Géraldine Poncelet en Suède : la psychologue qui ne craint pas le froid

Psychologue voyageuse, Géraldine Poncelet est belge et vit actuellement à Stockholm en Suède où elle reçoit des patients dans deux cadres bien différents, voire diamétralement opposés. En visio pour ses patients qui vivent un peu partout dans le monde (en Roumanie, au Maroc ou au Costa Rica) et dans des parcs pour ceux qui vivent à proximité. Comme Beth Collier à Londres, elle n’a plus de bureau depuis qu’elle s’est installée à Stockholm.

Avant de déménager en Scandinavie, elle avait commencé à réfléchir à sortir des quatre murs du cabinet classique. Avec une amie, elle avait exploré la création de retraites pour des jeunes en perte de repères. Elle s’était alors intéressée à une méthode canadienne, l’intervention psychosociale par la nature et l’aventure (IPNA) et s’était inscrite à une formation. La formation n’a pas lieu pour cause de Covid.

Géraldine Poncelet propose des séances de psychothérapie dans les parcs de Stockholm

Formation à la méthode MetaNATURE

Elle rencontre alors Jean-Luc Chavanis et sa méthode MétaNATURE. « MétaNATURE® est une méthode d’accompagnement « hors des murs » par les jardins et la Nature, pour chasser le stress, nous ressourcer et faire germer des relations positives et durables dans les organisations, dans notre environnement social et personnel », peut-on lire en résumé sur le site. Géraldine et sa consoeur convainquent Jean-Luc Chavanis de dispenser une formation à Bruxelles. Quelque temps plus tard, Géraldine s’envole pour la Suède. « Travailler hors du bureau me convient. J’utilise la nature comme outil grâce aux métaphores, aux projections dans la nature, aux mises en scène selon la méthode MétaNATURE. Je me laisse guider par la situation et la personne. Parfois, il s’agit juste de marcher côte à côte. Les autres approches auxquelles je suis formée, comme la thérapie brève orientée solutions et la thérapie systémique, s’intègrent bien dans cette approche autour de la nature. »

Qu’est-ce qui change dans la nature?

« Avec les thérapies classiques sur des questions d’anxiété et de stress, on reste dans le cérébral. Là en marchant dans la nature, on est dans le moment présent. On n’est plus autant dans la pensée, on est plus dans la pleine conscience. » Il y a d’autres différences. « On a une vision plus large, plus ouverte. Etre dehors a un impact sur la créativité, on voit soudain un panel de solutions. Je pense à une patiente que je vois à sa pause déjeuner. Elle arrive en marchant vite, agitée. Rapidement pendant la séance, elle ralentit, elle se sent bien. On pose quelque chose, on se décharge. Le mouvement accompagne la parole. Je ne pense pas qu’une séance à l’intérieur aurait le même effet. »

Etre côte à côte plutôt que face à face fait aussi une différence. « Je ne suis pas formée à la psychanalyse et j’avais toujours trouvé une drôle d’idée la pratique de Freud. Là, je vois l’intérêt de ne pas regarder les patients en face. Je pense à deux jeunes, deux adolescents pour qui c’est un plus de ne pas se sentir observés. Et puis le corps parle. Si on s’arrête et qu’on se regarde, cela marque quelque chose. »

La Scandinavie n’est pas connue pour son temps chaud. « En Suède, on dit « Il n’y a pas de mauvaise météo, il n’y a que de mauvais vêtements ». Je le vois à l’école avec mes enfants. Ils rentrent de l’école trempés, comme d’un weekend de Scouts. Dans la cour, les enfants sautent dans les flaques et on les laisse faire. C’est tout à fait normal. C’est magnifique. D’ailleurs, quelques fois nous avions une météo vraiment horrible, mais nous n’avons pas annulé. Ca permet de travailler le contrôle. Quant à moi, si j’ai trois ou quatre rendez-vous à – 10 degrés, je prends un café ou une soupe pour me réchauffer. »

« Stockholm se prête bien à cette pratique »

« Je rencontre les personnes dans des parcs un peu partout. On peut marcher le long de l’eau, comme il y en a dans beaucoup d’endroits dans Stockholm. Comme ces endroits sont éclairés, on peut même continuer après 15h00 quand il fait nuit en Suède l’hiver. Mon seul critère est de ne pas avoir à traverser de rue pour avoir l’esprit libre. Nous faisons soit des boucles, soit des allers-retours. La ville se prête bien à cette pratique. Et puis quand nous nous arrêtons, les personnes ont encore un peu de chemin à faire, il y a une continuité. On ne referme pas une porte. »

Est-ce que ses patients ont besoin d’être convaincus ? « Ce sont souvent des francophones qui arrivent en Scandinavie parce qu’ils sont dans une démarche que cela fait du bien d’être dehors. Ils sont déjà convaincus. Et localement, on est convaincus aussi. A une connaissance qui avait un cancer, son médecin a dit de faire une demi-heure de marche par jour. C’’est très courant de marcher à l’heure du déjeuner pour les Suédois. »

« Quand je quitterai la Suède, je sais que j’aurai envie de continuer cette pratique. Et j’aimerais aussi rajouter un espace comme un jardin pour mettre les mains dans la terre, pour planter. Je ne suis pas formée, mais je vois un intérêt ». Alors là, Géraldine, on a des suggestions de formations et des exemples en France et en Belgique ! En attendant, quelques heures après notre conversation en visio, Géraldine partait en long weekend dans la nature avec sa famille, par un temps plutôt frisquet. Parce que « Det finns inget dåligt väder, bara dåliga kläder » ou « Il n’y a pas de mauvaise météo, il n’y a que de mauvais vêtements ».

Le site de Géraldine Poncelet

Deux suggestions de lecture si le sujet de l’écopsychothérapie vous intéresse et le site de Yann Desbrosses pour en savoir plus sur la pratique en France.

Quand Le Bonheur se baladait dans le monde

Pour mesurer le temps, je peux utiliser celui qui s’écoule entre deux publications sur ce blog. Ce marqueur revient inexorablement tous les mois, tous les premiers lundis du mois précisément. Lorsque j’appuie sur le bouton « Publier » au début du mois, j’ai l’impression d’une longue plage de temps devant moi…Et puis pouf, il est temps de publier de nouveau.

Ce mois-ci, ce joli mois de mai, restons dans le thème de notre périple international de2022. Si nous avons un besoin vital de nouveautés, il est aussi utile de prendre le temps d‘apprécier l’existant. Or, depuis 10 ans, je me suis déjà souvent promenée hors des frontières françaises. Voici un aperçu de ces voyages qui montrent la variété des jardins thérapeutique, de l’hortithérapie et des écothérapies. Quelle énergie et quelle vision chez ces femmes et ces hommes rencontré.es depuis 10 ans !

Pour les mois qui viennent, je vous annonce quelques nouvelles destinations : l’Autriche et l’Allemagne, le Costa Rica et un bilan de l’hortithérapie dans les pays hispanophones. Et puis il va falloir aller explorer un peu plus en Asie, en Australie, en Afrique.

Sue Stuart-Smith, psychiatre et auteure de « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne » dans son jardin anglais (crédit photo gardenmuseum.org.uk)

EN EUROPE

ITALIE. En avril 2021, nous rencontrions Ania Balducci, hortithérapeute italienne formée en Angleterre et aux Etats-Unis, qui contribue à développer l’hortithérapie dans son pays à travers des projets et une formation universitaire. Pour compléter un lien pour se tenir au courant des actions de la Associazone Italiana Ortoterapia (ASSIOrt)

ANGLETERRE. Une autre rencontre, celle de Sue Stuart Smith. Elle est psychiatre et elle nous a offert en 2020 « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne ». Un des livres les plus inspirants sur les bienfaits de la nature et du jardin pour les personnes fragilisées. Sa sortie en pleine pandémie a fait beaucoup de bien. Il est devenu LE livre de jardinage de l’année pour le Sunday Times et un des 37 meilleurs livres de 2020 pour The Times. Autant dire qu’il aura rencontré un énorme écho en Angleterre et dans les nombreux pays où il a été publié.

ANGLETERRE. C’est grâce à Beth Collier que j’ai découvert l’écopsychothérapie. En 2018, elle nous expliquait comme elle pratique son travail de psychologue dans les parcs londoniens depuis plusieurs années. Elle prépare sur ce sujet un livre que j’ai hâte de découvrir. En attendant, merci à Beth de m’avoir inspirée car c’est en grande partie grâce à elle que je propose aujourd’hui des séances de psychothérapie dans la nature.

ECOSSE. Impossible de ne pas mentionner Trellis et Fiona Thackeray. Avec son équipe, elle organise depuis deux ans une série de séminaires internationaux dans l’âme. Dès 2015, cette ancienne de Thrive nous avait présenté Trellis, l’association écossaise d’hortithérapie.

SCANDINAVIE. En 2019, Philippe Walch, alors tout nouveau membre de la Fédération Française Jardins Nature et Santé et aujourd’hui actif dans son conseil d’administration, nous avait fait profiter d’un voyage personnel dans la Scandinavie biophilique avec une visite de Nacadia, le jardin thérapeutique initié par Ulrika Stigdotter et son équipe à de l’Université de Copenhague. Pour compléter ce tour dans le nord de l’Europe, regardez l’intervention d’Anna María Pálsdóttir au Trellis Seminar Series 2022. Elle y décrit l’expérience du jardin du Living Lab Alnarp Rehabilitation en Suède.

Salle de pause au jardin pour les infirmières d’un hôpital de Portland, Oregon (Etats-Unis), sujet d’une étude de Roger Ulrich.

EN AMERIQUE DU SUD ET DU NORD

PEROU. Je vous présente Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, hortithérapeute péruvienne également formée aux Etats-Unis. Depuis notre rencontre au Jardin du Luxembourg en 2019, Daniela a pratiqué, parlé, écrit. Voici quelques exemples de ses articles sur le blog du Horticultural Therapy Institute : auprès de personnes âgées en Argentine, pour des enfants en Equateur ou encore auprès d’enfants sur le spectre de l’autisme en Inde.

CANADA. Il s’en passe des trucs au Canada. Une de mes références est la Fondation Oublie pour un instant dont la fondatrice, Jeannine Lafrenière, est une personne que je croise régulièrement depuis plusieurs années. Sa mission : faire entrer la nature à l’intérieur des établissements de santé.

ETATS-UNIS. Choix difficile dans ce pays où j’ai passé le plus de temps, physiquement et à distance. J’attire simplement votre attention sur quelques personnes et programmes phares.

LIVRE « The Profession and Practice of Horticultural Therapy ». Le livre de Rebecca Haller, Christine Capra et Karen Kennedy, sorti en 2019, est incontournable si vous vous lisez l’anglais. Vous y retrouverez d’ailleurs quelques signatures françaises et européennes.

LIVRE « Therapeutic Landscapes ». Même chose pour le livre de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs, sorti en 2014. Indispensable, source d’inspiration, mise en contexte d’initiatives qui intègre la nature qui soigne dans les établissements de santé. Historiquement, ma première rencontre avec Clare Marcus Cooper il y a 10 ans.

« Une hortithérapeute californienne derrière les barreaux ». Je reste en contact avec Calliope Correia depuis notre rencontre dans une formation du HTI et je suis son implication intense dans son travail en prison. Une passionnée, une convaincue.

30 ans d’hortithérapie auprès des personnes âgéesKirk Hines a commencé sa carrière d’hortithérapeute depuis 1993 et il la poursuit auprès de personnes âgées dans la région d’Atlanta.

« Bénéficiaire » et témoinLe témoignage d’un homme pour qui le jardin thérapeutique d’un programme d’addictologie en Caroline du Nord a été salvateur.

Résilience et recherche. A New York, la résilience de Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur, épate. Retrouvez ses publications en tant que chercheur et professeur associé dans le département de Médecine de Réadaptation à la Faculté de Médecine de NYU.

A Chamchamal dans le Kurdistan irakien, le Fondation Jyian (« vie » en kurde) a formé les thérapeutes qui accompagnent des adultes et des enfants traumatisés par la guerre à l’hortithérapie.

DANS LE RESTE DU MONDE

Force est de constater que les autres parties du monde sont peu représentées sur mon blog. L’attraction est tellement plus forte là où on a déjà des contacts. A améliorer !

Au Japon, j’avais présenté en 2015 l’état de la formation en hortithérapie, très inspirée des Etats-Unis ainsi que le travail du chercheur Mashiro Toyoda. Il a continué à explorer le sujet, notamment avec la publication en 2020 d’une étude sur les effets d’une activité d’arrosage régulière sur l’activation du lobe pré frontal chez des personnes âgées bien portantes. Du jardinage comme outil de prévention du déclin cognitif.

Au Kurdistan, nous avions découvert un programme de formation pour des thérapeutes spécialistes du psychotraumatisme qui accompagnent des réfugiés, un effort qui a rassemblé des experts de plusieurs pays. Le programme a également été présenté lors du Seminar Series 2022 de Trellis

Au Bénin. Concluons sur l’intervention de Josette Coppe, psychologue clinicienne et art-thérapeute, qui anime des ateliers d’expression et des ateliers thérapeutiques avec les équipes SOS villages d’enfants au Bénin depuis 2010 à travers son association Résonances. Elle avait partagé son expérience lors d’une table ronde en ligne organisée par Jardins & Santé en novembre 2021. Vous trouverez son intervention à la minute 59 dans cette vidéo, avec les témoignages filmés de deux professionnels béninois.