L’universitaire Masahiro Toyoda est considéré comme l’un des principaux experts de l’hortithérapie au Japon. Professeur à l’université de Hyogo, il est lui-même hortithérapeute et chercheur dans ce domaine. De plus, il enseigne au sein d’un programme de certification en hortithérapie à la Awaji Landscape Planning and Horticulture Academy (ALPHA), l’unique établissement formant des hortithérapeutes au Japon à être accrédité par un gouverneur de préfecture. Le programme est né en 2002 peu après le tremblement de terre de Hanshin-Awaji de 1995. Dix ans plus tard, il comptait 125 diplômés en hortithérapie.
On peut découvrir tous les détails en anglais sur le site de l’académie. Il s’agit d’un programme professionnalisant en un an, dont un stage de cinq mois. Formation complémentaire pour la plupart des étudiants, le programme attire infirmières, ergothérapeutes, assistants de soin, nourrices, enseignants, employés dans le paysagisme, mais aussi des personnes de 40 ou 50 ans ayant fini d’élever leurs enfants et des retraités (je cite Masahiro Toyoda). Le curriculum semble très proche de l’esprit des cursus américains avec un mélange de cours en horticulture/botanique et en thérapie/sciences humaines, sans oublier un module sur la gestion de programmes d’hortithérapie et un stage. Au total 405 heures de cours et 800 heures de stage clinique.
Démarrage dans les années 1990
Rien d’étonnant à cela quand on sait, comme l’explique Masahiro Toyoda dans cet article disponible sur le site d’ALPHA, que l’hortithérapie a été introduite au Japon dans les années 1990 par des Japonais qui l’avaient étudiée aux Etats-Unis. « They were not necessarily medical staffs, which might be one reason horticultural therapy became popular among citizens (je souligne car cela semble particulièrement intéressant). The 1990s was the period after the bubble economy burst and Japanese people‟s sense of values changed greatly from material affluence to spiritual richness. The Japanese like gardening by nature and a big gardening boom came in the wake of the International Garden and Greenery Exposition held in Osaka in 1990. Around that time, European herbs and English gardens were also introduced and became popular and the number of people who enjoyed gardening increased. People in various kinds of occupational areas showed interest in horticultural therapy: gardening company workers, doctors /nurses/occupational therapists who had interest in gardening or alternative healthcare and teachers searching for effective support methods for students such as school refusal students, students with autism, mentally-retarded students, etc. Many citizens also had much interest― especially gardening-loving housewives who finished child-raising or post-retirement people who wanted to do something for others in need of support. »
Il explique également dans ce même texte que « Since then, horticultural therapy has been spread by citizens who learned or were interested in it. The citizens who learned horticultural therapy are still taking important roles as volunteers of therapeutic horticulture in the hospitals, welfare facilities for the elderly and institutions for those with intellectual disabilities. The difference between horticultural therapy and therapeutic horticulture was not clear in the 1990s when horticultural therapy was introduced into Japan. But now, horticulture for health is classified into two categories: « horticultural therapy » for people in need of support implemented by specialists who learned horticultural therapy and « therapeutic horticulture » for health done by medical staffs, care workers or citizens. »
L’évaluation (assessment) fait partie de la pratique sur le terrain avec cette Awaji Horticultural Therapy Assessment Sheet (AHTAS) qu’on découvre dans le texte de Masahiro Toyoda déjà cité. Motivation, orientation dans le temps, attention, mémoire à court et à long terme, raisonnement, jugement, compréhension et exécution des tâches, communication et satisfaction sont les grands domaines observés, avec une échelle de 0 à 3. Là aussi, l’influence américaine se ressent profondément. Certes, on n’a pas évoqué la tradition japonaise du jardin. Il serait intéressant de voir comment cette tradition se mêle à la pratique nouvelle de l’hortithérapie importée des Etats-Unis.
Les neurosciences à la rescousse
En 2013, Masahiro Toyoda avait participé à la conférence annuelle de l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) où il était intervenu sur un thème tout à fait fascinant : l’activation du cortex préfrontal dans les activités de jardinage (semer, éclaircir, planter, arroser, désherber ou parler de légumes familiers), une étude réalisée grâce à la technique NIRS (Near Infra Red Spectroscopy ou spectroscopie proche infrarouge). Il avait permis à son auditoire de comprendre l’activité du cortex préfrontral pendant le jardinage et particulièrement l’importance de la conversation dans le jardinage. Il leur avait aussi montré les différences dans l’activation chez les personnes jeunes, les personnes âgées et les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Un article scientifique sur ces recherches doit être publié prochainement.
En 2014, c’est un autre intervenant japonais qui a présenté ses travaux à la conférence de l’AHTA. Kenshi Nishino (HTR, MD, PhD) a en effet proposé une présentation sur la diminution des fonctions sensorielles avec l’âge et sur les changements constatés dans la circulation sanguine dans le cerveau lorsque la nature active les cinq sens. Avec la conclusion, inéluctable, que la nature permet de raviver ces sens et de récupérer des fonctions mentales et cognitives. Médecin et hortithérapeute certifié, Kenshi Nishino travaille avec des patients âgés atteints de démences. « Je suis médecin. Les patients ont besoin de la médecine quand ils sont malades. Mais la médecine conventionnelle n’est pas toujours efficace pour aider les patients à retrouver la santé. Je l’ai constaté dans ma pratique à l’hôpital (Kenshi Nishino a fondé son propre hôpital, le Nishino Hospital, NDRL). La nature nous donne le calme, la paix, le plaisir et la santé. J’avais donc envie de permettre leur guérison grâce à la nature. C’est pour cela que je suis devenu registered horticultural therapist », expliquait-il dans le AHTA News Magazine (volume 42, 1). Et qu’il est un fervent avocat des approches non-médicamenteuses dans le traitement de la démence au sein de la Japan Society for Dementia Prevention qu’il a fondée.
Lectures recommandées
TOYODA, Masahiro. YAMANE, Hiroshi.(2008) Present Status of Horticultural Therapy Assessment and Issues in Japan – Analysis of Practical Reports and Research Paper. The Japanese Journal of Clinical Occupational Therapy.5(4).348-352.
TOYODA, Masahiro. YAMANE, Hiroshi.(2008) Approach of Horticultural Therapy Assessment –Validation by Using Awaji Horticultural Therapy Assessment Sheet (AHTAS) and Existing Measures for Evaluation. Bulletin of Human Health Science Graduate School of Medicine, Kyoto University (5)29-35.