Dans les jardins et la nature, les activités thérapeutiques reprennent de plus belle

Deux papillons blancs dansent dans l’air sur une chorégraphie de l’instant présent. Le soleil joue à travers les feuilles des arbres dont le vert tendre au-dessus de nos têtes, ondulant légèrement dans le vent, gonfle mon cœur de joie et de reconnaissance. Sur le sol du sous-bois, le soleil projette des ombres changeantes. Elles me fascinent un bon moment avant que je m’en arrache pour continuer à explorer un peu plus cet univers ordinaire et mystérieux en compagnie de notre petit groupe de six personnes sous la houlette bienveillante de Christopher Le Coq, guide de bains de forêt, en ce magnifique samedi matin. Pas n’importe quel samedi, le dernier du mois de mai 2020 qui marque une nouvelle étape dans le déconfinement et un printemps qui vit sa vie sans s’occuper de nous.

Assis en cercle dans une petite clairière ou marchant à notre rythme propre dans le bois de Boulogne, nous faisons à la fois partie de la communauté des déconfinés avides de nature et de liens humains qui courent, font du vélo en famille ou marchent en petits groupes de copines dans le bois et à la fois nous sommes à part. Dans un mouvement plus conscient, une observation plus fine de notre environnement, une écoute intime de nos sensations et un moment exceptionnel de pause hors du langage. Avec des temps de partage ponctuels qui redonnent du coup plus de sens aux mots et aux échanges entre les inconnus, frères et sœurs humains, que nous sommes les uns pour les autres. 

Christopher Le Coq, guide de bains de forêt : « Le Shinrin-Yoku est une vraie co-création avec le groupe »

Wow !  24 heures plus tard, m’installant pour écrire dans le jardin partagé dont je vous ai parlé le mois dernier avec le chant des oiseaux et le lever du jour pour compagnons, je suis encore toute charmée par cette expérience, toute apaisée et toute rééchantée. Ce moment que j’anticipais et qui était à la fois un cadeau à mon mari qui fêtait son anniversaire ce weekend, à moi et à nous – ce moment résonne encore. Sûr que nous recommencerons et que nous voudrons étendre l’expérience à une pleine journée comme Christopher en propose en forêt de Fontainebleau

Après une période en pointillé dans son activité de guide de bains de forêt pour les raisons que nous connaissons bien et aussi pour un voyage au Japon à la rencontre des maitres du Shinrin-Yoku à l’automne dernier, il reprend de plus belle tout en approfondissant sa formation auprès de Bernadette Rey. Ce qui me semble un des signes prometteurs que les activités autour de la nature reprennent, portées par une envie de nature qui s’est révélée trop forte pour retomber comme un soufflé. Christopher y croit, j’y crois, nous sommes nombreux à y croire.

Comme je l’avais annoncé, mon envie ce mois-ci est justement de laisser la parole à ces hortithérapeutes ou autres professionnels qui nous relient à la nature pour qu’ils nous racontent comment leur travail reprend après le confinement. Je commence aujourd’hui et exceptionnellement, je continuerai sur ce thème le 2e lundi du mois de juin. Il a tant à dire.

Comme vous pouvez l’imaginez, la distanciation physique pendant un bain de forêt est facile. Et dans le jardin thérapeutique d’une maison de retraite ou dans un groupe d’enfants ? Un peu moins. Comme nous l’avait déjà démontré Sally Cobb le mois dernier, les ressources, la créativité et la détermination ne manquent pas.

Patricia Espi, Bourgeons et Sens : « J’ai bon espoir »

La détermination et la patience, Patricia Espi en a des stocks. En mai, elle a repris contact avec les différents établissements dans lesquels elle intervient même si elle se trouvait alors en « zone rouge » puisqu’elle est à Reims.

Le jardin de la résidence autonomie Les Gobelins. A la mi-juin, les ateliers de jardinage thérapeutique de Patricia dans cette résidence ARFo, l’association de Résidences-Foyers à Reims, doivent reprendre. Après le confinement strict, certaines activités redémarrent doucement – coiffure, pédicure – dans cette résidence qui a été épargnée par le Coronavirus, toujours avec un protocole précis pour assurer la sécurité. Encouragés par la directrice et l’hôtesse qui vivent sur place dans la résidence, les ateliers de Patricia ont lieu environ tous les 15 jours. Depuis le début, ils donnent lieu à la visite des enfants de CP d’une école voisine à la demande de la maitresse et à de beaux échanges de connaissances sur les légumes anciens par exemple entre les enfants et les personnes âgées. Les résidents des autres foyers ARFo peuvent aussi s’y joindre s’ils le souhaitent. A la fin de la séance, Patricia pratique des petits jeux et devinettes que des neuropsychologues appelleraient techniquement de la stimulation cognitive. Cette année, la saison au jardin aura été décalée, mais elle arrive.

La prison de Châlons-en-Champagne. Pour connaître la genèse de ce beau projet, je vous invite à faire un tour sur le blog Plus de vert Less béton de Paule Lebay. « Notre dernier atelier date de février, juste avant le confinement. On avait désherbé, mis de l’engrais, arrosé et nous devions nous revoir », explique Patricia qui échange depuis quelques semaines avec le personnel de la prison pour la reprise. « Quand on sème nos graines, ça ne coûte rien. Mais nous allons devoir acheter des plantes. Et qui va financer le gel, les gants, les masques ? L’atelier a un petit budget. On parle d’un outil par personne, désinfecté avant et après l’activité. Peut-être d’une étiquette avec le nom sur chaque outil pour éviter la contamination. »

Le jardin partagé de Bezannes. En 2016, découvrant le projet immobilier Konekti de 60 logements de trois types différents, Patricia avait contacté les porteurs du projet pour y proposer un jardin pour les habitants. Recontactée un an plus tard, elle a conçu le jardin, travaillé avec une paysagiste pour le choix des végétaux et un artisan local pour le mobilier. Le confinement est passé par là et a retardé les plantations. Roulement de tambour pour annoncer que, le 19 juillet 2020, le jardin partagé sera bel et bien inauguré et présenté aux habitants. Par groupes de 10 personnes à la fois, gestes barrière obligent. Pendant le confinement, Patricia a finalisé le planning d’ateliers du samedi matin jusqu’à fin juin 2021. Quand on dit que le jardin s’inscrit dans le temps…

« Les samedis matins, nous serons au jardin d’environ 10h00 à midi avec un temps d’accueil autour d’un café et un atelier sur un thème. Une salle de convivialité est disponible en cas de mauvais temps. Ca me fait plaisir d’avoir créé ce jardin partagé du début à la fin. J’ai bon espoir. » D’autant qu’un autre projet se profile autour du nouvel écoquartier Réma Vert où Patricia est sollicitée…Une nouvelle raison d’espoir avec cet engrenage positif qui semble en mouvement.

Romane Glotain, Le jardin des Maux’passants : « Le jardin confiné pour être seul et le jardin déconfiné pour retrouver le groupe »

Romane est également une habituée du Bonheur est dans le jardin depuis 2016, année où elle avait brillé dans la catégorie Excellence du Concours d’Avenir de la Fondation Truffaut. Il y a quelque temps, elle a créé Le jardin des Maux’passants, pour « accompagner des publics en situation de vulnérabilité sociale, psychologique, physique résidant ou non en structure médico-sociale en utilisant le jardin, le jardinage et le végétal comme support ». Alors que le confinement s’achevait, elle reprenait un remplacement d’éducatrice technique spécialisée en horticulture dans un IME (Institut Médico-Educatif) où la création d’un jardin partagé est toujours à l’étude. Sa participation au Salon du Végétal d’Angers, événement initialement prévu pour septembre 2020, pour sensibiliser les visiteurs à l’hortithérapie est en suspens.

« Justement je pense que cette période de confinement a appuyé sur l’indispensable accès à la nature que l’Homme doit pouvoir avoir au quotidien pour son bien-être global et surtout psychologique. Ceux qui avaient des jardins se sont réjouis d’en avoir pour s’occuper, s’aérer, se recentrer, se détendre, profiter des premiers rayons du soleil printanier, prendre le temps d’observer, d’écouter. A contrario, ceux qui n’avaient pas le moindre petit carré de jardin, se sont plaints d’étouffer, de ne pas profiter de la nature », constate Romane. « Personnellement, j’ai vécu dans mon appartement deux mois, j’ai des plantes en intérieur et sur mon balcon. Elles ont été vitales vraiment et je les ai observées beaucoup plus que d’habitude. J’en ai pris soin tout simplement! Et lors de mes promenades, j’ai observé avec beaucoup plus d’émerveillement les arbres qui ouvraient leurs premières feuilles, les fleurs, à travers les jardins des habitants du quartier. Sans oublier de jeter un œil sur la mer que je trouvais plus belle que d’habitude quand le large était découvert, juste en écoutant le chant des mouettes! »

Les semaines de post-confinement ont été un temps de rencontres avec des personnes qui l’avaient contactée pour en savoir plus sur les jardins de soins. Membre de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé, elle s’est aussi activée pour lancer une antenne régionale en Pays de la Loire. « Pour mes futures actions, le confinement m’a appris à réaliser le côté communication en testant la vidéo notamment et le travail à distance. Je pense que les directives qu’a prises l’état pour le déconfinement ont été un moyen pour ceux qui ont des jardins (particuliers, institutions) de se recentrer et de profiter (en autonomie, seul) des atouts et du bien-être que peut nous procurer la nature. Car les espaces végétalisés servent aussi à se retrouver seul pour x raisons. Pour ensuite, quand le temps sera venu, s’associer et continuer les partages, expériences, échanges au sein d’un jardin qui restera indéfiniment vecteur de rencontres positives! »

Emmanuelle Lutton, Jardin de Vezenne : « Les premières séances reprennent jeudi »

Pour une présentation du Jardin de Vezenne, je vous renvoie à ce billet de juillet 2019 et au site du jardin. Qu’en est-il un an plus tard ? La crise sanitaire n’a pas été simple pour les créateurs de ce beau projet de jardin thérapeutique encore tout jeune.

Voici ce que me dit Emmanuelle ce matin même, premier jour du mois de juin : « Je reprends les séances au jardin dès cette semaine. Même si toutes les institutions ne reprennent pas les séances prévues dès ce mois-ci, on peut dire que la reprise est amorcée! Nous mettons en place les gestes protecteurs: désinfection des mains à l’arrivée et au départ du jardin, aménagement des espaces en respectant les distances de sécurité, port du masque (quand c’est possible, en fonction des publics) et désinfection des locaux entre deux groupes »

On sent que la dynamique reprend. « Nous allons également pouvoir relancer les travaux d’aménagement du jardin de soin avec la construction d’une terrasse sur pilotis sur la mare et l’implantation d’un jardin aquatique. » Et pourtant on revient de loin avec l’annulation de tous les ateliers au début du confinement, soit environ 55 ateliers entre mars et mi mai ! Toutes les structures qui viennent au jardin de Vézennes (maison de retraite, foyer résidentiel seniors, MAS, FAM) avaient annulé les sorties extérieures ainsi que les interventions des partenaires extérieurs chez elles. Seule une structure hébergeant des jeunes a bénéficié d’une dérogation pour venir au jardin pour trois ateliers avec un « protocole » à respecter. 

Les difficultés ne manquent pas comme l’ont montré ces trois ateliers pionniers. « Le port du masque s’avère parfois bien compliqué. Les masques en tissu très épais étouffent le son de la voix, empêchent la lecture labiale et causent des difficultés de compréhension et d’échanges. La mise en place de la distance physique s’avère également compliquée à respecter pour montrer, se passer une plante, câliner un chevreau, observer un poussin… »

« De plus, l’entrée en relation, avant d’être verbale, est bien souvent physique. La mise à distance entrave cette entrée en relation, essentielle avec la plupart de notre public », explique Emmanuelle. Les difficultés ne manquent pas, mais les accepter et les digérer peut faire partie des nouvelles leçons du jardin dans cette nouvelle phase du « monde d’après ».

A dans 15 jours pour de nouveaux exemples de résilience en pleine nature. D’ici là, portez-vous bien et ouvrez vos sens.

Romane Glotain murit son projet de jardin de soins

En mai 2016, nous avions fait connaissance avec Romane Glotain, jeune diplômée en production horticole qui venait de faire grande impression au Concours d’Avenir de la Fondation Truffaut avec un projet très abouti. Depuis 18 mois, elle n’a pas chômé. Après un Service Civique dédié à la création d’un jardin de soins en milieu psychiatrique, elle vient de se lancer avec enthousiasme dans une licence professionnelle dans le domaine du social et de l’animation. Autant de briques qui ont pour but d’enrichir le projet qui lui trotte dans la tête depuis plusieurs années : lancer un jardin de soins pour accueillir des publics vulnérables du côté de Nantes. Elle nous raconte…(Pour joindre Romane, romane.glotain (at) gmail.com).

 

 

Je tiens avant tout à me présenter : Romane Glotain, 20 ans et nantaise. Il y a maintenant quelques années que je tiens à réaliser mon propre projet professionnel : celui de créer un jardin de soins entre Nantes et St-Nazaire en Loire-Atlantique, pour accueillir des publics vulnérables (enfants, personnes âgées, handicapés, personnes anxieuses…) afin de leur proposer des ateliers à médiation, c’est-à-dire des animations en complément de leurs soins conventionnels grâce à un support qui est le jardin et le végétal en général. C’est ce qu’on nomme l’hortithérapie. Vous vous demandez sûrement d’où vient l’idée ?

 

Remontons il y a 6 ans. A mon arrivée au lycée Jules Rieffel de Saint-Herblain (44), je me suis investie pendant mon temps libre au sein d’une association d’élèves écoresponsables où étaient proposé divers projets liés au développement durable. Un projet m’attirait plus que les autres, celui du « Jardin pour tous » qui consistait à proposer des ateliers « jardin » à des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer, deux fois par mois au sein d’un jardin de soins dans l’enceinte du lycée. Le jardin était un lieu pour accompagner, créer du lien, travailler les cinq sens et la mobilité chez ces personnes devenues dépendantes. J’ai suivi ce projet avec d’autres élèves pendant trois ans en me rendant compte que le lien entre l’humain et le végétal était indispensable et amenait beaucoup de bien-être. C’est la devise de l’hortithérapie… et c’est devenu la mienne ! On m’a toujours répété que mon futur métier devait être une passion pour que je puisse m’y épanouir. A cette époque, j’avais trouvé ce métier qui n’a jamais changé jusqu’au moment où j’écris ce texte.

J’ai poursuivi par un BTS en Production Horticole au lycée du Fresne d’Angers (49) que j’ai obtenu en 2016 et grâce auquel j’ai pu acquérir des connaissances dans la détermination des plantes, les conditions de culture …J’ai eu aussi la chance de remporter le concours national « Projet d’avenir » de la Fondation Truffaut dont le but était de proposer un jardin de soins pour un public spécifique sur dossier et à l’oral. Un vrai coup de pouce pour booster mon réseau, mes financements et mon projet en général.

Le Service Civique : un détour très utile

Tout me réussissait jusque là… J’ai voulu poursuivre par une licence professionnelle « Techniques d’intervention et d’animation psychosociales auprès des publics vulnérables » qui était proposée à Tours pour avoir des connaissances sur les différentes pathologies entre autres. Malheureusement, je n’ai pas été retenue à cette formation et je me retrouvée lâchée, sans rien…Dur, dur quand tout est planifié dans sa tête et que la ligne dévie…

J’avais entendu parler du Service Civique, certes. Mais pour moi la formation avait plus de valeur et d’importance… Bien sûr, j’ai navigué quelques jours sur le site à taper tous les mots clés possibles pour trouver une mission qui me conviendrait. Et j’ai trouvé « THE » mission : « Participer à l’accompagnement des personnes en situation de handicap : participation à la promotion d’une démarche écocitoyenne par la création d’un jardin potager ». Je m’y retrouvais complètement tant pour l’objectif que je m’étais fixé professionnellement que pour mes valeurs personnelles.

Direction la Sarthe dès le mois de septembre 2016. L’Établissement Public de Santé Mentale de la Sarthe basé à Allonnes (72) m’intégrait dans une mission de 10 mois au Mans (72) au sein d’ un foyer de vie pour handicapés mentaux accueillant au quotidien 30 résidents. Le but était d’aménager un jardin sur les extérieurs du foyer et de proposer des animations en lien.

Je vous avoue qu’il n’est pas facile de se retrouver confrontée à des personnes qui souffrent de symptômes psychotiques et de schizophrénie du jour au lendemain même si les résidents étaient très accueillants et l’équipe (aides médico-psychologiques, cadre de santé, une tutrice monitrice-éducatrice et secrétaire) très à l’écoute.

Il n’était pas facile non plus pour les résidents de situer mon rôle qui n’était pas celui de soignante. Mais très vite, j’ai proposé des plans de jardin avec des résidents et une équipe très ouverte me laissant autonome sur le projet. Je l’ai réalisé en fonction des envies des résidents. Au fil des mois, un verger est apparu, des framboisiers, une palette d’aromatiques… Jordan, également Service Civique au sein de l’EPSM m’a prêté main forte pendant 4 mois pour construire un compost, installer une arche d’entrée…

S’en est suivi une aide précieuse d’un collègue Aide médico-psychologique qui a pris le relais et m’a soutenue dans le projet pour construire une tonnelle en bois, des bacs à hauteur pour les personnes les plus fatigables, une terrasse en bois pour poser des transats, une serre à tomates et qui m’a surtout apporté son regard en tant que soignant.

10 mois pour créer un jardin en psychiatrie

J’étais venue au foyer pour lancer le projet, mais je comptais sur les résidents pour s’y impliquer et aménager leur jardin ! Celui-ci devait être varié et surtout adapté à la maladie. Tout était délimité (carré potager, bordures autour de la jachère fleurie…) avec différentes zones observables. Les délimitations, le choix des végétaux, les aménagements ont été très importants dans la construction du jardin. En effet, la maladie mentale fait perdre conscience de son environnement et les personnes se retrouvent vite dans leur bulle.

« Tu travailles avec des schizophrènes ? T’as pas trop peur ? » Combien de fois ces questions m’ont été posées lorsque j’expliquais mon Service Civique. J’ai pu remarquer que la maladie mentale, que certains appelleraient « la folie », fait peur, très peur… et c’est quand on côtoie un public comme celui-ci qu’on a une véritable envie de prouver le contraire à son entourage. Le handicap mental reste encore trop tabou et surtout beaucoup trop occulté par rapport au handicap physique que ce soit dans l’esprit des personnes, dans l’aménagement de l’environnement, dans la sensibilisation…Au final, qu’est ce que le handicap ? Une inadaptation, un frein face à notre environnement et aux codes de notre société… C’est la définition… en y réfléchissant, nous avons donc tous un handicap à un degré plus ou moins élevé…

Les résidents étaient sans emploi, et le temps qu’ils passaient à fumer, et à déambuler dans les couloirs, envahis par leurs pensées m’exaspérait ! Le fait de les impliquer dans le projet permettait de travailler entre autres sur la dépendance au tabac ;  « T’as vu Romane, j’ai pas fumé de toute la matinée ! » me disaient certains gros fumeurs qui m’aidaient à jardiner. J’essayais aussi de proposer des animations collectives et individuelles adaptées aux capacités physiques et intellectuelles de chacun pour que le plus grand nombre de résidents participent au projet (herbier en intérieur, plantations de fraisiers, gros travaux…). Certains y venaient tout l’après-midi, d’autres passaient seulement observer…Je n’imposais rien.

On travaillait donc beaucoup sur l’anxiété (très présente chez les résidents), sur le lien social, la concentration… plusieurs fois j’ai pu observer des résidents s’entraider à porter des sacs de terreau, à pousser la brouette alors que dans l’enceinte du foyer ils ne s’adressaient jamais la parole ! Les résidents étaient vraiment autres au jardin et ça c’était formidable ! Certains ont surpris l’équipe pendant ces 10 mois, les réunions permettaient d’en parler.

Je ne dis pas que tout était rose tous les jours, il faut s’attendre à des réactions surprenantes de la part des résidents, à des moments de la journée qui font qu’ils sont moins ouverts, lunatiques, des moments où la maladie reprend le dessus. Il a fallu s’y adapter. C’était aussi leur apprendre à s’engager dans des tâches quotidiennes de jardinage (arrosage, désherbage,…) et à les pousser au-delà de leurs capacités qu’ils se délimitent. Les récoltes des premières salades, le fleurissement des massifs… Tout cela apportait de la satisfaction, du partage, du bonheur simple !

 Un jardin de soins pérenne

Pour la pérennité du projet, je fais confiance à l’équipe pour continuer à accompagner les résidents au jardin qui est un véritable support de soins, oui de soins ! Je me souviens au tout début d’une dame psychotique qui avait participé à la décoration du foyer avec des éléments de l’automne ramassés dans un bois lors d’une sortie ; le sourire que je n’avais jamais vu auparavant lorsqu’elle a vu les châtaignes était juste magique ! Pour vous donner un autre exemple, un résident plus jeune était toujours scotché au chauffage ou en train de déambuler dans les couloirs, très perturbé par sa maladie… Au bout de 3 mois de travaux dans le jardin, il est sorti me voir, m’a bombardée de questions sur les plantes, le jardinage, et m’a même aidée à passer le râteau dans le potager, une grande surprise de la part de ce résident ! Et puis c’était aussi simplement réapprendre à tenir un arrosoir pour certains…

Grâce à mon volontariat, j’ai pu aussi être lauréate de l’Institut de l’Engagement qui est une association aidant spécialement les Services Civiques à réaliser leur projet. Je vais être suivie pendant deux ans dans la création de mon entreprise. J’ai pu rencontrer beaucoup de jeunes ayant des différents projets. L’échange était riche lors du dernier regroupement qui était à Autrans (38) avec plus de 300 jeunes !

Le service civique a été une expérience très enrichissante, m’a permis de découvrir le monde de la psychiatrie et son quotidien, m’a fait connaître des professions, a permis de découvrir mes capacités à aménager un jardin pour un public spécifique et a confirmé mon envie de réaliser mon projet professionnel.

Je vous avouais au début que je n’étais pas motivée à m’engager en Service Civique et aujourd’hui je me dis : « heureusement que je me suis engagée ! » J’en retiens une expérience formidable et qui m’a sans doute grandement aidée à être acceptée à la licence que je convoitais à la sortie de mon BTSA. Je valoriserai forcément mon expérience à travers mon métier d’hortithérapeute et j’aurai l’expérience pour pouvoir accueillir, animer, appréhender la maladie dans de bonnes conditions.

Je profite de ce témoignage pour remercier Gwenaëlle, ma tutrice qui m’a portée jusqu’au bout de ma mission et qui a rempli son rôle avec professionnalisme ! Merci au reste de l’équipe, aux collègues qui m’ont suivie et aidée pendant ces 10 mois et merci aux résidents pour leur énergie folle qui a permis de voir naître le jardin « Maux et merveilles » au foyer, mais aussi pour leur amabilité, sans oublier leur humour…J’espère autant qu’il pourra leur apporter sérénité et bonheur aussi longtemps que possible. Le jardin est un lieu formidable pour faire face aux difficultés du quotidien. Aujourd’hui il devient un véritable support d’accompagnement, un lieu d’apaisement, un lieu pour oublier la maladie tout simplement …

Prochaine étape, une licence en animation

Tourangelle depuis septembre, je suis les cours de l’université François Rabelais en licence professionnelle « Techniques d’intervention et d’animation psychosociales auprès des publics vulnérables » et… j’adore ! Après un BTS en Production Horticole, je souhaitais avoir une formation dans l’animation, le social pour mener à bien mon projet professionnel. Je vous avoue que ça me change des plantes et qu’il a fallu un peu d’adaptation mais j’en vois la complémentarité.

Je suis des cours de méthodes d’éducation actives, de psychologie, gérontologie (dépression, maltraitance), méthodes d’animation, évaluation, avec des professeurs et des intervenants extérieurs qui partagent leurs expériences très enrichissantes. Mon mémoire portera sur l’utilité des jardins de soins en psychiatrie et mon stage se déroulera auprès d’enfants handicapés moteurs au sein d’un IEM (Institut d’Éducation Motrice).

En plus des cours, j’ai pu acquérir depuis peu le statut d’étudiant-entrepreneur qui me permettra de bénéficier de formations dans la création d’entreprise et d’un accompagnement… en plus de l’aide de mon parrain et de ma chargée d’accompagnement de l’Institut de l’engagement. Je confirme aujourd’hui que l’accompagnement et le réseau sont des points essentiels à la création d’un projet ! En effet, le projet avance à grand pas ces temps-ci, même si je me laisse le temps de le monter… J’espère donc au prochain billet vous inviter à se rencontrer au jardin !

Pour joindre Romane Glotain, romane.glotain (at) gmail.com

 

La formation : quel diplôme ?

C’est un plaisir d’accueillir Stéphane Lanel, l’animateur du Jardin d’Epi cure à Maule (78), dont vous avez déjà entendu parler plusieurs fois, notamment ici et . Il aborde le sujet de la formation à travers son expérience personnelle et ses réflexions sur le sujet. Félicitations, avec un an de retard, pour l’obtention de son Bac Pro et bon courage pour la reprise de nouvelles études en septembre. Quel bel exemple !

 

Vaste question que celle de la formation des personnes intervenant dans les jardins à visée thérapeutique ou dit « de soins ».

Tout d’abord, je me présente: je m’appelle Stéphane Lanel et je suis animateur du « Jardin d’Epi cure » (et membre de l’association du même nom) depuis l’hiver 2011 dans un foyer médicalisé accueillant des adultes cérébro-lésés. Ce jardin offre la possibilité aux résidents d’aménager cet espace, de l’entretenir et de le faire évoluer. Mais également, de semer, planter, soigner, cueillir, récolter et transformer fleurs, fruits et légumes. Pour enfin consommer, offrir et partager.

Stéphane Lanel

Stéphane Lanel

En novembre dernier, j’ai participé au 4ème symposium international sur les jardins de soin au cours duquel l’une des thématiques abordée était la formation. J’ai pu constater à quel point le monde des soignants et celui des entrepreneurs (architectes, paysagistes, pépiniéristes, etc) avaient vraiment du mal à cohabiter dans « l’écosystème » du jardin de soins. Ces deux mondes sont dans une défiance et méfiance réciproques. Actuellement aucun n’ayant trouvé sa « niche écologique », nous en sommes encore au stade où chacun veut marquer et protéger son territoire. Pourtant ils doivent et devront trouver un terrain d’entente s’ils veulent travailler ensemble.

Je pense que le jardinier de soins (terme que je préfère au pompeux « hortithérapeute ») est plutôt un hybride qui peut prendre le meilleur des deux, et cela au service des personnes dont il s’occupe.

Hortithérapeute ? 

IMG_2141Avant tout, je voudrais m’arrêter sur le mot « hortithérapeute ». Tout ceux qui jardinent en institution le savent, pour l’avoir expérimenté : le jardin est de facto thérapeutique. Mais il me semble que nous ne devons pas usurper un titre qui n’est pas le nôtre. Je rappelle qu’il n’existe actuellement en France aucun diplôme d’hortithérapeute référencé au Répertoire National des Certifications Professionnelles. Ce n’est donc ni un diplôme, ni un métier reconnu par l’État.

Si nous voulons nous faire accepter des institutions, ne nous parons pas de ce titre. Je le dis pour avoir entendu si souvent des animateurs de jardins de soins se présenter et parler en tant qu’hortithérapeutes. J’ai également entendu les réticences de chefs d’établissement et de thérapeutes certifiés (qui, je le rappelle, ont fait au minimum 3 années d’études dans leur spécialité) très sceptiques à cause de l’emploi de ce terme. In fine, je pense que cela dessert la cause que nous sommes sensés servir.

Malgré cette non reconnaissance officielle, il n’en reste pas moins que nous sommes là au quotidien, auprès de ceux qui souffrent et qu’il y a une nécessité impérieuse de formation. Mais quelle(s) formation(s) ? Permettez-moi de vous parler de mon parcours personnel.

La nécessité de se former

Avant la création du jardin à la Maison des Aulnes, j’exerçais depuis une bonne dizaine d’années la profession d’Aide Medico-Psychologique. Je n’avais absolument aucune compétence en matière de jardinage, ni aucune empathie pour le monde végétal. Mais la rencontre avec Bruno, un résident du foyer, a réorienté à jamais ma vie. Il fut le premier à me vanter l’action bénéfique du jardinage sur ses propres troubles du comportement, semant ainsi une graine qui germât jusqu’à la réalisation du projet du Jardin d’Epi cure.

Dès le début de sa création, je me suis retrouvé face à mes propres limites techniques pour animer une activité de jardinage et en difficulté face à des résidents parfois très connaisseurs (je me souviens notamment d’un ancien paysagiste).

C’est pourquoi j’ai décidé dès 2012 de me former. Anne Ribes m’a tout de suite recommandé l’ESA (École Supérieure d’Agriculture) d’Angers pour la qualité de son enseignement et la possibilité de suivre une formation à distance (ma situation professionnelle et familiale ne me permettant pas de suivre une formation continue en présentiel).

J’ai donc pris contact avec l’école. Mon niveau d’études Bac +4 m’autorisait l’accès au Bac pro en classe de Première sans passer par la Seconde ainsi qu’au BTS. J’ai choisi le baccalauréat professionnel pour jouer la carte de la sécurité : j’étais conscient de la charge de travail à fournir dans les deux cas et je ne voulais surtout pas me surcharger au risque d’abandonner en cours de route. De plus, partant de zéro, il me fallait acquérir les bases.

Obstacles sur le chemin

Il m’a fallu d’abord affronter plusieurs difficultés.

> La première à été de choisir le Bac pro qui me convenait… En effet deux spécialités correspondaient aux activités proposées au jardin d’Epi cure :

  • Aménagements paysagers, qui concerne la création et les entretiens des espaces végétalisé
  • Productions Horticoles, qui concerne la floriculture, le maraîchage, etc.

J’ai choisi les aménagements paysagers sous les conseils d’Anne Ribes qui avait elle-même étudié cette spécialité mais aussi car le jardin d’Epi cure était dans sa phase de création.

> La seconde difficulté a été de gérer la problématique du stage en milieu professionnel obligatoire de six semaines à effectuer sur une année. Pour quelqu’un qui ne bénéficie que de cinq semaines de congés annuels, le problème était de taille… Ma chance a été d’avoir eu la possibilité de prendre « Le jardin d’Epi cure » comme lieu de stage et Anne Ribes comme maître de stage.

Malgré tout, ça n’a pas été facile à faire valider par la responsable pédagogique du CERCA (pôle de formation de l’ESA) qui ne comprenait pas le sens de ma démarche dans cette reprise d’études. Elle n’arrivait pas à comprendre le sens de mon stage car je me destinais à utiliser ces compétences avec des personnes amatrices (avec toute la charge péjorative que peut prendre ce mot), de surcroît handicapées plutôt qu’à entrer dans une logique professionnelle classique basée sur des rapport commerciaux et hiérarchiques. Je rappelle que le titulaire d’un Bac pro est habilité à créer son entreprise et/ou à encadrer une équipe d’ouvriers.

> La troisième difficulté a été de pouvoir assister aux sessions de regroupement à l’ESA d’Angers (six regroupements d’une semaine chacune sur les deux années). Là, je n’avais d’autre solution que de m’y rendre en prenant sur mes congés payés.

> La quatrième et dernière difficulté, et non des moindres, a été le financement… Notre beau système français de formation continue étant ce qu’il est, deux solutions s’offraient à moi:

  • Faire une demande de CIF (Congé Individuel de Formation) et attendre une prise en charge à 100% dans un délai pouvant aller de 3 à 10 ans.
  • L’auto-financement.

Je n’ai eu donc d’autre solution que cette dernière, mais pour régler les frais annuels de scolarité (1200 €) le CERCA propose des facilités de paiement très intéressantes.

Le cursus du Bac pro AP

  • Contenu des cours théoriques

J’ai reçu en novembre 2012 les manuels scolaires. Très bien faits, mais malheureusement édités en noir et blanc. Ma première impression a été la panique face à la quantité de nouvelles connaissances à intégrer, avec une mention spéciale pour la biologie végétale et la reconnaissance des végétaux (en latin, s’il vous plait!!!!). Mais je dois dire qu’à l’issue de la formation, ce sont les deux matières que j’ai préférées et qui m’ont le plus apporté.

Dès la réception de ces contenus pédagogiques, il m’a fallu m’imposer une discipline stricte dans l’étude des matières (1h30 quotidienne minimum) et la réalisation des devoirs (un quota étant exigé pour le passage en terminal).

Les 2 premiers mois, la tête dans le guidon, j’avais l’impression de ne rien apprendre et d’être submergé par la charge de travail. Et sans comprendre pourquoi, j’ai réalisé un jour que les connaissances commençaient à faire sens dans ma tête et que des connections s’établissaient entre les différentes matières. Cette prise de conscience m’a permis de garder ma motivation jusqu’au bout de la formation.

  • Sessions de regroupement

Je me suis rendu à la première session de regroupement en décembre. Expérience très étrange que de se retrouver à l’école le jour avec des adultes et à l’hôtel la nuit, loin de ma famille. Mais expérience très enrichissante, avec des cours extrêmement condensés et des horaires de cadre, le tout dans une ambiance studieuse. Et à l’instar de tout lycée, des profs pédagogues, passionnés et passionnants (biologie végétale) et d’autres moins…

Et après ?

En juin 2014, j’ai obtenu mon diplôme avec une belle mention. Mais concrètement quels ont été les bénéfices concrets de cette formation au service du jardin d’Epi cure ?

3Je me suis rendu compte tout au long de ces deux années que l’acquisition de compétences me permettait de m’affranchir de plus en plus des contraintes techniques, pour une meilleure animation des séances. Cela s’est avéré encore plus tangible dans l’activité pédagogique qui accueille des enfants de l’école élémentaire et du centre loisirs de la commune avec leurs cortèges de « pourquoi ».

J’adore également la philosophie sobre, humaniste et joyeuse d’Epicure et, pour moi, le Jardin est un formidable espace philosophique, il est le support d’une multitude de réflexions métaphoriques. L’acquisition de ces connaissances m’a donné des clefs pour faire parler ce monde.

Malheureusement (ou heureusement), j’ai depuis touché les limites de cette formation. Le jardin étant un écosystème résilient, il doit être appréhendé dans sa globalité. En effet, ouvrir une porte de l’univers du vivant c’est se retrouver devant une autre, puis une autre, puis une autre…

IMG_1917Le Jardin d’Epi cure, n’a cessé d’évoluer depuis 2012: les activités et l’espace de production légumière se sont développés (notamment pour la cuisine thérapeutique) et une parcelle dédiée aux Restos du Cœur a été créée. Et malgré mes lectures et la documentation sur le maraîchage et la production horticole en général, j’éprouve encore cette nécessité de formation. En septembre, je commencerai une formation de jardinier permaculturel à la Ferme du Bec-Hellouin en Normandie. Et j’espère me lancer en 2016-2017 dans un BTS Production Horticole à dominante Agriculture Bio. Boulimique ? Peut-être. Passionné, certainement ! Dans tous les cas, voir le projet du Jardin d’Epi cure avancer avec l’investissement, l’enthousiasme et la joie des résidents me donne envie d’offrir à ce projet le meilleur de moi-même.

Conclusion

Voici mon expérience personnelle, qui n’est que ce qu’elle est, et surtout liée au contexte et au public particulier du jardin d’Epi cure. Je souhaite à chaque personne prenant en charge des personnes vulnérables dans le cadre d’un jardin de soins de trouver SA formation adaptée à ses variables. En conclusion, je pourrais dire que se lancer dans une formation reste une aventure vitale qu’il faut vivre pour se nourrir soi et nourrir les autres en retour.

 

A Daumezon, un jardin partagé de soins

Les animateurs du projet dont Anne Babin (à gauche en tablier vert et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

Les animateurs du projet dont Anne Babin (à gauche en tablier vert) et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

En octobre 2012, plusieurs animateurs du Centre Hospitalier Départemental Georges Daumezon à Fleury-les-Aubrais (Loiret) se retrouvent à Chaumont-sur-Loire pour la toute première formation sur les jardins de soin. Situé près d’Orléans, le CHD Daumezon est responsable de l’organisation de la prise en charge des maladies mentales en psychiatrie générale (adultes) et en psychiatrie infanto-juvénile (enfants-adolescents). « On venait pour nos jardins », raconte Anne Babin qui dispose d’une serre pour jardiner tous les jours avec les patients dans le cadre d’un atelier floriculture et Laurent Chéreau qui utilise plus modestement deux petits bacs. Mais la formation va faire germer une idée plus ambitieuse encore, une idée qui a maintenant pris forme et qui a fait l’objet d’une inauguration officielle la semaine dernière.

On décape le gazon pour la créer des parcelles de 2 x 5m.

On décape le gazon pour la créer des parcelles de 2 x 5m.

Car ensemble, ils ont imaginé créer d’un jardin partagé de soin. Il faut dire que le terrain est fertile. « On considère le jardin comme une activité thérapeutique avec du temps dédié. Tout le monde, la direction des soins, les cadres, les chefs de pôle, pensent ainsi », expliquent Anne et Laurent. Avec le feu vert de la direction, les porteurs du projet lancent un sondage en ligne auprès des équipes médicales, soignantes, administratives et logistiques. « Etes-vous intéressé pour faire vivre une parcelle dans un futur jardin de soin et/ou jardin partagé ? » Plusieurs unités répondent avec enthousiasme et le responsable des espaces verts s’engage dès le départ dans le projet. « On a tout fait en régie, nous avons beaucoup de ressources en matériaux, en engins, en hommes », énumère Laurent. Un emplacement est choisi, le square Jamin, situé assez centralement vers l’entrée de l’hôpital. Il ne nécessite pas beaucoup de travaux : il est déjà clôturé, un chemin adapté aux fauteuils roulants existe (le square était déjà utilisé par l’unité pour personnes âgées dont Laurent est l’animateur).

Un lieu de rencontre, un lieu de vie

Comme l’écrivent les initiateurs du projet de jardin partagé de soins dans un document qui explique leur démarche, « Notre objectif est à la fois modeste et ambitieux : Nous souhaiterions faire vivre un lieu de rencontre qui puisse se partager autour du jardinage, du jeu, de la promenade, de la rêverie, de la gourmandise aussi… ». Moins de deux ans plus tard, le jardin partagé est une réalité. « Les 7 parcelles ont été attribuées et sont investies au fur et à mesure. C’est difficile de libérer du temps avec les manques d’effectifs. Les soignants doivent être moteurs. Mais maintenant, il y a une vie. Des personnes viennent se reposer, des familles viennent avec les patients et ils jardinent ensemble », s’enthousiasment Anne et Laurent. Le lieu est ouvert à tous de 8h00 à 22h00. « C’est un lieu respecté. Les outils ne bougent pas. Le jardin est clôturé, mais les portillons ne sont pas fermés. » Le jardin suscite même des vocations et une certaine envie : certains dans l’administration ont aussi exprimé l’envie d’avoir une parcelle.

Capture d’écran 2014-09-16 à 14.39.11Une Charte du jardin partagé de soins de l’hôpital Georges Daumezon a été élaborée. Chaque unité participante a par ailleurs ses propres objectifs. Une unité d’hospitalisation, qui pratiquait déjà un atelier thérapeutique sur le thème du jardinage, poursuit plusieurs buts : permettre une autonomie aux patients, créer des liens et des échanges entre structures afin de profiter de l’expérience de chacun, permettre de se ressourcer à travers une activité relaxante et valorisante, développer la créativité des patients et la capacité d’échanger avec un groupe, etc…Pour les personnes en séjour au Centre d’Accueil pour Personnes Agées où Laurent est animateur, il s’agit de faire réapparaitre des motivations pour des activités individuelles et collectives, de renforcer l’estime de soi, de prendre des initiatives. Les autres responsables de parcelles comprennent entre autres la crèche de l’établissement (vive les liens entre les générations), un CMP Enfants Unité fonctionnelle et une résidence thérapeutique (atelier de floriculture).

Des objectifs thérapeutiques multiples

Une autre parcelleLes patients de l’atelier floriculture d’Anne justement, forts de leur expérience, donnent des petites formations sur les semis, le repiquage, le bouturage ou les bouquets. Une merveilleuse façon de valoriser leurs connaissances et de créer des liens entre différents patients au sein de l’établissement. L’objectif est aussi de s’ouvrir sur l’extérieur. « On va se rapprocher d’associations de jardins ouvriers du quartier pour ajouter de la vie, échanger des plantes », promet Anne. Elle regrette que le poste évaluation n’ait pas été financé même si chaque unité évalue ses patients (taux de fréquentation, bienfaits de la thérapie en termes d’ouverture à l’autre ou encore de sommeil).

Pour le comité de pilotage qui travaille depuis deux ans sur ce projet, l’inauguration vendredi dernier a marqué une reconnaissance et une officialisation. Grâce à ce jardin, on parlera désormais de l’hôpital autrement…