeutiques ouverts
Sur le site de National Parks ou NParks pour faire plus court, on trouve bien sûr des informations plus précises sur les jardins thérapeutiques déjà ouverts. « Nous avons développé une série d’ateliers adaptés aux groupes de personnes âgées, aux personnes atteintes de démence et à d’autres besoins spécifiques. Ces programmes sont dirigés par des guides qualifiés et ont été spécialement conçus pour : promouvoir les exercices de faible intensité et améliorer les capacités motrices, stimuler la mémoire, encourager les interactions sociales positives et la connexion avec la nature et promouvoir la pleine conscience. »
On trouve en ligne le calendrier des ateliers dans huit jardins, répartis dans autant de parcs de Singapour, auxquels on peut s’inscrire. Ainsi 16 ateliers sont proposés pour le mois de décembre ! Que fait-on dans ces ateliers ? Le site liste des activités : propagation de plantes comestibles, fabrication de sacs de senteurs, collage de feuilles, jardinage (taille, arrosage, désherbage), culture de pousses comestibles, pressage de fleurs et de feuilles sur des cartes. Les ateliers sont encadrés par des bénévoles formés et les organisateurs se disent à la recherche de nouveaux bénévoles. En 2021, un journal local se faisait l’écho de l’ouverture d’un de ces jardins thérapeutiques. A suivre, une autre initiative intéressante est l’entreprise sociale Edible Garden City qui encourage à la fois l’agriculture urbaine et l’hortithérapie. Vous pouvez en apprendre plus sur Edible Garden City et son fondateur, Bjorn Low, ici, ici et là.
Ces jardins et les activités proposées sont basés sur les preuves. Sur cette page, National Parks explique les fondements scientifiques des interventions basées sur la nature. Les principes de conception des jardins thérapeutiques sont expliqués dans ce guide coécrit par une flopée de spécialistes en 2016, date de l’ouverture du premier jardin thérapeutique baptisé HortPark. Si vous avez été formé.e à l’hortithérapie en France, vous serez en terrain familier (biophilie, théorie de la restauration de l’attention, théorie de la réduction du stress). A cette exception près que, à part Eric Fromm pour l’hypothèse de la biophilie, les chercheurs à l’origine de ces théories ne sont pas nommés !
Un essai contrôlé randomisé étudient plusieurs biomarqueurs et mesures psychosociales. Tout d’abord, cette étude publiée en 2018 qui s’intitule « Effects of Horticultural Therapy on Asian Older Adults: A Randomized Controlled Trial ». Un essai contrôlé randomisé, le saint graal de la recherche, est une méthode rarement utilisée dans la recherche sur les écothérapies. Par « randomisé », il faut comprendre que les participants ont été assignés dans le groupe hortithérapie ou dans le groupe contrôle (une liste d’attente) de manière randomisée. Vous pouvez lire l’étude en intégralité en la téléchargeant sur ResearchGate.
En voici le résumé : « L’effet de l’horticulture thérapeutique (HT) sur les biomarqueurs immunitaires et endocriniens reste largement inconnu. Nous avons conçu un essai contrôlé randomisé avec liste d’attente pour étudier l’efficacité de l’HT dans l’amélioration du bien-être mental et la modulation des niveaux de biomarqueurs. Un total de 59 adultes âgés ont été recrutés, dont 29 ont été assignés de manière aléatoire à l’intervention HT et 30 au groupe témoin sur liste d’attente. Les participants ont assisté à des séances d’intervention hebdomadaires pendant les trois premiers mois et à des séances mensuelles pendant les trois mois suivants. Des données biologiques et psychosociales ont été recueillies.
Les biomarqueurs comprenaient IL-1, IL-6, sgp-130, CXCL12/SDF-1, CCL-5/RANTES, BDNF (brain-derived neurotrophic factor), hs-CRP, cortisol et DHEA (déhydroépiandrostérone). Les mesures psychosociales ont porté sur les fonctions cognitives, la dépression, l’anxiété, le bien-être psychologique, les liens sociaux et la satisfaction de la vie. Une réduction significative du taux plasmatique d’IL-6 (p = 0,02) a été observée dans le groupe d’intervention HT. Pour le groupe témoin sur liste d’attente, des réductions significatives du taux plasmatique de CXCL12 (SDF-1) (p = 0,003), de CXCL5 (RANTES) (p = 0,05) et de BDNF (p = 0,003) ont été observées. Une amélioration significative du lien social a également été observée dans le groupe HT (p = 0,01). Conclusion : L’HT, en réduisant le plasma IL-6, peut prévenir les troubles inflammatoires et, en maintenant le plasma CXCL12 (SDF-1), peut maintenir le soutien hématopoïétique au cerveau. L’HT peut être appliquée dans le jardinage communautaire pour améliorer le bien-être des personnes âgées. »
Activités dans la nature et bien-être chez les personnes âgées sous les tropiques. Dans une autre étude publiée en 2020, Angelia Sia de NParks et ses collaborateurs se sont intéressés à l’impact des activités de nature pour « les personnes âgées asiatiques vivant sous les tropiques ». Les résultats de leur étude ont confirmé les bienfaits multiples constatés chez des personnes âgées dans d’autres endroits du monde. Pour accéder à l’article entier.
En voici le résumé. « La littérature actuelle montre que l’interaction avec la verdure urbaine peut avoir un large éventail de résultats positifs pour la santé. Des programmes ciblés basés sur la nature, tels que l’horticulture thérapeutique, se sont avérés avoir de multiples effets bénéfiques sur la santé des personnes âgées résidant dans des environnements tempérés, mais beaucoup moins de recherches ont été menées sur des populations au phénotype différent, telles que les personnes âgées asiatiques vivant sous les tropiques. L’étude actuelle a examiné les effets d’un programme d’horticulture thérapeutique de 24 sessions sur 47 participants âgés à Singapour, avec un plan expérimental pré-test post-test. Nous avons constaté que les participants ont conservé des habitudes de sommeil saines et une bonne santé psychologique, et ont montré une réduction de l’anxiété et une amélioration du fonctionnement cognitif (p < 0,05). En outre, ils ont signalé une augmentation du score moyen de bonheur après chaque session. Cette étude fournit de nouvelles preuves en utilisant un ensemble complet d’indicateurs dans les domaines affectif, cognitif, fonctionnel, psychosocial et physique, soutenant la littérature actuelle sur les avantages des programmes de nature, avec un accent nouveau sur les environnements tropicaux. Elle fournit des preuves que l’intervention basée sur la nature a le potentiel d’être transposée à des programmes au profit des personnes âgées dans les tropiques. »
Avec cet accent mis sur les jardins thérapeutiques pour les personnes âgées – mais pas que, on peut imaginer que Singapour s’est saisi de la question de la formation. Il en existe en effet plusieurs. Comme ce certificat en hortithérapie proposé par…NParks dans son Centre for Urban Greeny and Ecology (CUGE) présenté comme un cours pour des professionnels déjà sensibilisés (pas de date actuellement proposée cependant). Ou encore cette formation continue de 4 jours, une introduction à l’hortithérapie offerte par Nanyang Polytechnic (NYP). Ou encore ce certificat sur 12,5 jours, également proposé par un organisme de formation continue, celui de Ngee Ann Polytechnic (School of Life Sciences & Chemical Technology !). Mais là non plus, aucune date annoncée.
Quelques figures de l’hortithérapie à Singapour
J’ai déjà cité Angelia Sia qui est à l’origine de plusieurs études sur le sujet en tant que chercheuse au Centre for Urban Greenery & Ecology pendant plus de 10 et aujourd’hui comme directrice adjointe de la recherche au National Parks Board. Un de ses principaux centres d’intérêt est la connexion entre contact avec la nature et santé humaine.
Maxell Ng travaille pour NParks où il supervise le développement de l’hortithérapie. Il est le co-auteur de plusieurs études conduites à Singapour et en 2021 il était invité à présenter le mouvement de l’hortithérapie à Singapour par le Trellis Seminar Series de l’association écossaise en 2021. Vous pouvez l’écouter dans cette vidéo (en anglais).
On peut aussi citer Tham Xin Kai, un paysagiste formé en Australie qui conçoit des jardins thérapeutiques dans des établissements de santé et ailleurs. Il travaille au sein de l’entreprise Hortian Consultancy qui a dédié une entité aux jardins thérapeutiques, Hortherapeutics. Découvrez quelques « case studies » et le profil de Tham Xin Kai. Et pour la route, une interview du jeune paysagiste. A savoir que Hortherapeutics ainsi que Angelia Sia semblent en contact avec Elizabeth R.M. Diehl (RLA, HTM) de l’Université de Floride. L’hortithérapie ne connaît pas les frontières.
Therapeutic garden at a nursing home in Singapore | Tham Xin Kai
A quoi ça sert la recherche ? (Si la question avait été « A quoi ça sert l’amour ? », c’est Edith Piaf qui vous aurait fourni la réponse).
« La recherche scientifique est essentielle à la production de nouvelles connaissances pour mieux comprendre un phénomène ». Dans le cas de l’intervention non-médicamenteuse qu’est l’hortithérapie, il est utile de savoir si elle apporte des bienfaits à des personnes dans diverses situations (difficultés liées à la santé mentale ou à des maladies neurodégénératives, rééducation suite à un AVC ou un accident de la route, stress post-traumatique, etc…). Plus complexe encore : la recherche peut tenter d’expliquer comment l’intervention fonctionne, par quels mécanismes elle agit.
Vaste entreprise donc qui a pour objectif de mieux comprendre l’hortithérapie afin de mieux la mettre en œuvre et idéalement d’encourager son développement. Dans l’idéal, des études de bonne qualité doivent aider les praticiens sur le terrain, mais aussi faciliter l’adoption de l’hortithérapie en apportant des arguments dont ont besoin les décideurs, depuis les institutions de santé (ministère de la Santé, ARS,…) jusqu’aux responsables d’établissements, aux médecins, aux chefs de service. Ca, c’est dans l’idéal.
On se situe là dans un modèle inspiré de l’Evidence-Based Medicine ou médecine fondée sur les preuves qui veut que c’est en combinant le sens clinique et les résultats de la recherche la plus récente et la plus probante qu’on obtient la solution la plus adaptée au patient, à la personne aidée. Ce sont les mêmes principes qui fondent l’Evidence-Based Design, dont Roger Ulrich est le chercheur le plus souvent cité, c’est-à-dire la conception d’établissements de santé fondée sur les données de la recherche, sur les preuves.
Toutes les études ne sont pas égales
Pourtant impossible d’appliquer à l’étude de l’hortithérapie les mêmes méthodologies que celles utilisées dans la recherche médicale. Ainsi, il n’est pas possible d’étudier une activité d’hortithérapie en double aveugle où ni le soignant, ni le participant ne sauraient si l’hortithérapie est appliquée ou pas ! Malgré tout, l’objectif est de mettre au point des méthodologies aussi rigoureuses que possibles pour s’assurer qu’on observe bien ce qu’on cherche à observer, en « contrôlant » le plus possible les variables. Or, toutes les études ne sont pas égales en qualité et en puissance. Parfois la qualité n’est pas au rendez-vous, pour de multiples raisons. C’est ce que pointe cette revue Cochrane des études concernant l’hortithérapie et la schizophrénie (pour plus d’infos sur les revues Cochrane). Faire de la recherche, c’est important. Mais faire de la bonne recherche, qu’elle soit quantitative ou qualitative, c’est encore mieux.
Comment trouver des études pertinentes ?
Plus besoin d’avoir accès à une bibliothèque universitaire pour trouver des études publiées dans des journaux scientifiques. Grâce àGoogle Scholar, ResearchGate ou Base si vous souhaitez « dégoogliser » votre vie, on peut identifier des études qui aideront à monter un projet de jardin thérapeutique ou bien à faire la revue de littérature nécessaire avant de lancer…une nouvelle étude. Les revues de littérature et les méta-analyses sont particulièrement intéressantes.
En 10 ans, le nombre de publications a fortement augmenté (15 600 résultats pour « horticultural therapy research » en la période 2010-2020 contre 6 400 pour 2000-2010). Les personnes âgées et les personnes souffrant de troubles psychiques ont reçu le plus d’attention. Actuellement beaucoup d’études sont issues de chercheurs en Corée, Chine, Japon et Singapour.
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10 ans, 10 articles
Voici une sélection tout à fait aléatoire de 10 études, revues de littérature ou méta-analyses publiées ces 10 dernières années. J’ai essayé de montrer la variété des sujets. Un autre parti pris était que l’article entier soit disponible en ligne gratuitement. J’ai extrait la conclusion de chaque article, mais allez plutôt découvrir l’intégralité par vous-même.
Amélioration de l’attention et de la socialité chez les enfants présentant une déficience intellectuelle
Kim, B. Y., Park, S. A., Song, J. E., & Son, K. C. (2012). Horticultural therapy program for the improvement of attention and sociality in children with intellectual disabilities. HortTechnology, 22(3), 320-324.
Conclusion. L’utilisation d’un programme d’hortithérapie, basé sur la théorie de la modification du comportement de Skinner et sur la section vie du programme d’enseignement scientifique du septième programme d’éducation spécialisée, a permis une amélioration significative de la sociabilité des enfants présentant des déficiences intellectuelles. Pour que le programme ait un impact majeur, les recherches futures devraient prendre en compte les niveaux de handicap, l’année scolaire, le nombre de participants et d’autres facteurs.
Réduction du stress et de la dépression post-traumatique
Kotozaki, Y. (2013). The psychological changes of horticultural therapy intervention for elderly women of earthquake-related areas. Journal of Trauma Treat, 3(1), 1-6.
Conclusion. Cette étude suggère que l’hortithérapie améliore le stress lié au tremblement de terre, comme la dépression, chez les femmes âgées qui vivent dans la zone sinistrée du tremblement de terre du Grand Est du Japon et que les effets psychologiques de l’hortithérapie sont durables. Nous pensons que l’hortithérapie peut être en mesure de suggérer la possibilité est l’une des interventions efficaces pour le stress lié au tremblement de terre. Nous espérons que l’hortithérapie se répandra en tant que soutien psychologique à moyen et long terme dans les zones de catastrophe naturelle.
Conception de jardins et personnes âgées atteintes de troubles cognitifs
Charras, K., Laulier, V., Varcin, A., & Aquino, J. P. (2017). Conception de jardins à l’usage des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs: revue de la littérature et cadre conceptuel fondé sur la preuve. Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement, 15(4), 417-424.
Résumé. L’exploitation des jardins en tant que lieu de convivialité, d’activité et de ressourcement, rencontre de plus en plus de succès dans les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs. Cependant, les publications scientifiques sur les bénéfices des jardins sur les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs sont rares. Cette revue de la littérature a pour objectif de dégager les principales données scientifiques relatives aux aménagements, aux usages et aux vertus thérapeutiques des jardins pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. À partir des composantes tirées des principaux modèles de conception de jardins théra- peutiques, une démarche de design fondé sur la preuve a été adoptée afin de déterminer l’impact sur le bien-être et le comportement des personnes malades. Vingt-deux articles ont été sélectionnés pour les besoins de cette étude avec un niveau de preuve faible en regard aux standards scientifiques. Les résultats de cette revue de la littérature font ressortir six dimensions de conception paysagère. Ces six dimensions sont regroupées dans un cadre conceptuel et discutées en termes de conception paysagère et d’impact sur les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
Méta-analyse sur l’amélioration des fonctions cognitives
Tu, H. M., & Chiu, P. Y. (2020). Meta-analysis of controlled trials testing horticultural therapy for the improvement of cognitive function. Scientific reports, 10(1), 1-10.
Résumé. L’amélioration de la fonction cognitive est l’un des problèmes mondiaux les plus difficiles à résoudre pour la population souffrant de troubles cognitifs. L’hortithérapie fait appel à l’expertise d’un hortihérapeute qui établit un plan de traitement pour des activités horticoles visant à obtenir des changements cognitifs et à améliorer ainsi la qualité de vie liée à la santé. Cependant, des preuves plus convaincantes démontrant l’effet de l’hortithérapie sur la fonction cognitive sont essentielles. L’objectif de cette étude était de réaliser une méta-analyse d’essais contrôlés testant l’effet de l’hortithérapie sur la fonction cognitive. Les résultats indiquent que les programmes d’hortithérapie améliorent significativement la fonction cognitive. L’ampleur de l’effet du programme d’horticulture thérapeutique était importante. Les résultats de cette méta-analyse ont des implications importantes pour la pratique et les politiques. Les systèmes de santé contemporains devraient considérer l’hortithérapie comme une intervention importante pour améliorer la fonction cognitive des patients. Les gouvernements et les décideurs politiques devraient considérer l’horticulture thérapeutique comme un outil important pour prévenir le déclin de la fonction cognitive chez les personnes atteintes de troubles cognitifs.
Activité horticole à l’école primaire et réduction du stress
Shao, Y., Elsadek, M., & Liu, B. (2020). Horticultural activity: Its contribution to stress recovery and wellbeing for children. International Journal of Environmental Research and Public Health, 17(4), 1229.
Conclusion. La présente étude a apporté un soutien scientifique aux impacts physiologiques et psychologiques de l’activité horticole sur les élèves de l’école primaire. L’activité horticole pendant 5 minutes a amélioré la relaxation physiologique des enfants en supprimant l’activité du système nerveux sympathique et la conductance de la peau par rapport à l’utilisation du téléphone portable. En outre, l’activité horticole a eu tendance à soulager les niveaux d’anxiété et à apporter plusieurs avantages pour la santé tels que le confort, la relaxation, la gaieté et les émotions naturelles des enfants. Il a été démontré de manière décisive que les enfants pouvaient grandement bénéficier physiologiquement et psychologiquement de l’activité horticole. En général, les résultats ont des applications importantes et un grand potentiel pour être intégrés comme programme quotidien pour les élèves dans les écoles.
Hortithérapie et réduction du risque suicidaire chez des vétérans
Meore, A., Sun, S., Byma, L., Alter, S., Vitale, A., Podolak, E., … & Haghighi, F. (2021). Pilot evaluation of horticultural therapy in improving overall wellness in veterans with history of suicidality. Complementary therapies in medicine, 59, 102728.
Conclusion. Cette évaluation d’un programme pilote fournit des preuves préliminaires que les interventions d’hortithérapie réduisent les symptômes des syndromes cliniques qui ont été associés au risque de suicide. Compte tenu des avantages potentiels pour nos vétérans qui présentent un risque de suicide beaucoup plus élevé, l’intervention d’hortithérapie peut être une intervention thérapeutique prometteuse pour promouvoir la résilience et améliorer le bien-être général des populations de vétérans à risque.
Un programme d’Éducation Thérapeutique du Patient, jardin et art-thérapie pour des patientes obèses
Sittarame, F., Lanier-Pazziani, M., Chambouleyron, M., & Golay, A. (2021). ETP/TPE.
Conclusion. Le programme « Jardin et art-thérapie » pour les patientes souffrant d’obésité propose un nouveau terrain de travail en éducation thérapeutique du patient. Cet espace thérapeutique situé entre nature maîtrisée et création offre un cadre aux patientes pour penser, projeter et transformer leur rapport à leur corps, à leur maladie et plus largement à leur vie.
Un temps éducatif et réflexif permet de révéler les prises de conscience, les liens entre ce qui est fait dans le jardin extérieur et ce qui est mobilisé dans le « jardin intérieur ».
Un cadre thérapeutique solide est nécessaire pour accueillir le rapport intime des patientes à leur corps, leur histoire et leurs émotions. L’association du travail au jardin et de l’art-thérapie dans un programme d’éducation thérapeutique semble être pertinente et pourrait être transposable à d’autres maladies chroniques.
Au delà de l’hortithérapie, les interventions basées sur la nature
Coventry, P. A., Brown, J. E., Pervin, J., Brabyn, S., Pateman, R., Breedvelt, J., … & White, P. L. (2021). Nature-based outdoor activities for mental and physical health: Systematic review and meta-analysis. SSM-population health, 16, 100934.
Conclusion. Cette revue systématique large et inclusive visait à identifier et à synthétiser les preuves provenant d’études contrôlées et non contrôlées sur l’efficacité des interventions basées sur la nature pour la santé mentale et physique parmi les populations adultes de la communauté. Notre revue montre que les interventions en plein air basées sur la nature améliorent les résultats en matière de santé mentale chez les populations adultes dans la communauté, y compris celles souffrant de problèmes de santé mentale courants, de problèmes de santé mentale graves et d’affections de longue durée. Les thérapies fondées sur la nature, telles que les bains de forêt, se sont avérées efficaces de manière constante pour tous les résultats en matière de santé mentale, bien que les preuves issues d’essais cliniques randomisés soient limitées. Les interventions de jardinage de groupe et d’exercices verts sont également efficaces pour améliorer les résultats en matière de santé mentale, bien que les effets soient moins forts pour l’affect négatif, en particulier chez les populations souffrant de maladie mentale grave. Nous avons trouvé moins de preuves que les interventions basées sur la nature amélioraient la santé physique, mais il existe un potentiel pour que les exercices verts et le jardinage augmentent l’activité physique.
Hortithérapie et santé générale chez les personnes âgées
Wang, Z., Zhang, Y., Lu, S., Tan, L., Guo, W., Lown, M., … & Liu, J. (2022). Horticultural therapy for general health in the older adults: A systematic review and meta-analysis. PloS one, 17(2), e0263598.
Conclusion. L’hortithérapie peut améliorer la fonction physique et la qualité de vie des personnes âgées, réduire l’IMC et améliorer l’humeur positive. Une durée appropriée d’hortithérapie peut être de 60 à 120 minutes par semaine pendant 1,5 à 12 mois. Cependant, on ne sait toujours pas ce qui constitue une recommandation optimale.
Lasater, C. (2022). A Systematic Review of Studies Evaluating the Effectiveness of Horticultural Therapy for Increasing Well-Being and Decreasing Anxiety and Depression.
Conclusion. De nombreuses études ont démontré des corrélations entre le manque de contact avec la nature (ou le temps passé à l’intérieur) et des conséquences négatives sur de nombreuses variables. Ces variables comprennent les variables de santé mentale, les variables de santé physique et le bien-être social et spirituel. Une revue des revues systématiques et des méta-analyses a indiqué que l’horticulture thérapeutique est une intervention efficace pour de nombreuses populations sur un large éventail de variables de résultats. La revue systématique et la méta-analyse suivantes s’appuient sur les connaissances existantes en étudiant l’efficacité de l’horticulture thérapeutique et son utilité potentielle en tant qu’intervention en travail social.
Colleen Griffin a suivi la formation d’hortithérapeute du Horticultural Therapy Institute (HTI) de Rebecca Haller et Christine Capra, formation que j’ai moi aussi suivie en 2010-2011 sans aller jusqu’au titre de Horticultural Therapist Registered comme Colleen qui a été diplômée en 2018. Puis Colleen est devenue co-auteure du blog du HTI, pour lequel j’ai aussi écrit il y a plusieurs années. Pas étonnant que je ressente une sorte de camaraderie par association avec Colleen. Quand j’ai lu son dernier billet intitulé « Dormance : la réponse de la nature aux jours sombres de l’hiver », j’ai été très touchée par les idées qu’elle exprimait. J’ai eu envie de discuter avec Colleen et de lui consacrer ce premier billet dans mon voyage autour du monde de 2022.
Colleen Griffin
Il y a quelques jours, alors que l’état du Maine où elle vit se remettait d’une forte tempête de neige, nous avons passé un moment très cozy sur Zoom pour parler de son parcours et de ses projets dont celui qui l’occupe tout particulièrement pour les Dempsey Centers for Quality Cancer Care. Pour les fans de Grey’s Anatomy, le nom de Patrick Dempsey évoquera le personnage du Dr. Derek Shepherd. C’est en honneur de sa mère touchée par le cancer que l’acteur a fondé et reste très impliqué dans cette association caritative qui accueille et soutient les patients et leurs proches.
Quant à Colleen, voici comment elle résume son parcours. « Après une carrière de 25 ans dans le domaine de la santé, j’ai décidé qu’un changement était nécessaire. J’ai suivi mon cœur et me suis inscrite à des cours d’horticulture dans un community college local. C’est à partir de là que j’ai découvert l’hortithérapie et que j’ai suivi la formation du HTI dans le Colorado. J’ai obtenu mon HTR en 2018 et j’ai depuis travaillé avec des adultes et des enfants ayant des besoins spéciaux dans des programmes professionnels et développementaux/comportementaux. Depuis 4 ans, je suis affiliée aux Dempsey Centers for Quality Cancer Care, qui servent non seulement les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer, mais aussi leurs familles et leurs soignants. Mon travail avec Dempsey est axé sur la réduction du stress basée sur la pleine conscience. »
Mais ce n’est pas tout. Colleen s’implique dans deux organisations professionnelles dédiées à l’hortithérapie ainsi que dans la formation. « Je fais partie de l’équipe de programmation de la conférence de l’American Horticultural Therapy Association – AHTA (prochaine conférence 8-10 septembre à Kansas City). Je suis actuellement coordinatrice des membres du North East Horticultural Therapy Network (NEHTN) et j’organise le bulletin trimestriel de ce réseau. Récemment, j’ai commencé à enseigner dans le cadre du programme bénévole des maîtres jardiniers (master gardeners) de l’Université du Maine Cooperative Extension. »
Cancer, nutrition et pleine conscience
Depuis une dizaine d’années, le Dempsey Center cultive un jardin avec l’aide de master gardeners comme ceux formés par Colleen. La production sert à des cours de cuisine thérapeutique en plus d’être distribuée aux patients pour encourager une alimentation saine et équilibrée. Devant quitter son emplacement original, ce jardin a trouvé refuge dans un nouveau lieu appartement au YMCA d’Auburn l’année dernière. C’est à Colleen que le Dempsey Center confie alors la conception du jardin communautaire et d’un jardin thérapeutique attenant. Dans cette partie qu’elle rend accessible aux personnes à mobilité réduite, elle installe des bacs et une longue table de travail pour jardiner à hauteur.
En 2021, ce sont les herbes aromatiques et un jardin sensoriel qui ont été le principal objectif. Grâce à une structure couverte et à six tables, les activités d’hortithérapie peuvent se poursuivre par tous les temps car le Maine a un climat assez rude et imprévisible. Colleen espère que cette année, le projet va continuer à mettre des racines, notamment avec un jardin d’herbes médicinales. « Mais Rome ne s’est pas construite en un jour, » rappelle-t-elle. D’ailleurs, un autre projet ambitieux est de transformer une partie du terrain en espace naturel avec des pollinisateurs et des plantes indigènes. « Cette partie restera plus sauvage et pas accessible en fauteuil. Mais ce sera un lieu pour les familles. »
Colleen au coeur du chantier (casquette orange)Jardin thérapeutique en devenir, nivellement et préparation du terrain appartenant au YMCA.Le jardin thérapeutique en cours d’installation au printemps 2021 dans le jardin communautaire qui l’entoure. Il contient deux lits surélevés et deux jardinières accessibles aux fauteuils roulants, fixées à une table de travail.
Le jardin thérapeutique du Dempsey Center s’adresse aussi aux soignants, pour une pause dans leur quotidien. Colleen reçoit également des enfants de personnes malades ou des enfants endeuillés. « Avec des groupes de 8 à 18 ans, ce n’est pas toujours facile ! En mai dernier, nous avons commencé avec des plantations d’haricots verts et de concombres. Les enfants peuvent venir au jardin quand ils veulent. »
Jardiner n’est pas toujours rattaché à un lieu partagé, la Covid nous a appris à être adaptable. Cet hiver, Colleen a participé à une « Cabin fever series », un programme de wébinaires associant quatre professionnelles, une diététicienne, une prof de pleine conscience, une prof d’exercice adapté et une hortithérapeute. « Pour des patients qui ne pouvaient pas se déplacer, les conférences en ligne représentaient un grand intérêt. Une femme a participé depuis l’hôpital pendant une chimiothérapie. Une mère malade et sa fille adolescente ont apprécié de ne pas parler de maladie le temps de cet échange. »
Dans cette vidéo, Colleen vous invite à une visite du nouveau jardin et vous raconte l’histoire de sa création.
Le jardin sensoriel se trouve dans une jardinière surélevée. Attachée à la jardinière, une activité de pleine conscience auto-guidée que les visiteurs peuvent pratique avec les plantes devant eux.Le jardin thérapeutique du Dempsey Center sa première année
Les origines d’une vocation
C’est l’accident de la route de son fils et sa longue convalescence qui a ouvert les yeux de Colleen sur le pouvoir thérapeutique du jardin. « Le jardin est un endroit rassurant où on peut démêler ses émotions. La nature ne porte pas de jugement et vous accepte. On peut reprendre confiance. Guérir est une longue route pleine de virages. J’ai constaté qu’il y a une différence énorme entre ce que la communauté médicale appelle être guéri et le fait d’aller vraiment mieux », explique Colleen dans une émission du podcast « Ah ha moment ». Ce podcast présente le parcours de plusieurs hortithérapeutes et leur « ah ha moment », le moment où ils ont pris conscience de l’intérêt des jardins thérapeutiques et de l’hortithérapie. Je vous encourage à écouter d’autres épisodes pour découvrir les histoires de Christine Capra, Matt Wichrowski, Pam Catlin, John Murphy, Patty Cassidy et bien d’autres.
L’accident de son fils impulse une envie de changement. Le jardin l’attire naturellement car elle pressent son intérêt thérapeutique. Quand elle parle à un de ses enseignants d’horticulture de cette intuition, elle s’entend répondre : « Ce que tu décris, c’est l’hortithérapie ». Et une hortithérapeute est née.
Hortithérapeute, une profession toujours en devenir
« En 2018, nous étions deux hortithérapeutes dans le Maine, dont Kathy Perry qui a été ma superviseuse de stage pour devenir HTR. Aujourd’hui, nous sommes quatre et bientôt cinq. A mes débuts, j’ai frappé à de nombreuses portes sans succès. J’ai été très heureuse que le Dempsey Center me donne une chance. Je pense que de plus en plus d’organisations voient l’intérêt de l’hortithérapie pour les gens qu’elles accueillent », constate Colleen. « La pandémie a changé notre vision de ce qui est thérapeutique. J’aimerais que tous les jardins communautaires, comme ceux dans lesquels travaillent les master gardeners, aient un jardin sensoriel. Dans cette crise, nous avons tous subi des traumatismes, des deuils, des pertes et de l’isolement. Le jardin peut nous aider à traverser la pandémie. »
Depuis la France, nous pourrions avoir l’impression que les hortithérapeutes ont la belle vie aux Etats-Unis, que la pratique est acceptée à bras ouverts. Le parcours de Colleen démontre que rien n’est jamais acquis. « J’ai rencontré une hortithérapeute de Seattle sur la côte ouest des Etats-Unis. J’avais l’impression que là-bas, l’hortithérapie était bien plus avancée. Mais finalement, non. » D’ailleurs, n’est-ce pas peut-être dans cet esprit un peu rebelle et hors des clous, toujours en lutte tranquille, que l’hortithérapie se joue ?
En tout cas, partout les hortithérapeutes cherchent à se rassembler. Aux Etats-Unis, cette envie a pris la forme de huit réseaux régionaux de l’AHTA il y a plusieurs années. Après une période où les réseaux sont devenus indépendants de l’AHTA, il y a actuellement un mouvement pour rassembler de nouveau les deux niveaux d’organisation, national et régional. Colleen fait partie de ces chevilles ouvrières du rapprochement. « C’est important d’avoir une organisation nationale plus forte sans perdre l’identité des réseaux régionaux », explique-t-elle. Colleen représente le nord-est des Etats-Unis auprès de l’AHTA tout en s’impliquant dans le North East Horticultural Therapy Network (NEHTN). « Je me suis engagée dans le NEHTN à un moment où beaucoup d’anciennes partaient. Cela m’apporte beaucoup car nous partageons les mêmes questionnements. Nous avons quatre réunions par an et de nombreux échanges. » Pour rappel, l’hortithérapie, c’est connecter les humains – dont les hortithérapeutes – et les plantes.
C’est avec grand plaisir que j’annonce la création du blog On the ground hébergé par le Horticultural Therapy Institute (HTI) de Rebecca Haller dont je vous parle souvent ici. On the ground reprendra des billets sur des programmes américains et français déjà décrits sur Le Bonheur est dans le jardin. HTI a décidé d’offrir de nouvelles ressources en ligne à la fois à ses étudiants, mais aussi à tout internaute intéressé. C’est le cas du blog qui est public et sera mis à jour une fois par mois. Allez y faire un tour.