Leila Alcalde Banet : la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine

Leila Alcalde Banet, hortithérapeute espagnole formée et active en Angleterre, travaille à fédérer la communauté des hortithérapeutes hispanophones depuis plusieurs années.

« J’ai de la chance », annonce Leila Alcalde Banet dès le début de notre conversation par écran interposé. « Depuis septembre 2020, je travaille pour Share Community, une association caritative anglaise qui accompagne des adultes souffrant de troubles de l’apprentissage, d’autisme, de handicaps physiques et de problèmes de santé mentale. Nous disposons d’un hectare avec une serre, des tunnels pour faire pousser les légumes, une mare,…» 

Présent dans plusieurs quartiers de Londres depuis 1972, Share Community se concentre « sur ce que les gens peuvent faire, et non sur ce qui les empêchent. Et nous pensons que chacun a quelque chose à offrir à sa communauté, que ce soit en matière d’emploi ou en tant que membre actif de notre société. » 

En tant qu’hortithérapeute, « selon les besoins de l’étudiant, je me concentre sur des objectifs thérapeutiques (interaction sociale, estime de soi, mémoire, capacité d’attention, etc.) ou de formation, certains étudiants ayant le potentiel d’obtenir une qualification et de trouver un emploi. Je propose une approche holistique en tenant compte de leurs capacités, de ce qu’ils aiment et n’aiment pas afin de proposer des activités qui ont du sens. J’encourage également le maintien ou le développement d’autres compétences liées à la lecture, l’écriture et le calcul, l’indépendance et un mode de vie sain ».

Avant de rejoindre Share Community, Leila avait travaillé auprès de groupes de personnes âgées aux premiers stades de maladies neurodégénératives ainsi que de personnes en risque d’exclusion sociale. Ainsi, elle a participé pendant neuf mois à Hambourg en Allemagne au projet « Garten der Nationen » (Jardin des Nations) qui lutte contre l’exclusion des réfugiés. En Angleterre, elle a apporté ses compétences d’hortithérapeutes à plusieurs institutions avant Share.

C’est d’ailleurs en Angleterre que cette Espagnole, ingénieure agricole et horticole de formation, a obtenu un diplôme en « horticulture sociale et thérapeutique » à l’université de Coventry en 2016. Son projet de fin d’étude, reconnu pour son excellence par l’association Thrive, s’est déroulé auprès de « Make me Green », un programme en Espagne qui permet aux personnes souffrant de troubles de l’apprentissage d’accéder à l’emploi, en l’occurrence grâce à une année de travail dans une ferme.

Share et toutes ses riches expériences depuis 2015, c’est le travail de terrain et le travail de jour de Leila. En ligne, elle est une des hortithérapeutes de langue espagnole les plus reconnues et son engagement a contribué à fédérer ses consœurs et confrères sur deux continents.

AEHJST : fédérer les hortithérapeutes hispanophones

Très active sur les réseaux sociaux, elle commence à contacter des personnes pratiquant en Espagne et en Amérique latine. « Par curiosité, je voulais savoir quelles formations ces personnes avaient faites, quels défis elles rencontraient dans leurs pays respectifs, au Chili, en Argentine, au Pérou, à Puerto Rico,…». 

« On voyait qu’il y avait des initiatives dans de nombreux pays. Au Chili, un projet existe depuis plus de 20 ans et pourtant il n’y a pas d’association nationale dans ce pays. Il y avait des projets en Colombie, au Mexique, au Costa Rica. C’est Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi (une hortithérapeute péruvienne formée au Horticultural Therapy Institute aux Etats-Unis) qui a suggéré une association globale pour nous rassembler. »

En 2018, elles décident de co-fonder l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica). Tiens, la même année que se lance aussi la Fédération Française Jardins Nature et Santé…Une prise de conscience, une maturité des pratiques, un besoin de connexion entre professionnels bouillonnait dans les pays hispanophones comme en France.

« Nous sommes une association sans but lucratif formée par des professionnels et des collaborateurs dans le but de promouvoir l’horticulture et le jardinage comme outils thérapeutiques et de socialisation », peut-on lire sur le site de l’association. Leila ajoute que l’association a pour objectif « de faire connaître cette voie professionnelle. En outre, elle est axée sur la formation d’autres professionnels et le développement de la recherche dans ce domaine en langue espagnole, ce qui permettra de consolider les hypothèses sur les avantages de l’utilisation de l’horticulture comme thérapie. » 

Quant au rôle personnel de Leila, il est vaste. « Mon rôle est celui de trésorière. En outre, dans le cadre de mes tâches, je dispense des formations à d’autres professionnels et leur offre des conseils sur la manière d’utiliser l’horticulture comme thérapie. » En effet, le site collecte et répond à des demandes de conseils.

La variété des associations d’hortithérapie dans le monde hispanophone – Savias Conexiones

Une histoire de définitions : de quoi parle-t-on ?

« Qu’est-ce qui constitue un jardin thérapeutique dans chaque pays ? Cette question est bien centrale puisque l’AHTA y a consacré un symposium en octobre dernier », explique Leila. En effet, la question anime à peu près toutes les conversations dès que vous rassemblez plus de deux ou trois personnes avec une pratique dans ce domaine. Et avec des débats parfois très vifs! Arrêtons-nous un instant sur les définitions et positions proposées par l’AEHJST. Je me permets de vous donner ici une traduction des définitions intégrales exposées sur le site de l’association et je vous invite à les mettre en regard des définitions proposées par l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) dont elles me semblent proches. 

Voici les définitions de l’AEHJST :

Horticulture et jardinage sociaux et thérapeutiques

Elle englobe toutes les utilisations de l’horticulture et/ou du jardinage pour les approches suivantes : professionnelle, sociale et thérapeutique. En outre, l’utilisation des deux termes, horticulture et jardinage, facilite la compréhension de la portée de cette association et du travail de ses membres professionnels.

Les différentes approches dans le domaine de l’horticulture et du jardinage sociaux et thérapeutiques sont décrites ci-dessous :

Thérapeutique. Également connue sous le nom de « thérapie horticole ». Il s’agit d’un processus formel par lequel le thérapeute évalue et convient d’une série d’objectifs avec l’utilisateur participant. Le thérapeute, utilisant l’horticulture et le jardinage comme support, conçoit un programme individualisé et accompagne le client dans la réalisation de ces objectifs. Les interventions peuvent avoir lieu tant au niveau individuel que collectif, mais toujours en respectant les objectifs de chaque participant. Ce type d’intervention est plus courant dans les milieux cliniques, où le thérapeute travaille au sein d’une équipe multidisciplinaire en collaboration avec d’autres professionnels tels que des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des infirmiers et des psychologues.

Social ou récréatif. Également connue sous le nom d' »horticulture thérapeutique ». Il s’agit d’un processus informel dans lequel le thérapeute ne convient pas d’objectifs spécifiques avec le client, bien qu’il puisse le faire s’il le juge approprié. Le client participe dans le contexte des objectifs du programme de manière active ou passive. Ce type de programmes se concentre généralement sur l’inclusion sociale, l’occupation et le bien-être général. Ils sont généralement développés dans des centres de jour, des centres pour personnes âgées, des jardins scolaires, des jardins urbains, des centres pénitentiaires, des projets associatifs, etc.

Travail. Le thérapeute est chargé de préparer l’usager à sa future intégration sur le marché du travail. Il est chargé de la formation aux tâches liées à l’horticulture et/ou au jardinage, ainsi que de l’évaluation et du suivi de l’utilisateur dans le processus d’acquisition de compétences professionnelles. Des compétences qui lui permettront d’opter pour un emploi dans le secteur agricole, sans exclure d’autres secteurs dans lesquels l’utilisateur peut envisager son employabilité. Ce type de programme est généralement promu par des associations de personnes handicapées, malades et/ou en risque d’exclusion sociale

*Au sein d’une entité ou d’un programme, le champ social ou récréatif peut être combiné avec le champ thérapeutique ou de travail.

Mission n°1 : la formation

« En parlant avec des gens dans les différents pays, je me suis rendue compte que leur formation avait eu lieu aux Etats-Unis ou en Angleterre comme moi. Mais c’est une barrière pour beaucoup de monde, à cause de la langue et du coût. » C’est ainsi que l’AEHJST a commencé rapidement à proposer plusieurs formations, une différence avec la FFJNS qui n’est pas un organisme de formation, mais dont certains membres proposent des formations, une douzaine au total.

En Espagne, le pays de Leila, « nous travaillons avec deux universités. Avec l’université autonome de Barcelone (UAB) et son école d’infirmières et d’ergothérapeutes, nous sommes dans la 2e année d’un cours en ligne de 20 heures, une initiation ouverte à tous. C’est un cours de 20 étudiants maximum, enseigné par une équipe dont je fais partie. Avec l’université de Saragosse, c’est un cours pendant l’été, plus pratique, qui se déroule en partie dans un jardin ouvert à la communauté. » 

«  Quant au cours « Social and Therapeutic Horticulture » de 45 heures, il est enseigné par une équipe multidisciplinaire très riche : Perla Sofía Curbelo (HT à Puerto Rico), Eva Creus Gibert (HT), Daniela Silva-Rodríguez (HT), Andrea Costas Aranda (jardinier), Karin Palmlöf (conceptrice de jardins thérapeutiqeus), José María Salas (collaborateur de Karin), Ariana Smith Rodríguez (ergothérapeute, collaboratrice de Karin), Salvador Simó (consultant),  Albert Cervera (consultant) et moi-même. »

Pour découvrir l’offre de formation de l’AEHJST, c’est par ici.

Suivre Leila

En 2016, elle a lancé le blog Vitamina Verde en espagnol pour partager des informations autour de l’hortithérapie. Le blog est actuellement en pause par faute de temps. Il reste une ressource importante en espagnol.

Sur les réseaux sociaux, vous pouvez la suivre sur @VitaminaVerdeTH. De son côté, Leila suit assidument tout ce qui touche à la « hortoterapia ». Avec sa collègue péruvienne Daniella, elle est en train de développer un glossaire en espagnol. Les projets ne manquent pas.

Vous pouvez écouter cette conférence de Leila pendant le Trellis Seminar Series de 2021

Autre ressource, Savias Conexiones, un lieu d’échange entre hortithérapeutes de langue espagnole, une série de causeries qui ont débuté pendant la pandémie et qu’on peut retrouver en ligne (2020) sur Facebook ou sur Instagram. Leila y a apporté sa contribution. 

Quand Le Bonheur se baladait dans le monde

Pour mesurer le temps, je peux utiliser celui qui s’écoule entre deux publications sur ce blog. Ce marqueur revient inexorablement tous les mois, tous les premiers lundis du mois précisément. Lorsque j’appuie sur le bouton « Publier » au début du mois, j’ai l’impression d’une longue plage de temps devant moi…Et puis pouf, il est temps de publier de nouveau.

Ce mois-ci, ce joli mois de mai, restons dans le thème de notre périple international de2022. Si nous avons un besoin vital de nouveautés, il est aussi utile de prendre le temps d‘apprécier l’existant. Or, depuis 10 ans, je me suis déjà souvent promenée hors des frontières françaises. Voici un aperçu de ces voyages qui montrent la variété des jardins thérapeutique, de l’hortithérapie et des écothérapies. Quelle énergie et quelle vision chez ces femmes et ces hommes rencontré.es depuis 10 ans !

Pour les mois qui viennent, je vous annonce quelques nouvelles destinations : l’Autriche et l’Allemagne, le Costa Rica et un bilan de l’hortithérapie dans les pays hispanophones. Et puis il va falloir aller explorer un peu plus en Asie, en Australie, en Afrique.

Sue Stuart-Smith, psychiatre et auteure de « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne » dans son jardin anglais (crédit photo gardenmuseum.org.uk)

EN EUROPE

ITALIE. En avril 2021, nous rencontrions Ania Balducci, hortithérapeute italienne formée en Angleterre et aux Etats-Unis, qui contribue à développer l’hortithérapie dans son pays à travers des projets et une formation universitaire. Pour compléter un lien pour se tenir au courant des actions de la Associazone Italiana Ortoterapia (ASSIOrt)

ANGLETERRE. Une autre rencontre, celle de Sue Stuart Smith. Elle est psychiatre et elle nous a offert en 2020 « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne ». Un des livres les plus inspirants sur les bienfaits de la nature et du jardin pour les personnes fragilisées. Sa sortie en pleine pandémie a fait beaucoup de bien. Il est devenu LE livre de jardinage de l’année pour le Sunday Times et un des 37 meilleurs livres de 2020 pour The Times. Autant dire qu’il aura rencontré un énorme écho en Angleterre et dans les nombreux pays où il a été publié.

ANGLETERRE. C’est grâce à Beth Collier que j’ai découvert l’écopsychothérapie. En 2018, elle nous expliquait comme elle pratique son travail de psychologue dans les parcs londoniens depuis plusieurs années. Elle prépare sur ce sujet un livre que j’ai hâte de découvrir. En attendant, merci à Beth de m’avoir inspirée car c’est en grande partie grâce à elle que je propose aujourd’hui des séances de psychothérapie dans la nature.

ECOSSE. Impossible de ne pas mentionner Trellis et Fiona Thackeray. Avec son équipe, elle organise depuis deux ans une série de séminaires internationaux dans l’âme. Dès 2015, cette ancienne de Thrive nous avait présenté Trellis, l’association écossaise d’hortithérapie.

SCANDINAVIE. En 2019, Philippe Walch, alors tout nouveau membre de la Fédération Française Jardins Nature et Santé et aujourd’hui actif dans son conseil d’administration, nous avait fait profiter d’un voyage personnel dans la Scandinavie biophilique avec une visite de Nacadia, le jardin thérapeutique initié par Ulrika Stigdotter et son équipe à de l’Université de Copenhague. Pour compléter ce tour dans le nord de l’Europe, regardez l’intervention d’Anna María Pálsdóttir au Trellis Seminar Series 2022. Elle y décrit l’expérience du jardin du Living Lab Alnarp Rehabilitation en Suède.

Salle de pause au jardin pour les infirmières d’un hôpital de Portland, Oregon (Etats-Unis), sujet d’une étude de Roger Ulrich.

EN AMERIQUE DU SUD ET DU NORD

PEROU. Je vous présente Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, hortithérapeute péruvienne également formée aux Etats-Unis. Depuis notre rencontre au Jardin du Luxembourg en 2019, Daniela a pratiqué, parlé, écrit. Voici quelques exemples de ses articles sur le blog du Horticultural Therapy Institute : auprès de personnes âgées en Argentine, pour des enfants en Equateur ou encore auprès d’enfants sur le spectre de l’autisme en Inde.

CANADA. Il s’en passe des trucs au Canada. Une de mes références est la Fondation Oublie pour un instant dont la fondatrice, Jeannine Lafrenière, est une personne que je croise régulièrement depuis plusieurs années. Sa mission : faire entrer la nature à l’intérieur des établissements de santé.

ETATS-UNIS. Choix difficile dans ce pays où j’ai passé le plus de temps, physiquement et à distance. J’attire simplement votre attention sur quelques personnes et programmes phares.

LIVRE « The Profession and Practice of Horticultural Therapy ». Le livre de Rebecca Haller, Christine Capra et Karen Kennedy, sorti en 2019, est incontournable si vous vous lisez l’anglais. Vous y retrouverez d’ailleurs quelques signatures françaises et européennes.

LIVRE « Therapeutic Landscapes ». Même chose pour le livre de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs, sorti en 2014. Indispensable, source d’inspiration, mise en contexte d’initiatives qui intègre la nature qui soigne dans les établissements de santé. Historiquement, ma première rencontre avec Clare Marcus Cooper il y a 10 ans.

« Une hortithérapeute californienne derrière les barreaux ». Je reste en contact avec Calliope Correia depuis notre rencontre dans une formation du HTI et je suis son implication intense dans son travail en prison. Une passionnée, une convaincue.

30 ans d’hortithérapie auprès des personnes âgéesKirk Hines a commencé sa carrière d’hortithérapeute depuis 1993 et il la poursuit auprès de personnes âgées dans la région d’Atlanta.

« Bénéficiaire » et témoinLe témoignage d’un homme pour qui le jardin thérapeutique d’un programme d’addictologie en Caroline du Nord a été salvateur.

Résilience et recherche. A New York, la résilience de Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur, épate. Retrouvez ses publications en tant que chercheur et professeur associé dans le département de Médecine de Réadaptation à la Faculté de Médecine de NYU.

A Chamchamal dans le Kurdistan irakien, le Fondation Jyian (« vie » en kurde) a formé les thérapeutes qui accompagnent des adultes et des enfants traumatisés par la guerre à l’hortithérapie.

DANS LE RESTE DU MONDE

Force est de constater que les autres parties du monde sont peu représentées sur mon blog. L’attraction est tellement plus forte là où on a déjà des contacts. A améliorer !

Au Japon, j’avais présenté en 2015 l’état de la formation en hortithérapie, très inspirée des Etats-Unis ainsi que le travail du chercheur Mashiro Toyoda. Il a continué à explorer le sujet, notamment avec la publication en 2020 d’une étude sur les effets d’une activité d’arrosage régulière sur l’activation du lobe pré frontal chez des personnes âgées bien portantes. Du jardinage comme outil de prévention du déclin cognitif.

Au Kurdistan, nous avions découvert un programme de formation pour des thérapeutes spécialistes du psychotraumatisme qui accompagnent des réfugiés, un effort qui a rassemblé des experts de plusieurs pays. Le programme a également été présenté lors du Seminar Series 2022 de Trellis

Au Bénin. Concluons sur l’intervention de Josette Coppe, psychologue clinicienne et art-thérapeute, qui anime des ateliers d’expression et des ateliers thérapeutiques avec les équipes SOS villages d’enfants au Bénin depuis 2010 à travers son association Résonances. Elle avait partagé son expérience lors d’une table ronde en ligne organisée par Jardins & Santé en novembre 2021. Vous trouverez son intervention à la minute 59 dans cette vidéo, avec les témoignages filmés de deux professionnels béninois.

Colleen Griffin : une hortithérapeute indépendante et impliquée

Dans l’état du Maine, aux Etats-Unis

Colleen Griffin a suivi la formation d’hortithérapeute du Horticultural Therapy Institute (HTI) de Rebecca Haller et Christine Capra, formation que j’ai moi aussi suivie en 2010-2011 sans aller jusqu’au titre de Horticultural Therapist Registered comme Colleen qui a été diplômée en 2018. Puis Colleen est devenue co-auteure du blog du HTI, pour lequel j’ai aussi écrit il y a plusieurs années. Pas étonnant que je ressente une sorte de camaraderie par association avec Colleen. Quand j’ai lu son dernier billet intitulé « Dormance : la réponse de la nature aux jours sombres de l’hiver », j’ai été très touchée par les idées qu’elle exprimait. J’ai eu envie de discuter avec Colleen et de lui consacrer ce premier billet dans mon voyage autour du monde de 2022.

Colleen Griffin

Il y a quelques jours, alors que l’état du Maine où elle vit se remettait d’une forte tempête de neige, nous avons passé un moment très cozy sur Zoom pour parler de son parcours et de ses projets dont celui qui l’occupe tout particulièrement pour les Dempsey Centers for Quality Cancer Care. Pour les fans de Grey’s Anatomy, le nom de Patrick Dempsey évoquera le personnage du Dr. Derek Shepherd. C’est en honneur de sa mère touchée par le cancer que l’acteur a fondé et reste très impliqué dans cette association caritative qui accueille et soutient les patients et leurs proches.

Quant à Colleen, voici comment elle résume son parcours. « Après une carrière de 25 ans dans le domaine de la santé, j’ai décidé qu’un changement était nécessaire. J’ai suivi mon cœur et me suis inscrite à des cours d’horticulture dans un community college local. C’est à partir de là que j’ai découvert l’hortithérapie et que j’ai suivi la formation du HTI dans le Colorado. J’ai obtenu mon HTR en 2018 et j’ai depuis travaillé avec des adultes et des enfants ayant des besoins spéciaux dans des programmes professionnels et développementaux/comportementaux. Depuis 4 ans, je suis affiliée aux Dempsey Centers for Quality Cancer Care, qui servent non seulement les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer, mais aussi leurs familles et leurs soignants. Mon travail avec Dempsey est axé sur la réduction du stress basée sur la pleine conscience. » 

Mais ce n’est pas tout. Colleen s’implique dans deux organisations professionnelles dédiées à l’hortithérapie ainsi que dans la formation.  « Je fais partie de l’équipe de programmation de la conférence de l’American Horticultural Therapy Association – AHTA (prochaine conférence 8-10 septembre à Kansas City). Je suis actuellement coordinatrice des membres du North East Horticultural Therapy Network (NEHTN) et j’organise le bulletin trimestriel de ce réseau. Récemment, j’ai commencé à enseigner dans le cadre du programme bénévole des maîtres jardiniers (master gardeners) de l’Université du Maine Cooperative Extension. »

Cancer, nutrition et pleine conscience

Depuis une dizaine d’années, le Dempsey Center cultive un jardin avec l’aide de master gardeners comme ceux formés par Colleen. La production sert à des cours de cuisine thérapeutique en plus d’être distribuée aux patients pour encourager une alimentation saine et équilibrée. Devant quitter son emplacement original, ce jardin a trouvé refuge dans un nouveau lieu appartement au YMCA d’Auburn l’année dernière. C’est à Colleen que le Dempsey Center confie alors la conception du jardin communautaire et d’un jardin thérapeutique attenant. Dans cette partie qu’elle rend accessible aux personnes à mobilité réduite, elle installe des bacs et une longue table de travail pour jardiner à hauteur. 

En 2021, ce sont les herbes aromatiques et un jardin sensoriel qui ont été le principal objectif. Grâce à une structure couverte et à six tables, les activités d’hortithérapie peuvent se poursuivre par tous les temps car le Maine a un climat assez rude et imprévisible. Colleen espère que cette année, le projet va continuer à mettre des racines, notamment avec un jardin d’herbes médicinales. « Mais Rome ne s’est pas construite en un jour, » rappelle-t-elle. D’ailleurs, un autre projet ambitieux est de transformer une partie du terrain en espace naturel avec des pollinisateurs et des plantes indigènes. « Cette partie restera plus sauvage et pas accessible en fauteuil. Mais ce sera un lieu pour les familles. »

Jardin thérapeutique en devenir, nivellement et préparation du terrain appartenant au YMCA.
Le jardin thérapeutique en cours d’installation au printemps 2021 dans le jardin communautaire qui l’entoure. Il contient deux lits surélevés et deux jardinières accessibles aux fauteuils roulants, fixées à une table de travail.

Le jardin thérapeutique du Dempsey Center s’adresse aussi aux soignants, pour une pause dans leur quotidien. Colleen reçoit également des enfants de personnes malades ou des enfants endeuillés. « Avec des groupes de 8 à 18 ans, ce n’est pas toujours facile ! En mai dernier, nous avons commencé avec des plantations d’haricots verts et de concombres. Les enfants peuvent venir au jardin quand ils veulent. »

Jardiner n’est pas toujours rattaché à un lieu partagé, la Covid nous a appris à être adaptable. Cet hiver, Colleen a participé à une « Cabin fever series », un programme de wébinaires associant quatre professionnelles, une diététicienne, une prof de pleine conscience, une prof d’exercice adapté et une hortithérapeute. « Pour des patients qui ne pouvaient pas se déplacer, les conférences en ligne représentaient un grand intérêt. Une femme a participé depuis l’hôpital pendant une chimiothérapie. Une mère malade et sa fille adolescente ont apprécié de ne pas parler de maladie le temps de cet échange. » 

Dans cette vidéo, Colleen vous invite à une visite du nouveau jardin et vous raconte l’histoire de sa création. 

Le jardin sensoriel se trouve dans une jardinière surélevée. Attachée à la jardinière, une activité de pleine conscience auto-guidée que les visiteurs peuvent pratique avec les plantes devant eux.
Le jardin thérapeutique du Dempsey Center sa première année

Les origines d’une vocation

C’est l’accident de la route de son fils et sa longue convalescence qui a ouvert les yeux de Colleen sur le pouvoir thérapeutique du jardin. « Le jardin est un endroit rassurant où on peut démêler ses émotions. La nature ne porte pas de jugement et vous accepte. On peut reprendre confiance. Guérir est une longue route pleine de virages. J’ai constaté qu’il y a une différence énorme entre ce que la communauté médicale appelle être guéri et le fait d’aller vraiment mieux », explique Colleen dans une émission du podcast « Ah ha moment ». Ce podcast présente le parcours de plusieurs hortithérapeutes et leur « ah ha moment », le moment où ils ont pris conscience de l’intérêt des jardins thérapeutiques et de l’hortithérapie. Je vous encourage à écouter d’autres épisodes pour découvrir les histoires de Christine Capra, Matt Wichrowski, Pam Catlin, John Murphy, Patty Cassidy et bien d’autres.

L’accident de son fils impulse une envie de changement. Le jardin l’attire naturellement car elle pressent son intérêt thérapeutique. Quand elle parle à un de ses enseignants d’horticulture de cette intuition, elle s’entend répondre : « Ce que tu décris, c’est l’hortithérapie ». Et une hortithérapeute est née.

Hortithérapeute, une profession toujours en devenir

« En 2018, nous étions deux hortithérapeutes dans le Maine, dont Kathy Perry qui a été ma superviseuse de stage pour devenir HTR. Aujourd’hui, nous sommes quatre et bientôt cinq. A mes débuts, j’ai frappé à de nombreuses portes sans succès. J’ai été très heureuse que le Dempsey Center me donne une chance. Je pense que de plus en plus d’organisations voient l’intérêt de l’hortithérapie pour les gens qu’elles accueillent »,  constate Colleen. « La pandémie a changé notre vision de ce qui est thérapeutique. J’aimerais que tous les jardins communautaires, comme ceux dans lesquels travaillent les master gardeners, aient un jardin sensoriel. Dans cette crise, nous avons tous subi des traumatismes, des deuils, des pertes et de l’isolement. Le jardin peut nous aider à traverser la pandémie. »

Depuis la France, nous pourrions avoir l’impression que les hortithérapeutes ont la belle vie aux Etats-Unis, que la pratique est acceptée à bras ouverts. Le parcours de Colleen démontre que rien n’est jamais acquis. « J’ai rencontré une hortithérapeute de Seattle sur la côte ouest des Etats-Unis. J’avais l’impression que là-bas, l’hortithérapie était bien plus avancée. Mais finalement, non. » D’ailleurs, n’est-ce pas peut-être dans cet esprit un peu rebelle et hors des clous, toujours en lutte tranquille, que l’hortithérapie se joue ? 

En tout cas, partout les hortithérapeutes cherchent à se rassembler. Aux Etats-Unis, cette envie a pris la forme de huit réseaux régionaux de l’AHTA il y a plusieurs années. Après une période où les réseaux sont devenus indépendants de l’AHTA, il y a actuellement un mouvement pour rassembler de nouveau les deux niveaux d’organisation, national et régional. Colleen fait partie de ces chevilles ouvrières du rapprochement. « C’est important d’avoir une organisation nationale plus forte sans perdre l’identité des réseaux régionaux », explique-t-elle. Colleen représente le nord-est des Etats-Unis auprès de l’AHTA tout en s’impliquant dans le North East Horticultural Therapy Network (NEHTN). « Je me suis engagée dans le NEHTN à un moment où beaucoup d’anciennes partaient. Cela m’apporte beaucoup car nous partageons les mêmes questionnements. Nous avons quatre réunions par an et de nombreux échanges. » Pour rappel, l’hortithérapie, c’est connecter les humains – dont les hortithérapeutes – et les plantes.

Le Bonheur est dans le jardin fête ses 10 ans

 

Où sont-elles passées, ces 10 années ? Je vous les raconte à travers quelques billets qui ont jalonné mes explorations aux Etats-Unis, en France et ailleurs à la recherche d’expériences de la nature qui soigne. 267 billets en 10 ans et une masse d’informations qui restent à votre disposition si vous aimez fouiller un peu. N’hésitez pas à utiliser l’outil de recherche et voyez ce qui se cache dans les profondeurs du Bonheur. 

En préparant cette rétrospective, je me rends compte de tous les échanges et les rencontres que le blog a générés pour moi et parfois entre les lecteurs. C’est à cela qu’il sert.

Suzanne Redell dans un oasis de verdure avec une patiente du Cordilleras Mental Health Center (Californie).

2012, les débuts dans l’enthousiasme

En mai 2012, j’explique dans le premier billet pourquoi je lance Le bonheur est dans le jardin. J’habitais alors à Berkeley en Californie, mais le retour à Paris était programmé pour l’automne. Mon objectif était de parler de projets d’hortithérapie, de partager des exemples, d’inspirer. Déjà, j’évoquais la soif de nature et de connexion avec la terre des citadins, thème qui a pris de l’ampleur depuis 2012 et encore plus depuis 2020.

Depuis la Californie, j’avais échangé avec Anne et Jean-Paul Ribes de Belles Plantes ainsi qu’avec Anne Chahine de Jardins & Santé. Lien entre la France et les Etats-Unis, j’avais aussi « recruté » Rebecca Haller, ancienne présidente de l’American Horticultural Therapy Institute, pour le Symposium de Jardins & Santé en novembre 2012. A travers le blog, commençait à se jouer un rôle d’intermédiaire.

Avant de rentrer en France, je m’en donnais à cœur joie en racontant des expériences américaines, en pédopsychiatrie à Cincinnatidans un hôpital gérontologique à Atlanta ou encore de jardin en soins palliatifs en Caroline du Nord. Les soins palliatifs déjà – comme un clin d’œil à aujourd’hui où me voici psychologue dans une équipe mobile de soins palliatifs. A l’époque, j’abordais tous ces sujets sans aucune connaissance de soignante et seulement une courte formation en hortithérapie. Avec un enthousiasme sans doute un peu naïf. Pendant quatre ans, Le bonheur a été publié une fois, voire deux fois, par semaine ! Avant de devenir mensuel lorsque j’ai commencé un master de psychologie à Paris Nanterre. Merci Carole Nahon pour la suggestion de réduire la fréquence, car j’ai bien failli arrêter à ce moment-là devant la somme de travail.

En 2012 toujours,  premier passage au Centre de Formation de Chaumont-sur-Loire comme stagiaire lors de l’une de toutes premières formations aux jardins de soin et rencontre avec quelques personnes clés : Hervé Bertrix, Sébastien Guéret, Stéphane Lanel,  Paule Lebay, Dominique Marboeuf, « les » Ribes,…

Anne Ribes et Suzanne Redell discutent dans le jardin à la Pitié Salpétrière en 2013.

2013, un pied en France, un pied aux Etats-Unis

Je suis en France, mais mes attaches américaines sont encore très fortes (jardin dans des quartiers défavorisés à Portlandoù j’ai vécu plusieurs années, hortithérapie et violences sexuelles, rencontre avec Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur new-yorkais,…). Petit à petit, le centre de gravité se déplace en France (Anne Ribes à la Pitié-Salpétrièrele Jardin d’Olt comme remède contre l’enfermement dans un Ehpad ou un atelier d’horticulture dans un IME). Toujours comme pont entre les deux pays, je commence à décliner le Bonheur en anglais pour alimenter le blog On the Ground du Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller et Christine Capra où j’ai été formée en 2010-2011.

Les animateurs du projet de jardin partagé au CH Georges Daumezon (Loiret) dont Anne Babin (à gauche en tablier vert) et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

2014 fourmille de rencontres

Cette année-là, je commence à participer au jury du prix de la Fondation Truffaut qui récompense pendant plusieurs années, sous différentes formes, des jardins thérapeutiques, d’insertion et sociaux. Ce sera au fil du temps l’occasion de belles rencontres comme celle de Romane Glotain. Elle deviendra une régulière du blog à qui je passerai la plume plusieurs fois. Tout comme Nicole Brès qui écrira plusieurs billets au décours de ses voyages. Je fais aussi la connaissance de France Criou autour du Jardin de l’Armillaire qu’elle a contribué à créer au CHU de Nice. Je m’essaie pour la première fois à la vidéo avec une visite filmée du jardin de l’Ephad d’Onzain en compagnie de Paule Lebay. Ayant convaincu le magazine Le Lien Horticole de publier des articles sur les jardins thérapeutiques, je visite entre autres Dominique Marboeuf au CH Mazurelle à La Roche-sur-Yon. 2014 est aussi l’année où Tamara Singh, hortithérapeute certifiée aux Etats-Unis, débarque en France.

Un des cinq jardins au Legacy Emanuel Medical Center à Portland (Oregon, Etats-Unis).

2015, de la terreur à l’amour du vivant

L’année commence dans la douleur avec les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher et je publie les réflexions de Sébastien Guéret, amoureux des jardins coincé au Japon que j’avais déjà présenté quelques mois plus tôt. Je continue la pratique de passer la plume à d’autres, comme ici pour parler de jardins et de soins palliatifs à la maison médicale Jeanne Garnier. L’Amérique du nord reste un terrain d’aventure fréquent (Une hortithérapeute à temps plein au Mental Health Center à Denverla formation à l’hortithérapie aux New York Botanical Gardens by Tamara Singh, la rencontre avec Jeannine Lafrenière de la Fondation Oublie pour un instant au Canada,…). Je me balade aussi en Belgique où je risque de rester coincée dans un hôpital pour le weekend pour cause de grève des transports. J’évoque pour la première fois l’écothérapie ainsi que la biophilie et E.O. Wilson, ce chercheur iconique qui vient de nous quitter il y a quelques jours. 

Les Jardins de l’Humanité dans la brume

2016, rythme de croisière

Je propose une de mes premières « revues de la littérature » sur les études démontrant les bienfaits de la nature sur la santé mentale. En 2016, visite en chair et en os à Castelnaudary chez John Riddel au Jardin des Vents. Pas moins de 4 billets pour décrire ce projet qui aura pris 10 ans de travail acharné pour se concrétiser et qui rassemble plusieurs établissements. C’est le grand plaisir d’écrire un blog pour une pigiste habituée aux contraintes imposées par des rédac chef : ici, je fais ce que je veux. De même, je consacre une série de quatre billets au grand sujet du financement. Je mets aussi en avant des travaux d’étudiants de différentes disciplines qui ont pris le jardin thérapeutique comme objet d’étude, comme le travail d’Arnaud Kowalczyk en master Promotion et Gestion de la Santé à Tours (et en passant en train par Saint-Pierre-des-Corps, je lui prête un jour le livre de Clare Marcus Cooper sur le quai de la gare). Je reviens à la vidéo pour présenter Laure Bentze et Stéphanie Personne de Ter’Happy, mais c’est à distance que j’interviewe Estelle Alquier des Jardins de l’Humanité dans les Landes. 

Curiosité partagée : le Jardin de Bonne à Paris, le jardin partagé de mon quartier qui rapproche les habitants.

2017, les frémissements d’une future fédération

En 2017, un certain Jérôme Pellissier m’appelle pour boire un café au Père Tranquille à Paris : il va publier un livre (enfin) en français sur l’hortithérapie et les jardins thérapeutiques. Alléluia ! 2017 est aussi une année de symposium Jardins & Santé. Comme d’habitude, j’essaie d’en rendre compte pour les absents. Ce symposium sera de manière informelle, dans un autre bar, le point de départ de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Depuis 2012, j’ai rencontré petit à petit (et présenté ici) presque tous les futurs membres-fondateurs de la « Fédé », y compris Didier Sigler du CH Théophile Roussel. Je prends aussi le temps de revenir sur des projets découverts les années précédentes, un autre luxe que permet un blog indépendant.

Le jardin de soin de Chaumont-sur-Loire, un jardin couteau suisse : pour les stagiaires des formations, pour des bénéficiaires locaux et pour le grand public qui visite le domaine.

2018, des prisons et des bains de forêt

Je suis bien ancrée en France, mais je garde toujours un œil sur les Etats-Unis, par exemple avec ce portrait de Calliope Correia, une hortithérapeute californienne et camarade de cours au Horticultural Therapy Institute, qui travaille entre autre derrière les barreaux avec beaucoup de passion. En 2018, je suis frappée par la multiplication des livres sur les bains de forêts…ce qui m’amènera directement à en écrire un autre pour les enfants et les familles l’année suivante. 

Evénement marquant cette année-là, l’ouverture d’un jardin de soin à Chaumont-sur-Loire, une satisfaction pour toute l’équipe des formateurs dont je faisais partie à l’époque et un projet mené en un temps record à la suite d’une rencontre avec la directrice des lieux. Il y a d’autres bonnes nouvelles : l’arrivée de Heidi Rotteneder, une hortithérapeute certifiée des deux côtés de l’Atlantiquela découverte qu’on peut pratiquer la psychothérapie dans la nature grâce à Beth Collier (une pratique que je commence à m’approprier à ma manière en tant que psychologue et psychothérapeute) ou encore la rencontre avec Green Link, une fondation très nature. Green Link publiera notamment cette même année un livre blanc sur les jardins en prison.

Dr. France Criou et Roger Ulrich, en marge du colloque « Des jardins pour prendre soin » à Saint-Etienne en 2019 à l’initiative de l’équipe du Jardin des Mélisses et de Dr. Romain Pommier.

2019, un livre et un colloque génial

A titre personnel, elle débute avec la publication de mon livre susnommé, Le Shinrin Yoku en famille, qui incite les familles à reconnecter avec la nature dans la lignée de Richard Louv. A titre collectif, elle se poursuit avec le premier anniversaire de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Nous communions avec la communauté hortithérapique lors d’un colloque au CHU de Saint-Etienne avec Roger Ulrich en guest star (pour expliquer l’impact de sa venue en France, je fais le parallèle avec rencontrer Mick Jagger pour un fan de rock anglais). Je parle à des « reconverties » qui ont répondu à l’appel de la nature. Nous causons dans le Jardin du Luxembourg avec une hortithérapeute péruvienneUn nouveau jardin « hors les murs » fait son apparition en Sologne, le Jardin de Vezenne. 

Une sortie des Décliques qui reconnecte les petits Franciliens avec la nature

2020, l’année des confinés

Tout avait si bien commencé. Et puis boum. Confinement acte I (Confinés dans nos corps, pas dans nos têtes), confinement acte II (Quand les confinés redécouvrent la nature, la biophilie explose), confinement acte III (Dans les jardins et la nature, les activités thérapeutiques reprennent de plus belle). Et puis encore et toujours des rencontres : Florence Gottiniaux en face à faceSabrina Serres au téléphone,…

Un jardin à visée thérapeutique à la Clinique de l’Anjou à Angers pour améliorer la qualité de vie des patientes en oncologie

2021, l’année de la formation

2021 explose d’actualité autour de la formation, les trois premiers jardiniers médiateurs et l’annonce d’un DU Santé et Jardins, notamment. Romane Glotain a fait le Tour de France des jardins thérapeutiques. On est parti en Angleterre avec Sue Stuart-Smith pour son excellent livre L’Equilibre du jardinier, en Italie avec Ania Balducci qui lance une formation universitaire à l’hortithérapie et au Kurdistan avec Tamara et Heidi.

Et en 2022 ? Et bien justement, j’ai envie de continuer sur cette lancée hors des frontières. En 2022, le Bonheur va se balader dans le monde entier. La suite en février…Merci de votre fidélité. N’hésitez pas à commenter ou à me donner des pistes de sujets à l’étranger.

L’ortoterapia : les jardins italiens qui soignent

Dans une vie précédente, Ania Balducci a terminé un master en agriculture avant de se marier et d’élever ses trois enfants. A ses heures perdues, elle concevait des jardins pour des amis et faisait activement du bénévolat. Mais à la cinquantaine, changement de cap. Cette Italienne dynamique découvre l’hortithérapie à travers les livres de Rebecca Haller et Christine Capra Kramer. Quittant l’Italie qui n’offrait pas de formation sur le sujet, elle commence par se former auprès de Thrive en Angleterre. Puis elle traverse l’Atlantique pour suivre la formation de Rebecca et Christine au Horticultural Therapy Institute d’abord en « présentiel » comme on dit depuis la Covid, puis en visioconférence pour finir le cursus

Ania Balducci (en noir) pendant une séance de formation à l’Horticultural Therapy Institute

Projet du plus beau jardin du monde

Imaginez un palais florentin et son jardin abandonné. Quatre jours par semaine, Ania Balducci accompagne dans ce jardin un groupe de jeunes gens, garçons et filles, de 15 à 22 ans. Identifiés par les travailleurs sociaux et psychologues de la ville de Florence, les jeunes jardiniers sont aux prises avec diverses difficultés d’apprentissage et de socialisation. Un éducateur est présent aux côtés d’Ania pour mener les activités : produire et récolter toutes sortes de fruits et légumes, les transformer, apprendre les noms latins des plantes et la botanique,…

Lancé en 2019 pour trois ans, le projet est financé par le système des pharmacies de Florence. « Ces jeunes étaient laissés à eux-mêmes. Ils sortaient peu de chez eux et n’avaient pas d’occupation. A leur grande surprise, ils aiment être au grand air et apprendre sur les plantes. Leur estime de soi remonte. On voit des améliorations dans leurs capacités physiques, chacun selon ses capacités », décrit Ania. « C’est une expérience enrichissante de les voir devenir un groupe. » Visitez la page Facebook pour voir Ania et ses étudiants en action : Siamo l’orto più bello del mondo

Projets en chantier

Dans le plus vieil hôpital de Florence, fondé par le père de Béatrice, la muse de Dante, Ania participe à un projet de « healing garden » qui avait été approuvé avant le début de la Covid et pour lequel une campagne de financement avait déjà démarré. « L’objectif est de rendre le cloitre aux patients comme un lieu de soin. » Une autre piste poursuivie avec des gériatres est d’offrir à des personnes âgées fragiles, vivant chez elles ou dans des résidences, un accès à la nature au sein de cet hôpital qu’elles fréquentes pour des visites. « Et puis, un jardin est également bénéfique pour le personnel. »

Comment les médecins accueillent-ils l’hortithérapie en Italie ? « Certains nous soutiennent et y croient », affirme Ania, sous-entendant que cette nouvelle discipline ne fait pas encore l’unanimité. « Une cardiologue m’a demandé de participer à des groupes pour des patients avec des prédispositions cardiaques. Dans ces groupes, on parle de nutrition, d’exercice, de mode de vie. J’interviens sur le bien-être. »

Formation en préparation à l’Université de Bologne

Frappée par le manque de formation en Italie, Ania s’est rapprochée de l’Université de Bologne pour proposer un cursus de niveau master. « Le programme sera lancé en 2022. Nous serons plusieurs formateurs. Nous disposerons d’un parc pour y mener les cours pratiques. En tant qu’hortithérapeutes, nous travaillons avec des personnes fragiles. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des erreurs qui seraient dangereuses pour les participants. » Pour 2021, un premier galop d’essai prendra la forme d’une formation plus courte et hybride, moitié en ligne et moitié en face à face.

Pour appuyer la formation, Ania est en train d’écrire un manuel en italien avec une collègue. Elle est également secrétaire d’ASSIOrt (Associazione Italiana Ortoterapia). « L’association était en souffrance, elle repart depuis ce printemps. » J’ai rencontré Ania dans le cadre d’une série de séminaires organisée au mois de mars 2021 par l’association d’hortithérapie écossaise Trellis (vidéos des séminaires à venir). Lorsque nous avons discuté par la suite avec Ania, une idée est venue… « Une association européenne d’hortithérapie nous rendrait plus forts », évoque-t-elle en conclusion.

Ailleurs dans le monde

Si vous voulez savoir ce qui se passe dans d’autres pays, voici quelques pistes.

Pour les pays hispanophones, suivez Leila Alcalde Banet sur les réseaux sociaux. Elle a co-fondé la Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica. Vous pouvez en apprendre plus sur le parcours de Leila en écoutant ce podcast en espagnol ou cette conférence en anglais dans le cadre des séminaires proposées en mars par l’association Trellis. Vous pouvez aussi écouter la conférence de Daniela Silva Rodriguez Bonazzi sur le jardin de soin qu’elle a créé dans un orphelinat à Lima au Pérou.

Aux Etats-Unis, l’association de référence est l’American Horticultural Therapy Association.

En Ecosse, allez voir du côté de Trellis Scotland. Liste non-exhaustive, à compléter…

Heidi Rotteneder : une hortithérapeute certifiée des deux côtés de l’Atlantique

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Heidi Rotteneder est hortithérapeute en Californie après une formation en Europe.

« My name is Heidi Rotteneder, I’m an HTR working in the Bay Area and I’m a member of the Horticultural Therapy Association of California. We are a group of Northern Californian Horticultural Therapists forming a new networking group for people working in this field….We organize network meetings, where we share our experiences, exchange ideas and discuss the progression of the profession. We also have created a Google group to share information and ideas. » Quand j’ai reçu ce message électronique de Heidi il y a quelques semaines, en tant qu’ancienne étudiante du Horticultural Therapy Institute, j’ai été intriguée en réalisant grâce à un rapide tour sur LinkedIn que Heidi était une hortithérapeute formée en Autriche et qu’elle travaillait dans la même clinique que Suzanne Redell près de San Francisco. Quelques jours plus tard, nous étions en train de discuter sur Skype.

« Cela faisait 15 ans que j’étais travailleuse sociale en Autriche. Je travaillais avec des adultes connaissant des problèmes financiers et d’autres problèmes. Je me suis rendue compte que je n’avais pas envie de faire toute ma carrière dans un bureau. Ayant grandi dans un milieu rural avec des grands-parents paysans, je ressentais l’appel de la nature. Je jardine depuis toujours », commence Heidi. « En Autriche, j’avais entendu parler de l’hortithérapie, un peu par accident. Mais j’ai vraiment appris qu’on pouvait se former en 2010 et je me suis lancée en 2013. » La formation qu’a suivie Heidi est une collaboration entre deux institutions universitaires : l’Université du Danube Krems qui est spécialisée dans la formation continue et le Collège universitaire pour la pédagogie agraire et environnementale. On peut trouver des informations sur leur programme conjoint en anglais et en allemand (plus détaillé). « Pour postuler, il faut déjà avoir un diplôme dans le domaine des sciences sociales, de la santé ou de l’horticulture. Les cours ont lieu un weekend par mois pendant deux ans. J’ai ensuite rédigé un mémoire final et j’ai effectué un stage de 150 heures dans plusieurs endroits », explique Heidi.

« Les cours sont un mélange de concepts en éducation, en sciences sociales, en horticulture et en santé. Pour mes stages, j’ai travaillé dans un accueil pour les réfugiés. Ils avaient chacun leur lopin de terre pour cultiver des plantes de chez eux et des plantes qu’on trouve en Autriche. Le deuxième stage était dans un programme résidentiel auprès d’adolescents et d’adultes souffrant de problèmes de santé mentale avec une composante de formation car ils devaient travailler soit dans la cuisine, soit dans le jardin pour produire des ingrédients pour la cuisine. De plus, j’ai créé un jardin dans un foyer pour enfants avec un processus participatif entre les aidants et les enfants. » En juin 2015, Heidi termine sa formation.

Go west, young woman

Et en août 2015, elle déménage avec sa famille en Californie où son mari vient de trouver un travail dans la Silicon Valley. « C’était un peu effrayant car j’étais nouvelle dans ce métier, il y avait la barrière de la langue et je ne connaissais personne. » Assez vite, Heidi rencontre Suzanne Redell qui l’aiguille sur la voie de la certification américaine pour qu’elle obtienne le titre de HTR (Horticultural Therapist Registered). Elle se lance dans cette certification : il lui faut valider 480 heures de stage qu’elle effectue au Cordilleras Mental Health Center dans la ville de Redwood City et suivre des formations complémentaires en horticulture qu’elle suit au Foothill College. C’est un peu un parcours du combattant car l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) ne lui fournit pas d’information précise. En parallèle, Heidi a également obtenu une certification en Europe à l’IGGT, l’équivalent allemand de l’AHTA, car elle est persuadée qu’elle reviendra un jour…

IMG_2791« Aujourd’hui je travaille toujours à Cordilleras avec un groupe de passionnés d’hortithérapie. Suzanne et moi sommes toutes les deux HTR, une autre personne est en cours de certification et il y a une stagiaire » Car depuis 2012 quand j’avais évoqué ce programme et son démarrage ici, il a pris de l’importance avec le soutien de la direction. A l’époque, Suzanne intervenait trois jours par semaine auprès de deux groupes. Aujourd’hui, le programme fonctionne tous les jours avec des activités de groupe et/ou des séances individuelles. Les hortithérapeutes forment une équipe avec les ergothérapeutes et les travailleurs sociaux. Tous les résidents peuvent intégrer un groupe. Pour les séances individuelles, l’équipe a mis en place un système de recommandation. En tout état de cause, les hortithérapeutes sont au courant du diagnostic et des objectifs de chaque patient.

Heidi travaille le plus souvent avec des patients dans les unités fermés où ils sont hospitalisés entre trois et six mois. Ses patients ont reçu des diagnostics de personnalité borderline, de schizophrénie ou d’autres troubles psychiques. Ils arrivent dans un état stabilisé, parfois après un passage dans un hôpital public, même si de nouvelles phases aiguës peuvent les ramener à l’hôpital. « Un objectif peut être de terminer une activité pendant la séance, en les aidant à se concentrer, à avancer pas à pas et à finir. On peut aussi avoir pour objectif qu’ils aient une réflexion sur l’activité pour développer leurs capacités à s’exprimer et à interagir socialement », explique Heidi. En plus de ce travail à Cordilleras, Heidi accompagne des jeunes adultes qui ont différentes difficultés dans une activité de jardinage. C’est le programme SNAP (Redwood City Special Needs Program).

La volonté de rassembler les hortithérapeutes

Quant au groupe de professionnels qu’Heidi cherche à étoffer, il s’agit d’un groupe que Suzanne et d’autres hortithérapeutes de longue date avaient envie de relancer. « Nous nous rencontrons, notre prochaine rencontre est d’ailleurs en septembre. Nous voulons nous apporter du soutien, développer des outils professionnels et partager nos expériences. » La Californie avait à une époque un gros contingent de membres de l’AHTA. Mais il faut de nouvelles énergies parfois pour relancer les choses. « Les hortithérapeutes travaillent le plus souvent dans des institutions où ils sont seuls. Je ne connais pas d’autres endroits que Cordilleras qui emploient plusieurs hortithérapeutes. Ils ont donc besoin d’échanger », constate Heidi.

« Le mouvement pour se reconnecter à la nature est fort en ce moment », se réjouit-elle. « Mon rêve serait de créer une ferme thérapeutique avec des animaux, des légumes, des fleurs. J’aimerais travailler avec différents groupes. Cela pourrait être n’importe où, le futur est imprévisible. » Avec sa double certification aux Etats-Unis et en Europe, Heidi est dans une position unique d’aider des personnes qui souffrent et de faire avancer cette jeune profession. Ayant géographiquement fait le chemin inverse de Tamara Singh, Heidi a beaucoup à apporter à l’hortithérapie. Peut-être la retrouverons-nous un jour de ce côté de l’Atlantique…

Les jardinières thérapeutiques se multiplient

 

Une jardinière Verdurable à la MAS Saint Jean de Malte à Paris

Une jardinière Verdurable à la MAS Saint Jean de Malte à Paris

Je vous ai déjà parlé des jardinières de Terraform (au fil du temps, ce billet reste l’un des plus consultés depuis sa mise en ligne en octobre 2012!) ainsi que des jardinières et des outils adaptés de Verdurable. L’opportunité de vous parler des jardinières de la société Guyon me donne envie, en passant, de vous donner de leurs nouvelles.

Commençons par Verdurable. Dans une page très riche, les fondateurs de Verdurable, Qi Wu et Luchun Chen, tiennent une chronique des établissements qui ont installé l’une ou l’autre de leurs jardinières : la MAS Saint Jean de Malte à Paris, l’hôpital Charles Foix (APHP Ivry-sur-Seine), Korian Périer de Marseille, l’hôpital Georges Clémenceau (APHP Champcueil) ou encore l’EHPAD Bastide Médicis de Lapège. Nouveauté, un « jardin aquatique », une fontaine prête à accueillir des poissons. Verdurable porte aussi la bonne parole dans des manifestations comme le 8e Colloque des Approches non médicamenteuses, organisé par Agevillage et les Instituts Gineste Marescotti, ou l’événement « La Silver Economie et la Cnav au service du bien-vieillir en Île-de-France », organisé par la Cnav en Ile-de-France.

J’ai moins de nouvelles à partager sur Terraform. En 2015, ils ont installé six « coques » au Portugal, à Coimbra dans les jardins de l’association Terra Fresca qui encourage la production et la consommation locale responsable et l’augmentation de la biodiversité dans les zones urbaines et le bien-être social.

Une jardinière Guyon/Euroform dans une école à Alençon.

Une jardinière Guyon/Euroform dans une école à Alençon.

Ce qui nous amène à Guyon, spécialiste du mobilier urbain qui est implanté à Thiers en Auvergne où il fabrique ses propres gammes et distribue les produits d’autres marques. Comme ces jardinières thérapeutiques créées par Euroform, un fabricant italien. « Ces gammes pour les seniors ont été précurseurs dans les années 2000. L’idée est de gommer les contraintes physiques pour rendre le jardinage accessible. Nous les commercialisons en France, mais sans faire de communication, depuis 2006. Un nouveau modèle est sorti en 2015 », résume Marie Bunel-Armellin chez Guyon. « On peut jardiner assis, debout, depuis un fauteuil (produit accessible PMR) et des accessoires pour tout garder à porter de main sont proposés en option. Une barre d’appui est disponible pour se tenir ou s’appuyer à la jardinière », décrit-elle. Le nouveau modèle a été livré dans deux EPHAD du Nord-est de la France et dans une école d’Alençon dans le cadre d’un programme « Passeport Développement Durable » qui amène les enfants à jardiner.

Un deuxième modèle de jardinière thérapeutique commercialisé par Guyon

Un deuxième modèle de jardinière thérapeutique commercialisé par Guyon

« Nous répondons à une demande existante, ce n’est pas un effet de mode. C’est une nouvelle façon d’interagir et de soigner. Nos jardinières commencent à 598 euros TTC, puis varient en fonction des modèles et options choisies. Nos clients achètent pour le long terme avec une garantie de 10 ans », ajoute Marie Bunel-Armellin. A noter que l’entreprise a conçu des pièces sur mesure pour le Jardin Océan Vert au Centre de lutte contre le cancer François Baclesse à Caen, jardin créé en 2013. « Nous avons fabriqué des bains de soleil, c’est-à-dire des transats en bois avec des lignes en courbe, et des tables basses », explique Marie Bunel-Armellin.

J’en entends déjà certains s’exclamer qu’il n’est pas nécessaire de dépenser 1000 euros, lorsqu’on fonctionne avec des budgets riquiqui, pour avoir une jardinière fonctionnelle. Récupération et débrouille sont aussi des solutions…En tout cas, des alternatives existent.

Et un mot sur le sommeil

En prime aujourd’hui, je partage cette émission de la Tête au Carré sur France Inter sur le sommeil. Des conseils de bons sens du psychiatre Patrick Lemoine qui a écrit « Dormir sans médicaments…ou presque » (Laffont, 2015). Je partage parce que les troubles du sommeil peuvent pourrir la vie de certains participants dans les jardins de soin et qu’il est urgent de s’interroger sur les alternatives aux somnifères, considérés comme une fraude par le docteur Lemoine puisqu’ils anesthésient au lieu de donner un sommeil normal, privant ainsi le dormeur de tous les bienfaits du sommeil (réparation, consolidation des souvenirs,…). Et je partage aussi parce que, pour ceux dont le sommeil n’est pas troublé, la sieste est toute indiquée et pourquoi pas la sieste au jardin…

Et un mot sur l’appel à participation de la conférence de l’AHTA

Et si vous aussi vous alliez parler de votre travail dans les jardins de soin à la conférence annuelle de l’American Horticultural Therapy Association (AHTA)? Elle se tient cette année du 15 au 17 septembre à Saint-Louis au Missouri. L’appel à participation est ouvert jusqu’au 1er mars. Le Missouri est connu pour être le  « Show Me state » : plutôt que de longs discours, ils aiment qu’on leur montre les choses. Défi accepté?

 

 

Au New York Botanical Gardens, on enseigne l’hortithérapie

Après Carole Nahon et Romain R., je passe cette semaine la parole à Tamara Singh dont j’avais fait un portrait avant qu’elle ne quitte New York pour venir s’installer à Paris. Depuis, nous avons eu le plaisir de nous rencontrer « dans la vraie vie » et elle nous fait la gentillesse de partager son expérience américaine. En deux parties, car il y a beaucoup, beaucoup à raconter. Merci, Tamara. Vous pouvez la joindre à hortustherapy (at) gmail.com.

Tamara Singh  à l'hôpital NYU Langone Tisch.

Tamara Singh à l’hôpital NYU Langone Tisch.

New York Botanical Gardens, institution vénérable faisant partie d’un réseau de jardins –dont Kew à Londres– est reconnu pour l’étendue et l’intérêt historique et scientifique de ses fonds et collections botaniques. Soutenu par des financements publics et des donations privées, l’organisme témoigne sa volonté pour initier la recherche tout en mettant l’excellence académique à la portée de ceux qui veulent s’y parfaire. Couvant des personnalités, des conservateurs et des spécialistes renommés, on y mise sur l’ouverture des approches et des formations novatrices. Parmi leur offre de formations de pointe, le programme d’hortithérapie qui remonte au début des années 1980. Fondée par un triumvirat de précurseurs qui inclut alors Nancy Chambers –directrice du Glass Garden au Rusk Institute for Réhabilitation a New York pendant plus de 35 ans, partie à la retraite depuis peu– cette filiation, si on peut s’exprimer ainsi, en fait un des programmes formels d’hortithérapie professionnelle parmi les plus anciens et aussi un des plus expérimentés en Amérique du Nord. La formation à NYBG n’a cessé d’évoluer, tantôt pour imposer une vision, tantôt pour répondre à des phénomènes de société et de santé. Cela retentit sur l’enseignement de cette thérapie certes complémentaire, mais qui a toute sa place auprès de populations en souffrance en mal-être ou en réhabilitation.

Un « horticultural therapy certificate », fruit d’une évolution

Le « horticultural therapy certificate » qui est dispensé à NYBG a pu s’exprimer sous des formats divers dans le passé. Au tout début par exemple, les cours ne comptaient que deux ou trois heures, on est maintenant sur des modules de 15 ou18 heures; il y avait aussi moins de compétences exigées en préalable pour pouvoir s’y inscrire, aujourd’hui on veille sur les pré-requis. Il y a plus d’heures en situation réelle pour moins d’heures théoriques ; et puis aussi l’inverse, plus d’enseignements pour moins d’heures dans la pratique supervisée. Ont pu s’y ajouter et puis disparaître les cours à la carte et au choix, choisis parmi l’offre de NYBG. Ces « electives »  destinées à complémenter le savoir-faire des hortithérapeutes en devenir incluaient des modules de design floral, d’herboristerie, d’arboriculture, de la gestion de serre horticole, ou de l’illustration botanique. Cette obligation a été aujourd’hui supprimée afin de rendre la formation moins onéreuse en coût et en temps mais surtout pour inciter les uns et les autres à concentrer leurs efforts sur le cœur d’un programme déjà chargé.

Il aura donc fallu des refontes argumentées et somme toute justifiables avant de trouver un l’équilibre entre la qualité des enseignements pour une profession en pleine évolution et les qualités des candidats. Mais le pari a toujours été là : attirer des étudiants non conventionnels prêts à s’engager dans un métier lui-même tout aussi inhabituel.

Portrait-robot des étudiant(e)s

Le "conservatory" des NYBG

Le « conservatory » des NYBG

Aujourd’hui, la formation s’adresse à des étudiants « post Bachelors » –bac+4–   ayant déjà une première expérience professionnelle ou académique par ailleurs (qui équivaut au moins à une licence et/ou à des années passées dans l’exercice d’une activité validante, professionnelle ou bénévole). L’étudiant admis sur dossier et après entretien a déjà, pour la plupart, le visage de la profession aux Etats-unis. Selon une enquête menée en 2010 sur les hortitherapeutes pratiquant membres du AHTA (American Horticultural Therapy Association) qui affiche la volonté de représenter cette profession en développement aux Etats-Unis, les membres se dévoilent majoritairement, mais pas exclusivement, comme « mature » c’est-à-dire 45 ans+, en reconversion professionnelle, éduqués, féminins, appartenant à une catégorie ethnique. Mais là aussi on est en droit de s’attendre à des mutations! Le diplôme d’hortithérapie à NYBG bénéficie du fait très actuel et de haute importance que les cours ont depuis 2008-2009 une valeur d’équivalence. Cette formalité est essentielle dans un pays où les frais de scolarité universitaires sont élevés. (Pour mémoire, les frais d’inscription en hortithérapie avoisinent $6000). Actuellement on peut faire valoir les modules du NYBG contre des « crédits » universitaires standards transférables partout aux Etats-Unis.  Ceci ne manquera pas de faire évoluer le portrait type des hortitherapeutes qui passent par le jardin botanique.

A la recherche de profils variés et engagés

La carte des lieux

La carte des lieux

Un des premiers vrais atouts dans la formation à NYBG, on l’aura compris : les étudiants viennent d’horizons professionnels divers ayant déjà eu le temps d’accumuler des expériences de vie. Quand on se lance dans n’importe quel domaine d’accompagnement thérapeutique cela peut s’avérer être un avantage non négligeable. Mais quand on entame un enseignement comme celui-ci, chacun avec son style thérapeutique en devenir, le trésor des personnalités est précieux. On y trouve alors : l’animateur socio-éducatif comme le designer, le graphiste comme l’architecte paysagiste, une neuro-lesée ayant retrouvé ses fonctionnalités (permettant de suivre la formation) comme une grand-mère quittant la retraite pour mieux comprendre et accompagner son petit enfant autiste, l’historien comme le psychologue, le jardinier comme le doctorant en philosophie, le photographe comme un cadre du service des jardins publics remarquables, l’agent de la publicité comme la mère de famille suractive dans sa communauté, le traiteur bio en slow food comme l’éleveur de chevaux, l’infirmier comme l’artiste, l’institutrice comme le cadre en ressources humaines.  (J’ai mieux su déchiffrer la prise en charge et l’entretien téléphonique très long mais plein d’humour que j’ai passé avec la directrice du programme Phyllis d’Amico).

Lors de l’entretien d’admission et l’étude de dossier, on vérifie les preuves d’engagement dans la vie sociale ou dans les arts et sciences humaines. Le socle commun étant une vie menée dans l’interrogation et la mise en disponibilité du soi pour les autres. Mais le souci, lors du recrutement semble aussi se porter sur les «abilities », une fibre innée, des élans non appris, insaisissables, plutôt qu’uniquement sur les connaissances ou une technicité déjà disponible ou encore à acquérir. La mise à plat, et ensuite la remise à niveau pour tout le monde commence ainsi, à partir de ce « aha », pour reprendre un terme de l’histoire des jardins, chose inattendue dans le paysage de la vie des candidats qu’on ne s’attend pas à voir. Des individualités car on forme des thérapeutes.

Des enseignants issus du terrain

Dans les collections

Dans les collections

Le deuxième grand atout n’en est pas des moindres : les cours sont dispensés par des professionnels engagés. Il s’agit d’un corps enseignant ayant accumulé une grande expérience de 20 à 30 ans dans leur milieu, en situation clinique réelle ou par leurs interventions diverses, leurs publications, par leur création de fondation/d ‘association ou d’entreprise comme par la recherche ou leur participation à moult événements publics au nom de leur spécialité. En passant par Matt Wichrowski (hortithérapeute senior à Rusk et chercheur) ou Nancy Gerlach Spriggs (paysagiste), Gary Lincoff (botaniste) et Francisca Coelho (conservatrice en chef et spécialiste des plantes tropicales), on a un accès formidable car les enseignants sont disponibles et abordables. Il s’ensuit en corollaire que la confiance que l’on peut faire à cette équipe, malgré les cotés parfois excentriques de certains éléments –n’oublions pas qu’il s’agit de personnes de près ou de loin très ébahies par « la nature végétale» sous toutes ses formes extraordinaires, ce qui n’enlève rien à leur compétence ni à leur expérience– est totalement réfléchie dans la posture de l’administration pédagogique. Les cours sont inspectés et revus par l’organisme des études supérieures de l’Etat de New York et une université jumelée avec NYBG pour la formation. C’est ainsi que le gage de qualité fourni par le jardin botanique est doublé par une évaluation indépendante et extérieure. C’est également par ce biais que NYBG peut offrir des « crédits universitaires » en hortithérapie et figurer sur la liste des formations reconnues par la AHTA.

Le cursus

À quoi ressemble donc dans le détail le programme du certificat ? Et quelles sont les connaissances, les savoir-faire, les habiletés, et les techniques à acquérir ou développer ?

Aujourd’hui pour être certifié par NYBG en hortithérapie il faut :

  • 14 modules obligatoires (181 heures)
  • De l’observation clinique d’hortithérapie se faisant in situ (8 heures)
  • Un stage de 100 heures minimum avec rapport de stage

Les 181 heures s’articulent en gros autour de quatre pôles ou types de modules bien que la brochure du NYBG ne les présente pas sous cette houlette :

Sciences cliniques,

Sciences et arts horticoles,

Sciences ergothérapeutiques,

Développement professionnel

Les cours sont programmés afin de mieux servir les attentes des étudiants qui tendent pour la plupart à travailler et mener une vie de famille. Il s’agit d’adultes avec leurs contraintes par ailleurs. Et puis certains viennent de très loin, y compris de l’étranger. Dans cette optique, les cours ont souvent lieu le soir et/ou le week-end et se déroulent sur quelques semaines seulement. Les cours sont structurés de façon assez transparente. Il faut par exemple suivre certains enseignements avant d’accéder à d’autres selon une logique interne. Voir le programme en ligne.

La formation du NYBG peut se faire en une année, parfois commencée pendant les sessions d’été en intensif. Mais avec les aléas de la vie et du temps, ou dans le cas où il n’y ait pas assez d’élèves ou bien trop, il peut arriver que certains cours, offerts qu’une ou deux fois par an, nous passent sous le nez. La plupart des élèves mettent deux ans au moins à achever le certificat. La flexibilité n’est tout à l’honneur du programme. On accumule les modules sur plusieurs saisons. Ce qui fait sens pour la modalité qui est la nôtre.

Module par module

Le bâtiment principal

Le bâtiment principal

En ce qui concerne le format des modules, ils sont en partie magistraux, reposant sur l’exposé de l’enseignant, des supports multimédia, le partage d’articles venus de journaux scientifiques lus et préparés pour les discussions participatives, mais aussi des simulations et des jeux de rôle. Il y a des cours comme celui qui traite de l’analyse des activités (« activity analysis ») qui n’accueillent que les candidats au diplôme d’hortithérapie. D’autres cours, comme la botanique, sont partagés avec les autres filières enseignées à NYBG. Les évaluations en continu sous la forme de petits devoirs sur table chaque semaine incitent à la maîtrise des informations ; les devoirs à rendre d’une semaine à l’autre mettent en exergue notre capacité d’intégration et de réflexion critique, voire de créativité.

À la fin de chaque cours, il y a soit un examen de fin de cours et/ou un projet de recherche. Il y a de quoi faire. Mais on en retire que ce que l’on y met. Il est prévu que les élèves aillent de l’avant et commencent à circuler : à travers les recherches se faisant dans le domaine, à adhérer aux associations locales d’hortithérapie, à faire les premières démarches de stage ou de bénévolat, à étancher toute soif en botanique avancée, les ressources du jardin sont là pour cela. D’ailleurs quand le propos s’y prête, les cours ont lieu dehors. Il y a les collections des grandes serres comme les parterres et collections en extérieur remarquables. À cela s’ajoute une bibliothèque de recherche agréable, praticable et achalandée. En conclusion, une infrastructure de qualité à portée de mains, et aux portes de la ville de New York.

Dans un deuxième volet, on passera en revue les quatre pôles du certificat.

Tamara Singh

L’hortithérapie américaine en l’an 2015

En janvier, je suis allée passer une matinée avec les fondateurs et les franchisés de Terramie. Ils m’avaient demandé de leur raconter ce qui se passait dans le domaine de l’hortithérapie aux Etats-Unis. En guise de préparation, j’avais « sondé » trois hortithérapeutes qui ont un peu de bouteille et des responsabilités, présentes ou passées, dans l’AHTA. J’en profite pour signaler que l’AHTA tiendra sa conférence annuelle les 9-10 octobre à Portland dans l’Oregon, un amour de ville où j’ai vécu pendant trois ans dans les années 1990. C’est à Portland qu’officie en particulier la célèbre Teresia Hazen. En keynote speaker, Roger Ulrich en personne ! C’est tentant, non ?

En introduction, j’ai rappelé et je rappelle ici les définitions de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs, la première professeure émérite au département d’Architecture à l’Université de Berkeley et la seconde directrice et fondatrice du réseau Therapeutic Landscapes Network dans leur livre. D’une part, les « healing, therapeutic or restorative gardens » : des jardins où les participants peuvent « s’asseoir, marcher, regarder, écouter, méditer, faire une sieste, explorer ». D’autre part, les « enabling gardens » proposent des activités «dirigées par un hortithérapeute professionnel, un ergothérapeute, un kinésithérapeute ou d’autres professionnels apparentés en collaboration avec les autres membres du personnel soignant. »

Pour au moins deux raisons, je ne vais pas traduire les propos des trois interlocuteurs : je suis un peu pressée par le temps et un petit bain linguistique ne fera de mal à personne. Bien que j’aie indiqué leur localisation géographique pour les situer sur la carte, il est évident qu’ils ont tous une vision assez globale de la situation. Ils répondaient à plusieurs questions : quelle est l’étendue des programmes d’hortithérapie aux Etats-Unis aujourd’hui, qui conçoit ces jardins, comment sont-ils financés, quels sont les bénéfices constatés pour les participants ?

Où on se rend compte qu’il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour les « horticultural therapists » américains, mais qu’ils ne manquent pas d’enthousiasme et d’énergie!

Patty Cassidy dans l’Oregon

Patty Cassidy

Patty Cassidy

Patty Cassidy travaille justement à Portland et a été formée par Teresia Hazen. Elle a écrit le livre « Jardinage pour les seniors » traduit en français en 2014 et elle est très impliquée dans l’AHTA. Elle décrit son approche comme « Gardening for Wellness ».

Où en est-on en 2015 ? « Horticultural therapy is an growing and expanding profession in the US.  In general, the types of programs range from clinical (working in a health care environment and being part of an interdisciplinary team) to social programming and vocational.

Horticultural therapists (HTs) work with a very broad base of clients ranging from children to aging citizens, with veterans, prisoners, cancer patients–any population that requires a therapeutic intervention — HTs are trained and skilled to deliver therapy working with physical, occupational, or recreational therapists. Consider Art and music therapists — we have much in common in terms of the populations and issues we all work all with.

In America, to be a Registered HT, one must have a bachelor’s degree from a college or universities in horticulture or HT. Those who have degrees in other academic areas, must get a foundation in plant science and human science in addition to horticultural therapy coursework that is through an AHTA approved certificate program.  Plant science and human science courses may be taken at a college or university or as an online course.  Coursework may also be met through obtaining college credit for related work and/or life experience. A 480 hour internship supervised by an AHTA approved supervisor is a requirement as well. »

Sur la conception des jardins. « If there are gardens at sites, many have been created by the general landscape architects (LAs) but I would not call these gardens therapeutic or healing.  The gardens that have been intentionally planned to serve a particular population are often designed by skilled LAs who understand the necessary design features and plants for « therapy » gardens.  Often HTs are the professionals who care for these gardens after they are designed and planted. HTs use the gardens in their HT practice and teach the staff how to use the garden. »

Le financement. « Not sure but often foundations of hospitals and other health care organizations raise the money for these special gardens.  Lots of variety in funding source in America. »

John Murphy en Caroline du Nord

Le programme de John Murphy aux Bullington Gardens n’est pas né de la dernière pluie.

John Murphy plante un jardin potager, à partir de graines, avec des élèves de primaire.

John Murphy plante un jardin potager, à partir de graines, avec des élèves de primaire.

En mai 2013, voici ce que John m’avait écrit sur l’état des lieux. « Currently we have 486 members (as of mid May), of those 250 are registered HTs.  This does not really give an accurate reflection of the extent of HT though. There are many folks involved in HT who are not members of AHTA.   I’ve also been organizing a Carolinas HT Networking Group and I would say the majority of folks who attend that are not members.  I’m sure this is similar in other regional HT groups as well.  So it’s really hard to get a number that shows the scope of HT. »

En décembre 2014, il ajoutait ceci sur la prévalence de l’hortithérapie. « I don’t know of much hard data that exists to answer these questions.  In terms of populations, my feeling is that HT is more prevalent with seniors, and those with developmental disabilities close behind.  HT in the medical field has been lagging but I think it will increase due to the recent recognition in medical journals.  I believe many HT programs begin because a practitioner sells the idea to an institution rather than that institution initiating a program.   Or programs are done as a freelance service/business. I feel the number of HT programs is also increasing but since there is no required registry of those programs, it’s difficult to know.  Also it might be hard to say what are actually HT programs.  Does the retirement home with a vegetable garden for residents have a HT program?  I would say no, but there’s nothing that says a HT program should conform to these standards. ».

« The HT programs can also take many forms, not just in a garden.  The Rusk Institute which used to have a conservatory to conduct programs, now does most of its HT by bringing plant activities around to patients on a cart.  If they are gardens, they can range from professionally designed sites by landscape architects or ones designed and implemented by the HT.  I suspect many are just raised beds and containers. »

Bénéfices pour les participants. « As for research, while there are some studies done (many showing favorable results), HT probably lags very far behind other treatment modalities in terms of the number of studies published.  That has been a big theme over the last several AHTA conferences– we need to do more research.  It seems many published studies are done in Japan and Europe (bcp de recherche en Chine depuis quelques années). I hope this is helpful, but I think your questions really show that we have a long way to go to really get a handle on the HT profession in the US. »

Rebecca Haller dans le Colorado

Rebecca Haller (à droite) avec Anne Ribes lors d'une visite en France en 2012.

Rebecca Haller (à droite) avec Anne Ribes lors d’une visite en France en 2012.

Fondatrice du Horticultural Therapy Institute, Rebecca Haller donne ce bilan : « I believe that the types of programs and people served are pretty consistent with those listed in a study done by Jean Larson, published in 2010. They are elders and youth as well as people with: developmental disabilities, Alzheimer’s Disease or demential, psychiatric disorders, traumatic brain injuries, visual impairments, hearing impoairments, cancer, HIV/Aids, as well as veterans, victims of abuse, and people in corrections. (Full citation is: A Descriptive Study of the Training and Practice of American Horticultural Therapy Association Members, by Jean M Larson, Ph.D., Lija Greenseid,Ph.D., and Mary Hockenberry Meyer, Ph.D., Journal of Therapeutic Horticulture Vol. 20. 2010. pages 10-21.) »

Sur la conception des jardins. « Who designs is really varied. It depends somewhat upon the scope of the garden and the amount of hardscape.  I THINK the number of programs is expanding, but the membership at AHTA is not – so I have NO data to back up my idea. »

Le financement. « Again, no data, but anecdotally it seems that most are financed by private donations. »

 

Tamara Singh : une hortithérapeute certifiée débarque en France

Une activité bouturage dans une école à New York.

Une activité bouturage dans une école à New York.

Quel plaisir d’être contactée par Tamara il y a quelques jours ! Je bouleverse un peu mon « calendrier éditorial » pour vous la présenter de toute urgence alors qu’elle est en train de faire ses bagages à New York pour venir s’installer à Paris. On sent que la communauté française va s’enrichir d’une nouvelle membre, formée et forte d’une expérience américaine très intéressante.

Pour donner une idée de son riche parcours, commençons par son arrivée à Paris en provenance d’Amsterdam pour étudier à Sciences Po, puis sa bifurcation vers le DEA “Jardins paysages territoires” à la Sorbonne, programme créé par Bernard Lassus. Puis direction Londres pour étudier l’art végétal et floral à la London University for the Arts. Là, elle anime des ateliers de deux ou trois jours avec des enfants pour leur parler de notre énorme dette envers les plantes, leur apprendre des techniques de tissage (elle a aussi étudié l’anthropologie) et construire avec eux des huttes en saule. Dont au moins une survit encore dans une cour d’école londonienne.

Destination suivante, New York où elle suit la formation du New York Botanical Gardens : un programme accessible aux détenteurs d’une licence minimum de 189 heures de cours suivis d’un stage supervisé avec rapport de stage. La voilà donc hortithérapeute certifiée et membre de l’American Assocation of Horticultural Therapy. Pendant presque trois ans, elle travaille dans deux hôpitaux new-yorkais avec les thérapeutes du Rusk Institute of Rehabilitation et au fameux Glass Garden, promis à la démolition et prématurément détruit par l’ouragan Sandy. Tamara travaille notamment aux côtés de Matt Wichrowski, pilier de l’AHTA chargé de la recherche que je vous avais présenté l’année dernière.

Rebond après la disparition du Glass Garden

Dans les couloirs de l'hopital NYU Langone Tisch en cardiologie.

Dans les couloirs de l’hopital NYU Langone Tisch en cardiologie.

« Depuis l’ouragan Sandy et la fermeture de la serre, le programme est très différent et presqu’entièrement basé dans les wards (les salles de l’hôpital). La présence dans les unités médicales a permis d’autres percées and a rendu l’hortithérapie visible d’une façon nouvelle dans le milieu médical », affirme Tamara. Leçon de réaction positive à l’adversité, s’il en est. D’ailleurs l’utilisation de l’espace, intérieur ou extérieur, est une différence entre la France et les Etats-Unis d’après ses premières observations. « Dans les hôpitaux new-yorkais construits dans les années 50-70, il n’y a pas d’espace dehors. On amène tout ce qu’il faut pour les résidents. Ca n’empêche pas de monter un programme d’hortithérapie. Maintenant on peut accepter des gens plus « compromis » qui ne pouvaient pas descendre au jardin. En France, la discussion est toujours autour d’un espace extérieur. »

« Les hortithérapeutes ne sont pas des animateurs »

Amener l'activité au plus près des patients parfois immobilisés

Amener l’activité au plus près des patients parfois immobilisés

« A Rusk, je travaille avec des neuro-lésés pour les aider à récupérer leurs moyens et pallier les déficiences. On peut travailler la motricitié, le visuel, la mémoire, la problématisation. Je travaille aussi avec des patients souffrant de troubles cardio-vasculaires, des enfants opérés, des enfants en oncologie, des personnes âgées atteintes ou pas de la maladie d’Alzheimer. Ce sont en général des groupes de 45 minutes à une heure. Il y a aussi des projets dans la communauté, dans des centres pour personnes âgées ou pour jeunes », décrit Tamara. Et la thérapie dans tout cela ? « Nous faisons un travail d’équipe pour établir les objectifs de chaque patient et les changer en fonction de leurs progrès. Nous ne sommes pas des animateurs, mais des thérapeutes. A nous de trouver les activités en rapport avec les objectifs. Nous travaillons beaucoup avec les ergothérapeutes et les physiothérapeutes dans des situations de « cotreat ». Parfois, c’est plus social. » Un travail d’évaluation de chaque patient et de chaque séance fait partie intégrante du processus.

Peu d’hortithérapeutes américains, dans l’expérience de Tamara, travaillent à temps plein. Tous ont des activités à côté. La plupart continue à se former. « Nous sommes une profession jeune, il faut être au fait de la recherche pour améliorer les activités. Il faut aussi comprendre que chaque séance d’une heure peut prendre 2 ou 3 heures de préparation. »

Conseil de lecture

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.

« M’apprêtant à rentrer à Paris, forte de mes expériences cliniques auprès de cardiaques et de neuro lésés, gériatrie, pédiatrie, psychiatrie, la maladie de Huntington pour ne parler que de quelques populations suivies, je me demande sur quelles pistes me lancer. Pratiquer? Animer? Former d’autres? Retourner à la recherche? », m’avait écrit Tamara quand elle a pris contact fin novembre. Des interrogations bien légitimes. J’espère que la communauté française fera un accueil chaleureux à Tamara.

En guise de conclusion, Tamara nous recommande la lecture de tout récent The Glass Garden: A Therapeutic Garden in New York City, écrit par Gwenn Fried, Matthew Wichrowski et Nancy Chambers (aujourd’hui retraitée).