Un mot avant de vous raconter l’histoire de Carole. Le tableau de bord du Bonheur est dans le jardin m’indique que nous avons atteint aujourd’hui le 100e billet. Depuis le printemps 2012, que de rencontres autour du jardin qui soigne ou qui du moins contribue au bien-être. J’espère que vous continuez à puiser des idées et peut-être à prendre des contacts semaine après semaine. Dans les billets à venir, nous irons visiter le jardin d’une crèche parentale en plein coeur de Paris, je partagerai des activités pratiques à mettre en oeuvre dans des ateliers et nous ferons peut-être faire un tour en Suède et au Canada (en tout cas, les contacts sont lancés).

Lors d’une journée autour du potager organisée avec Jardin, Art et Soin et à laquelle avait participé Martine Brulé.
Mais revenons à Carole qui jardinait en amateur et a décidé d’aller plus loin. Visiteuse bénévole dans une maison de retraite depuis quelques années via l’association Visite des Malades en Etablissements Hospitaliers, elle entrevoit vite le potentiel du jardin pour apporter de la vie. « Mes grands-parents avaient un jardin, j’ai un jardin. Je prends beaucoup de plaisir à biner, à désherber. C’est une source de bien-être, un moment de détente pour évacuer », décrit cette femme pleine d’enthousiasme. En 2010, une recherche sur Internet la mène à un article qui lui ouvre des perspectives sur les bienfaits du jardin. « C’était une publication d’un colloque de la SNHF qui a eu lieu en 2009. A la page 3 de ce document, le paragraphe « Jardins, plantes, et personnes souffrantes : un bref historique » m’a bouleversée et a fait écho en moi. Il mettait des mots sur ce que je ressentais quand je jardinais. et l’idée que je pouvais aider les autres, par ce biais, qui me parlait tant, a germé à partir de ce moment-là. »
Elle commence alors à prendre des contacts : le Jardin Bénéfique est un peu trop loin de Draguignan où elle habite pour aller se former, elle rencontre Martine Brulé, elle se rapproche de l’association Jardins, Art et Soin aujourd’hui dissoute dans sa région par manque de personnes pour s’en occuper. Au final, elle suit en 2012 une initiation à l’hortithérapie avec Sébastien Guéret où elle rencontre Anne Ribes. Ces échanges confirment ce qu’elle ressent et la conforte dans son envie de créer une association.
A partir de la mi-2012, elle se penche sur la création de cette association avec l’aide de PILES (Pôle d’Initiatives Locales d’Economie Solidaire) pour rédiger son projet. Ressentant le besoin de muscler ses connaissances techniques pour asseoir sa crédibilité, elle suit ensuite une formation en jardinage de janvier à juin 2013 dans un centre de formation professionnelle à Antibes. « Ca a été utile pour apprendre le nom des plantes, mais ça manquait de pratique sauf pendant le mois de stage », estime-t-elle. En octobre 2013, la voici prête à créer l’association avec son amie Elvire qu’elle a rencontrée en faisant la récolte dans leur AMAP. Le Jardin Des (S)âges est né.
Pour reprendre ses propres mots, l’association a pour mission:
-d’organiser des ateliers de jardinage afin d’améliorer le bien-être des personnes résidant dans des établissements médico-sociaux et de participer ainsi à la dynamique de ces structures.
– de participer à la valorisation des jardins de ces établissements
– d’organiser des rencontres autour des jardins de soin et de leur importance pour le bien-être des résidents de ces structures.
Les premiers ateliers à La Pierre de la Fée
Même si quelques ateliers avaient commencé à l’été dernier avant la création de l’association, ce n’est vraiment qu’au mois de janvier que Carole officialise les choses à la maison de retraite La Pierre de la Fée à Draguignan où elle est déjà bien connue en tant que visiteuse bénévole. « Les premiers ateliers se sont faits autour d’une table où ils ont parlé de leurs jardins et des plantes qu’ils avaient. On a fait une liste des plantes qu’on pourrait mettre dans notre jardin », explique Carole. Puis les ateliers se sont tournés vers des semis et des plantations dans des tables de culture et des pots : persil, cerfeuil, verveine, capucines, pois de senteur, bacopa, pensées.
« Le lundi après-midi, je visite les malades que le cadre de santé m’indique dans leur chambre. S’il fait beau, je suggère qu’on aille au jardin. Mais maintenant les vendredis sont dédiés aux ateliers de jardinage. Nous allons chercher ceux qui ont envie de jardiner. Nous avons deux résidentes très assidues qui viennent avec leurs filles. Les rapports sont différents car elles peuvent discuter d’autre chose que de la maladie », raconte Carole. « D’autres résidents viennent voir ce que l’on fait. Des accompagnants et des familles viennent aussi nous voir. C’est un facteur de lien. Il se passe quelque chose de nouveau. Le personnel soignant, les animateurs et les familles sont très contents que quelqu’un de l’extérieur viennent s’occuper des résidents. Il n’y a pas de compétition et tout le monde me connaît bien. La femme d’un résident qui vient tous les jours a envie de m’aider. » De 14h30 à 17h00, Carole est au jardin avec une fenêtre en début d’après-midi quand les résidents sont plus calmes et disposés à planter et semer. En fin d’après-midi, elle privilégie l’arrosage.
Le jardin existant est entretenu par les services de la ville et avait été conçu pour demander peu d’entretien (arbres, gazon). Il comporte une partie fermée pour les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer. « J’ai rencontré le chef des jardins de la ville, à l’ehpad, en présence d’un des deux animateurs. Entretien très fructueux. Nous allons travailler en partenariat et réfléchir ensemble à l’aménagement du jardin du secteur protégé. Magnifique… », s’enthousiasme Carole.
Faire vivre l’association
L’association vit de modestes adhésions (20 euros). Compte tenu des compétences actuelles d’Elvire et Carole, le montant des prestations a été fixé à 80 euros la séance de 2heures 1/2. Leurs aspirations « humanistes » les porteraient à priori vers le bénévolat total, mais « la tarification des prestations est apparue nécessaire afin que les bénéfices du jardinage dans les établissements de soins, soient reconnus et que cela ouvre les portes à des initiatives de formations diplômantes, ce qui n’est toujours pas le cas en France », explique Carole, visiblement gênée par la question financière. « Avec les autres Ehpad, je reverrai peut-être le tarif à la hausse. » Car l’objectif est bien de proposer des ateliers à d’autres établissements à Draguignan et dans les alentours.
Carole est toujours en perfectionnement et suivra en juin une formation avec Jocelyne Escudero. « Pour l’instant, je parle d’animations horticoles même si je prends des notes sur les réactions, la participation. J’aimerais approfondir et passer à des jardins à visée thérapeutiques avec des personnes atteintes d’Alzheimer et des enfants autistes. » Comme beaucoup d’autres, elle déplore l’absence d’une formation diplômante. Elle sent bien que certains soignants aimeraient se spécialiser dans le jardin…En tout cas sans attendre, Carole a retroussé ses manches et elle s’est lancée. « Quand je les entends discuter et que je les vois contents de jardiner, je me sens très heureuse. »