Un hortithérapeute expérimenté lance un nouveau programme gériatrique à Atlanta

Kirk Hines 1Les lecteurs de la première heure se rappelleront peut-être avoir rencontré Kirk Hines en juillet 2012. Après 21 ans en tant qu’hortithérapeute à Wesley Woods Hospital, un établissement gériatrique à Atlanta en Géorgie, Kirk prend un nouveau départ. « Ce n’est pas que l’hôpital ne jugeait pas notre service important, mais il y a toujours des changements et des coupes budgétaires dans les hôpitaux », explique-t-il très diplomatiquement. Par chance, un des administrateurs de Wesley Woods se trouve être le CEO de A.G. Rhodes Health & Rehab, un centre de soin long terme et sans but lucratif pour les personnes âgées frêles fondé à Atlanta en 1904. Il avait repéré le programme d’hortithérapie ainsi que le programme de musique thérapie : il a donc embauché les deux thérapeutes sur le champ. « Cela m’a fait mal au cœur de quitter un programme que j’avais créé et que je dirigeais depuis 21 ans, mais le nouveau programme à AGR est plein de potentiel enthousiasmant », avoue Kirk qui est soulagé d’avoir retrouvé un poste aussi facilement. Car même aux Etats-Unis, les postes d’hortithérapeutes à plein temps ne sont pas légion. Un accord entre les deux établissements lui a permis de récupérer plusieurs serres et de conserver des fonds qu’il avait levés, une aide précieuse pour lancer son nouveau programme.

Au travail sur des jardins et des programmes sur 3 sites

Kirk Hines courtyard« Il y a deux ans, j’avais conçu un jardin pour les patients en réhabilitation à A.G. Rhodes avec Marguerite Koepke, une professeur de paysagisme de l’Université de Georgia à la retraite. Nous avions transformé une cour en un espace utilisé par des thérapeutes. Mais il n’y avait pas d’hortithérapeute dans le staff jusqu’à maintenant », me raconte Kirk au téléphone. Il part presque de zéro pour concevoir un programme d’hortithérapie pour les trois sites de A.G. Rhodes à Atlanta. Depuis qu’il a été embauché en novembre 2013, Hines a passé beaucoup de temps à éduquer le personnel sur la thérapie horticole. « Je leur explique comment cette thérapie peut bénéficier aux résidents et comment elle s’articule avec d’autres services. » Une autre étape importante est d’évaluer les besoins. «Nous nous réunissons avec le personnel et les résidents pour comprendre comment ils utilisent ces espaces et quels sont leurs besoins. »

«J’ai maintenant trois sites pour lesquels je suis en train de concevoir des programmes et des jardins de thérapie horticole. Chacun des trois bâtiments a beaucoup de potentiel », explique Kirk. « Sur l’un des sites, un patio pour les patients atteints de démence a été nettoyé et organisé. Nous avons planté des végétaux que nous nous cultivons et je fais des séances de thérapie. » Son but est de transformer l’aménagement paysager dans les trois sites en jardins thérapeutiques qu’il décrit comme « calmes, accueillants, paisibles, sains, luxuriants et attirants. » Dans ces paysages thérapeutiques, il veut intégrer des espaces de traitement actif et des espaces où patients et visiteurs peuvent se réunir en plein air.

Picture2La collecte de fonds sera essentielle dans la réalisation de sa vision. Il estime qu’il a de la chance car à A.G. Rhodes une directrice du développement à temps plein est prête à l’aider dans cette tâche. Je connais en France certaines passionnées du jardin de soin qui passent beaucoup de temps à trouver des financements et qui rêveraient d’un tel soutien institutionnel !

Kirk Hines 2A l’origine, Kirk a un diplôme en horticulture ornementale avec une concentration en thérapie horticole, suivi par un stage pour asseoir ses connaissances en thérapie horticole dans un hôpital en Géorgie. Le sujet de la formation le passionne. « Nous devons aligner nos programmes de formation avec ceux des kinés et des ergothérapeutes. Car eux sont moins facilement licenciés quand les budgets sont coupés…. », fait-il remarquer. Il partage également son avis sur le sujet des stages exigés pour obtenir le titre de HTR (horticultural Therapist Registered), un titre que Kirk détient bien évidemment. «Je voudrais avoir des stagiaires ici parce qu’il y a plus de travail que je ne peux faire tout seul sur un seul des sites, alors sur trois….Mais je suis persuadé que les stagiaires doivent être encadrés avec un clinicien qui observe le stagiaire. Permettre des stages à distance (comme le fait l’AHTA, ndlr) est trop facile. » Quant à lui, Kirk se sent incroyablement chanceux d’avoir retrouvé un emploi et de relever ce nouveau défi.

 

Dans cet hôpital gériatrique, on jardine jusque dans son lit

Kirk Hines examine des plants avec un patient à Wesley Woods Hospital of Emory Healthcare à Atlanta.

C’est l’été, le jardin explose de vitalité. Ce blog aussi déborde de vie. Dans cet esprit, je vais commencer à poster deux fois par semaine pour raconter plus vite toutes les belles histoires que j’engrange en ce moment en parlant à des hortithérapeutes fascinants aux quatre coins des Etats-Unis. Je les remercie toutes et tous de m’accorder de leur temps pour vous faire profiter de leur expérience.

Depuis 1993, Wesley Woods Hospital à Atlanta en Géorgie s’est doté d’un programme d’hortithérapie qui fait partie intégrante de son département de services rééducatifs. C’est Kirk Hines (HTR) qui a lancé le programme et continue à le gérer à l’attention des patients dans les quatre unités de cet hôpital universitaire qui se spécialise dans les plus de 65 ans (médical, psychiatrie, neuropsychiatrie et soins intensifs de longue durée).

Situé sur un domaine boisé de 26 hectares avec des cours d’eau et des marécages qui attirent une faune abondante, l’hôpital a aménagé plusieurs espaces : deux jardins, une serre, un jardin déambulatoire et une unité intérieure avec des lumières fluorescentes. Dans les deux jardins situés dans les unités de psychiatrie et de neuropsychiatrie, on trouve des pots (« planters ») à hauteur pour les patients debout et les patients assis, des surfaces pavées, des effets d’eau et un espace de méditation. Cet espace clos et sécurisé est accessible aux patients.

Kirk Hines avec une patiente dans la serre.

Dans la serre en verre, on a pris soin de concevoir un sol facile à négocier avec des déambulateurs et des chaises roulantes. On y trouve aussi des bancs à hauteur et un système de climatisation pour une température confortable toute l’année. Autour de la serre, des plantes d’espèces anciennes (« heirloom ») stimulent les sens et les souvenirs. Les allées sont utilisées pour pratiquer la marche et améliorer l’endurance. D’autres endroits consacrés à la réhabilitation sont équipés de tables roulantes avec lumières fluorescentes pour jardiner par tous les temps.

Des séances d’hortithérapie ont lieu en groupe ou individuellement avec des patients des quatre unités. Tous les jours, elles ont lieu dans les unités de soins, les jardins, la serre et même dans la chambre des patients qui ne peuvent pas se déplacer. « Ce sont des patients qui sont sujets à des précautions à cause d’infections ou qui utilisent un respirateur », explique Kirk Hines. « Mais je peux amener une table roulante avec tous mes produits dans leur chambre. Ils travaillent dans leur lit ou dans une chaise. Nous pouvons bouturer, rempoter en utilisant les tables adaptables en hauteur. Ils peuvent utiliser des gants si besoin. A la fin, tout doit être désinfecté. » Pour ces patients qui souffrent d’anxiété et ont du mal à trouver leur souffle, ces activités ont un effet calmant. Elles les distraient de leurs difficultés.

Kirk Hines apprécie la collaboration avec le reste de l’équipe de rééducation. « Je vois les patients seuls ou dans des séances avec mes collègues. Je contribue au plan pour chaque patient avec les kinés, les ergothérapeutes, les orthophonistes et les autres membres de l’équipe avec des objectifs à atteindre. Nous pouvons travailler sur leur capacité à rester debout, à atteindre un objet ou encore sur leur équilibre et leurs habiletés motrices fines et grossières. »  D’ailleurs Kirk pense qu’il a un avantage sur ses collègues kinés. « Faire des répétitions dans une salle de sport peut être ennuyeux. Mais avec les plantes, ils atteignent leurs objectifs plus facilement. Ils restent debout plus longtemps, par exemple. »

Un patient en déambulateur arrose le jardin.

Dans une étude pilote, Kirk a pu montrer que ses activités aidaient les patients atteints de démence à réduire leur niveau d’agitation. « Il faudrait pousser l’étude », confie-t-il. Prouver scientifiquement l’efficacité de leurs programmes est un luxe que peu d’hortithérapeutes peuvent se payer, mais qui les aiderait certainement à faire progresser la pratique. « Souvent, nous sommes perçus comme une simple activité… ».

« Quand on me demande combien mon programme coûte, je réponds qu’il faut faire entrer en ligne de compte la satisfaction de nos patients et l’amélioration des soins que nous leur apportons. Je pense aussi à la rétention du personnel qui apprécie le cadre. En rendant les patients, leurs familles et les employés plus heureux, nous contribuons de façon importante. Un autre aspect est l’attention que le programme d’hortithérapie attire dans les média. Cela aide notre hôpital et son image. »

Cette patiente travaille assise.