Au Japon : bain de forêt, jardins, fleurs et émerveillement

Il est extrêmement rare que je me mette en scène dans ce blog dédié aux jardins et à la nature qui prennent soin des humains. Mais une fois n’est pas coutume, j’ai envie de partager mon récent voyage au Japon, une expérience que je vais avoir du mal à transmettre avec des mots. Les photos y parviendront peut-être mieux. A voir.

Quand on a écrit un livre intitulé « Le shinrin-yoku en famille : invitation aux bains de forêt », impossible d’envisager un voyage au Japon sans aller goûter à cette pratique là où elle est née. Fort heureusement, les amis français qui étaient nos hôtes et nos guides pendant ce séjour japonais étaient enthousiastes à l’idée. Ils nous ont même présenté une Française qui est en train de se former à la sylvothérapie pendant qu’elle vit au Japon : vous ferez la connaissance de Karen dans un instant.

Tout le monde était unanime. Pour faire un bain de forêt au Japon, pas trop loin de Tokyo, rien ne vaut Okutama et sa base de « forest therapy ». C’est ainsi que notre groupe de cinq Français a pris le train pour Okutama un beau lundi matin à l’approche du printemps. Arrivés sur place sous le soleil, nous rencontrons à la sortie de la petite gare une représentante du programme et une guide anglophone. Elles nous remettent deux documents : un petit carnet personnalisé et un livret très complet expliquant les bienfaits de la « forest therapy ». Le carnet prévoit de noter certaines mesures avant et après l’activité (pression artérielle, pouls, amylase salivaire). Quand il devient évident que nous allons faire l’impasse sur ces mesures, nous demandons pourquoi. La réponse est que le Covid est passé par là…

Nous allons emprunter la « Fragrance Road Toke-Trail », « un sentier d’environ 1,3 km, avec un dénivelé de 50 m. Il est sans obstacle sur 420 m. Il s’agit du premier sentier exclusivement thérapeutique au niveau national ». Notre guide ne nous explique pas vraiment en quoi consiste la « forest therapy ». Elle n’a aucun moyen de savoir que plusieurs membres de notre groupe ont certaines notions sur le sujet alors que d’autres sont tout à fait novices. Tout le monde en apprendra plus sur le chemin du retour lorsque nous aurons le temps de nous poser pour lire le livret!

En quittant la gare d’Okutama, nous faisons un premier arrêt près d’un temple où nous observons comment les arbres sont intégrés à la structure du bâtiment et pratiquons quelques étirements. Puis nous descendons sur les rives du confluent de deux rivières, Tama et Nippara, avant de remonter dans la forêt. Notre guide nous encourage à nous tourner vers le coteau ou vers la vallée pour apprécier différentes qualités de sons pendant que nous nous élevons sur le sentier. Après quelques minutes, nous arrivons à la base de « forest therapy » constituée d’un espace extérieur et d’un bâtiment. Là, on nous sert un déjeuner sous forme de bento que nous dégustons dehors au soleil. Nous constatons qu’un monorail pour fauteuils roulants a été installé pour donner accès à des points plus haut dans la colline.

Puis nous partons sur les sentiers de la « Fragrance Road Toke-Trail ». Notre guide nous indique des plantes, répond à nos questions. Pour avoir pratiqué plusieurs fois des bains de forêt en France avec Christopher Le Coq, qui a été en partie formé au Japon, je ne ressens pas la même guidance, la même invitation à ralentir, à explorer par les sens, à respirer, à pratiquer diverses activités. L’expérience est très plaisante : la forêt est tranquille et majestueuse, le soleil joue dans les feuilles, nous ne rencontrons personne sur le sentier, le silence règne. Nous faisons une escale dans une hutte dont les grandes baies vitrées donnent sur la forêt et nous nous réchauffons avec une tisane. Un peu plus tard, nous sortons de la forêt et avançons de nouveau dans les rues du village. Retour à la base où nous remplissons un questionnaire de satisfaction et exprimons les points positifs de l’expérience ainsi que nos réserves.

Puis nous sommes dans le train du retour. Un peu sceptiques, un peu abasourdis, mais détendus. Nous avons fait une promenade plaisante en forêt, mais nous attendions autre chose. La difficulté venait-elle du fait que nous ne parlons pas japonais et qu’on a dû trouver une guide anglophone, mais pas experte ? Peut-être est-ce une des situations où quelque chose est « lost in translation ». Il faut dire aussi que nous avons gardé nos téléphones pour prendre des photos, ce qui n’est pas la meilleure façon de se plonger dans l’expérience. A ce jour, je reste dubitative, avec un regret de ne pas avoir posé des questions plus précises à la fin de la journée pour en avoir le cœur net.

Karen : une sylvothérapeute en formation

Qu’à cela ne tienne. Nous avons du temps devant nous dans le train du retour. Karen et moi en profitons pour trouver un coin tranquille et discuter. Depuis 10 ans, cette Française vit à l’étranger, une vie d’expatriée qui déménage avec sa famille toutes les quelques années. En arrivant au Japon, une lassitude de son travail et un désir de réorientation l’amène à un coaching, puis à un an de mentorat avec l’association Faciliter l’ambition des femmes au Japon et finalement au Club Entrepreneures. « J’avais ciblé l’activité « animatrice nature » et puis j’ai entendu parler de la sylvothérapie. Par ailleurs, à l’été 2021, j’ai fait une expérience très forte en m’adossant à un arbre pendant une période très chaude. L’arbre m’a transmis sa sécheresse, j’ai été interloquée. Je ressentais des émotions très puissantes sous certains arbres. J’ai identifié ce bien-être auprès des arbres d’abord personnellement. Je me suis dit « C’est ça » et ma mentor m’a encouragée », me raconte Karen avec enthousiasme. Le fait que je partage clairement ses convictions sur le pouvoir du vivant la met à l’aise car je sens qu’elle trouve parfois délicat d’expliquer tout cela à tout un chacun.

Elle se lance dans une formation en plusieurs étapes. En juillet 2023, elle se forme en France avec Laurence Monce dont vous pouvez consulter le site et dans la foulée commence à proposer des  bains de forêt au Koishikawa Botanical Garden à Tokyo qui est doté d’un arboretum et procure une ambiance assez « sauvage » dans cette métropole. « J’ai d’abord visité les lieux seule plusieurs fois pour les redécouvrir et imaginer des activités en prenant en compte la sécurité, la météo, la saison. Je propose une succession d’activités pour amener à un état de pleine conscience. Les activités se font seul, en duo ou en groupe. Par exemple, une marche avec un bandeau sur les yeux en se laissant guider, la chenille en se tenant par l’épaule, la concentration sur les odeurs, du land art, l’exercice du photographe,… ».

« Ma prochaine formation sera au mois de mai avec Bernadette Rey et Géraldine Grand qui tient le Kodama Lodge ici au Japon à Otari et qui est également guide Shinrin Yoku. Sylvothérapie ou Shinrin Yoku, je dois encore comprendre les différences », explique-t-elle. « Je suis sur la bonne voie, j’ai encore du chemin à faire. Ce n’est pas suffisant pour gagner sa vie. Mais préparer les bains de forêt est en soi du temps pour moi et ouvre ma créativité. Je ressens la différence, un apaisement, un bien-être, un émerveillement. J’ai envie de poursuivre dans l’endroit où nous allons bientôt déménager, puis à mon retour en France plus tard. »

Vous pouvez suivre Karen sur Instagram (ki_no-ki_sylvothérapie). Voici une ressource en anglais qu’elle recommande : les rubriques en anglais de la Société de Thérapie Forestière japonaise (dont les 62 parcours certifiés dans le pays) ici et .

Les jardins dans les temples

Les contradictions sont incontournables. A la pointe de la technologie et exploitant la nature sans vergogne comme le dénoncent les films de Hayao Miyazaki, les Japonais sont aussi très attachés au shinto, religion nationale qui considère les éléments de la nature comme sacrés, ainsi qu’au bouddhisme, les deux religions cohabitant harmonieusement puisque beaucoup de gens les pratiquent en parallèle. En tout cas, un voyage au Japon risque fort de comporter une forte fréquentation de sanctuaires et de temples. Pour le shinto, les kami sont les esprits qui habitent des lieux ou bien représentent les éléments comme le vent, les rivières ou les montagnes. L’arrivée du printemps et la floraison des cerisiers donnent lieu à une fête nationale et à de ferventes scènes de pique-nique sous les cerisiers en fleurs pour le hanami (observer les fleurs). L’amour des plantes, des fleurs semble partout évident.

Parmi mes plus beaux souvenirs du Japon, les jardins des temples resteront en bonne place. Et en premier lieu à Kyoto au temple Ryôan-ji connu pour son jardin zen et inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco comme son voisin, le temple Kinkaku-ji (Pavillon d’Or), si populaire que la visite est plutôt un bain de…foule. Pour être honnête, le jardin sec et ses rochers de formes et tailles variées m’ont impressionnée, sans me séduire. J’ai été beaucoup plus sensible aux jardins verts où la mousse est reine. En particulier, un déjeuner monastique de « yu dofu » (du tofu servi avec du chou et des condiments) dégusté assis à une table basse face à une vue de jardin m’a complètement transportée et laisse en moi un souvenir tranquille. Plus loin dans Kyoto, le temple Ginkaku-ji (Pavillon d’Argent), construit par le petit-fils du shogun qui s’était construit le Pavillon d’Or comme retraite transformée en temple après sa mort, me séduit surtout par ses jardins, alternance de sec et de vert, que nous parcourons sous le soleil, à un rythme lent et contemplatif.

La passion des Japonais pour la mousse, dans les jardins et dans la nature, est ancienne. Cet article en parle très bien. Contrairement aux jardins occidentaux où elle n’est pas bienvenue et traitée plutôt comme une calamité, les jardins japonais font une place prépondérante à la mousse qui en recouvre de larges portions, créant une impression de douceur, de fraicheur et de simplicité reposante. Mon attirance naturelle pour la mousse s’est trouvée comblée au Japon et comme validée, renforcée.

Des fleurs et des jardins des villes

L’amour des plantes, des fleurs semble partout évident, comme je le disais plus haut. En voici quelques exemples.

Cette structure en osier devant la gare d’Himeji et des parterres de fleurs, apparemment entretenus par des citoyens et par des entreprises, accueillent les touristes venus visiter le célèbre château local, un exemple de château médiéval des mieux conservés et lui aussi inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. A côté, un jardin aux multiples ambiances a été conçu récemment pour donner une vue sur le château (j’en retiens l’étang sous la pluie et ses poissons).

A Osaka, dans des quartiers d’affaires assez sobres ou des lieux passagers, des îlots de verdure sont bien présents.

A Tokyo, temple de l’urbanisation, un jardin sur le toit. En passant, que ferait-on sans Google Translate et Google Maps pour se repérer au Japon, voire pour échanger, comprendre une affiche, parler avec quelqu’un (même si cela donne l’impression d’être sous emprise)?

Le long des voies de chemins de fer empruntés en Shinkansen, le train rapide, pour se rendre entre les grandes villes, ou dans de petites villes parcourues à pied des jardins vivriers sont omniprésents. Les maisons sont souvent fleuries. Cette année, les sakuras étaient légèrement en retard. Ils faisaient cependant leur effet et cette ferveur à les attendre à fleurir est communicative.

Damien Newman, Thrive : « Entre 1500 et 3000 endroits pratiquent l’horticulture sociale et thérapeutique au Royaume-Uni »

N’avoir jamais interviewé un représentant de Thrive est un « grand trou dans la raquette » comme on dit en anglais puisque cela signifie avoir fait l’impasse sur ce qui se passe en Angleterre. Quand j’ai demandé à deux connaisseuses de l’hortithérapie britannique – Fiona Thackeray et Leila Alcalde Banet, vers qui je devais me tourner en priorité, elles ont été unanimes : Damien Newman.

Avec leur aide, j’ai pris contact avec Damien et nous avons échangé il y a quelques semaines dans un appel vidéo à bâtons rompus. Je voulais comprendre comment la « social and therapeutic therapy » (STH) se développe actuellement au Royaume-Uni et en particulier appréhender le sujet de la formation. Damien est « Training, Education and Consultancy Manager » chez Thrive.

Et pour les mois à venir, il est aussi co-organisateur du 16e International People Plant Symposium à Reading en Angleterre du 10 au 12 juillet. En compagnie de Sin-Ae Park (Chair of the International People Plant Council/Chair of the International Society for Horticultural Science Horticultural Therapy Working Group) et de Rebecca Haller (Director of the Horticultural Therapy Institute/Faculty of Colorado State University). Le thème sera « Cultiver la santé humaine par l’horticulture : du mode de vie au jardinage à l’intervention professionnelle ».

Damien Newman, Training, Education and Consultancy Manager chez Thrive

Quelles sont les racines de la place de la nature dans la santé au Royaume-Uni ?

L’utilisation de la nature et des jardins pour la santé n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui, et ce à partir de différents points de départ. Des défis ont également été relevés au cours des 10 ou 20 dernières années. Les progrès sont les bienvenus.

Depuis la fin des années 1970, le jardinage au service de la santé est ancré dans la culture britannique. Depuis plus longtemps encore, nous sommes une nation de jardiniers. Il n’y a pas vraiment de nature sauvage au Royaume-Uni qui n’ait été aménagée par l’homme. Nous ne sommes pas les plus adeptes des activités de plein air, d’autres pays d’Europe le sont davantage. Mais le climat s’adapte à toutes les plantes. L’importance des espaces verts a été reconnue dès l’époque victorienne. Les philanthropes, les urbanistes et les pouvoirs publics estimaient qu’il était nécessaire d’avoir accès à la nature. Les villes sont plutôt vertes. Londres, par exemple, compte plus d’espaces verts que d’espaces bruns. D’autres villes ont de bons parcs.

En outre, jusqu’à l’apparition d’appartements dans les années 1950, le parc de logements était constitué de maisons. De nombreuses personnes ont grandi avec un jardin. La Royal Horticulture Society est une importante organisation de jardinage et la BBC diffuse des émissions de télévision sur le jardinage parce que les gens reconnaissent que le jardin est un élément essentiel de leur vie. On peut citer RHS Bridgewater à Manchester ou Wisley à l’extérieur de Londres. Ou encore Capel Manor College qui offre des cours de STH depuis les années 1970.

Comment la prescription sociale (social prescribing) a-t-elle contribué à l’essor du « social and therapeutic horticulture » ?

La prescription sociale n’est pas nouvelle. Les autorités municipales proposent des programmes de jardinage à diverses personnes. C’est un autre point de départ pour la STH. Mais c’est une situation complexe car les deux sont apparus sans se connaître l’un l’autre. Il y a des employés du NHS (« link workers ») qui identifient les programmes auxquels les gens peuvent accéder (un cours d’art, une chorale locale, un groupe de théâtre ou des groupes de bénévoles,…). L’évidence est qu’il s’agit d’un lien avec des personnes, des lieux et des objectifs.

Comment Thrive s’inscrit-il dans ce paysage ?

Thrive existe depuis plus de 40 ans. Nous avons toujours défendu les avantages du jardinage pour la santé. De nombreuses organisations délivrant aujourd’hui des programmes STH ont commencé grâce à Thrive. Il s’agit d’un mouvement ascendant. Jusqu’à récemment, il se produisait parce que les gens en ressentaient les bienfaits pour eux-mêmes, puis pour un proche (un neveu autiste, un frère victime d’un accident vasculaire cérébral,…).

Je peux citer HighGround pour les militaires qui quittent le service actif, ils ont des activités d’hortithérapie. Ou Dementia Adventure, un groupe de défense des personnes atteintes de démence dont l’objectif est de rapprocher les gens des grands espaces, ce qui dépasse le cadre strict de la STH. Wildlife Trusts, un organisme de protection de la nature, dispose d’un programme de soutien aux bénévoles qui a un impact sur la santé et se situe à la périphérie des problèmes de santé. Ce sont des associations à but non-lucratif avec une aide plus ou moins importante de Thrive. Nous estimons qu’il y a au moins 1500 lieux qui pratiquent la STH au Royaume-Uni. Il pourrait y en avoir jusqu’à 3000.

Comment avez-vous mis le pied dans ce domaine ?

En travaillant dans un hôpital psychiatrique sécurisé où l’on jardinait depuis le début. Le temps passé à l’extérieur était considéré comme aussi efficace que le traitement. Les médicaments sont essentiels. Mais lorsque la plupart des symptômes sont maîtrisés, il n’y a rien de mieux que le jardin pour le patient.

Je pense à un patient dont l’état de santé s’est considérablement amélioré grâce à une vue sur la nature. Il se négligeait, était difficile à aborder, fumait sans cesse. Une vue sur une vallée et un beau jardin attenant au service l’ont transformé. De volatile, il est devenu plus calme. Il luttait encore, mais c’était le début d’un travail avec lui. J’ai vu des gens qui se comportaient comme des ennemis dans le service. Le jardin modifiait leur relation et ils devenaient amis. Je l’ai vu de mes propres yeux. Au bout de 5 ou 6 ans, j’ai appris l’existence de Thrive et je les ai rejoints.

Qu’offre Thrive en terme de formations (l’offre est vaste)?

De nombreuses personnes changent de carrière et ont de l’expérience dans différents domaines. Nos cours leur permettent de donner un sens à quelque chose d’un peu flou. Cela leur permet de clarifier les choses et d’y réfléchir. Ils se sentent plus à l’aise et sont un peu mieux informés. On peut se sentir isolé, même s’il existe 3 000 jardins. Vous êtes une rareté à pratiquer la STH, il est donc agréable de rencontrer d’autres personnes. Cela découle de mon affinité et de mon respect pour toute personne travaillant dans le domaine de la santé et des soins. C’est un fardeau émotionnel que de prendre soin de quelqu’un.

Certains restent dans ce domaine après leur formation. Avec dynamisme et passion, ils ouvrent la voie à la STH grâce à de nouveaux groupes tels que la réadaptation pour des patients atteints de cancer ou le soulagement du stress des acouphènes. Un étudiant du « diploma » travaille avec des patients souffrant de douleurs chroniques. C’est une leçon d’humilité que de participer à ce succès. Cette discipline n’attire que des personnes altruistes. Il n’y a jamais un étudiant qui ne veuille pas être là, même s’il sait qu’il devra vivre avec un salaire difficile.

Un cours proposé par Thrive

Quel est le statut des personnes qui pratiquent au Royaume-Uni ?

Il n’y a rien de comparable au HTR (Horticultural Therapist-Registered) qui existe aux États-Unis. Thrive et Trellis y travaillent en étudiant ce qui fait un bon programme, un bon code de conduite et une bonne éthique. Il existe un mouvement pour devenir une profession enregistrée auprès de la Professional Standards Authority for Health and Social Care (Autorité des normes professionnelles pour les soins de santé et les services sociaux).

L’objectif premier est de soutenir les personnes handicapées ou en mauvaise santé. L’objectif secondaire est de disposer d’un organisme professionnel qui améliorera les soins partout au Royaume-Uni. Il rassemblera les gens. Parce qu’ils sont si variés, ils ont besoin de cohésion. L’idée est de commencer par un niveau, puis d’en ajouter d’autres.

Nous ne voulons pas que les gens aient à dépenser trop d’argent en formation pour prouver leur compétence, alors qu’ils font ce métier depuis 15 ans. Ils devraient être en mesure d’enregistrer leurs compétences, avec un système de points, et ils pourraient être amenés à compléter le tout par un échange de compétences. Il serait injuste de les faire attendre.

Comment voyez-vous l’avenir du STH ?

Il m’arrive d’être frustré en essayant de décrire la STH. Les définitions sont exactes à 95 %. Le reste est une conversation sans fin. Le plus important est de savoir comment fournir une bonne STH. La définition actuelle de l’AHTA est la plus longue que j’aie jamais vue.

C’est tellement contextuel. Le groupe aura toujours une certaine valeur. Il est difficile de trouver des effets négatifs. Il y a au moins une restauration, un soulagement du stress. Quelque chose de bon va se produire dans le jardin, pas nécessairement ce que vous attendiez.

La culture en référence au jardin fait une différence dans la manière d’aborder les pratiques. Les Français et les Britanniques ont des expériences différentes du jardin. Nos propres affinités comptent.

Pour aller plus loin

Salifu Manneh et Mobee Gambia : « Un jardin n’est pas juste un jardin »

Dans la langue mandinka, « mobee » signifie « nous tous », « tout le monde », « chaque personne ». C’est ce que m’explique Salifu Manneh qui a grandi en Gambie et vit en Angleterre où il est infirmier en santé mentale. Je vous invite à découvrir l’histoire de ce pays enclavé dans le Sénégal et à écouter Salifu nous parler de Mobee Gambia.

Salifu Manneh au jardin de Brufut où est basé Mobee Gambia

Avec des collègues, Salifu a créé l’association Mobee Gambia dont il me raconte l’histoire et les projets. « Je travaillais à l’époque pour Alternative Futures Group et son dirigeant, Neil Campbell, avait envie de redonner quelque chose au personnel. Nous avons choisi d’aller faire des voyages d’étude en Gambie pour voir comment le système de santé fonctionnait là-bas. » Créée en 1992 à Liverpool, Alternative Futures Group est « une organisation caritative de santé et d’aide sociale qui offre un soutien spécialisé aux personnes souffrant d’un trouble de l’apprentissage ou d’une maladie mentale. »

« A la suite de ces voyages en Gambie entre 2013 et 2015, nous ne voulions pas en rester là. En 2017, nous avons décidé de mettre sur pied un programme de santé mentale. L’idée de ce programme était de soutenir la réhabilitation des patients dans la communauté après une hospitalisation. » Par un de ces heureux hasards, Salifu entend parler de la pratique de l’hortithérapie à travers un programme dans le domaine de la santé mentale dans le Cumbria, un comté du nord de l’Angleterre. « J’ai vu que ce programme réduisait l’anxiété, apportait de la détente et que c’était naturel, pas médical. Les personnes n’étaient pas des patients, ils étaient considérés comme tout le monde. J’ai pensé qu’on pourrait utiliser cette idée dans notre projet en Gambie. »

« Un jardin n’est pas juste un jardin »

« En Gambie, le jardin est une source de nourriture et de revenus. Ma mère avait un grand jardin. Nous gardions une partie de la récolte et l’autre partie était vendue. En plus d’être bon pour la santé, le jardin est très important pour les familles et leur équilibre financier », explique l’infirmier. « Par ailleurs, nous étions convaincus que lorsqu’on retire les patients de l’environnement contrôlé de l’hospitalisation, leurs comportements et leurs interactions changent complètement. Je sais qu’il y a beaucoup de recherche à ce sujet. ». Comme le résume Salifu qui a pris soin de personnes dans de nombreuses situations au cours de sa carrière (troubles cognitifs liés à l’âge, addictologie, parcours en prison et en réhabilitation,…), l’inspiration est venue de plusieurs sources dont son expérience personnelle et le voyage d’étude en Gambie. « Un jardin n’est pas juste un jardin. Cela dépasse de loin notre compréhension. C’est un endroit sûr, une activité qui peut apporter au-delà de la médecine dans le domaine de la santé mentale. »

En février 2024, à la publication de notre entretien, Salifu est de retour en Gambie pour continuer à faire avancer les projets de Mobee Gambia. « Nous avons plusieurs objectifs : l’éducation et la promotion de la santé mentale, le traitement des addictions pour les jeunes, mais aussi la lutte contre le trafic sexuel au profit de touristes venus d’Europe et des Etats-Unis et le chômage. En Gambie, 60% de la population est jeune et s’ils ne peuvent pas travailler, les problèmes arrivent. Les jeunes gens prennent de lourds risques dans les bateaux, l’immigration illégale est très dangereuse. C’est pourquoi il est important de créer des opportunités sur place, qu’ils aient des compétences pour rester plutôt que de partir en Europe où ils font face à de nombreux défis pour vivre indépendamment. Nous allons avoir des tête-à-tête avec le gouvernement ». Et bien sûr, il abordera le green care.

Soins en institution et dans la communauté

« Il est nécessaire de faire de l’éducation à la santé mentale dans la communauté pour que chacun apprenne à protéger sa propre santé mentale. Par exemple la consommation d’alcool et de cannabis rend plus vulnérable à l’anxiété et à la dépression. Nous voudrions en faire prendre conscience et former des gens qui peuvent disséminer ces informations. En Gambie, les soins de santé mentale sont assez pauvres. Il existe un seul hôpital psychiatrique, Tanka Tanka, avec une centaine de lits qui sont toujours pleins…dans un pays de deux millions d’habitants », décrit l’infirmier psychiatrique et directeur de Mobee Gambia. Il détaille les conditions de la santé mentale en Gambie dans ce rapport publié sur le site de l’association en décembre 2023.

Salifu s’inquiète d’ailleurs de la qualité des soins en institution où existent de nombreux risques d’abus et il estime que rester connecté à sa communauté où l’on peut être respecté et soutenu est plus bénéfique. Par ailleurs, la médecine traditionnelle est une force à ne pas négliger. « En Gambie, la médecine traditionnelle qui se base sur des plantes est pratiquée en collaboration avec le ministère de la santé. Bien sûr, elle n’est pas validée par des essais comme les médicaments et, dans les cas sévères, les médicaments restent nécessaires. » Cette pratique vivante de la médecine traditionnelle (feuilles, racines,…) cohabite avec une croyance culturelle que l’on vit en meilleure santé lorsque l’on consomme moins d’aliments transformés, riches en sel et en sucre et plus d’aliments frais.

Et on en revient à l’importance des jardins dans le pays. Ces jardins présentent une particularité qui saute aux yeux selon l’infirmier. « Si vous regardez les jardins en Gambie, vous verrez 99,5% de femmes cultivant les légumes. Si les femmes s’arrêtaient, les marchés seraient vides en une semaine », constate Salifu. « Comment pouvons-nous les aider à rendre le travail moins dur ? Par exemple en améliorant l’irrigation avec des forages, des pompes, des réservoirs pour l’eau. Car je le redis, les revenus produits par la vente des légumes aident les familles à la fois directement et en étant investis dans la microfinance. »

Mobee Gambia en action

Organisation non gouvernementale, Mobee Gambia est « une organisation caritative à but non lucratif, impartiale et non partisane dont la mission est de soutenir les personnes ayant des problèmes de santé mentale ». Son bureau principal est situé à Brufut, Kombo North, dans la région de la côte ouest. Par ailleurs, Mobee UK, une organisation caritative enregistrée au Royaume-Uni, supervise et contrôle la gouvernance, y compris le système de responsabilité financière de Mobee Gambia.

Salifu raconte comment le projet a commencé, les avancées prometteuses et les obstacles rencontrés dont….le Covid. « A Brufut, nous cherchions un terrain. Nous avons rencontré le dirigeant de la ville qui nous a confié un terrain appartenant à la ville. Pour nous, cela assure une pérennité. Avant le Covid, nous avions rencontré des groupes de femmes. Nous leur avions confié ce terrain en les laissant s’organiser », explique-t-il.

« Dans ce jardin, on appelle les gens par leur nom. Ce ne sont pas des patients.  Nous avons clôturé le terrain et avons le projet de construire un bâtiment pour héberger des groupes, des cours. Nous faisons attention aux connexions locales et essayons d’être le moins impliqués possible. Par exemple, nous n’avons pas de personnel sur place. Il faut dire que la mort de Neil Campbell a ralenti le projet. Mais nous n’abandonnons pas et nous continuons à frapper aux bonnes portes, notamment pour des financements du gouvernement ou des entreprises. »

Les partenariats peuvent prendre toutes sortes de formes. Ainsi des étudiants en travail social de Liverpool Hope University ont fait des séjours en Gambie pour apporter leurs compétences et un informaticien bénévole, Robert Hufton de Higher Ground UX, gère le site de Mobee Gambia depuis l’Angleterre. Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.

Salifu rappelle que la saison sèche court d’octobre à avril, la saison des pluies de juin à septembre. « Pendant la saison des pluies, nous avons planté du manioc (cassava en anglais) pour le vendre et acheter de l’équipement et des graines afin de relancer le jardin ». Concombres, tomates, poivrons, carottes, pastèques, laitues et choux sont au programme.

Un programme d’addictologie à Bulock

Devant l’absence de programme de traitement des addictions aux substances, Mobee Gambia a également proposé un service dans la ville de Bulock où Salifu a grandi et fréquenté l’école primaire. Là, le projet est de créer un lieu d’accueil, près de la rivière pour son effet apaisant, avec des activités comme l’apprentissage des outils informatiques pour augmenter les compétences des personnes concernées.

« Nous voulons encourager les gens à mieux se gérer eux-mêmes pour mieux vivre. C’est un projet massif, mais faisable », annonce Salifu plein d’espoir et d’enthousiasme. « Nous avons envie que les gens en Gambie s’appuient plus sur leurs propres ressources que sur des ressources extérieures. Nous visons l’autosuffisance. Par exemple, à côté de l’aide en addictologie, nous voulons aussi développer un programme de formation pour devenir tailleur. Dans le programme de Brufut, nous avons déjà une boulangerie. » Les idées fusent.

« En Gambie, il y a tant de manque en santé mentale. Je veux aider », conclut-il.

MISE A JOUR. Pendant son séjour en février 2024, Salifu écrit : « Hier, de 17h00 à 20h00, nous avons organisé avec succès une promotion de l’éducation et du bien-être mental auprès d’un groupe de jeunes à l’école secondaire supérieure de Sukuta. Je portais une robe traditionnelle blanche et un chapeau bleu. Le thème était les effets de la drogue et de l’alcool sur le bien-être mental des jeunes dans nos communautés. »

Kirk Hines : motivé comme au premier jour après 30 ans d’expérience

Si vous lisez ce blog depuis ses débuts – c’est-à-dire depuis 2012, le nom de Kirk Hines devrait vous dire quelque chose. En juillet 2012, il nous avait parlé de son travail à Wesley Woods Hospital dans la ville d’Atlanta aux Etats-Unis. Il y avait créé dès 1993 un programme d’hortithérapie, intégré dans le département de rééducation et adapté aux quatre unités de cet hôpital accueillant des personnes de plus de 65 ans (médical, psychiatrie, neuropsychiatrie et soins intensifs de longue durée). Deux ans plus tard, nous l’avions retrouvé dans une nouvelle institution, A. G. Rhodes, où il était en train de développer un nouveau programme d’hortithérapie toujours au service de personnes âgées.

Alors qu’A. G. Rhodes, une institution à but non lucratif, s’apprête à fêter ses 120 ans cette année, Hirk peut, quant à lui, faire le bilan de 30 ans d’activité en tant qu’hortithérapeute. Pourtant loin d’être tournée vers le passé, notre conversation a surtout porté sur un nouveau projet enthousiasmant que je laisse Kirk, directeur de l’hortithérapie à A. G. Rhodes, vous dévoiler.

« Change is the only constant », annonce-t-il d’emblée. Il est installé dans une serre qu’il utilise pour ses activités sur l’un des trois sites que compte actuellement A. G. Rhodes (un site à Atlanta où il passe deux jours par semaine, un autre à Wesley Woods qui bénéficie aussi de sa présence deux jours et enfin un site dans le comté de Cobb où il pratique un jour par semaine). Je viens de lui demander de résumer la décennie depuis notre dernière conversation. « Lorsque que j’ai quitté mon ancien établissement après 21 ans car il se recentrait sur la psychiatrie adulte, j’ai eu la chance que mon ancien employeur et le nouveau aient de bonnes relations. Cela m’a permis de récupérer mes serres, mes plantes, mon équipement et les fonds que nous avions collectés. »

Kirk Hines (debout) avec un patient sur le site A.G. Rhodes d’Atlanta

Un hortithérapeute en temps de Covid

A son arrivée sur les trois sites, Kirk a commencé à installer des jardins thérapeutiques, mais aussi à améliorer l’environnement extérieur pour le rendre plus accueillant, plus chaleureux pour les personnes hospitalisées, leurs proches et le personnel. Cet investissement s’est révélé particulièrement utile pendant la période du Covid. « Pendant les périodes de confinement où les familles ne pouvaient pas entrer dans l’établissement, des rencontres ont eu lieu dans les jardins. Pendant cette période, j’ai aussi pratiqué ce que nous avons appelé « doorway therapy », la thérapie à la porte. Je m’installais, masqué et équipé dans le couloir, et nous faisions une séance d’hortithérapie avec le patient dans sa chambre ». Pour rappel, Kirk pratique de longue date des séances au chevet du patient.

Le Covid n’est pas uniquement un lointain souvenir. « Quand le nombre de cas augmente, nous nous adaptons. Parfois nous pouvons refaire des groupes et d’autres fois seulement des activités individuelles. Ou bien un entre deux où nous pratiquons la bonne distanciation sociale. Heureusement aujourd’hui les gens sont vaccinés. »

Il est seul à porter le programme avec quelques bénévoles. « Mais le Covid a impacté la participation des bénévoles. Je dois donc concevoir les espaces qui demandent le moins d’entretien possible. Oui, j’aimerais avoir des internes. Mais ce n’est pas facile quand on se déplace sur tout un territoire. » Ajoutez à cela de nombreuses conférences sur l’hortithérapie et le travail sur un nouveau projet depuis trois ans, on comprend que Kirk est bien occupé.

Atelier avec des fleurs coupées

Des bienfaits reconnus par l’institution

Avec son collègue musicothérapeute, Kirk collabore depuis 30 ans. Vous pouvez lire ici comment A. G. Rhodes présente ces deux interventions non médicamenteuses. « L’hortithérapie comprend des activités horticoles animées par un thérapeute agréé pour atteindre des objectifs de traitement spécifiques et documentés. Par exemple, la plantation d’herbes aromatiques aide à augmenter la stimulation sensorielle, l’arrosage aide à améliorer les capacités motrices et le jardinage en groupe aide à réduire l’isolement et la dépression », explique l’institution. Les bienfaits de l’hortithérapie sont détaillés ici et comprennent les impacts positifs bien connus sur les sphères cognitives, sociales, physiques et psychologiques. Quant aux collègues que côtoie quotidiennement Kirk, ils ont pris l’habitude de le voir en pleine activité avec les participants. Dans cette institution, les soignants restent longtemps. Certes, il faut toujours faire des efforts pour parler de l’activité et « éduquer » les équipes. Mais l’hortithérapie a trouvé sa place auprès des autres interventions thérapeutiques. Elle attire aussi l’attention des média locaux, en voici un exemple.

Un nouveau bâtiment et ses deux jardins sortent de terre

Convaincu par l’importance de l’hortithérapie, A. G. Rhodes a intégré cette thérapie au cœur d’un nouveau bâtiment qui sera inauguré cette année sur le site du comté de Cobb. « Notre nouveau bâtiment est un projet en réflexion depuis 10 ans. Son architecture est spécialement conçue pour accueillir des personnes qui ont des troubles cognitifs, ce que nous appelons « memory care ». Notre équipe s’est rendue en Hollande pour étudier les pratiques là-bas. L’idée est de créer une communauté plutôt qu’un hôpital », explique Kirk. Voici trois ans que la conception des jardins a commencé avec une équipe composée d’un architecte paysagiste et de paysagistes extérieurs. « Avec cette équipe créative, nous avons conçu l’aménagement paysager et deux nouveaux jardins thérapeutiques spécifiques, un pour la rééducation et l’autre pour les troubles cognitifs. »

Kirk rentre dans les détails. « Un jardin est dédié à la rééducation physique où travailleront des ergothérapeutes, des kinés, des orthophonistes et bien sûr l’hortithérapeute. Ce jardin est conçu pour être utilisé de manière active ou passive. Son point central est une pièce d’eau. Nous avons aussi pris soin de laisser beaucoup d’espace. Ce n’est pas seulement l’accessibilité aux fauteuils roulants, mais aussi le fait que lorsque nous organisons des évènements, c’est parfois trop bondé. Comme l’espace est conçu pour accueillir plusieurs activités (un espace pour un terrain de bocce, un jeu de horseshoe et de lancer de bean bags pour travailler l’amplitude des mouvements et l’équilibre dynamique), il faut avoir de l’espace. Des surfaces de plusieurs sortes permettront de faire de la rééducation dans les conditions qu’ils retrouveront à l’extérieur : pierres, asphalte, briques, ciment,… Nous aurons aussi des chaises et des espaces pour s’asseoir, des parasols et bien sûr des jardinières à hauteur. L’idée est de solliciter tous les sens. Ce sera un jardin très fonctionnel pour que les thérapeutes s’en servent avec les patients, mais aussi un jardin dont on pourra simplement profiter en s’y posant. »

Les personnes accueillies seront en soins « subacute ». « En « acute care », les personnes doivent pouvoir supporter trois heures de thérapie par jour. C’est souvent trop pour des personnes âgées. En « subacute care », ils arrivent de l’hôpital et font de la rééducation pour ensuite retourner vivre chez eux ou bien dans un établissement moins intensif ». En ce moment, les abords du nouveau bâtiment sont en ébullition : on plante des arbres, on s’affaire sur la finition de la pièce d’eau et l’irrigation est en cours d’installation (rappelons-nous que Kirk doit gérer seul l’entretien – sur les sites existants, il a installé après coup des systèmes d’irrigation intégrés).

Un nouveau jardin dédié au memory care

Et puis il y a le jardin dédié au « memory care » (un accompagnement plus approprié pour procurer un environnement sécurisé à des personnes touchées par des troubles cognitifs importants). A savoir que les deux jardins sont justement « sécurisés » grâce à des clôtures invisibles car elles sont entourées de plantes des deux côtés. Dans ce nouveau service de « memory care », on accueillera des résidents à long terme à partir de 65 ans, mais plus typiquement entre 80 et 90 ans.

« Les allées ramènent toujours au point de départ. Les espaces ont du sens et on ne peut pas s’y perdre. Nous avons conçu des espaces pour s’asseoir, choisi des plantes stimulantes, installé un pavillon de jardin, un cabanon pour les outils, des jardinières adaptées. Et aussi un système son pour mon collègue musicothérapeute. Nous cherchons d’ailleurs des éléments appropriés pour faire de la musique au jardin. Une pièce d’eau apporte aussi une stimulation sonore », détaille Kirk. Par ailleurs, chaque « communauté », des unités de 12 personnes, aura accès à un balcon sécurisé avec des jardinières et à un solarium.

Le nouveau bâtiment représente un coût de 32 millions de dollars, financé notamment grâce au soutien de la communauté et à des membres du conseil d’administration très connectés. Le volet « hortithérapie » du projet a bénéficié de sa propre campagne de levée de fonds, « Seeds for Seniors ». Rien ne vous empêche d’y contribuer d’ailleurs ! Dans une pratique assez répandue aux Etats-Unis, il est possible de voir sa contribution concrétisée dans une brique estampillée « In memory of…. » or « In honor of…. ».

« Nous avons aussi profité de Giving Tuesday. C’est une journée après Thanksgiving en novembre, en réaction au consumérisme du Black Friday. Les associations à but non lucratif parlent de leurs besoins et reçoivent des dons. Une autre forme d’aide me vient de Trader Joe’s, une chaine de supermarchés, qui me donne des fleurs coupées et des plantes. Les patients adorent. » Ci-dessous, le jardin de « memory care » à l’heure actuelle.

30 ans de recul sur le monde de l’hortithérapie

« Un défi pour moi à A. G. Rhodes a été de travailler avec les mêmes patients pendant 10 ans alors qu’en « acute care », j’étais habitué à les prendre en soin pendant deux semaines. D’une part, on bâtit une relation plus personnelle. D’autre part, il faut apporter de la nouveauté et garder de la fraicheur aux activités. Je m’inspire de visites dans des jardins botaniques et des pépinières et bien sûr de lectures en ligne pour trouver de nouvelles plantes et de nouvelles idées », explique Kirk.

Plus globalement sur l’état de l’hortithérapie, le bilan est cependant mitigé. « Une tendance est qu’il y a moins de programmes de formation dans les universités que quand j’ai commencé il y a 30 ans. On voit plutôt des programmes de formation accrédités par des universités ou par l’AHTA. » Pour sa part, il a obtenu une licence en horticulture ornementale (avec une concentration en hortithérapie) au Berry College en Géorgie en 1992 et a effectué son stage en hortithérapie à l’hôpital régional de Géorgie du Nord-Ouest avant de rejoindre Wesley Woods Hospital of Emory Healthcare pour y créer son premier programme en 1993. Il a été membre du conseil d’administration national de l’AHTA, membre fondateur du conseil d’administration du chapitre Géorgie-Alabama de l’AHTA et président de 1999 à 2002.

« Quand j’étais un « bébé thérapeute », je pensais que l’hortithérapie allait continuer à se développer et gagner en reconnaissance. Malgré la masse critique de recherche, ce n’est pas tout à fait le cas. Je comprends que ce soit dur pour des universités de proposer des formations quand il y a si peu de débouchés sur le marché du travail. L’autre sujet est que d’autres thérapies comme l’ergothérapie, la kiné et l’orthophonie sont remboursées. Mais ce n’est toujours pas le cas pour l’hortithérapie, la musicothérapie ou la thérapie récréative. Du coup, les hôpitaux ne les proposent pas puisque ce n’est pas rentable. »

Kirk continue à pousser une idée qui était déjà importante pour lui il y a 10 ans. « J’ai toujours expliqué à A. G. Rhodes que le remboursement n’est pas la seule manière d’impacter le résultat financier. Avoir de bons résultats pour les patients, contribuer à la satisfaction des familles, améliorer notre attractivité est aussi très important. » Clairement, il a été écouté puisque ce nouveau bâtiment sera doté de jardins et d’aménagements paysagers réfléchis contribuant à l’environnement thérapeutique et au plaisir.

Une autre tendance, qu’il repère dans des discussions ici et là, est l’importance grandissante de la qualité de vie et de l’approche centrée sur la personne. Il s’explique. « Les autorités de l’état de Géorgie qui nous régulent accordent de plus en plus d’importance à la qualité de vie des patients. Ce ne sera pas un changement rapide, mais il y aura une évolution dans le futur. D’autre part, je vois aussi un intérêt grandissant pour le soin centré sur la personne : choisir ses repas et son rythme ou avoir son animal de compagnie par exemple. A. G. Rhodes avance déjà dans ce sens. Notre personnel est formé et nous sommes certifiés par The Eden Alternative (leur credo est le « bien-être est un droit humain »). On s’éloigne d’un environnement clinique, stérile et on parle de vivre sa vie pleinement, de continuer à s’épanouir (thrive, en anglais, en écho à l’association anglaise, NDLR). »

Un bilan en demie teinte qui apporte cependant une note d’espoir. Rendez-vous dans 10 ans pour en discuter ?

Activités sur le site d’A.G. Rhodes Atlanta

Activités sur le site d’A.G. Rhodes dans le comté de Cobb (dont une séance de « doorway » therapy »)

Activités sur le site de Wesley Woods

Mirela Maganha ouvre la voie à l’hortithérapie au Brésil

La première fois que j’ai entendu parler de Mirela Maganha, c’était à l’occasion du World Therapeutic Horticulture Day, le brainchild de Fiona Thackeray qui a fait ses débuts en 2023, avec une version 2024 déjà en chantier. C’est ce post sur LinkedIn qui m’a encouragée à contacter Mirela. J’ai le plaisir de donner la parole à cette pionnière brésilienne dont la sensibilité l’a amenée à découvrir l’hortithérapie alors même que cette discipline est pour ainsi dire inconnue dans son pays. Qu’à cela ne tienne. La puissance des réseaux lui a permis de rentrer en contact avec des personnes qui partagent les mêmes idées. Et elle n’a pas perdu de temps pour se mettre en mouvement dans l’état de São Paulo.

« J’adore ce que je fais »

Quelles sont tes expériences personnelles des jardins et de la nature ?

Je suis la fille d’un producteur rural, j’ai vécu à la ferme jusqu’à l’âge de cinq ans, et même lorsque nous sommes arrivés en ville, notre maison (jusqu’à aujourd’hui) a un espace de terre qui, lorsque j’étais enfant, était mon espace de jeu et de croissance. Lorsque nous sommes arrivés en ville, mes grands-parents sont restés à la ferme et j’y étais le week-end, car j’aimais aller jouer sur le terrain, jouer avec les animaux, nager dans la rivière et travailler dans le jardin avec ma grand-mère.

Je crois que ce contact précoce avec la terre m’a influencée dans cet amour que je ressens pour tout ce qui est naturel, et en suivant la façon dont ma grand-mère prenait soin de tout, cela m’a influencé à vouloir être comme elle, à prendre soin des plantes, des animaux, à me nourrir de ce que la terre produit, à planter mes propres remèdes. Car, comme nous le savons, lorsque nous aimons quelque chose, nous l’introduisons dans notre vie d’une manière respectueuse et nous essayons de le transmettre à d’autres personnes, dans le but de leur faire prendre conscience que quelque chose peut avoir un retour positif. Ce que j’essaie de faire avec mes étudiants par exemple, comment le fait d’être en contact avec la nature, de manipuler la terre et de profiter de ses fruits peut être positif pour leur vie. Ainsi que de prendre soin de tout cela car nous sommes la nature, et nous devons être inclus dans les soins que nous offrons.

Comment as-tu commencé à t’intéresser aux bienfaits du jardinage sur la santé mentale et la santé en général ?

Quand j’ai commencé à étudier l’agronomie, j’ai vu un vaste domaine d’activité, et l’un des domaines qui m’intéressaient était celui des plantes médicinales pour aider les communautés les plus démunies de la ville dans le cadre des activités de l’église. Pour mieux comprendre le sujet, j’ai acheté des livres et, par hasard, j’en ai acheté un sur l’horticulture sociale et thérapeutique, un sujet complètement nouveau pour moi. Au fur et à mesure que je lisais, je me suis intéressée au sujet et j’ai commencé à faire des recherches pour mieux comprendre ce dont il s’agissait et comment réaliser des activités horticoles pour sauver le bien-être humain. À partir de là, j’ai fait part de mon intérêt à une professeure. Mais elle m’a rapidement dit qu’il serait difficile de travailler dans ce domaine au Brésil, car la finalité semblait plus sociale qu’économique et aussi parce que la discipline n’était pas reconnue.

Voyant mon engagement dans ce domaine, mon enseignante m’a conseillé de participer à un programme d’entrepreneuriat de la faculté, qui offrait la possibilité de présenter un objectif social, et j’ai donc rédigé un projet d’horticulture pour travailler avec les étudiants de l’APAE (Association of Parents and Friends of Exceptional Children), qui souffrent de neurodivergences. Le projet était prêt, mais la pandémie est arrivée et le programme a été annulé car il n’y avait plus de fonds pour financer les actions. Pendant quelques mois, j’ai fait des recherches sur le sujet, et j’ai réalisé que je ne pouvais pas abandonner l’idée de mettre en œuvre un projet de ce type ici. C’est alors que j’ai découvert l’existence d’une Communauté Thérapeutique qui travaille à la réhabilitation de personnes souffrant de dépendance chimique près de ma ville. J’ai pris contact avec eux et leur ai demandé s’ils avaient des activités dans ce domaine. Ils m’ont répondu que non, mais ils m’ont laissé libre de mener à bien le projet que je voulais. À partir de ce moment-là, j’ai intensifié mes études dans le domaine pour élaborer un plan d’activités, d’évaluation et de contenu pour mener à bien le projet d’horticulture thérapeutique.

Quel est ton parcours professionnel et ta formation en hortithérapie ?

Mon rêve a toujours été d’étudier l’agronomie, mais lorsque j’ai quitté l’école, je n’ai pas pu, et j’ai donc fait une école de commerce. Je travaillais déjà dans la région, dans une usine. Après un certain temps, je me suis spécialisée dans la gestion de projets et j’ai changé d’emploi. Aujourd’hui, je suis responsable de l’administration d’une petite entreprise dans la ville voisine. Après quelques années dans la nouvelle entreprise, la faculté locale a présenté un cours d’ingénierie agricole et j’ai immédiatement été intéressée. J’ai pensé aux cinq longues années que cela représentait, mais aussi au rêve que j’avais toujours eu. Et je me suis inscrite. C’est en conciliant travail, faculté et projets que je me suis identifiée à l’horticulture thérapeutique et que j’ai commencé à me consacrer à ce domaine. J’ai commencé ma formation à l’hortithérapie en lisant un livre et en faisant des recherches ainsi qu’en créant des réseaux par le biais des médias sociaux.

Le premier contact que j’ai eu avec des professionnels du domaine a été Leila Alcalde, qui m’a recommandé un livre, que j’ai immédiatement obtenu pour pouvoir étudier davantage. J’ai commencé à suivre des professionnels du domaine sur les médias sociaux pour être au courant de leurs activités, participer à des événements ou à des activités en ligne. Puis j’ai commencé à regarder différents webinaires de Trellis Scotland et Fiona Thackeray m’a ensuite contactée pour me demander mon expérience en matière d’horticulture thérapeutique au Brésil. Elle m’a invitée à présenter mon projet lors du séminaire Trellis en 2022. Le projet d’hortithérapie que j’ai développé était une étude de cas que j’ai utilisée pour mon travail de fin d’études à la Faculté d’ingénierie agricole. De plus, j’ai effectué des recherches sur des activités et des cas déjà publiés dans d’autres pays, en plus des activités menées par des institutions traditionnelles dans la région, culminant dans une étude « Projet de jardins potagers à des fins thérapeutiques dans la réadaptation des toxicomanes ».

À partir de là, en 2022, je me suis fixée pour objectif de suivre un cours d’agroforesterie, car il s’agit d’un mode de culture qui envisage le système d’une manière saine, en prenant soin du sol et en promouvant la diversité dans le même espace. J’ai donc eu l’occasion d’obtenir un diplôme de troisième cycle en agroécologie, avec un accent sur l’agroforesterie. Lorsque nous avons commencé notre dernier cours, j’ai décidé de maintenir la même ligne de recherche, maintenant dans un système biodiversifié. Lorsque j’ai parlé de mon idée à ma conseillère, elle a été surprise par le sujet et a accepté de me guider. Cette recherche vise à présenter aux lecteurs les différentes façons dont un système biodiversifié peut contribuer au bien-être humain, que ce soit par le contact avec la terre lors de la préparation du sol, ou par la plantation de différents légumes et fruits qui peuvent favoriser la sécurité alimentaire de la famille, mais aussi en encourageant la coexistence entre les personnes concernées, en renforçant leurs liens, en créant des possibilités et en gardant toujours l’humain dans l’environnement naturel, sans jamais le séparer.

Actuellement, je continue à faire des recherches sur les activités, la meilleure façon de les appliquer, la manière d’évaluer l’évolution de la personne, entre autres aspects importants. De plus, je suis toujours en contact avec Fiona de Trellis Scotland. Nous échangeons des idées et elle me guide pour m’aider dans mes projets, car je commence à travailler dans ce domaine au Brésil. Elle m’a mis en contact avec Daniela (Silva-Rodriguez Bonazzi) au Pérou. Je sais que son organisation au Pérou est la plus proche de moi géographiquement. Je n’ai pas encore suivi les cours proposés par Daniela, mais j’espère pouvoir le faire dès que possible.

Car un de mes objectifs est de participer à un cours dans ce domaine afin d’améliorer mes activités chaque jour et de promouvoir l’horticulture thérapeutique au Brésil. Aujourd’hui, je peux combiner différentes activités en même temps, en travaillant à la fois dans le domaine administratif d’une entreprise et en fournissant des services dans le domaine agronomique, y compris l’horticulture thérapeutique.

Causerie dans le jardin : l’agroforêt comme nouveau type d’agriculture

Peux-tu décrire les projets auxquels tu participes actuellement ?

Je suis actuellement prestataire de services dans une organisation de la société civile (OSC Florescer), partenaire du Secrétariat d’assistance sociale de la ville, qui réalise des ateliers socio-éducatifs pour travailler sur la coexistence et le renforcement des

liens entre les usagers, dans le but de surmonter un certain type de fragilité, qu’elle soit financière, émotionnelle ou physique Le public cible avec lequel je travaille sont les adultes, la base des activités étant l’agriculture familiale.

L’environnement dans lequel nous travaillons avec ce public spécifique est un jardin urbain, ce qui nous donne la possibilité de mener différentes activités, de la gestion du jardin aux conférences et aux activités manuelles. Le service n’est pas axé sur la thérapie, mais la plupart des activités menées influencent directement le bien-être humain, ce qui est conforme aux objectifs du service et est directement lié aux bases de l’horticulture thérapeutique. Nous réalisons des activités telles que : production de plants de fleurs, jardinage, plantation de fleurs en pots, préparation des lits, plantation de légumes en lits, récolte de légumes, activités manuelles, cercles de lecture sur les plantes et leurs bienfaits, plantation d’arbres, peintures, entre autres activités.

Ces activités visent à aider les utilisateurs à générer des revenus en apprenant de nouvelles techniques et en se responsabilisant. En outre, les ateliers de lecture sur les plantes favorisent la connaissance des utilisateurs et encouragent un contact toujours plus grand entre les êtres humains et le monde naturel, en montrant clairement que nous en faisons partie et que nous ne sommes pas isolés. De cette manière, nous présentons et soulignons les avantages que ces activités peuvent promouvoir chez l’être humain et sur son bien-être.

Les utilisateurs ont déjà donné différents rapports sur l’importance de ces activités pour eux et sur la façon dont elles font une différence dans leur vie quotidienne, car nous avons des utilisateurs qui participent aux ateliers depuis environ un an et demi. Ils sont donc en mesure de faire une bonne évaluation des activités et de la façon dont elles influencent leur vie. Notre coordinatrice est une psychologue et je lui parle toujours de mes projets d’horticulture thérapeutique et du travail que je réalise avec nos utilisateurs de services. Ces jours-ci, je lui ai demandé si nous pouvions considérer nos activités comme thérapeutiques, même si comme je l’ai expliqué, ce n’est pas l’objectif du service. Cependant, elle m’a indiqué que les activités que je développe ont un but thérapeutique qui peut être évalué par les rapports des utilisateurs et les rapports que je rédige à la fin de chaque activité. Par conséquent, en plus de promouvoir le bien-être, les gains thérapeutiques de ces activités sont un plus pour nos utilisateurs.

C’est très pertinent pour notre service car la majorité de nos usagers souffrent de chômage, de dépression, de crises d’angoisse, de problèmes liés à l’insomnie, de problèmes familiaux, de difficultés à se regarder et à se valoriser en raison de la routine chargée qu’ils ont avec leur famille.

En outre, je développe un projet à présenter à une maison de retraite dans la ville voisine, pour commencer les activités peut-être en 2024, avec différentes activités d’horticulture thérapeutique destinées aux résidents âgés. Parallèlement à mes activités, je mène cette année des activités bénévoles dans une école en plantant des arbres et en faisant du jardinage avec des adolescents, ce qui, selon moi, est une façon d’embellir l’école et de créer un espace naturel avec lequel ils peuvent être en contact. C’est une façon de les encourager à renforcer leur relation avec la nature et à voir à quel point cela peut être positif.

Créer des mini jardins (pots) : gérer notre patience et estimer notre créativité

Est-ce que tu as des projets antérieurs que tu souhaites nous présenter ?

Mon premier projet d’hortithérapie s’est déroulé dans la communauté thérapeutique avec des personnes qui se remettent d’une dépendance chimique. En plus d’être mon premier contact avec ce type de travail, il s’agissait de mon premier contact avec ce public en « rétablissement ». Lorsque je suis allée leur présenter l’idée, j’ai été bien accueillie et ils ont accepté de participer à mon projet. Les activités ont été menées en groupes pendant six mois, une fois par semaine. Pendant cette période, nous avons réalisé différentes activités qui pouvaient avoir un impact sur le traitement de chacun d’entre eux, que ce soit en apprenant des techniques de jardinage qui peuvent être une nouvelle alternative dans la vie quotidienne, ou en interagissant avec des collègues pendant des activités ce qui influence la socialisation, la récupération de souvenirs affectifs. Il y a aussi des activités qui ciblent la coordination motrice qui est très affaiblie en raison de la consommation de drogues et d’alcool. Toutes les activités ont été réalisées par moi, et comme ceux qui ont été accueillis ont été suivis par une psychologue, elle a été en mesure de m’aider à évaluer les activités par rapport au traitement en cours.

Pour les évaluer, j’ai créé des questionnaires auxquels ils répondaient une fois par mois. Il était facile de répondre aux questions qui permettaient de collecter des données pour les analyser et vérifier quelles activités étaient les plus acceptées et les plus attrayantes, lesquelles généraient un plus grand impact positif, entre autres détails. Pour moi, ce fut une expérience incroyable, à tel point que je suis encore impliquée dans ce domaine aujourd’hui, et j’ai l’intention de continuer. Car il est merveilleux de voir comment l’horticulture et le jardinage peuvent contribuer à la resocialisation de l’individu. Je suis reconnaissante pour cette première opportunité et je veux retourner dans la même communauté pour réaliser un nouveau projet avec les nouveaux résidents, quand j’en aurai la chance. Si je devais décrire tout ce que j’ai fait et ce que je ressens pour ce projet, je pourrais être ici pendant plusieurs pages (rires).

« C’est ma photo préférée jusqu’à présent. Je l’ai prise dans le cadre de mon projet de communauté thérapeutique. »
Mon projet de volontariat : planter des arbres à l’école

Que peux-tu nous dire sur la situation de l’hortithérapie au Brésil. Les types de projets,  la sensibilisation du public ou des professionnels, la formation…

Je ne connais pas actuellement au Brésil de projets qui soient annoncés comme des projets d’horticulture thérapeutique en particulier, ni de mouvement qui soit développé. Lorsque j’ai effectué mes recherches à la faculté, j’ai identifié quelques recherches publiées qui mentionnaient l’activité de l’homme dans les jardins potagers ou la gestion des plantes à des fins thérapeutiques, et comment cela pouvait les aider. Cependant, au Brésil, il n’y a toujours pas de pratique effective de ce type d’activité avec la reconnaissance de l’horticulture thérapeutique. Je crois que certaines personnes peuvent mener des activités dans ce but, mais sans la base et la reconnaissance qui existe à l’étranger de sorte que ces pratiques sont souvent inconnues.

Ce que j’ai remarqué, ce sont des cours et des directives de certaines institutions qui essaient d’inclure des espaces verts dans les écoles et qui soulignent à quel point ce contact avec le monde naturel est important pour le développement de l’enfant afin que l’enfant puisse déjà grandir au contact de la nature. Je suis même un cours en ligne appelé « TiNis (Tierra de Niños) pour les éducateurs » qui fournit des conseils sur le contact des enfants avec le monde naturel, l’inclusion de cet environnement et des pratiques naturelles au sein de l’école et leurs avantages. En outre, en 2022, j’ai suivi un cours promu par l’institut Nature & Children en partenariat avec le ministère de la Citoyenneté, qui s’appelle « Nature de Jamais ». Il s’agissait d’un cours permettant aux éducateurs de faire l’expérience d’une nature unique afin d’en tirer des enseignements pour les environnements scolaires, les projets, entre autres lieux qui agissent en tant qu’éducateurs.

De mon point de vue, il devrait y avoir une institution qui s’intéresse à toutes ces pratiques isolées et qui puisse organiser des idées, vérifier les activités réalisées et maintenir un contact actif, car elle pourrait être un soutien, si elle s’inscrit dans la proposition d’horticulture thérapeutique. En ce qui concerne l’hortithérapie, il y a tellement de preuves que cette pratique est fondamentale et essentielle pour la promotion du bien-être humain, et avec toute la représentation du Brésil dans l’agriculture, il devrait déjà y avoir une institution qui représente notre pays dans ce domaine.

Mirela, obrigada por partilhar e um abraço! Estou ansiosa por vos conhecer pessoalmente um dia.

Créer des cartes botaniques et parler de ce qu’elles représentent
Manipuler des graines ! Une façon de bouger et d’améliorer notre coordination et notre souplesse.

Patricia Hasbach, une psychologue pionnière de l’écothérapie

L’écopsychologie et l’écothérapie m’intéressent au plus haut point car ce sont des sujets qui touchent directement mon travail de psychologue depuis 5 ans. C’est pourquoi j’avais envie de revenir sur ce sujet que j’ai déjà abordé dans le passé (voir Géraldine Poncelet et sa pratique en Suède, l’expérience de Yann Desbrosses en région parisienne, Stéphanie Martin et ses consultations dans la nature du côté d’Aix-les-Bains ou encore Beth Collier à Londres).

Et qui de mieux placé pour en parler que Patricia Hasbach, une psychologue américaine qui s’est intuitivement dirigée vers ces pratiques à la fin des années 80 et en est devenue une des théoriciennes ? Diplômée d’une thèse en psychologie, psychothérapeute agréée, consultante, autrice et enseignante à l’université, elle propose au sein de son cabinet Northwest Ecotherapy des services de thérapie et de conseil aux adultes de tous âges, aux couples, aux familles et aux groupes avec une spécialisation dans les problèmes relationnels, les problèmes de santé, les transitions de la vie, les problèmes de carrière et la gestion de l’anxiété et de la dépression. Et elle est donc une pionnière dans la pratique de l’écothérapie, « une méthode de traitement qui reconnaît les bienfaits thérapeutiques des interactions avec la nature ».

Apprendre que Patricia habite à Eugene dans l’Oregon, mon alma mater où j’ai étudié le journalisme dans les années 80, était la cerise sur le gâteau. Je pouvais parfaitement imaginer la ville où elle vit et travaille. Ce fut une grande joie de recevoir sa réponse positive à ma demande et de causer avec elle récemment. Depuis sa maison dans la magnifique vallée de la McKenzie River, elle a répondu à mes questions.

La première étincelle

Evidemment, ma première question était de savoir comment Patricia avait commencé à s’intéresser à la connexion à la nature dans son travail de psychologue. Qu’est-ce qui avait déclenché cet intérêt ?

« Je n’avais jamais entendu parler d’écopsychologie, un terme inventé en 1995 par Theodore Roszak. Ce n’était pas quelque chose dont on nous parlait pendant nos études de psychologie. Voilà comment ça a commencé. Au début de ma carrière, à la fin des années 1980, j’avais un cabinet libéral et je travaillais avec un hôpital local où j’aidais des patients qui avaient eu des problèmes cardiaques autour des questions sociales et émotionnelles. A cette époque, chercher de l’aide auprès d’un psychologue était encore stigmatisant, surtout pour les personnes d’un certain âge. Pourtant la dépression et l’anxiété sont assez communes après ces événements et peuvent faire obstacle à la guérison. J’avais pris l’habitude d’aller me présenter aux patients lorsqu’ils venaient faire leur rééducation. C’étaient des patients qui avaient quitté l’hôpital et on sait qu’il peut y avoir pas mal de doutes à ce moment-là sur la capacité à reprendre une vie normale. Je repense à ce patient, un homme qui travaillait dans une pépinière. Il était nerveux et résistant à l’idée de me parler. Mais il se trouve que l’hôpital venait d’ouvrir une cour intérieure avec des plantes. Je lui ai proposé d’y aller et il s’est mis à me parler des plantes, celles qui avaient une chance de s’épanouir dans ce lieu et les autres. Il était enfin à l’aise et il a pu parler de ses peurs. » Voilà comment, par un matin de printemps et en suivant une intuition, une carrière peut être profondément transformée.

« Ce fut un « ha ha moment » », confirme Patricia. « A l’époque, mon cabinet donnait sur une rue et avait une vue sur des arbres. Je pense que nous savons instinctivement ce dont nous avons besoin et j’ai toujours eu un bureau avec une vue de la nature. Sauf un, mais je n’y suis pas restée longtemps ! » Un bon début, mais comment approfondir cette intuition d’un lien entre la nature et le travail thérapeutique ?

De nouveau, le hasard l’aiguille. « En 1996, j’ai reçu dans le courrier une brochure pour un atelier de trois jours en Californie sur l’écopsychologie pour les enseignants. Dans le cadre de la santé mentale à l’école, il s’agissait de comprendre comment connecter les étudiants à la nature. Je suis allée à Palo Alto pour cet atelier. J’y ai rencontré Allen Kanner, co-éditeur de l’anthologie Ecopsychology : Restoring the earth, healing the mind avec Theodore Roszak et Mary Gomes publié en 1995. C’était une validation de mon intuition. A cette époque-là, on ne commandait pas les livres sur Internet. On allait dans une librairie et on devait ensuite attendre une ou deux semaines ! Ces livres m’ont passionnée. »

Dans le Pacific Northwest, les choses deviennent sérieuses

« En 2004, j’ai déménagé dans le Pacific Northwest où les gens sont très outdoorsy. Ils passent beaucoup de temps dehors et sont actifs », raconte Patricia. Le Pacific Northwest est la grande région regroupant l’Oregon, l’état du Washington, l’Idaho et la Colombie Britannique au Canada, une région bordée à l’est par les Rocheuses et à l’ouest par le Pacifique, une région très connue pour sa « nature sauvage ». « J’ai recherché l’animateur de l’atelier et je l’ai retrouvé à l’Université de Neropa à Boulder dans le Colorado. J’ai suivi un master de psychologie transpersonnelle avec une mineure en écopsychologie, puis des études post-doctorales sur le sujet. Cela m’a amenée à devenir une des pionnières de ce mouvement. » 

Définir l’écopsychologie n’était pas facile à l’époque. « Nous n’étions pas clairs et nous avons dû développer notre « elevator pitch ». L’écopsychologie est un champ de la psychologie qui s’intéresse à la relation des humains avec le monde naturel dont nous faisons partie. Plus tard lorsque j’ai enseigné dans le programme d’écopsychologie à l’université Lewis & Clark à Portland en Oregon pendant 13 ans, nous demandions aux étudiants de développer leurs propres définitions de l’écopsychologie et de l’écothérapie. »

Pour continuer à développer ce champ de la psychologie, Patricia a notamment co-édité en 2012 un livre avec Peter Kahn, professeur à l’Université de Washington : Ecopsychology: Science, Totems, and the Technological Species (MIT Presse). Dans une interview pour le journal Ecopsychology à la sortie du livre, voici ce qu’elle disait : « Peter et moi considérons l’écopsychologie comme le domaine qui est prêt à intégrer ce que nous appelons notre « moi totémique » – notre relation ou notre parenté avec le monde plus qu’humain (more-than-human world), pour emprunter un terme à l’anthropologie – à la culture scientifique et à notre moi technologique. »

Je vais prendre le temps d’inclure une autre citation de cette même interview sur la direction prise par l’écopsychologie après la première génération : « Je peux décrire les cinq orientations que nous avons retenues. La première était l’inconscient écologique, la reconnaissance de l’existence de processus inconscients, y compris ceux de l’identification et de la répression, non seulement dans la relation avec d’autres personnes, mais aussi avec la terre elle-même. Nous nous sommes inspirés du travail de Ted [Theodore] Roszak à cet égard, ainsi que de celui de Paul Shepard.

La deuxième orientation sur laquelle nous nous sommes concentrés était l’expérience sensorielle directe du phénomène de la nature, en tant que source réelle et fondamentale de connaissance et de joie, et en tant que moyen de réaliser pleinement notre potentiel humain. Il s’agit là de l’aspect phénoménologique, et nous nous sommes fortement inspirés des travaux de David Abram. La troisième orientation dont nous nous sommes inspirés est la reconnaissance de l’interconnexion de tous les êtres – représentée par la Théorie Gaïa et l’Ecologie Profonde – selon laquelle la vie humaine est interdépendante des autres vies humaines, de la vie non humaine et du monde non humain, et que nous avons besoin de cette interdépendance.

Quatrièmement, nous avons examiné le niveau transpersonnel, les interactions avec la nature qui conduisent à une santé mentale optimale et aident à développer un sentiment de paix intérieure, de compassion et de confiance qui nous pousse à aller de l’avant dans le service et, enfin, le niveau transcendantal, qui s’engage dans une métaphysique du surnaturel. Telles sont, une fois de plus, les perspectives profondes sur lesquelles nous voulions nous appuyer pour essayer de concevoir ce à quoi pourrait ressembler une écopsychologie revisitée. »

La théorie nourrit la pratique

Dans le cabinet ou hors du cabinet, à quoi ressemble la pratique de l’écothérapie de Patricia ? « Après l’atelier en Californie et de retour sur la côte Est, j’ai commencé tout doucement à intégrer la nature de manière plus intentionnelle dans ma pratique. J’ai commencé à tremper un orteil dans l’eau au cours du premier entretien. En les interrogeant sur leur famille d’origine, je demandais aux patients s’ils avaient des souvenirs spécifiques de moments passés avec tel ou tel membre de leur famille. Souvent, ces souvenirs avaient trait à être dehors, à pêcher, à jardiner. C’est surtout après ma formation à Neropa que j’ai inclus des questions plus spécifiques en leur demandant de me raconter des souvenirs – merveilleux ou effrayants – dans la nature ou bien ce qu’ils aiment faire dehors et combien de temps ils y passent. Je m’intéresse à leur contact passé et actuel avec la nature. Cela ouvre le sujet dès la première séance. »

De manière « organique », le sujet du lien à la nature arrive de plus en plus directement dans les entretiens par le biais du changement climatique, des nouvelles du monde, des grands feux qui ravagent la région. « Les patients sont réconfortés que ces sujets soient importants dans la thérapie ». Depuis 9 ans, Patricia exerce dans un bureau le long de la Willamette River, l’autre rivière qui traverse Eugene. « Mon bureau est à l’étage avec quatre grandes fenêtres qui donne sur les arbres. Je suis dos aux arbres et le patient a une vue directe sur eux. J’ai une fontaine qui apporte une paix sensorielle. Par ailleurs, il y a toujours des fleurs dans mon bureau. Si la fontaine n’est pas allumée ou que j’ai jeté les fleurs, les patients le remarque immédiatement. Les couleurs et les textures sont choisies intentionnellement. J’ai aussi un panier avec des éléments trouvés dans la nature (des pierres, des lichens, des branches,…) qu’ils peuvent utiliser pour exprimer quelque chose de difficile. Nous travaillons avec des métaphores venant de la nature. »

« Talk and walk sessions » et marches sur ordonnance

Patricia propose ce qu’elle a baptisé des « talk and walk sessions », des sessions dehors où on parle et on marche. « Avoir un bureau dont on peut sortir directement le long de la rivière est un plus. C’est plus facile que d’avoir à se déplacer et à programmer un rendez-vous spécial. On peut décider à la dernière minute de sortir faire la session à l’extérieur ou pas », explique la psychothérapeute. « Je remarque que le fait d’être en mouvement et de marcher côte à côte diminue l’anxiété. Les patients sont moins agités que dans le bureau. Pour les jeunes gens, c’est plus facile de s’ouvrir car être dehors normalise la rencontre. Dehors, on n’est pas dans mon espace, mon bureau. Dehors n’appartient à personne. Cela contribue également à les mettre à l’aise. Oui, il y a souvent d’autres marcheurs ou des gens à vélo. Nous échangeons souvent une salutation en tant que membres d’une communauté « outdoors ». Nous en parlons avant de sortir : comment réagir si on croise quelqu’un qu’on connaît. On peut attendre un peu si on parle de quelque chose de sensible ou se tourner vers la rivière si on ressent des émotions fortes. »

« Ces sessions permettent de voir les feuilles d’automne ou un cerisier en fleurs au printemps, mais aussi des animaux dont beaucoup d’oiseaux. Je remarque aussi qu’il y a des heureux hasards, des événements qu’ils connectent à leur expérience. Quelqu’un qui venait de recevoir une mauvaise nouvelle inattendue a remarqué en voyant une oie canadienne se poser maladroitement sur l’eau qu’il se sentait comme cette oie. » D’autres psychothérapeutes mentionnent cette possibilité pour les patients de faire des parallèles éclairants entre leurs ressentis intérieurs et leur perception d’évènements extérieurs.

« Plus récemment, je me suis procurée un bloc pour faire des ordonnances de nature. L’inspiration est le programme Park Prescriptions (ParkRx) lancé par Dr. Robert Zarr, un pédiatre de Washington, DC. J’ai contribué à recenser les parcs disponibles dans ma région pour ce programme. Au début, j’étais assez vague. Mais je suis devenue plus directive. Je leur donne des « devoirs » que nous concevons ensemble et j’écris ce que nous avons décidé. Quand ils reviennent, ils ont fait leurs marches ou autres devoirs. Cela a un impact. Nous avons maintenant assez de bonne recherche sur le sujet et la prescription de nature va devenir une « best practice ». J’espère que les assurances santé vont le reconnaître. Des médecins travaillent avec ces organismes pour faire reconnaître l’intérêt pour l’obésité ou le trouble de déficit de l’attention. »

Recherche et acceptation

Vous aurez un aperçu des publications de Patricia Hasbach sur sa page dédiée. Une des recherches dont elle est le plus fière s’est intéressée aux impacts d’images de la nature sur les personnes vivant dans des environnements gravement dépourvus de nature. « On estime que 5,3 millions d’Américains vivent ou travaillent dans des lieux privés de nature tels que les prisons, les refuges pour sans-abri et les hôpitaux psychiatriques. Un tel éloignement de la nature peut entraîner une « extinction de l’expérience » qui peut conduire à un désintérêt ou à une désaffection à l’égard des milieux naturels, voire à une biophobie (peur de l’environnement naturel). Les personnes qui ne passent que rarement – ou jamais – du temps dans la nature seront privées des nombreux bienfaits physiques et émotionnels que procure le contact avec la nature », était le constat de départ.

Et voici les conclusions de l’étude. « Nous rapportons les effets d’expériences de nature par procuration (vidéos sur la nature) offertes à des détenus de prisons à sécurité maximale pendant un an, et nous comparons leurs émotions et leurs comportements à ceux de détenus à qui on n’a pas offert de telles vidéos. Les détenus qui ont regardé des vidéos sur la nature ont déclaré se sentir nettement plus calmes, moins irritables et plus empathiques, et ont commis 26 % d’infractions violentes en moins que ceux qui n’ont pas regardé les vidéos. Le personnel pénitentiaire a corroboré ces résultats. Cette recherche renforce la valeur de l’exposition à la nature en tant qu’outil puissant, non seulement pour les administrateurs pénitentiaires, mais aussi pour les urbanistes et les décideurs politiques, afin de promouvoir des comportements socialement souhaitables. » Cependant, elle n’aimerait pas que cette étude serve d’excuse pour substituer de simples images à une exposition à la vraie nature.

Aux yeux de la psychothérapeute, l’American Psychological Association (APA) a mis du temps à se saisir du sujet, mais elle est dorénavant complètement engagée. Elle juge normal d’avoir attendu d’avoir assez de données probantes et conseille d’ailleurs de consulter ecoAmerica pour s’informer sur la recherche la plus actuelle. Par exemple, ecoAmerica a collaboré avec l’APA pour produire une nouvelle édition de Mental Health and our Changing Climate : Children and Youth Report, publiée le 11 octobre dernier.

« Je suis très encouragée, pleine d’enthousiasme. En tant que thérapeute, nous avons l’habitude de considérer le patient dans sa dimension intra-psychique, dans ses relations interpersonnelles, dans son système familial et dans ses interactions avec la société et la culture. L’écopsychologie ajoute un nouveau cercle en plaçant le patient dans son système écologique et en prenant en compte sa relation ou sa déconnexion avec les impacts sur le bien-être. »

La crise du changement climatique

« Un autre facteur qui alimente l’intérêt pour l’écopsychologie et l’écopsychothérapie est le niveau d’émotions liées au changement climatique. Il s’agit de profonds facteurs de stress, chroniques et aigus. En septembre 2020, nous avons eu des feux terribles dans la vallée de la McKenzie, 700 maisons ont brûlé et des gens ont été évacués au milieu de la nuit. Ca a duré deux semaines. J’ai vu ensuite des personnes qui avaient des  troubles du stress post-traumatique. Nous sommes la nature. A un niveau très profond, nous vivons un deuil que nous en ayons conscience ou pas. La dépression est endémique. Je me demande quelle est la part d’une douleur profonde et non reconnue pour le monde plus qu’humain. Si en tant que thérapeute, nous n’avons pas ces éléments sur notre radar, comment pouvons-nous arriver jusqu’aux plus profonds niveaux de la dépression ? »

Grounded, un livre pratique pour le grand public

Une partie de la réponse est dans son dernier livre, Grounded (Simon and Schuster, 2022), un livre né de la pandémie Covid. « J’ai été contactée pour écrire ce livre en pleine pandémie. L’éditrice m’a dit que mon nom ressortait constamment dans ses recherches. L’objectif était d’apporter certaines de mes pratiques au grand public pendant cette période. Les urbains, même s’ils ont grandi au contact de la nature, en deviennent vite éloignés. La nature est autour de nous tout le temps, mais cela demande un effort. » Le livre a été bien reçu et entendre que des thérapeutes le conseillent à leurs patients lui fait chaud au cœur. «  La pandémie a augmenté la conscience de l’interconnexion. Elle a aussi permis aux gens de ralentir et d’apprécier le temps passé à la maison. » Le livre n’est pas disponible en français, mais il est écrit dans un anglais très accessible.

Et pour ponctuer cet échange nourrissant avec Patricia Hasbach que je remercie sincèrement, je vous signale la parution en français en octobre 2023 du livre de Theodore Roszak, Allen Kanner et Mary Gomes. Ecopsychologie : Le soin de l’âme et de la Terre est publié chez Wildproject. Et de plus la tenue d’une journée d’étude…demain, mardi 7 novembre, par la Chaire de Philosophie à l’hôpital du Cnam. Une belle façon de célébrer cette traduction française, 28 ans après la publication de l’original.

Se former à l’hortithérapie aux quatre coins du monde

La formation est au cœur de la reconnaissance de toute pratique et donc bien sûr de l’hortithérapie. Une matière qu’on n’enseigne nulle part – même officieusement, même hors des canaux traditionnels de l’enseignement – peut-elle vraiment exister ? Comment peut-elle avoir une place officielle, se transmettre, évoluer ? La formation est une condition nécessaire même si elle n’est pas suffisante.

En France, nous avons franchi une étape avec la création récente du Diplôme Universitaire (DU) Santé et Jardins à la Faculté de Médecine de l’Université de Saint-Etienne. Plus globalement, je vous renvoie à la rubrique Formations du site de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé qui répertorie les formations courtes disponibles en France. Soit une bonne douzaine de formations dont certaines ont été créées il y a plus de 10 ans. Cependant, il n’existe toujours pas de diplôme d’hortithérapie en France.

Alors est-ce que se former ailleurs dans le monde est une option ? Il y a évidemment certains obstacles non négligeables (la langue, le financement, le visa,…), mais c’est une possibilité. Pour savoir ce qui existe hors de nos frontières, une première étape serait de se référer à un article que j’ai publié en mars 2023 sur les 14 associations qui font bouger l’hortithérapie dans le monde. Elles listent à coup sûr les ressources en formation dans leurs pays respectifs.

Voici quelques pistes en Europe (Royaume-Uni, Autriche, Suède, Espagne et en Italie), aux Etats-Unis, au Japon ou en Australie.

Se former au Royaume-Uni

Une option, géographiquement proche, est le Royaume-Uni où existent au minimum deux bonnes options : Thrive et Trellis.

Pour Thrive, le point de départ est cette page où l’on peut faire une recherche selon plusieurs critères : le format (en ligne, en classe à Londres, Reading, Bristol ou Birmingham ou en hybride), le niveau (introduction à enseignement supérieur) ou la spécialisation (santé mentale, troubles de l’apprentissage, enfants, seniors,…). La formation la plus aboutie et approfondie est le Diploma in Social and Therapeutic Horticulture. En effet, cette formation de niveau 5 se prépare en deux ans, chaque année étant composée de 60 crédits, soit 600 heures d’enseignement. A noter que la formation n’est pas certifiée par l’OFQUAL.

Du côté de Trellis, vous trouverez des ateliers disponibles en ligne qui s’apparentent plutôt à des formations continues courtes qu’à des formations initiales. Voici la liste de ces opportunités, surtout les LIVE Demonstration et les sessions en ligne GROWING SERIES.

Il est intéressant de voir comment un site gouvernemental anglais comparable à l’Onisep décrit la profession de « horticultural therapist ».

Une partie des formations proposées par Thrive en Angleterre

Se former en Autriche

La Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik (Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale) à Vienne propose un programme « expert académique en thérapie par le jardinage » et un Master Green Care. Birgit Steininger, chargée de cours et rattachée à la direction de la formation de l’école viennoise, nous en avait expliqué le principe en 2022.

« Nous sommes un collège universitaire qui forme des enseignants. Ce que nous avons créé au sein du Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale, et en collaboration avec la faculté de médecine, est un certificat « expert académique en thérapie par le jardinage » (« academic expert in garden therapy »). Nous pensons que c’est un atout d’avoir de nombreux professionnels différents dans ce domaine. Dès la formation, cela suscite des échanges intéressants entre étudiants. C’est donc une formation continue en deux ans, soit 16 weekends de cours et deux stages. »

« Effectivement, nous sentions qu’il y avait une demande pour un diplôme d’enseignement supérieur. En 2012, nous avons créé le Master Green Green, qui comprend aussi la thérapie avec les animaux. Le critère d’entrée est d’avoir une licence. Nous attirons des travailleurs sociaux, des enseignants, des ergothérapeutes, etc…Que ce soit pour le certificat ou le master, je leur dis qu’ils ne deviendront pas des thérapeutes. C’est plutôt un outil à ajouter à leur pratique qu’une nouvelle profession. Nous organisons aussi des conférences chaque année. »

La Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik publie aussi un magazine baptisé Green Care, une ressource intéressante pour les germanophones

Se former en Suède

La Suède se distingue par un programme d’hortithérapie et d’écothérapie exceptionnel, le Alnarp Rehabilitation Garden que vous pouvez découvrir dans cette présentation d’Anna María Pálsdóttir. Maître de conférences en psychologie environnementale à l’Université suédoise des sciences agricoles (SLU), au département « People and Society », elle est horticultrice professionnelle et titulaire d’une licence en biologie et sciences horticoles, ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en aménagement du paysage et psychologie environnementale. Elle est l’une des fondatrices du Master Outdoor Environments for Health and Wellbeing (OWH).

« Ce programme s’adresse aux étudiants issus de différents domaines académiques ou professionnels. Il fournit des perspectives et des concepts scientifiques dans les matières concernées, dans un contexte interdisciplinaire, qui peuvent être utilisés à la fois pour comprendre et expliquer les interactions entre les personnes et l’environnement physique extérieur, et pour appliquer les connaissances acquises dans différents contextes sociétaux.

Parmi les exemples de sujets interdisciplinaires figurent la thérapie assistée par la nature et la promotion de la santé, ainsi que le rôle des environnements extérieurs dans l’apprentissage et le développement, par exemple l’éducation et la réhabilitation en plein air. Il s’agit également de perspectives plus larges telles que l’aménagement de l’espace ou la conception du paysage, qui s’appuient sur la psychologie de l’environnement. Une attention particulière est accordée à l’importance des environnements extérieurs pour le développement individuel, la qualité de vie, le bien-être et la santé. »

Ce master, enseigné en anglais et à distance, vaut sans doute le détour. La prochaine promotion débutera à l’automne 2024 et les étudiants internationaux ont jusqu’au 15 janvier 2024 pour envoyer leur candidature…

Se former en Espagne ou en Amérique latine

Pour les hispanophones, il y a des opportunités très intéressantes et pour tous les niveaux offertes par l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica), fondée par Leila Alcalde Banet et Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi. Leur offre de formation est décrite ici.

En Amérique latine, le Pérou dispose de l’Instituto de Horticultura Terapéutica y Social (IHTS-PE), dirigé par Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, qui offre un programme complet de formation hybride en HT pour les professionnels hispanophones du monde entier, depuis 2014. Mentionnons aussi l’Association péruvienne d’horticulture thérapeutique et sociale (APHTS) actuellement impliquée dans le projet NATURELAB EU PROJECT, un projet de recherche financé par Horizon Europe qui vise à démontrer que les interventions basées sur la nature sont efficaces et devraient être prescrites.

Se former en Italie

Pour compléter notre tour d’Europe, n’oublions pas l’Italie. Quand elle s’est intéressée à l’hortithérapie, Ania Balducci a dû quitter Florence pour aller se former aux Etats-Unis (Horticultural Therapy Institute) et en Angleterre (Thrive). Cet exil lui a donné la motivation pour créer un programme à l’Université de Bologne. En 2021, une première formation courte et hybride, moitié en ligne et moitié en face à face, a eu lieu. Puis le master est lancé en 2022 avec plusieurs formateurs et un terrain d’application dans un parc proche.

Se former aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, l’hortithérapie (horticultural therapy) a gagné une légitimité – bien qu’elle ne soit pas encore suffisamment reconnue et développée – grâce aux formations universitaires. Le premier master d’hortithérapie est proposé en 1955 à la Michigan State University sous l’influence d’Alice Burlingame. Cette pionnière est aussi l’auteur avec Donald Watson d’un premier manuel, Therapy through Horticulture, qui paraît en 1960 et qui est toujours disponible. A partir des années 70, plusieurs universités développent des licences (Bachelor’s or B.S.) et des masters dans cette spécialité. En 1981, on en comptait huit.

Pour en savoir plus sur l’offre actuelle de formations universitaires, voici la page de l’AHTA. En résumé,

  • Colorado State University offre un B.S. in Horticulture with a concentration in Horticultural Therapy
  • Delaware Valley University, un B.S. in Horticulture with Option in Horticultural Therapy
  • University of Florida, unB.S. in Horticultural Science with a specialization in Horticultural Therapy
  • Oregon State University, un B.S. in Horticulture with a concentration in Therapeutic Horticulture
  • Rutgers, the State University of New Jersey, unB.S. in Plant Biology with a specialization in Horticultural Therapy
  • Tennessee Tech University, un B.S. in Agriculture with a concentration in horticulture, with independent study in horticultural therapy
  • University of Tennessee, Knoxville, unB.S. in Plant Sciences, with independent study in horticultural therapy
  • Temple University en Pennsylvanie, un B.S. in Horticulture with option in Horticultural Therapy

Autre voie, les certificats accrédités par l’AHTA et les parcours individuels de formation à l’hortithérapie, listés ici. La référence pour moi dans ce domaine reste le Horticultural Therapy Institute (HTI) où j’ai suivi une formation, non diplômante, dans les années 2010. A savoir que HTI a l’habitude de recevoir des étudiants étrangers (voir l’expérience de Daniela ou d’Ania) et propose par ailleurs des cours en ligne.

Pour comprendre les procédures d’inscription professionnelle de l’AHTA et la liste des connaissances exigées, voici le lien indispensable : « L’AHTA reconnaît et enregistre les hortithérapeutes par le biais d’un programme d’enregistrement professionnel volontaire. La désignation Horticultural Therapist-Registered (HTR) garantit que les compétences professionnelles ont été acquises sur la base d’exigences académiques normalisées et d’une formation professionnelle. »

Sans doute le premier manuel d’hortithérapie au monde à sa publication en 1960
Jay Rice, enseignant au HTI depuis ses débuts, et des stagiaires pendant un cours

Se former au Japon

En 2015, j’avais échangé avec l’universitaire Masahiro Toyoda, considéré comme l’un des principaux experts de l’hortithérapie au Japon. Professeur à l’université de Hyogo, il est lui-même hortithérapeute et chercheur dans ce domaine. Il semble qu’il enseigne toujours actuellement au sein d’un programme de certification en hortithérapie à la Awaji Landscape Planning and Horticulture Academy (ALPHA), unique établissement formant des hortithérapeutes au Japon à être accrédité par un gouverneur de préfecture. Le programme est né en 2002 peu après le tremblement de terre de Hanshin-Awaji de 1995.

Se former en Australie

Je mentionne l’Australie parce que c’est une terre d’aventure pour de nombreux jeunes Français. La Therapeutic Horticulture Association avertit que « En 2022, il n’existe pas de programmes d’enseignement et de formation accrédités dans le domaine de l’horticulture thérapeutique en Australie (selon le cadre de qualification australien). Toutefois, il existe plusieurs ateliers d’introduction et programmes de cours de courte durée proposés par différents établissements d’enseignement publics et privés. Il s’agit par exemple des programmes proposés par des groupes d’État tels que CERES (Vic), Kevin Heinz GROW (Vic) et ACS Distance Education (en ligne).  Une seule matière est proposée sous la forme d’un cours intensif d’une semaine à l’université de Melbourne en septembre (HORT90011 Therapeutic Landscapes).

Voici les liens vers ces formations cités par THA : CERES (Victoria), Kevin Heinz GROW (Victoria), ACS Distance Education et le cours Therapeutic Landscapes de l’université de Melbourne.

Une des formations citées par la THA en Australie

Le chantier européen de Hortus Medicus

Une autre piste de formation à l’hortithérapie, encore en chantier, est le projet européen Hortus Medicus qui rassemble des institutions en Hongrie, en Autriche, en Italie et en Roumanie. « L’objectif du projet Hortus Medicus est de développer un programme complet de formation à la thérapie horticole de 120 heures, comprenant du matériel pédagogique et un contenu d’apprentissage en ligne. Le programme de formation comprend un curriculum et un manuel. Ces deux ressources éducatives fusionneront les philosophies et pratiques existantes et nouvelles dans le domaine de la thérapie horticole. Nous voulons créer une formation innovante qui peut être dispensée de manière traditionnelle, sous la forme d’un enseignement par contact, mais aussi sous la forme d’un apprentissage mixte, avec des parties théoriques en e-learning. » A suivre…

Frédéric Gabellec : un Breton voyageur devenu « horticultural therapist » outre-manche

La première fois que Frédéric Gabellec a quitté la France pour explorer le monde, c’était déjà pour une aventure horticole. Ses diplômes « Jardins et Espaces Verts » en poche, il a envie d’aller voir ailleurs. C’était il y a bientôt 30 ans et c’est dans l’Oregon aux Etats-Unis qu’il débarque.

« J’ai travaillé pendant un an dans une grosse pépinière avec un visa étudiant. C’était dans la petite ville de Boring près de Portland et du Mont Hood. La culture en pleine terre, le pest control, l’expédition, j’ai vu tout cela de A à Z. Mon but était aussi de pratiquer l’anglais. J’ai rencontré des étudiants de pleins de nationalités. Ce fut une expérience professionnelle et humaine, une année loin de ma famille, qui m’a ouvert les yeux au monde », se souvient-il lorsque nous discutons un samedi matin au début de l’été en visio. Puis après un retour en France pour le service national, encore obligatoire à la fin des années 1990 – il est affecté en grande partie à l’entretien de jardins à Lorient, le voilà reparti en Australie pour un an.

Une première expérience dans la « social horticulture »

Nouveau retour en France et nouvelle opportunité qui va l’aiguiller pour la première fois vers une horticulture tournée vers l’humain. « L’hortithérapie a commencé par hasard. J’ai contacté un ancien maitre de stage qui travaillait dans un CAT (les centres d’aide par le travail, aujourd’hui renommés établissements ou services d’aide par le travail ou ESAT). Ce n’était pas évident car je n’avais pas d’expérience. Mais ce premier contact a été une bonne introduction. Puis j’ai fait d’autres CDD dans la région de Lorient. » Pour décrire la suite, il doit passer à l’anglais comme beaucoup d’expatriés qui naviguent entre deux langues. « Itchy feet », littéralement les pieds qui démangent. La bougeotte !

Cette fois, direction le Canada qui lui tend les bras car on recherche de la main d’œuvre dans le pays à l’époque. Le Québec d’abord, puis l’Ontario anglophone où il prend des responsabilités dans une pépinière qui lui confie aussi des tâches commerciales grâce à sa maitrise du français. Il passera au final 5 ans au Canada. Avant de le quitter, il a préparé son retour en Europe : un job l’attend chez Hillier Nurseries, une pépinière implantée dans le Surrey et tenue par la même famille depuis plus de 100 ans.

11 ans à cultiver l’autonomie de personnes handicapées

C’est là que l’hortithérapie lui revient à l’esprit et commence à le « titiller ». Dans le Surrey où il vit toujours aujourd’hui, il s’implique dans une association caritative, The Grange at Bookham for People with Disabilities. « J’ai travaillé 11 ans auprès de personnes handicapées qui étaient résidentes et avaient des activités journalières. On ne peut parler d’hortithérapie, mais l’horticulture s’est développée au fur et à mesure. On enseignait différentes tâches tout au long de l’année : semis, repiquage, plantation, rempotage jusqu’à la récolte. Au lieu de regarder le handicap, nous cherchions les aptitudes et nous nous efforcions d’adapter les tâches. Il s’agissait de promouvoir l’indépendance et de les laisser faire. S’ils terminaient la journée avec le sourire, nous avions fait notre boulot », raconte Frédéric qui, de son côté, apprend la patience auprès de ces élèves qui ont besoin d’explications simples pour comprendre que, finalement, la nature prend son temps.

« Ce fut une bonne expérience qui m’a ancré dans l’idée qu’avec l’horticulture thérapeutique, on peut faire pleins de choses avec peu de moyens. C’était aussi un travail sur soi. Au lieu d’aller vite dans les tâches comme dans mes autres boulots, il fallait ralentir et m’adapter en apprenant à les connaître. Des liens se créaient. Cette expérience m’a ouvert les yeux sur ces personnes. Ca ne s’apprend pas à l’école. Je ne savais pas que j’avais en moi cette capacité « to care for », de prendre soin des personnes et des plantes pour leur donner tout ce qui leur est bénéfique et les soutenir. »

Back to school avec Thrive et l’Université de Coventry

En 2014, Frédéric s’inscrit pour une formation de 10 mois dispensée par l’Université de Coventry, l’association Thrive et le Pershore College dans les Cotswolds. « En 2015, j’ai obtenu un diplôme professionnel de niveau 3 en « Social and Therapeutic Horticulture ». La formation était un mélange d’ateliers et d’études de cas sur le terrain. » Aujourd’hui, Thrive offre sa propre formation en deux ans.

Après 11 ans dans l’association The Grange, Frédéric a envie de travailler avec un nouveau public : les vétérans. « Un de mes collègues de la formation quittait son travail pour une association de vétérans, Gardening Leave, et j’ai repris son poste. Je ne connaissais pas la vie des soldats à part ce qu’on voit dans les actualités. En tant que civil, je devais établir la confiance avec ces gars, ces militaires qui décrivaient leurs expériences en Afghanistan ou en Irak. On en prend « plein la gueule ». Pour eux, venir en transport en commun était difficile à cause de la foule. Ils étaient hyper vigilants. » Avec ces soldats pour beaucoup traumatisés, Frédéric pratique l’hortithérapie : du semis et du repiquage pour se concentrer dans le moment par exemple. « On préparait notre déjeuner ensemble, on faisait la vaisselle. Ils se sentaient protégés. Cela a été une de mes meilleures expériences malgré sa courte durée. Car malheureusement, les cinq sites de l’association en Angleterre et en Ecosse ont dû fermer faute de moyens. Qu’est-ce qu’il y avait après pour eux ? »

Formation à l’horticulture derrière les barreaux

Faute d’opportunités dans l’horticulture thérapeutique et sociale près de chez lui, Frédéric retourne un temps à l’horticulture tout court comme « head gardener » dans un domaine privé de 4 hectares. Mais il se lance bientôt dans une nouvelle aventure dans « Her Majesty’s Prison and Probation Service (HMPPS) » comme instructeur en horticulture. « Dans cette prison de 200 femmes, nous formions à l’horticulture comme un potentiel métier, avec des diplômes de niveau 1 et 2. C’était beaucoup plus cadré. Mais ce n’est pas facile d’être dans le froid et la pluie quand on n’a pas l’habitude. Il était nécessaire de motiver, de persuader. Il fallait établir de bonnes relations professionnelles en tant qu’instructeur sans juger. Ce poste m’a ouvert les yeux sur la violence domestique et des difficultés qui sont décrites de manière très succincte à la télé. J’ai appris ce que ce sont l’automutilation, les tentatives de suicide et aussi comment fonctionne le système carcéral. Ce n’est pas toujours joli. Souvent nous n’avions de nouvelles par la suite. Je suis parti sur une satisfaction. C’était « rewarding ». »

The French Gardener : une nouvelle aventure

« Je me suis mis à mon compte comme paysagiste en 2018 », explique « The French Gardener ». Mais une partie de son activité reste dédiée à l’horticulture tournée vers l’humain. « The Abbey School est une école secondaire qui accueille des enfants de 11 à 15 ans avec des « special needs » (autisme, troubles de l’apprentissage). J’y travaille comme « horticultural instructor » depuis 2018. Une fois par semaine, ils viennent dans un « sensory garden » où on apprend le b.a.-ba de l’horticulture sans vocabulaire technique. De septembre à juin, aidé par un « teaching assistant », j’accueille huit gamins avec des aptitudes diverses. Ils obtiennent une qualification (ASDAN) qu’ils pourront utiliser par la suite. » Avec leur instructeur, les jeunes apprennent à travailler avec les saisons, d’où viennent les fruits, comment poussent les plantes. Ils apprennent à comprendre la nature. Nous goûtons les fraises, les petits pois. Nous faisons la classe à l’extérieur. Nous avons un abri avec l’électricité. Mais nous sommes surtout dehors dès que nous pouvons. Je leur donne du travail à la maison comme observer le jardin de leurs parents ou de leurs grands-parents ou bien écrire sur ce que leur apporte le jardin. »

En 2019, Frédéric ajoute une nouvelle activité au sein d’une association caritative implantée à Dorking, la Patchwork Academy. Là encore, il s’agit de former et d’accompagner vers des diplômes de niveau 1 et 2 en horticulture. Mais cette fois, les étudiants sont des adultes de 30 à 60 ans vivant avec des troubles psychiques tels que des troubles anxieux ou des troubles de stress post-traumatique (TSPT ou PTSD en anglais). « Nous sommes trois instructeurs et examinateurs. » Pour vous plonger dans l’ambiance, voici quelques photos partagées par Frédéric.

« Depuis le mois mars, j’ai une nouvelle activité comme « social and therapeutic horticulture practitioner » avec le Petworth Community Garden. L’objectif est d’aider des personnes qui ont des ressources financières limitées à accéder à des fruits et légumes frais. Ce n’est pas une formation, mais nous apprenons le le b.a.-ba du potager et de la récolte. Nous travaillons aussi l’aspect social en travaillant et en mangeant ensemble avec les participants. »

Pour plus de détails sur ses nombreuses expériences, vous pouvez entrer en contact avec Frédéric sur LinkedIn. Il aime ce réseau pour l’ouverture qu’il lui offre sur les projets d’autres hortithérapeutes dans le monde entier. Il essaie aussi de visiter des jardins thérapeutiques autour de chez lui. Et comme tout le monde dans ce domaine, il déplore que les associations doivent se battre sans cesse pour obtenir des financements. « C’est la croix et la galère pour les associations.  Quant à moi, j’ai trouvé un bon équilibre. Tous les jours sont différents et je suis dans un rayon autour de Dorking où je vis avec ma famille. Cela fait 30 ans que je travaille dans l’horticulture et 20 ans dans l’horticulture sociale et thérapeutique. J’aime l’enseignement, ça me motive. A la fin de la journée, je suis fatigué, mais content. Ca fait plaisir de faire ce travail. »

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais Frédéric fait souvent le constat que ses expériences lui ont ouvert les yeux, lui ont permis d’aller au plus près de réalités nouvelles. La curiosité, l’ouverture à l’autre et la connaissance de soi semblent des dénominateurs communs dans son aventure.

Cadeau de Frédéric : quelques photos du Chelsea Garden Show

Constanza Sabogal : témoignage d’une hortithérapeute en Argentine

J’ai fait la connaissance virtuelle de Constanza Sabogal sur LinkedIn où nous avons de nombreuses connections communes sur plusieurs continents. Il me semble que c’est à l’occasion du International Therapeutic Horticulture Day en mai que j’ai eu envie d’en savoir plus sur sa pratique en Argentine. Parce que nous n’avons pas une langue commune dans laquelle nous nous sentons assez sûres pour communiquer oralement, nous avons conduit cet échange par écrit ces dernières semaines. Merci, Constanza.

Constanza Sabogal

Comment as-tu commencé à t’intéresser aux bienfaits du jardinage sur la santé mentale ?

Je pense que l’intention a toujours été de collaborer à l’amélioration de la qualité de vie des personnes qui traversent des difficultés majeures. J’ai d’abord commencé avec des groupes de personnes âgées, mais mon intérêt pour l’accompagnement des personnes souffrant de handicaps intellectuels ou physiques m’a amenée à me concentrer sur elles, et surtout à collaborer à la récupération d’espaces parfois inutilisés ou stériles, en les transformant en de véritables jardins et vergers pleins de vie.

Quelle est ton expérience professionnelle et ta formation en hortithérapie ?

J’ai suivi une formation d’hortithérapeute à l’Asociación Argentina de Terapia Hortícola et j’ai étudié et enrichi mes connaissances dans le cadre de différents cours jusqu’à aujourd’hui. Je travaille depuis plus de 8 ans à l’élaboration de programmes de jardins potagers et de jardins avec une vision holistique et une intention thérapeutique, en créant des espaces de contact avec la nature où chacun trouve un lieu sûr, inclusif et diversifié, où l’on peut collaborer au rétablissement de l’individu ou du groupe social en vue d’améliorer sa qualité de vie.

Peux-tu décrire les projets auxquels tu participes actuellement ?

Je développe actuellement un programme d’intégration pour les personnes handicapées, que j’ai proposé à la municipalité de San Isidro, située au nord de la capitale Buenos Aires, en Argentine. Je développe un jardin potager où les personnes souffrant de déficiences intellectuelles et de problèmes de santé mentale trouvent un espace où elles peuvent réaliser différentes activités horticoles et de jardinage. L’échange est immensément riche et profitable pour nous tous qui vivons ces moments, dans lesquels nous sommes également touchés par nos propres transformations.

Les personnes qui viennent peuvent collaborer en tant que bénévoles ou travailler et recevoir un revenu pour leur travail. L’espace intègre également des bénévoles de différents âges, des personnes âgées, des voisins de la communauté, des étudiants, tous ceux qui veulent donner de leur temps pour la croissance de l’espace. C’est ainsi que le lieu, le jardin potager, coexiste avec la diversité, recréant en quelque sorte la coexistence qui existe dans la nature. Il y a actuellement deux jardins potagers dans deux localités de la municipalité.

Et est-ce que tu as des projets antérieurs dont tu aimerais nous parler ?

Oui, il y a eu une expérience qui m’a amenée à aller plus loin et à trouver plus d’outils pour que les participants puissent avoir un plus grand contact avec la nature et en percevoir les bénéfices. À la Casa Angelman, un centre de référence pour les pays hispanophones qui répond aux défis auxquels sont confrontés les enfants atteints du Syndrome d’Angelman (*) et de diagnostics similaires, j’ai dirigé pendant 4 ans un atelier où des pratiques spécifiques étaient utilisées pour aider à la compréhension de certaines connaissances et collaborer avec les expériences qui se produisent dans un espace naturel en plein air. Ce fut une expérience merveilleuse et le travail, à la fois le processus et les résultats finaux, ont été précieux et des changements positifs ont pu être observés chez les enfants.

Que peux-tu nous dire sur l’état de l’hortithérapie en Argentine ?

Bien que le sujet ne soit pas complètement inconnu dans le pays, les bénéfices au niveau individuel et collectif qu’il promeut dans l’environnement urbain ne sont pas suffisamment valorisés, ce qui rend difficile de comprendre comment inclure cette perspective, en particulier dans la mise en œuvre de la destination des programmes.

Tu étais récemment en Espagne. Est-ce que tu as constaté des différences ou des similitudes avec ce que se passe en Argentine dans le monde de l’hortithérapie ?

La vérité est que ce voyage était entièrement consacré au plaisir et au repos. Mais je suis en contact permanent avec des thérapeutes de différents pays, d’Espagne, du Royaume-Uni, du Pérou, du Chili, etc. et nous nous retrouvons dans ce que nous vivons et je dirais que dans toutes nos expériences, bien qu’elles n’aient pas été exemptes de certains obstacles, les résultats ont toujours été positifs, ce qui révèle les avantages de la thérapie horticole dans tous les domaines.

Vous pouvez suivre Constanza sur LinkedIn et sur son site Jardines que curan

* Le Syndrome d’Angelman est une maladie génétique. Il entraîne un retard de développement, des problèmes d’élocution et d’équilibre, ainsi qu’une déficience intellectuelle.

Pour conclure, une note franco-française sur la première promotion du DU Santé et Jardins de l’Université de Saint-Etienne. La Fédération Française Jardins Nature et Santé publie en intégralité les huit mémoires qui ont reçu les félicitations du jury. A portée de clic. Bravo à toute la promotion et aux organisateurs.

En Ouganda, un chercheur s’intéresse aux effets bénéfiques du jardinage

Dans une étude menée auprès d’aidants, Herbert Ainamani et ses collaborateurs posent le contexte : « Des données provenant de pays à revenus élevés suggèrent que le jardinage est associé à une réduction de la dépression, de l’anxiété et du stress. Les avantages du jardinage sont moins bien compris par les praticiens de la santé mentale et les chercheurs des pays à faibles et moyens revenus. » Ils se sont donc attelés à la tâche de mieux comprendre les bienfaits du jardinage en Ouganda.

Herbert Ainamani, Maître de conférences – Psychologie clinique
École de médecine de l’université de Kabale (KABSOM) en Ouganda
Département de santé mentale

C’est à travers le prisme de la maladie d’Alzheimer, une question également peu étudiée jusque là dans cette région du monde, qu’ils ont abordé la question. « L’idée même de la maladie d’Alzheimer est nouvelle en Afrique et dans les pays en développement. En 2018, j’ai reçu un financement des NIH pour étudier la démence et le fardeau des aidants familiaux », m’explique Herbert Ainamani pendant une conversation en visio. Deux études viennent éclairer cette question, l’une qualitative et l’autre quantitative. Elles concluent que « les aidants familiaux des personnes atteintes de démence dans les zones rurales de l’Ouganda sont très sollicités, ce qui est associé à des symptômes de dépression et d’anxiété. Les interventions visant à réduire cette charge peuvent avoir d’importants effets bénéfiques sur la santé mentale. »

Suite à ces deux études, le chercheur en psychologie au Département de Santé Mentale de l’Ecole de Médecine de l’Université de Kabale, reçoit un coup de fil d’IMMANA (The Innovative Methods and Metrics for Agriculture and Nutrition Actions). Ce programme s’est donné pour objectif le développement d’une solide base de données scientifiques nécessaires pour guider les changements dans les systèmes agricoles et alimentaires mondiaux afin de nourrir la population mondiale d’une manière à la fois saine et durable.

« IMMANA cherchait quelqu’un qui avait déjà des données comme celles de mes études précédentes. En jouant sur nos données avec les outils statistiques, nous avons vu qu’il y avait bien une relation entre le jardinage, la dépression et l’anxiété », s’émerveille Herbert Ainamani. « J’ai commencé à réaliser qu’il y avait toute une littérature sur le jardin et les espaces verts en relation à la santé mentale, mais rien en Afrique. J’aime la nature et je me suis passionné pour le sujet. » Mais le mentor du chercheur ne se satisfait pas de ces données « recyclées » qui n’avaient pas été collectées dans cette intention. Il faut une nouvelle étude.

Activités de jardinage et amélioration de la santé mentale chez les aidants familiaux

« J’ai écrit une proposition d’étude pour obtenir un financement d’IMMANA. Nous avons pu collecter de nouvelles données pour étudier la relation entre activités jardinage et amélioration de la santé mentale chez les aidants familiaux de personnes atteintes de démence dans les zones rurales de l’Ouganda, spécifiquement dans les districts de Rukiga et Rubanda dans le sud ouest du pays. »

L’hypothèse ? « Nous avons émis l’hypothèse que les aidants familiaux qui participent activement au jardinage présenteraient moins de symptômes de dépression, d’anxiété et de stress que les aidants familiaux qui ne participent pas au jardinage. »

Pour la méthode, « Dans le cadre d’une étude transversale, nous avons interrogé 242 aidants familiaux de personnes atteintes de démence afin de connaître leurs activités de jardinage, leurs symptômes de dépression, d’anxiété et de stress (Depression Anxiety Stress Scales) et le fardeau de la prise en charge (Zarit Burden Interview).  Sur les 242 participants, 131 (54%) aidants familiaux pratiquaient le jardinage. »

Et la conclusion ? « la participation des aidants à des activités de jardinage a été associée à une moindre gravité des symptômes de dépression, d’anxiété et de stress. S’ils sont reproduits, nos travaux suggèrent une intervention potentielle susceptible d’être à la fois culturellement acceptable et potentiellement efficace pour améliorer le bien-être mental de cette population à haut risque. »

Le district de Rukiga où Herbert Ainamani a mené une partie de son étude

Jardinage de subsistance vs. jardinage de loisirs

Les chercheurs pointent une limitation. « Nous notons que le contexte culturel de la présente étude diffère considérablement des quelques études existantes sur les avantages du jardinage pour la santé mentale, qui sont basées sur des données collectées dans des pays à revenu élevé, où la participation au jardinage est largement considérée comme une activité de loisir volontaire, contrairement à de vastes régions d’Afrique subsaharienne, où la participation à une activité de jardinage est souvent essentielle pour la subsistance …il est possible que l’insécurité alimentaire puisse fausser nos estimations. »

Mais ils concluent en s’appuyant sur d’autres recherches sur l’insécurité alimentaire : « Nous sommes donc raisonnablement convaincus que notre incapacité à ajuster l’insécurité alimentaire, ou d’autres indicateurs du statut socio-économique tels que la richesse des ménages n’a probablement pas faussé nos estimations au point que les associations estimées seraient complètement expliquées par un tel ajustement. »

Ce que Herbert Ainamani maintient lors de notre discussion. « Pour la plupart des gens, le jardinage est obligatoire dans ces zones rurales. Il s’agit d’un jardinage de subsistance qui fait partie de ce qu’ils doivent faire pour survivre. Cela va de pair avec la sécurité alimentaire et constitue un tampon contre le développement de troubles mentaux. En outre, l’activité physique est une protection contre les maladies cardiovasculaires. Et s’occuper du jardin, c’est s’occuper de quelque chose et avoir un rôle et un but. »

Le district de Rubanda, également lieu d’étude pour les chercheurs ougandais

Incorporer une nouvelle intervention dans la prévention en santé mentale

Fort de ces conclusions, Herbert Ainamani se fait l’avocat des activités de jardinage dans un deuxième article publié en 2022 dans la même revue, Preventive Medicine Reports. « Notre commentaire fournit des preuves tirées de la littérature selon lesquelles la participation à une activité de jardinage est psychologiquement thérapeutique, améliore la sécurité alimentaire et la santé physique. » Première étape.

« Nous proposons que les cliniciens, les chercheurs et les décideurs politiques considèrent la participation à des activités de jardinage comme une intervention préventive potentielle en matière de santé mentale pour les personnes de tous âges. Les cliniciens et autres prestataires de soins de santé devraient encourager leurs patients à aménager un petit jardin dans leur cour ou leur propriété, et à créer des espaces verts avec des arbres et des fleurs autour de leur maison. Des jardins et des espaces verts devraient être aménagés autour des hôpitaux et des autres centres médicaux. En outre, les salles d’hôpital devraient être dotées de fenêtres permettant aux patients de voir des scènes naturelles et des arbres à l’extérieur des bâtiments. »

D’une préoccupation environnementale à une application thérapeutique

Le chercheur a déjà d’autres projets en tête. « J’aimerais explorer ces questions dans un cadre clinique, avec des personnes souffrant de diagnostics tels que la dépression, en comparant deux groupes, l’un composé de personnes ayant un jardin à la maison et l’autre de citadins n’ayant pas de jardin. J’aimerais réaliser des études à l’aide de tomodensitogrammes. Si nous trouvons de l’argent, il serait intéressant de donner aux gens des jardins pour qu’ils y participent pendant un an et de réaliser une étude contrôlée. J’aimerais également étudier le jardinage pour les réfugiés. » En effet, son domaine d’expertise est le syndrome de stress post-traumatique et la recherche de traitement psychologique au sein de communautés en situation de conflit et d’après-conflit, telles que celles du Burundi, du nord de l’Ouganda et de la République démocratique du Congo (RDC). Il est notamment formé à la thérapie d’exposition narrative (NET-KIDNET), une intervention de traitement psychologique pour les enfants et les adultes traumatisés.

Il fait remarquer qu’il existe en Ouganda une politique nationale de mise en place d’espaces verts autour des bâtiments résidentiels. « Cette politique n’est pas suivie », regrette-t-il. « Il n’y a pas de prise de conscience des effets bénéfiques sur la santé. C’est juste de la littérature scientifique pour le moment. En Ouganda, on parle un peu de deuil écologique, des personnes qui ont pu constater les changements depuis leur jeunesse et qui s’inquiètent. Ils ont peur de la déforestation, du changement climatique. La politique sur les espaces verts est née de cette inquiétude, mais pas d’un souci pour la santé mentale. » Rien n’empêche les deux préoccupations de se renforcer l’une l’autre.

Les études d’Herbert Ainamani et de ses collaborateurs

Ainamani, H. E., Bamwerinde, W. M., Rukundo, G. Z., Tumwesigire, S., Kalibwani, R. M., Bikaitwaho, E. M., & Tsai, A. C. (2021). Participation in gardening activity and its association with improved mental health among family caregivers of people with dementia in rural Uganda. Preventive medicine reports, 23, 101412.

L’étude complète

Ainamani, H. E., Gumisiriza, N., Bamwerinde, W. M., & Rukundo, G. Z. (2022). Gardening activity and its relationship to mental health: Understudied and untapped in low-and middle-income countries. Preventive Medicine Reports, 29, 101946.

L’étude complète

Autres pistes en Afrique

Quand on cherche des exemples d’intervention en Afrique, on trouve peu de choses. Voici quelques pistes. J’espère que cet article suscitera des réactions et des témoignanges…

« Conception d’un modèle de thérapie horticole et d’un plan d’affaires pratique pour un horticulteur interagissant avec un professionnel de la santé » : une étude dans le cadre d’un master dans un département d’horticulture et de technologie alimentaire en Afrique du Sud. Malheureusement depuis sa publication en 2004, plus de trace de son auteur.

Plantastic with Kui : la chaine YouTube d’Irene Kui au Kenya. Aidante de son mari qui souffre d’une maladie neurologique, elle a découvert que le jardinage était très thérapeutique. Son portrait ici.

SOS villages d’enfants. Je vous avais déjà parlé de Josette Coppe, psychologue clinicienne et art-thérapeute, qui anime des ateliers d’expression et des ateliers thérapeutiques avec les équipes SOS villages d’enfants au Bénin depuis 2010 à travers son association Résonances. Elle avait partagé son expérience lors d’une table ronde en ligne organisée par Jardins & Santé en novembre 2021. Vous trouverez son intervention à la minute 59 dans cette vidéo, avec les témoignages filmés de deux professionnels béninois.