A Daumezon, un jardin partagé de soins

Les animateurs du projet dont Anne Babin (à gauche en tablier vert et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

Les animateurs du projet dont Anne Babin (à gauche en tablier vert) et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

En octobre 2012, plusieurs animateurs du Centre Hospitalier Départemental Georges Daumezon à Fleury-les-Aubrais (Loiret) se retrouvent à Chaumont-sur-Loire pour la toute première formation sur les jardins de soin. Situé près d’Orléans, le CHD Daumezon est responsable de l’organisation de la prise en charge des maladies mentales en psychiatrie générale (adultes) et en psychiatrie infanto-juvénile (enfants-adolescents). « On venait pour nos jardins », raconte Anne Babin qui dispose d’une serre pour jardiner tous les jours avec les patients dans le cadre d’un atelier floriculture et Laurent Chéreau qui utilise plus modestement deux petits bacs. Mais la formation va faire germer une idée plus ambitieuse encore, une idée qui a maintenant pris forme et qui a fait l’objet d’une inauguration officielle la semaine dernière.

On décape le gazon pour la créer des parcelles de 2 x 5m.

On décape le gazon pour la créer des parcelles de 2 x 5m.

Car ensemble, ils ont imaginé créer d’un jardin partagé de soin. Il faut dire que le terrain est fertile. « On considère le jardin comme une activité thérapeutique avec du temps dédié. Tout le monde, la direction des soins, les cadres, les chefs de pôle, pensent ainsi », expliquent Anne et Laurent. Avec le feu vert de la direction, les porteurs du projet lancent un sondage en ligne auprès des équipes médicales, soignantes, administratives et logistiques. « Etes-vous intéressé pour faire vivre une parcelle dans un futur jardin de soin et/ou jardin partagé ? » Plusieurs unités répondent avec enthousiasme et le responsable des espaces verts s’engage dès le départ dans le projet. « On a tout fait en régie, nous avons beaucoup de ressources en matériaux, en engins, en hommes », énumère Laurent. Un emplacement est choisi, le square Jamin, situé assez centralement vers l’entrée de l’hôpital. Il ne nécessite pas beaucoup de travaux : il est déjà clôturé, un chemin adapté aux fauteuils roulants existe (le square était déjà utilisé par l’unité pour personnes âgées dont Laurent est l’animateur).

Un lieu de rencontre, un lieu de vie

Comme l’écrivent les initiateurs du projet de jardin partagé de soins dans un document qui explique leur démarche, « Notre objectif est à la fois modeste et ambitieux : Nous souhaiterions faire vivre un lieu de rencontre qui puisse se partager autour du jardinage, du jeu, de la promenade, de la rêverie, de la gourmandise aussi… ». Moins de deux ans plus tard, le jardin partagé est une réalité. « Les 7 parcelles ont été attribuées et sont investies au fur et à mesure. C’est difficile de libérer du temps avec les manques d’effectifs. Les soignants doivent être moteurs. Mais maintenant, il y a une vie. Des personnes viennent se reposer, des familles viennent avec les patients et ils jardinent ensemble », s’enthousiasment Anne et Laurent. Le lieu est ouvert à tous de 8h00 à 22h00. « C’est un lieu respecté. Les outils ne bougent pas. Le jardin est clôturé, mais les portillons ne sont pas fermés. » Le jardin suscite même des vocations et une certaine envie : certains dans l’administration ont aussi exprimé l’envie d’avoir une parcelle.

Capture d’écran 2014-09-16 à 14.39.11Une Charte du jardin partagé de soins de l’hôpital Georges Daumezon a été élaborée. Chaque unité participante a par ailleurs ses propres objectifs. Une unité d’hospitalisation, qui pratiquait déjà un atelier thérapeutique sur le thème du jardinage, poursuit plusieurs buts : permettre une autonomie aux patients, créer des liens et des échanges entre structures afin de profiter de l’expérience de chacun, permettre de se ressourcer à travers une activité relaxante et valorisante, développer la créativité des patients et la capacité d’échanger avec un groupe, etc…Pour les personnes en séjour au Centre d’Accueil pour Personnes Agées où Laurent est animateur, il s’agit de faire réapparaitre des motivations pour des activités individuelles et collectives, de renforcer l’estime de soi, de prendre des initiatives. Les autres responsables de parcelles comprennent entre autres la crèche de l’établissement (vive les liens entre les générations), un CMP Enfants Unité fonctionnelle et une résidence thérapeutique (atelier de floriculture).

Des objectifs thérapeutiques multiples

Une autre parcelleLes patients de l’atelier floriculture d’Anne justement, forts de leur expérience, donnent des petites formations sur les semis, le repiquage, le bouturage ou les bouquets. Une merveilleuse façon de valoriser leurs connaissances et de créer des liens entre différents patients au sein de l’établissement. L’objectif est aussi de s’ouvrir sur l’extérieur. « On va se rapprocher d’associations de jardins ouvriers du quartier pour ajouter de la vie, échanger des plantes », promet Anne. Elle regrette que le poste évaluation n’ait pas été financé même si chaque unité évalue ses patients (taux de fréquentation, bienfaits de la thérapie en termes d’ouverture à l’autre ou encore de sommeil).

Pour le comité de pilotage qui travaille depuis deux ans sur ce projet, l’inauguration vendredi dernier a marqué une reconnaissance et une officialisation. Grâce à ce jardin, on parlera désormais de l’hôpital autrement…

Symposium Jardins & Santé + collection d’articles divers et variés

Tout d’abord, je veux signaler la tenue du 4e symposium de Jardins & Santé les 17-18 novembre 2014 à Paris. Vous trouverez le pré-programme et les modalités d’inscription sur ce lien. Les organisateurs annoncent qu’ils limiteront le nombre des participants à 200. C’est un but qu’ils devraient facilement atteindre vu l’intérêt croissant pour les jardins à visée thérapeutique, le terme retenu par Jardins & Santé. « Pour satisfaire une meilleure cohérence entre la demande médicale et la conception de projets de jardins à visée thérapeutique par les professionnels du paysage, nous mettrons dans ce 4ème Symposium l’accent sur la pluridisciplinarité indispensable des approches thérapeutiques et environnementales avec la concertation des intervenants dans une réflexion collégiale », explique Jardins & Santé. Un événement à ne pas manquer pour la richesse de l’expérience et des échanges avec les intervenants et les autres participants. Je ne connais pas d’autre rassemblement des supporters des jardins de soin ou thérapeutiques de cette taille en France. En espérant vous y rencontrer. Avant le symposium, l’association organise la journée Un jardin pour ma mémoire le 21 septembre pour soutenir les jardins dans les maisons de retraite.

Pistes et idées

Je mets de côté des liens qu’on m’envoie ou que je trouve ici et là. Le moment est venu d’en partager quelques-uns. C’est un peu dans n’importe quel ordre et c’est surtout en anglais. Mais j’espère que vous y trouverez quelques pépites qui vous inspireront, vous conforteront, vous donneront des arguments pour convaincre autour de vous.

Neil, un soldat vétéran, et Pam, l'hortithérapeute du programme Gardening Leave en Ecosse (photo CHRIS WATT)

Neil, un soldat vétéran, et Pam, l’hortithérapeute du programme Gardening Leave en Ecosse (photo CHRIS WATT)

Ce reportage sur le programme Gardening Leave en Ecosse raconte comment d’anciens soldats retrouvent leur équilibre en jardinant, en donnant la parole aux participants eux-mêmes. Ces hommes happés par la dépression et incapables de communiquer avec leur famille reprennent pied en s’occupant des plantes, pourvu que le jardin soit conçu comme un espace sécurisant. L’article du Telegraph.

Sir Richard Thompson, président du Royal College of Physicians, affirme que les plantes réduisent le stress, la colère et la dépression. Par ailleurs membre de Thrive, l’association anglaise qui pratique depuis des années « l’horticulture sociale et thérapeutique », il semble acquis à la cause des plantes pour améliorer l’état de santé des personnes âgées…et faire faire des économies au système de santé anglais. L’article sur le site de la BBC. Sue Stuart-Smith, une psychiatre et psychanalyste anglaise, est également convaincue des bienfaits psychiques du jardin. Elle invoque Freud, Winnicott et sa propre expérience pour expliquer comment le jardin booste la confiance en soi.

Le site de l’American Horticultural Therapy Association est une mine d’information. Encore une preuve avec cet article et cette vidéo sur Donna Covais, une hortithérapeute diplômée (HTR) et fleuriste devenue aveugle, qui mène des ateliers thérapeutiques avec des personnes âgées. A lire et à regarder sur le site d’AHTA.

Le jardin pour grands brûlés de Teresia Hazen à Portland aux Etats-Unis.

Le jardin pour grands brûlés de Teresia Hazen à Portland aux Etats-Unis.

Teresia Hazen est une des stars de l’hortithérapie aux Etats-Unis. Depuis des années, elle conçoit des jardins thérapeutiques au Legacy Emanuel Medical Center à Portland en Oregon, dont un pour les grands brûlés. En 2013, son programme a reçu une importante subvention pour concevoir, construire et évaluer un nouveau jardin thérapeutique. L’idée est de mesurer le niveau de stress des patients, des familles, des visiteurs et du personnel qui fréquenteront le jardin. Nous aurons l’occasion de reparler de Teresia Hazen à la rentrée : elle a écrit deux chapitres de la bible « Therapeutic Landscapes : an evidence-based approach to designing healing gardens and restorative outdoor spaces » de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs (Wiley). Un article annonçant le nouveau projet de Teresia Hazen.

 

Cette habitante de Floride doit se battre pour planter des légumes dans le jardin devant sa maison ! Architecte à la retraite, elle explique qu’elle jardine pour la nourriture et pour la paix que son jardin lui apporte. Mais sa ville interdit les légumes dans les « front yards ». Hermine et son mari ont riposté devant les tribunaux. Lire cet article de décembre dernier.

Les Incroyables Comestibles à Rennes

Les Incroyables Comestibles à Rennes

Pour finir sur une note plus positive, Les Incroyables Comestibles mènent une petite révolution en plantant des légumes dans les villes un peu partout dans le monde (ou dans les hôpitaux comme au CHU d’Angers). Le site des Incredible Edible donne la marche à suivre pour rejoindre ce mouvement citoyen.

La semaine prochaine, pour le dernier billet avant les grandes vacances, nous irons visiter le jardin de la maison de retraite d’Onzain, récent lauréat d’un Prix Truffaut, pour que Paule Lebay nous raconte les dernières avancées et la façon dont le jardin change la vie des résidents, de leur famille et du personnel.

Un hortithérapeute expérimenté lance un nouveau programme gériatrique à Atlanta

Kirk Hines 1Les lecteurs de la première heure se rappelleront peut-être avoir rencontré Kirk Hines en juillet 2012. Après 21 ans en tant qu’hortithérapeute à Wesley Woods Hospital, un établissement gériatrique à Atlanta en Géorgie, Kirk prend un nouveau départ. « Ce n’est pas que l’hôpital ne jugeait pas notre service important, mais il y a toujours des changements et des coupes budgétaires dans les hôpitaux », explique-t-il très diplomatiquement. Par chance, un des administrateurs de Wesley Woods se trouve être le CEO de A.G. Rhodes Health & Rehab, un centre de soin long terme et sans but lucratif pour les personnes âgées frêles fondé à Atlanta en 1904. Il avait repéré le programme d’hortithérapie ainsi que le programme de musique thérapie : il a donc embauché les deux thérapeutes sur le champ. « Cela m’a fait mal au cœur de quitter un programme que j’avais créé et que je dirigeais depuis 21 ans, mais le nouveau programme à AGR est plein de potentiel enthousiasmant », avoue Kirk qui est soulagé d’avoir retrouvé un poste aussi facilement. Car même aux Etats-Unis, les postes d’hortithérapeutes à plein temps ne sont pas légion. Un accord entre les deux établissements lui a permis de récupérer plusieurs serres et de conserver des fonds qu’il avait levés, une aide précieuse pour lancer son nouveau programme.

Au travail sur des jardins et des programmes sur 3 sites

Kirk Hines courtyard« Il y a deux ans, j’avais conçu un jardin pour les patients en réhabilitation à A.G. Rhodes avec Marguerite Koepke, une professeur de paysagisme de l’Université de Georgia à la retraite. Nous avions transformé une cour en un espace utilisé par des thérapeutes. Mais il n’y avait pas d’hortithérapeute dans le staff jusqu’à maintenant », me raconte Kirk au téléphone. Il part presque de zéro pour concevoir un programme d’hortithérapie pour les trois sites de A.G. Rhodes à Atlanta. Depuis qu’il a été embauché en novembre 2013, Hines a passé beaucoup de temps à éduquer le personnel sur la thérapie horticole. « Je leur explique comment cette thérapie peut bénéficier aux résidents et comment elle s’articule avec d’autres services. » Une autre étape importante est d’évaluer les besoins. «Nous nous réunissons avec le personnel et les résidents pour comprendre comment ils utilisent ces espaces et quels sont leurs besoins. »

«J’ai maintenant trois sites pour lesquels je suis en train de concevoir des programmes et des jardins de thérapie horticole. Chacun des trois bâtiments a beaucoup de potentiel », explique Kirk. « Sur l’un des sites, un patio pour les patients atteints de démence a été nettoyé et organisé. Nous avons planté des végétaux que nous nous cultivons et je fais des séances de thérapie. » Son but est de transformer l’aménagement paysager dans les trois sites en jardins thérapeutiques qu’il décrit comme « calmes, accueillants, paisibles, sains, luxuriants et attirants. » Dans ces paysages thérapeutiques, il veut intégrer des espaces de traitement actif et des espaces où patients et visiteurs peuvent se réunir en plein air.

Picture2La collecte de fonds sera essentielle dans la réalisation de sa vision. Il estime qu’il a de la chance car à A.G. Rhodes une directrice du développement à temps plein est prête à l’aider dans cette tâche. Je connais en France certaines passionnées du jardin de soin qui passent beaucoup de temps à trouver des financements et qui rêveraient d’un tel soutien institutionnel !

Kirk Hines 2A l’origine, Kirk a un diplôme en horticulture ornementale avec une concentration en thérapie horticole, suivi par un stage pour asseoir ses connaissances en thérapie horticole dans un hôpital en Géorgie. Le sujet de la formation le passionne. « Nous devons aligner nos programmes de formation avec ceux des kinés et des ergothérapeutes. Car eux sont moins facilement licenciés quand les budgets sont coupés…. », fait-il remarquer. Il partage également son avis sur le sujet des stages exigés pour obtenir le titre de HTR (horticultural Therapist Registered), un titre que Kirk détient bien évidemment. «Je voudrais avoir des stagiaires ici parce qu’il y a plus de travail que je ne peux faire tout seul sur un seul des sites, alors sur trois….Mais je suis persuadé que les stagiaires doivent être encadrés avec un clinicien qui observe le stagiaire. Permettre des stages à distance (comme le fait l’AHTA, ndlr) est trop facile. » Quant à lui, Kirk se sent incroyablement chanceux d’avoir retrouvé un emploi et de relever ce nouveau défi.

 

Deux jardins en accueil de jour

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Décidemment l’hortithérapie est vivace en Caroline du Nord. J’ai déjà décrit les programmes de nombreux hortithérapeutes basés dans cet état : Sue Kaylor, Christene Tashjian, John Murphy ou Sally Cobb pour ne citer qu’eux. Ils et elles travaillent avec des malades en rééducation suite à divers accidents, des victimes d’abus sexuels, des ados qui souffrent de troubles du développement ou encore des malades en fin de vie et des proches en deuil. Beth Carter, quant à elle, a créé en 2012 un programme d’hortithérapie dans un centre d’accueil pour adultes, à la fois des personnes âgées souvent atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démences et des jeunes adultes souffrant de troubles du développement ou de retard mental, mais aussi des victimes de traumatisme crânien. Cet accueil de jour en leur procurant des activités dans la journée leur permet de vivre chez elles ou dans leur famille.

Isolés au quotidien, les hortithérapeutes aiment se rencontrer et partager

Récemment Beth organisait une rencontre du Carolinas Horticultural Therapy Network, un groupe d’hortithérapeutes de Caroline du Nord et du Sud créé en marge du American Horticultural Therapy Association dont les règles pour établir un chapitre local leur semblaient trop lourdes. « Nous nous rencontrons deux fois par an pour échanger des idées. L’un de nous accueille la réunion pour le weekend sur notre lieu de travail. Il y a toujours une ou deux présentations », explique Beth. Parmi les 25 participants au dernier weekend dont elle est fière d’avoir maitrisé les coûts (20 dollars de participation en plus des frais de transport et d’hébergement), on trouve un groupe de fidèles, des étudiants, des « master gardeners » qui pratiquent la thérapie horticole dans des maisons de retraite sans avoir fait de formation. « Il y a tellement de super programmes. Dans ces rencontres, nous pouvons recharger notre énergie, échanger des idées. Car nous faisons souvent ce travail de façon isolée. Nous ne sommes pas comme les kinés ou les ergothérapeutes qui ont toujours des collègues autour d’eux. »

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d'une réunion organisée par Beth en février.

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d’une réunion organisée par Beth en février.

Qu’a retiré Beth de ces deux jours de rencontres en février? « Avec les participants à mon programme, nous avions fait des posters de graines en collant les paquets de vieilles graines et les graines en dessous pour montrer à quoi elles ressemblent (voir photo ci-contre). John Murphy a eu une idée pour aller un peu plus loin : mettre du velcro sur les paquets et en faire un jeu de mémoire. Ca devient une activité interactive. On peut avoir de bonnes idées, mais quelqu’un d’autre peut les rendre encore meilleures. » Deuxième exemple avec la création d’un terrarium, ces mini-jardins d’intérieur qu’on abrite dans un bocal en verre. « La stagiaire de John a fait une présentation sur le sujet. Je n’en avais jamais fait et cela m’a donné envie d’en réaliser avec les jeunes adultes qui ont des troubles du développement. Avec les plantes dans un bocal en verre, on peut parler d’évaporation et de condensation. »

Deux diplômes et un travail d’hortithérapeute à plein temps

Mais revenons en arrière. « J’ai grandi les mains dans la terre. Mes grand-mères et mes parents jardinaient », résume Beth. Jeune maman, elle visite très régulièrement les Gallaway Gardens en Géorgie où elle deviendra plus tard bénévole pendant un temps, puis employée. Lorsqu’elle entend parler des « healing gardens », elle est immédiatement intéressée. En 2008, une recherche sur Google la mène au Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller.  En 2012, la voici doublement diplômée, de HTI et d’un programme de deux ans en science horticole. Dans le cadre de son projet final pour le certificat du HTI, elle travaille avec le Life Enrichment Center à Shelby, un programme de jour pour adultes : pour leur jardin inutilisé, elle conçoit un programme d’hortithérapie et passe six mois à développer l’activité. Une fois ses deux diplômes en poche, elle a la bonne surprise d’être embauchée à temps plein en deux temps trois mouvements !

Lentalus inspecte les courgettes.

Lentalus inspecte les courgettes.

Le Life Enrichment Center gère deux établissements implantés à quelques kilomètres de distance, entre lesquels Beth partage son temps. Les jardins y sont très différents. Dans le premier endroit, c’est David Kamp qui a conçu le jardin. Spécialiste des jardins thérapeutiques à New York, il a créé un jardin dans l’esprit « Prospect and Refuge », l’idée que notre expérience d’un paysage est ancrée dans des perceptions liées à notre évolution et notre instinct de survie. Beth cite aussi le travail de Rachel et Steven Kaplan, deux professeurs de psychologie environnementale à l’Université du Michigan, qui ont travaillé depuis les années 1970 sur les effets de la nature sur la santé et les relations humaines, avec cette idée pionnière que le l’environnement peut contribuer à soigner. Dans ce jardin très agréable, Beth a eu l’aide d’un Boy Scout qui lui a construit des jardinières à hauteur pour son projet d’Eagle Scout. « Quant à l’établissement plus récent, c’est un paysagiste local sans formation sur les jardins thérapeutiques qui l’a conçu. Il doit faire 12 000 m2. Mais il est si grand qu’il est intimidant pour les participants qui ont des difficultés à marcher ou utilisent un déambulateur. Finalement, ils restent sur le patio. J’essaie de construire des espaces de jardinage près du patio pour créer plus d’intimité. C’est un processus qui va prendre des années. »

« Je fais surtout un programme social. L’idée est qu’ils accèdent à leurs souvenirs, qu’ils ne s’isolent pas. J’adapte mes activités à leurs objectifs individuels et je prends des notes sur leur progrès. Mais je ne suis pas dans la documentation et certaines contraintes comme peut l’être Kirk », explique Beth. Elle fait référence à Kirk Hines qui travaille avec des personnes âgées au Wesley Woods Hospital à Atlanta en Géorgie depuis 1993. « Je prends des groupes de 2 ou 3 personnes, parfois plus et parfois je travaille avec une seule personne. Récemment, je travaillais avec un monsieur assez réfractaire. Mais après avoir planté un épicéa miniature, il était tellement fier qu’il en parlait à tout le monde.  L’autre jour, nous regardions des catalogues de graines et nous parlions des légumes de leur enfance avec un groupe de femmes. C’était un bon moment pour elle. Chaque jour est différent. »

Le retour du printemps

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

En Caroline du Nord, l’hiver a été long et froid, avec des chutes de neige inattendues. « Un matin, il faisait – 15° », s’étonne Beth. Tout le monde attend le printemps avec impatience. En attendant, les activités continuent. « J’ai trouvé des vieilles tasses à thé dans un magasin d’occasion. On y a mis des graviers et on a planté des bulbes de jacinthe. Tout le monde, y compris le personnel, spéculait sur la nature de ces bulbes. Des oignons ? Des betteraves ? Quand les jacinthes fleuriront, la pièce va embaumée. » Mais elle attend avec impatience de planter des légumes – des tomates, des épinards, des haricots verts, de la laitue, de l’okra (gombo en français, un légume très populaire du sud des Etats-Unis) – dans trois nouvelles jardinières récemment installées et accessibles en fauteuil roulant. « Je vais aussi doubler la surface du jardin de fleurs. Tout l’été, nous aurons des fleurs pour faire des bouquets. On plante des fleurs inhabituelles comme ces tournesols géants. » Beth attend de voir revivre le jardin de papillons où les participants regardent les chenilles se métamorphoser. « Je fais aussi beaucoup de choses avec des programmes de nature : des mangeoires pour les oiseaux, des sites pour qu’ils nichent. On écoute des enregistrements de chants d’oiseaux pour apprendre à les identifier. »

En Caroline du Nord, Beth et ses voisins guettent les signes du printemps. « Ici les gens ont la réputation de toujours planter leur pieds de tomates dès qu’il commence à faire dans les 20 degrés, tellement ils sont impatients. Chaque année, ils doivent les replanter. » On les comprend car l’arrivée du temps printanier de ces derniers jours en France a eu un effet immédiat sur les esprits engourdis par l’hiver.

Plantation de plantes grasses

Plantation de plantes grasses

Observation d'une araignée qui fait de l'ascension sur une fleur.

Observation d’une araignée qui fait de l’ascension sur une fleur.

Greg et les fleurs de l'été
Greg et les fleurs de l’été

La genèse du jardin de l’EHPAD de Chailles

Le "nombril" est la place  centrale, espace de rencontre, de convivialité, de spectacle pour des gens extérieurs,...Derrière, la façade a été peinte en vert pour atténuer la luminosité du mur blanc. Les bambous symbolisent la transition de l’intérieur vers l’extérieur, rouges en référence au jardin anglais, pour attirer l’œil et faire sortir les personnes. Sur 2 murs, il y aura de la végétalisation.

Le « nombril » est la place centrale, espace de rencontre, de convivialité, de spectacle pour des gens extérieurs,…Derrière, la façade a été peinte en vert pour atténuer la luminosité du mur blanc. Les bambous symbolisent la transition de l’intérieur vers l’extérieur, rouges en référence au jardin anglais, pour attirer l’œil et faire sortir les personnes. Sur 2 murs, il y aura de la végétalisation.

Avant de devenir le site d’un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), l’endroit était planté de vignes. Lorsque Brigitte Conré a pris ses fonctions de directrice en 2008, l’EHPAD Claude de France à Chailles près de Blois possédait un espace non entretenu avec du gazon et quelques vieux arbres, formant un V entre deux ailes sécurisées du bâtiment. Assez rapidement, des jardinous, de grandes jardinières accessibles en fauteuil roulant, et des bacs à hauteur se remplissent de légumes grâce à des membres du personnel qui aiment jardiner. « J’avais envie de faire un jardin thérapeutique en développant les couleurs, les odeurs. Mais je ne savais pas où commencer », se souvient Brigitte Conré. « Le responsable de la formation à Chaumont cherchait un endroit avec un jardin à créer ou à améliorer pour accueillir un stage. J’avais de la place…. Deux membres du personnel se sont joints au stage qui allait du médecin au paysagiste. Il en a découlé un dessin, puis un devis. » Et aussi un jardin est sorti de terre.

En route, le projet a changé de nature. « Mon jardin dit à but thérapeutique est devenu un jardin « art et soin ». Le jardin à but thérapeutique mélange couleurs et senteurs, il faut que ce soit agréable et que ça donne envie d’y entrer avec des animaux comme des poules, par exemple. C’est devenu un jardin avec un parcours de motricité, un jardin avec de la terre au sol, un jardin en hauteur, du sable pour la mer, des rochers pour la montagne », m’a expliqué Brigitte Conré récemment.

Parcours de motricité "les pieds ont une mémoire", différentes textures pour différentes sensations avec un mur en gabions avec assise, permettant de se reposer. Le jardin n’est pas fini car tout le cheminement « normal » sera de couleur ardoise-bleue, comme un ruban tout autour, permettant de se repérer.

Parcours de motricité « les pieds ont une mémoire », différentes textures pour différentes sensations avec un mur en gabions avec assise, permettant de se reposer. Le jardin n’est pas fini car tout le cheminement « normal » sera de couleur ardoise-bleue, comme un ruban tout autour, permettant de se repérer.

Une visite a eu lieu à la fin de l’été (l’inauguration aura lieu au printemps quand la pergola sera finie et que les plantations seront plus vaillantes). Paule Lebay de l’EHPAD d’Onzain et Fabienne Peyron, son alliée paysagiste, étaient parmi les invités et ont ramené toutes les photos qui accompagnent ce billet (merci à Fabienne pour les légendes). Quant au texte ci-dessous, c’est un texte de présentation que la directrice de Chailles a partagé avec moi. Je le reproduis car il exprime en direct les intentions des créateurs du jardin.

Le Jardin des Portes Vertes – Présentation

« L’objectif de ce projet était de disposer d’un vrai jardin adapté aux personnes âgées, adapté à leurs conditions physiques et mentales, offrant aux résidents, au personnel, aux familles, la possibilité de sortir du bâtiment, du bien-être, de l’évasion dans l’évocation de différents paysages, la campagne, la montagne, la mer …. Il est donc né avec la formation de Chaumont sur Loire sur les Jardins de Soins.

Ce jardin prévoit un contact direct avec la végétation, en se promenant : il faut apprendre à le connaître ce jardin ! Voici une petite vue d’ensemble de la présentation faite par Béatrice Saurel (artiste-paysagiste), Servane Hibon (paysage dplg) et  Michel Racine (architecte-paysagiste), Jean-Bernard Guillot (entreprise Jean Bernard Guillot, Amboise).

La composition générale et les différents espaces du Jardin

Le rouge des portes et des bambous a été choisi pour attirer l’œil et favoriser le déplacement.

Les bambous rouges de l’entrée du jardin représentent un espace vertical et protecteur. Atmosphère de grotte, protectrice à l’entrée du jardin ; assis dos à la végétation pour ceux qui ne veulent pas aller dans le jardin : c’est un espace de transition.

Le nombril : c’est l’équivalent de la place du village où l’on peut se rassembler, et distribuer le reste du jardin, où l’on reçoit, lit, retrouve les proches, les amis et participe à des activités de groupe. C’est un lieu de festivités, de contacts avec l’extérieur.

La mer de bambous symbolise la mer, l’idée du mouvement ; c’est un espace de fraîcheur, ombragé. Invitation au voyage, au dépaysement sur place !

La montagne est suggérée au niveau du belvédère (le point haut du jardin) et permet un contact avec de gros rochers, un endroit pour s’assoir et regarder, du sable aux pieds, espace de souvenirs …

Le chemin de motricité part de la montagne avec un escalier en bois qui se dilate dans le jardin, puis est composé de traverses, rondins, espaces de pause où rien n’est obligatoire et chacun chemine à son rythme. Il se poursuit avec des textures minérales, de l’ardoise, des galets des pas japonais… Il  a été réalisé en concertation avec l’équipe, les kinés.

Ce chemin de motricité est une invitation à découvrir le jardin et un support d’activités, d’accompagnement, avec des rampes pour un espace sécurisé.

La pergola : sera un espace de transition convivial entre le dedans et le dehors au niveau de la campagne, permettant des activités à l’ombre et offrant une vue sur le verger, le potager même sans se déplacer et le plaisir des sens d’une terrasse fleurie. Car le jardin se visite, mais aussi se contemple, s’observe…

Le potager : toucher la terre, planter sur des bottes de paille, à hauteur.

Le verger est en devenir, sans produit phytosanitaire, sans traitement : «au verger, c’est beau et c’est bon !»

Entretien du jardin : Soignons le jardin et le jardin nous soigne ! La personne de référence du jardin, son ange-gardien son référent devra être un soignant qui aime jardiner, qui aime le regarder.

Son rôle sera d’organiser, d’être  à l’écoute des autres, des liens avec l’animatrice. Il tiendra le planning du jardin en lien avec Sébastien qui assure déjà la tonte, l’arrosage et le désherbage. »

Pour plus d’information, vous pouvez aussi visiter les sites des créateurs des Portes Vertes : Béatrice Saurel et Michel Racine, Servane Hibon.

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Le futur espace de travail pour les pensionnaires. Attention, il manque une partie du jardin ! En effet, les potagers vont être cultivés sur paille et seront installés en limite de chemin.

Le futur espace de travail pour les pensionnaires. Attention, il manque une partie du jardin ! En effet, les potagers vont être cultivés sur paille et seront installés en limite de chemin.

Merci à Fabienne Peyron pour les légendes. Le futur verger pour avoir le plaisir de cueillir des fruits et de les manger ! La porte rouge n’est pas sur le chemin même, on peut ainsi la passer plus facilement pour les patients atteints d'Alzheimer et leur peur du seuil.

Merci à Fabienne Peyron pour les légendes. Le futur verger pour avoir le plaisir de cueillir des fruits et de les manger ! La porte rouge n’est pas sur le chemin même, on peut ainsi la passer plus facilement pour les patients atteints d’Alzheimer et leur peur du seuil.

Place centrale avec Michel Racine parlant à une pensionnaire. En arrière plan, porte rouge symbolisant le passage On ne l’empreinte pas, on passe à côté.

Place centrale avec Michel Racine parlant à une pensionnaire. En arrière plan, porte rouge symbolisant le passage On ne l’empreinte pas, on passe à côté.