« J’ai été violée quand j’avais 19 ans. Au fil des quatre années suivantes, ma vie est devenue de plus en plus insupportable au point où je suis devenue suicidaire », raconte Iris à un événement du Orange County Rape Crisis Center (OCRCC) à Chapel Hill en Caroline du Nord. Pendant des mois, elle visite le site web du centre sans jamais franchir le pas de le contacter. Jusqu’au jour où elle voit que le centre offre un groupe de soutien basé sur la thérapie horticole. Les plantes, elle connaît et elle aime. Avec leur intermédiation, elle se sent enfin prête à parler. « Non seulement, je suis vivante aujourd’hui, mais j’ai le courage de me tenir là devant vous. Je m’épanouis. »
Si ce groupe de soutien existe, c’est grâce à Christène Tashjian qui, en 1991, lit un article sur l’installation de jardinières accessibles dans des maisons pour personnes âgées et personnes handicapées. L’idée résonne tellement en elle qu’elle se lance à la découverte de la thérapie horticole. Elle se rend à de nombreuses conférences et rejoint la American Horticultural Therapy Association et son chapitre régional, elle suit des cours dans une université locale et au Horticultural Therapy Institute. En 2005, elle présente un projet à OCRCC qui accompagne à la fois des femmes qui ont subi des abus sexuels dans leur enfance et des victimes de viols. Christène reçoit une subvention externe de 500 dollars pour lancer un premier groupe pilote. Devant le succès du groupe, elle offre tous les printemps une séance de huit semaines.
« Nos activités sont liées à des sujets comme la colère, la peur, la rage, la honte. Nous faisons l’activité et ensuite nous avons une discussion. Nous tenons aussi un journal », explique Christène. « Par exemple, nous utilisons l’image de composter nos peurs en les écrivant sur un bout de papier et en les enterrant dans une pile de compost. Avec la taille, nous parlons de tailler des peurs particulières ou notre colère. Ce qui a été taillé peut être rempoté ou composté. Nous le transformons en autre chose. Il s’agit toujours de lier une action physique à une émotion pour les aider à sortir de leur tête. »
Au début de la session de huit semaines, le groupe plante des graines. Il se peut que les résultats soient visibles avant la fin de la session ou bien les participantes emportent leurs plantes chez elles. Christène propose aussi des activités qui réapprennent à ces femmes à prendre soin d’elles-mêmes. « Nous faisons des crèmes ou des coussins pour les yeux avec de la lavande et nous parlons ensemble des propriétés calmantes de la lavande. » Christène et Amy, l’autre bénévole qui co-anime le groupe, ajoutent des activités avec des fleurs coupées, des tisanes fabriquées par une herboriste locale, des essences florales produites localement ou l’utilisation de sauge blanche commune dans les pratiques des Amérindiens pour se débarrasser des énergies négatives.
Forte de son expérience, Christene a donné une présentation à une conférence regroupant ceux qui répondent aux appels des victimes de violence sexuelle. Elle a développé un kit que les infirmières qui reçoivent ces femmes leur remettent : tisanes, crèmes, produits de bain choisis pour leurs propriétés calmantes.
Les premières années, Christène administrait des tests pour évaluer le stress avant et après les activités. « Il se peut qu’elles apprécient l’activité, mais comme elles partagent des choses douloureuses, elles ne se sentent pas toujours mieux à la fin de la séance. » Christène préfère donc attendre la fin des huit semaines et demander aux femmes dans le groupe « Participer dans ce groupe de soutien a…. ». Les réponses sont le plus souvent très positives. « a changé ma vie », « m’a fourni des outils pour m’épanouir », « m’a donné la force de continuer », « m’a appris à prendre soin de moi. »
Redonnons la parole à Iris en citant son émouvante intervention. « Il y a tellement de symbolisme dans la nature et dans l’horticulture, si vous commencez à faire attention. Le cycle de planter et de cultiver et de composter et de désherber, la mort et la renaissance, la croissance et l’épanouissement offrent une métaphore idéale pour le processus de guérison que les survivants de n’importe quel traumatisme traversent. Faire ces activités ont rendu ma propre guérison si réelle et si évidente….Je n’avais même pas à réfléchir à ce qui se passait. Je n’avais qu’à faire l’activité et à regarder mes émotions suivre mes actions physiques. »
Le programme a été balloté. Après avoir démarré dans une maison occupée par OCRCC avec un grand jardin et un espace confortable pour faire des activités à l’intérieur, il s’est tenu dans une salle de conférence des nouveaux locaux d’OCRCC. « Nous nous sommes promis de ne pas refaire un groupe dans cet endroit », affirme Christene. Cette année, elle pense avoir trouvé un endroit propice : une église qui a un jardin, une cuisine et un espace à l’intérieur. Le format devrait aussi s’adapter aux commentaires des participantes : des séances plus longues et toujours une dernière séance dans un autre lieu. « Après avoir passé ce temps dans un cocon ensemble, nous organisons un diner un mois plus tard. Certains groupes voulaient rester en contact et se voient. C’est étonnant de voir ce qu’elles sont devenues. »
Excellent! Encore une dimension à explorer! Merci Isabelle
Chritene and her friends do excellent work, and work that is so much needed
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