Colleen Griffin : une hortithérapeute indépendante et impliquée

Dans l’état du Maine, aux Etats-Unis

Colleen Griffin a suivi la formation d’hortithérapeute du Horticultural Therapy Institute (HTI) de Rebecca Haller et Christine Capra, formation que j’ai moi aussi suivie en 2010-2011 sans aller jusqu’au titre de Horticultural Therapist Registered comme Colleen qui a été diplômée en 2018. Puis Colleen est devenue co-auteure du blog du HTI, pour lequel j’ai aussi écrit il y a plusieurs années. Pas étonnant que je ressente une sorte de camaraderie par association avec Colleen. Quand j’ai lu son dernier billet intitulé « Dormance : la réponse de la nature aux jours sombres de l’hiver », j’ai été très touchée par les idées qu’elle exprimait. J’ai eu envie de discuter avec Colleen et de lui consacrer ce premier billet dans mon voyage autour du monde de 2022.

Colleen Griffin

Il y a quelques jours, alors que l’état du Maine où elle vit se remettait d’une forte tempête de neige, nous avons passé un moment très cozy sur Zoom pour parler de son parcours et de ses projets dont celui qui l’occupe tout particulièrement pour les Dempsey Centers for Quality Cancer Care. Pour les fans de Grey’s Anatomy, le nom de Patrick Dempsey évoquera le personnage du Dr. Derek Shepherd. C’est en honneur de sa mère touchée par le cancer que l’acteur a fondé et reste très impliqué dans cette association caritative qui accueille et soutient les patients et leurs proches.

Quant à Colleen, voici comment elle résume son parcours. « Après une carrière de 25 ans dans le domaine de la santé, j’ai décidé qu’un changement était nécessaire. J’ai suivi mon cœur et me suis inscrite à des cours d’horticulture dans un community college local. C’est à partir de là que j’ai découvert l’hortithérapie et que j’ai suivi la formation du HTI dans le Colorado. J’ai obtenu mon HTR en 2018 et j’ai depuis travaillé avec des adultes et des enfants ayant des besoins spéciaux dans des programmes professionnels et développementaux/comportementaux. Depuis 4 ans, je suis affiliée aux Dempsey Centers for Quality Cancer Care, qui servent non seulement les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer, mais aussi leurs familles et leurs soignants. Mon travail avec Dempsey est axé sur la réduction du stress basée sur la pleine conscience. » 

Mais ce n’est pas tout. Colleen s’implique dans deux organisations professionnelles dédiées à l’hortithérapie ainsi que dans la formation.  « Je fais partie de l’équipe de programmation de la conférence de l’American Horticultural Therapy Association – AHTA (prochaine conférence 8-10 septembre à Kansas City). Je suis actuellement coordinatrice des membres du North East Horticultural Therapy Network (NEHTN) et j’organise le bulletin trimestriel de ce réseau. Récemment, j’ai commencé à enseigner dans le cadre du programme bénévole des maîtres jardiniers (master gardeners) de l’Université du Maine Cooperative Extension. »

Cancer, nutrition et pleine conscience

Depuis une dizaine d’années, le Dempsey Center cultive un jardin avec l’aide de master gardeners comme ceux formés par Colleen. La production sert à des cours de cuisine thérapeutique en plus d’être distribuée aux patients pour encourager une alimentation saine et équilibrée. Devant quitter son emplacement original, ce jardin a trouvé refuge dans un nouveau lieu appartement au YMCA d’Auburn l’année dernière. C’est à Colleen que le Dempsey Center confie alors la conception du jardin communautaire et d’un jardin thérapeutique attenant. Dans cette partie qu’elle rend accessible aux personnes à mobilité réduite, elle installe des bacs et une longue table de travail pour jardiner à hauteur. 

En 2021, ce sont les herbes aromatiques et un jardin sensoriel qui ont été le principal objectif. Grâce à une structure couverte et à six tables, les activités d’hortithérapie peuvent se poursuivre par tous les temps car le Maine a un climat assez rude et imprévisible. Colleen espère que cette année, le projet va continuer à mettre des racines, notamment avec un jardin d’herbes médicinales. « Mais Rome ne s’est pas construite en un jour, » rappelle-t-elle. D’ailleurs, un autre projet ambitieux est de transformer une partie du terrain en espace naturel avec des pollinisateurs et des plantes indigènes. « Cette partie restera plus sauvage et pas accessible en fauteuil. Mais ce sera un lieu pour les familles. »

Jardin thérapeutique en devenir, nivellement et préparation du terrain appartenant au YMCA.
Le jardin thérapeutique en cours d’installation au printemps 2021 dans le jardin communautaire qui l’entoure. Il contient deux lits surélevés et deux jardinières accessibles aux fauteuils roulants, fixées à une table de travail.

Le jardin thérapeutique du Dempsey Center s’adresse aussi aux soignants, pour une pause dans leur quotidien. Colleen reçoit également des enfants de personnes malades ou des enfants endeuillés. « Avec des groupes de 8 à 18 ans, ce n’est pas toujours facile ! En mai dernier, nous avons commencé avec des plantations d’haricots verts et de concombres. Les enfants peuvent venir au jardin quand ils veulent. »

Jardiner n’est pas toujours rattaché à un lieu partagé, la Covid nous a appris à être adaptable. Cet hiver, Colleen a participé à une « Cabin fever series », un programme de wébinaires associant quatre professionnelles, une diététicienne, une prof de pleine conscience, une prof d’exercice adapté et une hortithérapeute. « Pour des patients qui ne pouvaient pas se déplacer, les conférences en ligne représentaient un grand intérêt. Une femme a participé depuis l’hôpital pendant une chimiothérapie. Une mère malade et sa fille adolescente ont apprécié de ne pas parler de maladie le temps de cet échange. » 

Dans cette vidéo, Colleen vous invite à une visite du nouveau jardin et vous raconte l’histoire de sa création. 

Le jardin sensoriel se trouve dans une jardinière surélevée. Attachée à la jardinière, une activité de pleine conscience auto-guidée que les visiteurs peuvent pratique avec les plantes devant eux.
Le jardin thérapeutique du Dempsey Center sa première année

Les origines d’une vocation

C’est l’accident de la route de son fils et sa longue convalescence qui a ouvert les yeux de Colleen sur le pouvoir thérapeutique du jardin. « Le jardin est un endroit rassurant où on peut démêler ses émotions. La nature ne porte pas de jugement et vous accepte. On peut reprendre confiance. Guérir est une longue route pleine de virages. J’ai constaté qu’il y a une différence énorme entre ce que la communauté médicale appelle être guéri et le fait d’aller vraiment mieux », explique Colleen dans une émission du podcast « Ah ha moment ». Ce podcast présente le parcours de plusieurs hortithérapeutes et leur « ah ha moment », le moment où ils ont pris conscience de l’intérêt des jardins thérapeutiques et de l’hortithérapie. Je vous encourage à écouter d’autres épisodes pour découvrir les histoires de Christine Capra, Matt Wichrowski, Pam Catlin, John Murphy, Patty Cassidy et bien d’autres.

L’accident de son fils impulse une envie de changement. Le jardin l’attire naturellement car elle pressent son intérêt thérapeutique. Quand elle parle à un de ses enseignants d’horticulture de cette intuition, elle s’entend répondre : « Ce que tu décris, c’est l’hortithérapie ». Et une hortithérapeute est née.

Hortithérapeute, une profession toujours en devenir

« En 2018, nous étions deux hortithérapeutes dans le Maine, dont Kathy Perry qui a été ma superviseuse de stage pour devenir HTR. Aujourd’hui, nous sommes quatre et bientôt cinq. A mes débuts, j’ai frappé à de nombreuses portes sans succès. J’ai été très heureuse que le Dempsey Center me donne une chance. Je pense que de plus en plus d’organisations voient l’intérêt de l’hortithérapie pour les gens qu’elles accueillent »,  constate Colleen. « La pandémie a changé notre vision de ce qui est thérapeutique. J’aimerais que tous les jardins communautaires, comme ceux dans lesquels travaillent les master gardeners, aient un jardin sensoriel. Dans cette crise, nous avons tous subi des traumatismes, des deuils, des pertes et de l’isolement. Le jardin peut nous aider à traverser la pandémie. »

Depuis la France, nous pourrions avoir l’impression que les hortithérapeutes ont la belle vie aux Etats-Unis, que la pratique est acceptée à bras ouverts. Le parcours de Colleen démontre que rien n’est jamais acquis. « J’ai rencontré une hortithérapeute de Seattle sur la côte ouest des Etats-Unis. J’avais l’impression que là-bas, l’hortithérapie était bien plus avancée. Mais finalement, non. » D’ailleurs, n’est-ce pas peut-être dans cet esprit un peu rebelle et hors des clous, toujours en lutte tranquille, que l’hortithérapie se joue ? 

En tout cas, partout les hortithérapeutes cherchent à se rassembler. Aux Etats-Unis, cette envie a pris la forme de huit réseaux régionaux de l’AHTA il y a plusieurs années. Après une période où les réseaux sont devenus indépendants de l’AHTA, il y a actuellement un mouvement pour rassembler de nouveau les deux niveaux d’organisation, national et régional. Colleen fait partie de ces chevilles ouvrières du rapprochement. « C’est important d’avoir une organisation nationale plus forte sans perdre l’identité des réseaux régionaux », explique-t-elle. Colleen représente le nord-est des Etats-Unis auprès de l’AHTA tout en s’impliquant dans le North East Horticultural Therapy Network (NEHTN). « Je me suis engagée dans le NEHTN à un moment où beaucoup d’anciennes partaient. Cela m’apporte beaucoup car nous partageons les mêmes questionnements. Nous avons quatre réunions par an et de nombreux échanges. » Pour rappel, l’hortithérapie, c’est connecter les humains – dont les hortithérapeutes – et les plantes.

Trois professionnelles de la santé mentale s’allient à la nature

Pour conclure 2021, la parole à trois femmes croisées électroniquement ou dans la vraie vie et dont j’avais envie d’avoir des nouvelles. Je leur ai demandé où en étaient leurs projets autour du jardin et de la nature et je partage avec vous leurs réponses. Merci à elles.

Stéphanie Martin : psychologue, elle consulte dans la nature

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux médiations autour du jardin/de la nature?

J’ai exercé  en tant que psychologue clinicienne pendant une dizaine d’années au sein d’établissements médico-sociaux, accueillant des personnes porteuses de handicap. Ces dernières années ma pratique a énormément évolué,  à travers mes besoins propres et auxquels j’ai trouvé un écho auprès de mes patients. Je me suis d’abord formée à la florithérapie, c’est-à-dire aux fleurs de Bach. J’ai découvert un autre univers à travers cet outil, et la puissance de la connexion avec les fleurs m’a amenée à me questionner différemment. J’ai commencé à proposer les fleurs de Bach aux patients que je suivais en institution, et j’ai pu observer des résultats incroyables. Il m’est ensuite apparu comme une évidence qu’il fallait aller plus loin, et j’ai très fortement ressenti le manque de connexion à la nature dont de nombreux patients souffraient. Cela m’est venu en observant le décalage qu’il pouvait y avoir entre les attentes et représentations de mes patients et la réalité du temps qui passe, des saisons, et du temps nécessaire à la maturation psychique. Lorsque l’on mettait en lien par exemple la saisonnalité avec le temps psychique, d’autres perspectives apparaissaient. En fait, une grande partie de mes patients vivaient en foyer d’hébergement, dans un bâtiment situé sur le même lieu que leur lieu de travail (ESAT). Ils passaient d’un bâtiment à l’autre, et en dehors des sorties organisées avec le foyer ou les associations partenaires, ils n’étaient que très peu en lien avec la nature.

J’ai alors commencé à proposer des consultations à l’extérieur, en marchant, notamment à une patiente pour qui je sentais au plus profond de moi que c’était cela dont elle avait besoin. Nous sommes allées dans un petit bois tout proche de l’établissement, et c’est comme si le contact avec la nature, avec les feuilles au sol, avec les couleurs, la luminosité, la reconnectait peu à peu à la vie. J’ai vu son niveau d’anxiété baisser drastiquement au cours de cette courte consultation, et je l’ai sentie s’apaiser au fil de la balade.

Suite à cela j’ai commencé à imaginer un espace thérapeutique en institution, sous forme de jardin. Un espace préservé, pensé pour et avec les patients, où l’on pourrait à la fois proposer des consultations, des groupes thérapeutiques, des temps de méditation, etc…, et à la fois laisser un accès libre afin que chacun puisse s’approprier cet oasis. J’ai alors commencé à faire des recherches en ce sens et j’ai découvert qu’il existait d’autres lieux comme celui que j’imaginais. Malheureusement la conjecture du moment n’a pas permis à ce projet de voir le jour.

De mon côté j’ai ensuite quitté le milieu médico-social avec lequel je me sentais de plus en plus en décalage pour m’installer en libéral, avec toujours en tête cette idée de jardinage thérapeutique.

Quelle est votre implication actuelle ?

Actuellement, je viens d’ouvrir mon cabinet de psychologue clinicienne et psychothérapeute en ville. Je n’ai pas pu trouver un lieu d’exercice qui me permettait d’avoir un jardin thérapeutique sur place, mais j’ai trouvé un cabinet avec une immense baie vitrée donnant directement sur un bel espace de verdure, avec en fond d’un côté les montagnes et de l’autre le lac du Bourget. Cela a été mon compromis pour finalement avoir quand même la nature au sein du cabinet !

Je reçois les patients (enfants, adolescents, adultes) au cabinet, où je leur propose différents outils pour accompagner la psychothérapie. Je travaille toujours avec les fleurs de Bach comme alliées du travail psychique. Et surtout, je propose également des consultations à l’extérieur, en milieu naturel. J’ai la chance de travailler dans un cadre exceptionnel, où les espaces naturels sont proches et accessibles (bords de lac, forêt, jardin vagabond…), alors je m’en saisis pour accompagner mes patients.

Je continue également d’accompagner des personnes en situation de handicap, ce qui a été ma spécialité pendant de nombreuses années. J’utilise différents moyens de communication et de support thérapeutique afin de m’adapter aux spécificités de chacun. Nous mettons aussi en place ensemble des outils qui permettent de transposer dans la vie quotidienne ce qui est travaillé en séance.

Enfin je suis en train de me former en phytothérapie et aromathérapie afin de compléter ma palette thérapeutique et de proposer un accompagnement plus global de chaque personne.

Quels sont les projets que vous souhaitez entreprendre dans ce domaine?

D’ici quelques temps je vais également proposer des groupes thérapeutiques au jardin, en partenariat avec une maraîchère permacultrice. Nous attendons le printemps pour que la saison soit plus appropriée, et aussi que ma patientèle soit plus développée afin de construire un projet solide.

J’ai pas mal d’idées qui bouillonnent dans ma tête, des envies de partenariats avec d’autres professionnels, des envies de formation… mais j’essaie de me raisonner et de ne pas tout attaquer en même temps ! Moi aussi j’apprends à me reconnecter à la saisonnalité, et au temps réel de la vie !

Pour en savoir plus sur Stéphanie, vous pouvez visiter son site.

Marion de Lamotte : infirmière, elle accompagne des patients au jardin

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux médiations autour du jardin/de la nature?

Depuis ma plus tendre enfance, la nature fait partie de mon environnement. J’ai grandi à la campagne, puis m’en suis éloignée pour me centrer sur mes études d’infirmière. 

J’exerce depuis 15 ans dans un hôpital psychiatrique en Vendée, le centre hospitalier Georges Mazurelle qui est réputé pour son parc paysager, pensé pour le bien être des patients, soignants et famille (voir le portrait de Dominique Marboeuf en 2014, son successeur est Michel Grelier). Sur les premières années, en collaboration avec l’équipe et le paysagiste de l’hôpital, j’ai monté de petits projets de jardins attenants aux unités d’hospitalisation. De petits « havres » de tranquillité pour les patients mais qui se pérennisaient rarement dans le temps, faute de moyens et car la mobilité nous amène à changer régulièrement de poste. 

En 2016, je suis arrivée sur un Hôpital de Jour pour une durée de 4 ans, structure de l’hôpital proposant des activités thérapeutiques. J’ai tout naturellement monté un groupe Jardin, avec une collègue infirmière et un groupe de 7 patients. Groupe ayant lieu tous les lundi matin. La dimension thérapeutique a pris tout son sens au travers du cadre proposé, des objectifs posés et du temps régulier mis à disposition pour la pratique mais aussi pour la régulation du projet. Le jardin a entièrement été conçu avec le groupe. Une expérience collective très riche. 

C’est vraiment sur cette période que les questions sur mon devenir professionnel se sont dessinées, que j’ai pris connaissance des savoirs théoriques et scientifiques existants et que j’ai contacté la Fédération Française Jardins Nature et Santé dont je suis devenue membre sympathisante. J’ai récemment décidé d’en devenir membre active.

En parallèle, depuis la naissance de mes enfants, j’avais eu besoin de la nature et du jardin pour me restaurer psychiquement et physiquement. J’ai donc pu expérimenter personnellement et collectivement les bienfaits de la nature. Je me suis tournée vers la permaculture qui m’a apporté une vision et une éthique proche de mes valeurs, qui m’accompagne aujourd’hui dans mon quotidien personnel et professionnel.

Quelle est votre implication actuelle ?

Depuis un an, je suis sur une autre structure de jour de ce même hôpital. Le fonctionnement est le même que sur l’hôpital de jour avec une dimension sociale approfondie du soin.

J’accompagne donc un groupe de 7 patients souffrants de pathologies psychiatriques, avec une collègue ergothérapeute, sur un jardin partagé dépendant d’une maison de quartier de la ville. Au-delà de l’aspect groupal, où se travaille déjà le lien à l’autre, se joue l’aspect sociétal, emprunt de représentations de la maladie mentale et le but est d’étayer puis autonomiser les patients dans la restauration ou la mise en place d’un lien à l’autre sécurisant. Le jardin faisant tiers dans la relation. Les autres aspects de la médiation sont également déployés à savoir la dimension physique, psychique et cognitive. 

Il y a un peu plus d’un an, je me suis formée au Jardin de soin module de base de Chaumont sur Loire, pour asseoir et formaliser des pratiques, acquérir des connaissances et surtout échanger avec des professionnels intéressés.

Quels sont les projets que vous souhaitez entreprendre dans ce domaine?

Depuis 2 ans, je réfléchis, en collaboration avec l’actuel responsable des espaces verts de l’hôpital, à un projet de jardin partagé sur l’hôpital. Un évènement que nous avons nommé « Parlons jardin » a réuni au mois de novembre les équipes et usagers intéressés par le sujet pour échanger sur les pratiques actuelles et lancer une dynamique collective et participative de réflexion. Un souhait commun, voir les premières plantations au printemps 2022.

Je suis persuadée que ce type de projet répond aux enjeux actuels. Il peut redynamiser l’institution, créer du lien entre les équipes, favoriser le bien être des patients, des soignants, des familles, créer un « ailleurs » ressource, faire des ponts avec des projets culturels et être favorable à la biodiversité et aux enjeux écologiques.

Pour ma part, après avoir argumenté, défendu le projet, rencontré des partenaires, mon avenir se dessine ailleurs. Je déménage à Angers prochainement et n’emporte pas mon statut de fonctionnaire avec moi. Je souhaite cependant continuer à œuvrer dans cette dynamique et proposer mes services aux institutions et aux particuliers ayant des problématiques de santé et voulant y répondre par l’intermédiaire du jardin. 

Pour retrouver Marion de Lamotte, voici son compte LinkedIn.

Elisabeth Cuchet Soubelet : chercheuse en reconversion, elle choisit un jardin thérapeutique comme terrain de stage

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux médiations autour du jardin/de la nature ?

De formation scientifique, j’ai fait de la recherche pendant plus de 25 ans dans l’industrie de l’imagerie médicale. Chercheuse en innovation technologique puis responsable de la recherche clinique, j’ai collaboré avec des chirurgiens du monde entier. Si ce métier m’a passionné, il impliquait aussi beaucoup de travail, de responsabilités, de voyages et de stress. J’ai essayé la méditation pour réduire ce stress, mais c’est une pratique que je trouve difficile. Par contre, j’ai crée il y a 3 ans un petit jardin sur le toit de mon garage en banlieue parisienne, qui est rapidement devenu mon lieu « ressource » : je me suis rendu compte que quelques minutes passées les mains dans la terre ou à regarder les insectes butiner me permettaient de m’apaiser. 

Il y a quelques mois, j’ai vécu une période difficile, entre le rachat de mon entreprise et des difficultés personnelles. J’ai alors décidé de partir « changer d’air » quelques jours en me formant à la permaculture dans la Drôme, à l’université des Alvéoles.  Ce stage a été pour moi une révélation : j’ai découvert que la permaculture ne touche pas seulement au végétal mais aussi à l’humain ! Cette approche écosystémique bienveillante où l’humain retrouve toute sa place au sein de la nature, qui allie des connaissances scientifiques très poussées mais laisse aussi une grande part à l’expérimentation du travail de la terre, m’a permis de me ressourcer et de me remettre en marche. Ce temps passé au plus près de la nature a été pour moi une véritable thérapie : en seulement une semaine, j’avais retrouvé l’envie de faire des projets et de me projeter dans l’avenir. 

Au retour de ce stage, à 53 ans, j’ai quitté mon travail et je me suis inscrite à l’université, en master de psychologie, avec l’idée d’explorer le pouvoir thérapeutique de la nature. J’ai alors découvert la littérature scientifique déjà très importante sur ce sujet, et trouvé de nombreux contacts grâce à la Fédération Française Jardins Nature et Santé. 

Quelle est votre implication actuelle ? 

Grâce à la FFJNS, j’ai pris contact avec l’hôpital Cognac Jay où je suis actuellement en stage de M1 de psychologie en service nutrition et obésité. Cet hôpital a été rénové en 2006 par l’architecte Japonais Toyo, autour d’un magnifique jardin. Anne Surdon, médiatrice en jardin thérapeutique, y organisait des ateliers thérapeutiques jusqu’à l’arrivée de la pandémie de COVID 19.  Anne avait envie depuis quelques mois de proposer à nouveau ces ateliers, et mon souhait de mener un projet de recherche sur les effets thérapeutiques du jardin pour les patients souffrants d’obésité a motivé toute l’équipe à redémarrer cet atelier. Je suis encore en phase de définition de mon projet de recherche, mais j’ai déjà observé lors du premier atelier combien les patients étaient fiers de ce qu’ils avaient pu réaliser au jardin !

Quels sont les projets que vous souhaitez entreprendre dans ce domaine?

Je souhaite dans deux ans exercer en tant que psychologue clinicienne, en tant que soignante, et utiliser la nature comme médiation thérapeutique dans ma pratique. Je reste cependant passionnée de recherche clinique, et j’aimerais donc pouvoir continuer à mener des recherches sur la valeur thérapeutique de la nature, en particulier pour des patients souffrant de psychopathologies sévères. 

Pour retrouver Elisabeth Cuchet Soubelet, voici son compte LinkedIn.

Bon courage à toutes les trois ! Bonne fin d’année à vous toutes et tous.

Deux hortithérapeutes au Kurdistan

Dans cette vidéo, Tamara Singh et Heidi Rotteneder, deux hortithérapeutes familières de ce blog et membres de la Fédération Française Jardins Nature et Santé, racontent comment elles sont allées à Chamchamal dans le Kurdistan irakien pour former des thérapeutes spécialistes du psychotraumatisme au travail avec le jardin.

L’équipe internationale d’hortithérapeutes qui s’est relayée auprès de ces thérapeutes locaux qui accompagnent des adultes et des enfants traumatisés par la guerre comprenait aussi les Allemands Andreas Niepel et Martin Pfannekuch et l’Américain Matt Wichrowski.

Pour en savoir plus sur la Fondation Jiyan et son jardin et sur la situation dans cette région du monde qui n’a guère connu de paix depuis le début du 20e siècle. La Fondation Jyian se décrit ainsi :  » Jîyan est le mot kurde qui signifie « vie ». Nous aidons les victimes traumatisées de la torture, de la persécution et de la violence au Kurdistan et dans le nord de l’Irak. La Fondation Jiyan est une organisation à but non lucratif qui s’occupe des victimes de torture, de persécution et de violence en Irak. Depuis 2005, notre équipe de professionnels de la santé et de défenseurs des droits de l’homme a pu aider des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dont la vie a été brisée par la torture, les attaques terroristes, les enlèvements et d’autres formes de violence. »

Dans le jardin de Chamchamal
Dans le jardin de Chamchamal
Formatrices (assises au 2e rang) et thérapeutes en formation
Chamchamal

Sabrina Serres : une soif d’apprentissages et de partages

Sabrina Serres

Les lecteurs historiques et attentifs du Bonheur est dans le jardin connaissent déjà Sabrina Serres. En 2017, elle avait partagé avec nous son mémoire « L’hortithérapie, pratique thérapeutique non médicamenteuse, humaniste et innovante »écrit dans le cadre de la licence ABCD qu’elle venait de terminer (Conseil et développement en agriculture biologique). Je l’avais rencontrée quelques mois plus tôt à l’occasion de la 3e édition du concours « Projet d’avenir » de la Fondation Truffaut dont elle avait été lauréate avec un projet de jardin thérapeutique pour le PASA (pôle d’activités et des soins adaptés) d’une maison de retraite dans le Tarn.

Approfondir ses connaissances, élargir son horizon et partager ses réflexions sont des valeurs fortes pour Sabrina. Nous la retrouvons aujourd’hui alors qu’elle vient de terminer un nouveau diplôme, un nouveau jalon dans son parcours. Mais pour mieux comprendre ce parcours, je vous propose un retour en arrière.

Sabrina, peux-tu nous expliquer ton parcours jusqu’à aujourd’hui ? Comment les différentes étapes s’imbriquent-elles ? Quel est le fil conducteur ? 

Le fin conducteur est mon besoin d’être au service de l’autre, d’apporter le soin, de pratiquer le care toujours dans l’échange et le partage. En tant qu’orthoprothésiste pendant 16 ans, je fabriquais des appareillages en concertation avec les kinés, les ergothérapeutes, les médecins, les équipes en atelier. Je me suis rendue compte que le care pouvait être encore plus fort en intégrant le végétal.

Cette prise de conscience est venue d’une remise en question à la naissance de mon premier fils. Je me suis demandée ce que j’avais envie de donner au monde. A ce moment-là, je suis passée par le rapport à l’assiette et à l’alimentation avec une imbrication de ma vie personnelle et de ma vie professionnelle. Je me suis demandée comment je pouvais produire quelque chose de beau et de bon. C’est ainsi que j’ai validé en 2016 un Brevet de technicien Responsable Exploitation Agricole (REA) en maraîchage biologique. Puis j’ai obtenu une licence ABCD (Conseil et développement en agriculture biologique) en co-habilitation avec l’Université Blaise Pascal d’Aubière, VetAgroSUp et l’établissement Inéopole Formation.

Mais cela ne me semblait pas suffisant. J’avais envie de développer la conception et l’animation de jardins thérapeutiques adaptés aux personnes en situation de handicap, personnes âgées et personnes fragilisées. Je me suis lancée dans une formation sur la conception des espaces à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, une formation en deux ans.

Parle-nous de ce diplôme de concepteur et créateur de jardins que tu viens tout juste de terminer à l’ENSP de Versailles ?

J’avais besoin de comprendre les espaces et comment ils impactent l’état de santé, par la lumière par exemple ou en répondant au besoin de protection. J’avais aussi besoin de nourritures intellectuelles pour comprendre comment les choses se créent. Ce diplôme m’a permis d’améliorer ma réflexion, de me donner les moyens. Mon but maintenant est d’être un maillon de la chaine pour agir sur les espaces.

La formation à Versailles m’a appris à être dans un temps de rendu et de travail dense car, pendant deux ans, cette formation m’a permis une remise en question perpétuelle. Je peux voir comment j’ai évolué dans ma relation à l’autre et ma vision du jardin de soin qui, pour moi, dépasse l’hôpital et l’institution. J’ai envie d’apporter cette énergie au plus grand nombre, en bas des immeubles par exemple et jusqu’à la fin de vie.

Dans l’esprit de partage qui est le sien depuis que je l’ai rencontrée, Sabrina partage son nouveau travail, ce mémento qui est le point d’orgue de sa formation à l’ENSP sur « L’art des jardins au service de la santé ». Après un historique très complet, le mémento déploie des réflexions sur l’habitat refuge, la scénographie propre à stimuler la curiosité, la sensorialité, le jeu de l’ombre et des lumières ou encore les synusies (l’ensemble des organismes vivants, et donc des plantes, suffisamment proches par leur espace vital, leur comportement écologique et leur périodicité pour partager à un moment donné un même milieu). Elle partage également une proposition de synthèse de la pyramide des besoins de Maslow et des travaux de Nigel Dunett applicable aux jardins de soins. Enfin, elle nous rappelle très à propos que « le Plan National Santé Environnement 4 (PNSE 4) « Mon environnement, ma santé » (2020-2024) renforce l’action globale d’amélioration de la santé dans son environnement. Ce plan dépasse les frontières des établissements et s’étend à l’ensemble de l’espace urbain »….Ces oasis de biodiversité deviennent des lieux, apportent le cadre, nécessaires à une santé préventive individuelle et collective, sur l’ensemble du territoire. »

Quels sont maintenant tes projets en t’appuyant sur l’ensemble de tes formations ? 

J’espère pouvoir œuvrer maintenant sur cette thématique des jardins de soin enrichie de cette expérience auprès de l’école de Versailles. J’ai commencé mon activité en créant ma structure, Atelier Paysages et Ressources, et intégrant une coopérative d’emploi qui répondait à mes valeurs sur le développement durable et l’écologie.

Dans un premier temps, je vais faire une présentation début novembre à l’ancienne structure pour laquelle je travaillais en tant qu’orthoprothésiste, l’ASEI (« L’ASEI a pour objet, l’accompagnement, l’éducation, l’insertion des personnes en situation de handicap et des personnes dépendantes et fragilisées. L’association gère 114 établissements et services sanitaires et médico-sociaux » ). Je voudrais partir des besoins des établissements de l’ASEI. Ce serait une évolution naturelle. Puis dans un second temps, j’envisage de contacter d’autres établissements.

J’entends que ce n’est pas évident de vivre de cette activité de conception de parcs et jardins et de prises en charge autour du végétal, c’est-à-dire d’hortithérapie, dans les jardins que je créerai. C’est ce que je veux faire et je vais le faire corps et âme. Je suis dans le Tarn en Occitanie, mais je peux intervenir là où le vent me porte. Par exemple, j’ai fait un stage chez Audrey Hennequin de Courant d’Air en Nouvelle Aquitaine. Ces échanges me nourrissent intellectuellement et émotionnellement.

Je crois que tu as déjà un projet en route ?

Oui, j’anime depuis peu des ateliers dans un Ehpad de Castres. Nous fixons des objectifs thérapeutiques pour chaque participant. Au bout de 10 ateliers, nous verrons si on constate une amélioration de l’état. Vendredi dernier, nous avons travaillé sur le toucher. Lors du prochain atelier, nous allons collaborer avec la psychomotricienne sur la fluence verbale, la verbalisation de ce qu’on voit et de ce qu’on fait. Pour l’instant, nous travaillons avec des jardinières de Verdurableavant d’évoluer vers un jardin. Je précise que c’est France Alzheimer Tarn qui subventionne mon intervention.

Pour contacter Sabrina Serres, voici son compte LinkedIn où elle explique sa démarche et son email : atelierpaysagesetressources (at) gmail.com

Pour lire le mémento issu de son travail à l’ENSP de Versailles

La hiérarchie des besoins de Maslow adapté à la conception des jardins en lien avec la santé, inspirée des travaux de Nigel Dunett pour un plan de plantation naturaliste
Inviter l’usager du site à se mouvoir dans un lieu resserré stimulant des notions comme la proprioception, l’éveil des sens par le frottement du corps, de la main sur le végétal propose des effet de surprise et de curiosité. Le rythme des carrés de bois structure l’espace et cadre la déambulation au milieu des aromatiques.
Une palette végétale goûteuse offrant au visiteur une proposition de mise en scène du goût par la plasticité des végétaux, leurs couleurs et le rythme des saisons.
Ce travail a été influencé par des ateliers de recherches sur la couleur réalisées à l’école national supérieurs de Paysage sur Versailles où j’ai pu appréhender l’impact chromatique visuel sur notre perception.
Cet extrait de conception proposé pour l’accueil de jour de l’hôpital de la Porte Verte de Versailles invite à accompagner le résident au-delà de l’entrée de la structure par ce couloir végétal. Cet espace, ce couloir est un lieu de transition entre un espace ouvert vers un espace fermé accompagne sereinement le résident vers l’établissement, mais aussi marque une limite entre les espaces accueil, l’établissement et le jardin de soin.

Les jardins ne font pas la rentrée

Il y a quelques semaines au Jardin de Bonne

C’est la rentrée. Prenons une grande respiration pour calmer nos esprits déjà surchauffés. Oui, vraiment. Fermez les yeux si vous en avez envie et respirez profondément plusieurs fois. Pour vous reconnecter à votre corps, à ce moment. Pour arrêter la roue à hamster quelques instants. C’est un super pouvoir que nous avons toutes et tous.

Les jardins, on le sait, ne prennent pas de vacances. Ils poussent, avec ou sans nous. Pour celles et ceux qui s’occupent de jardins dans des lieux de soin, j’espère que vos jardins ont bien passé le cap de l’été et des vagues de chaleur. J’espère aussi que, pendant ces deux derniers mois, vous avez eu « votre dose » de nature, que vous avez profité de moments d’émerveillement dans un minuscule jardin urbain ou une immense forêt millénaire, que vous avez fait des découvertes étonnantes tous vos sens en éveil, que vous avez rencontré vos proches et vos amis différemment entourés de nature en promenade ou en pique-nique ou bien encore que vous avez fait une sieste dehors bercés par le chant des oiseaux. 

La nature, ce n’est pas que pendant les vacances. Rappelez-vous qu’elle est là autour de vous à tout moment, même pour les ultra-urbains. Pendant le confinement, on l’a vue se manifester plus librement et beaucoup de gens ont ressenti une attirance nouvelle pour la nature et son pouvoir ressourçant. J’en avais parlé en avril, en mai, en juin et vous avez sans doute lu pas mal d’articles un peu partout à ce sujet. Ne l’oublions pas.

Psychothérapie à l’air libre

C’est sur la force de ce constat et en me basant sur mon engagement depuis 2012 autour de la nature et de la santé que j’ai pris une décision toute naturelle. En parallèle de mon travail de psychologue à temps plein auprès de personnes âgées qui vivent chez elles, je souhaitais lancer une activité de psychothérapeute – forcément réduite en termes d’heures par semaine – auprès d’adolescents ou d’adultes. Cette activité se déroulera exclusivement dans des jardins à Paris. Il existe des jardins assez grands et procurant assez d’espaces privés pour servir de cadre à des séances qui respectent la nécessité de confidentialité. Assis ou en marche, nous utiliserons l’approche des thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles (TCC ou TCCE) à laquelle je suis formée et qui a fait ses preuves pour les personnes souffrant de nombreux troubles comme la dépression et l’anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs, le stress post-traumatique, la douleur, les troubles du sommeil et d’autres.

Je n’invente rien. Yann Desbrosses que je vous avais présenté au début de l’été pratique en plein air et considère même que « les séances en pleine nature sont une alternative sanitaire » dans la période actuelle. Il y a deux ans, je vous avais aussi parlé de Beth Collier, une psychologue anglaise qui reçoit dans les bois. Si cette pratique n’est pas nouvelle, elle n’est pas encore très répandue. Mais elle me semble s’imposer aujourd’hui comme une évidence. Il existe sans doute d’autres exemples, que j’aimerais découvrir. En tout cas, c’est l’envie qui me porte de mon côté et qui devra forcément correspondre à l’envie de mes futurs patients. 

Deux suggestions pour nourrir l’esprit

La reprise des activités diverses, les sollicitations en tout genre nous accaparent. Le temps nous semble compté. Je ne vais pas vous submerger. Voici juste deux propositions qui ont le mérite d’ouvrir nos horizons, de nourrir nos esprits.

Mon été a été marqué par une lecture recommandée par Florence Gottiniaux. Merci, Florence. Vous connaissez peut-être déjà ce livre. Il pose beaucoup de questions qui partent du jardin potager et maraicher et ont des ramifications globales. « Permaculture, guérir la Terre, nourrir les hommes », Perrine Hervé-Gruyer et Charles Hervé-Gruyer, Actes Sud, 2017.

Je vous suggère aussi cette master classe de Gilles Clément diffusée sur France Culture en 2019. On cite souvent Gilles Clément sans l’avoir lu ou sans bien le connaître. J’avoue que c’est mon cas. Voici l’occasion en une heure de l’écouter développer sa pensée. Rien à lire, juste à écouter. « La nature vient créer avec vous, elle continue quand vous n’êtes pas là ».

Mon chêne préféré dans le Poitou

Confinés dans nos corps, pas dans nos têtes

News update : voici un texte que nous venons de publier sur le site de la Fédération Française Jardins Nature et Santé. Confinement : la nature nous fait du bien…même en photo.

Wow ! Que de bouleversements en un mois ! Depuis le 17 mars, nous voici confinés par le coronavirus qui, comme un rouleau compresseur, a chamboulé nos vies, notre santé, notre capacité à être au jardin ou dans la nature et bien plus encore. 

Sans compter que certaines personnes à qui s’adressent en premier lieu les jardins thérapeutiques sont parmi les plus touchées par cette pandémie : les personnes âgées particulièrement vulnérables, les personnes souffrant de maladies mentales malmenées par l’incertitude actuelle, les malades chroniques eux aussi mis à mal. 

Les personnels soignants qui, en réalité, font vivre les jardins thérapeutiques tous les jours dans leurs établissements sont aujourd’hui accaparés et en première ligne pour contenir le coronavirus. Le jardin est sans doute le cadet de leurs soucis en ce moment. Et pourtant les jardins se tiennent prêts à accueillir tout l’épuisement, le mal-être et la douleur qu’ils auront besoin de déposer un jour.

Je vous le dis parce que j’en suis convaincue : nos corps sont confinés, mais nos pensées et nos esprits sont libres. Libres d’imaginer, de rêver, d’anticiper, d’inventer mille façons d’être solidaires. Comme cette initiative qui m’a particulièrement touchée : 1lettre 1 sourire est une plateforme pour envoyer très facilement une lettre à une personne âgée vivant dans une maison de retraite. En quelques minutes, avec votre compassion, votre humour, votre gentillesse, vous pouvez égayer la journée d’une personne âgée confinée sans possibilité de recevoir de visite « jusqu’à nouvel ordre ». 

Des mots

Nous ne pouvons plus courir à droite et à gauche comme des dératés. Il s’en suit que nous avons normalement plus de temps libre. Du temps par exemple pour plonger dans de délicieuses lectures. Voici mes recommandations, les livres que j’aime lire et relire. N’hésitez à rajouter les vôtres dans les commentaires…

Un petit monde, un monde parfait de Marco Martella

Les Français et la nature, pourquoi si peu d’amour de Valérie Chansigaud

Une enfance en liberté, protégeons nos enfants du syndrome de manque de nature de Richard Louv qui a écrit il y a quelques jours un texte passionnant sur la connexion à la nature en temps de pandémie

Natura de Pascale d’Erm

Le Shinrin-Yoku en famille d’Isabelle Boucq (oui, j’ose cette auto-promo car je suis persuadée que c’est le moment de donner envie aux familles de se retrouver dans la nature quand le confinement sera terminé)

Et je suis en train de lire un nouveau livre publié très récemment par Philippe Walch, paysagiste et membre de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé : Et au milieu de l’hôpital fleurit un jardin. De sa très belle plume, il nous raconte sa métamorphose de paysagiste « classique » qui décide de mettre ses compétences au service des jardins en milieu de soin. « On ne répètera jamais assez que le jardin de soin est d’abord un jardin de vie. Le soin vient vers la vie et non le contraire. Le jardin de soin est un jardin où la vie est présente sous toutes ses formes, et dans lequel le soin s’invite de lui-même pour faire son œuvre de réparation psychique, physique et mentale. » Philippe passe en revue les théories scientifiques qui sous-tendent les jardins de soin et les étapes de la conception en illustrant d’exemples, d’histoires vécues et de photos. Un beau livre et le premier à ma connaissance écrit du point de vue d’un paysagiste. Pour se le procurer, contactez Philippe : phwalch (at) lesjardinsavie.com ou06 61 23 87 33 (20 € + 5 euros de frais d’envoi) et retrouvez-le sur son site : www.lesjardinsavie.com

Des images

On sait que la nature nous fait du bien. Et même que la vue de la nature nous fait du bien. Et même que des images de la nature nous font du bien. C’est dans cet esprit que je partage ces photos de mon album de famille qui me font du bien. Certes s’y attachent pour moi des souvenirs, des ressentis, des sensations, des odeurs. Mais j’espère qu’à vous aussi, ces photos où la nature est toujours présente, seule ou comme écrin, vous apporteront de l’apaisement et de l’émerveillement.

Dans les Yvelines, le CH Théophile Roussel multiplie les jardins

Montesson jardin

Une partie du parc et jardin de soin au CH Théophile Roussel à Montesson, en fin de journée cet été.

 

Pour ce billet de rentrée, je vais laisser la parole à Didier Sigler. J’ai rencontré Didier pour la première fois à l’automne 2012 chez Anne et Jean-Paul Ribes. Ce charmant déjeuner, suivi d’une visite au jardin d’Epi Cure à la Maison des Aulnes, incluait également Rebecca Haller, la directrice du Horticultural Therapy Institute de Denver. Depuis, je croise Didier régulièrement, en particulier lors de la finale du concours de la Fondation Truffaut et il me donne des nouvelles des initiatives de jardins de soin qui se multiplient au sein du Centre Hospitalier Théophile Roussel à Montesson (78) où il est – attention, prenez votre souffle – coordonnateur général des activités de soins et directeur de la qualité et de la gestion des risques, sécurité et standard.

Pour présenter ce qui se fait aujourd’hui au CH Théophile Roussel, Didier Sigler m’a donné la permission de partager cet article publié dans le Théophilien, le journal interne de l’hôpital. Vous allez voir qu’il s’en passe des choses à Montesson ! Vous pouvez aussi lire cet article sur le site 66 millions d’impatients, émanation de l’Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé.

Il est intéressant de noter que l’hôpital est par ailleurs actif en matière de politique culturelle. Il est en effet de nouveau lauréat pour l’édition 2016-2018 du « Label Culture et Santé» qui est décerné par l’Agence Régionale de Santé et la Direction Régionale des Affaires Culturelles Ile-de-France.

Pour une mise à jour de toute dernière minute, sachez également que Didier Sigler donnera une présentation sur la place de l’hortithérapie au CH Théophile Roussel lors de la 16e édition du Congrès de L’Encéphale en janvier 2018 au Palais des Congrès à Paris. A côté des thérapeutiques du futur, de l’homme augmenté, des applications des nouvelles technologies, de la place des start-up, de l’apport du neuro-feedback ou encore de l’identification de nouveaux bio-marqueurs cérébraux, on parlera donc aussi de jardins qui soignent les patients à ce prestigieux congrès de psychiatrie.

De plus, Didier a œuvré une bonne partie de l’été avec la Fédération Hospitalière de France pour que le CH Théophile Roussel accueille des jeunes volontaires en Service Civique. Avec en particulier deux fiches de mission, l’une fléchée écothérapie (animation autour d’un parcours santé – observations, découverte de la nature, la flore et la faune au sein du parc de 30 hectares de l’hôpital) et l’autre hortithérapie (accompagnement, animation du jardin de soins Hortithérapie). Un moyen de démultiplier les effets des jardins et de la nature, dans la lignée de l’expérience de Romane Glotain (elle nous racontera cela dans un billet très prochainement). Didier Sigler déborde d’idées et il a la particularité de les mettre en œuvre rapidement, avec une persévérance de longue haleine remarquable.

En conclusion (temporaire, car nous reparlerons très certainement de Didier et de l’hôpital de Montesson), il note que les jardins participent grandement au rapprochement entre les patients, les soignants et les jardiniers. « Le jardinier référent de l’hortithérapie, un homme très réservé, est très content. Il m’a dit récemment : « Je me sens utile pour les patients et ils viennent me parler » ».

Et cette photo pour le côté souvenirs et nostalgie.

Rencontre Maule 2012

Belle rencontre à Maule en 2012. De gauche à droite : Stéphane Lanel, Jean-Paul Ribes, Anne Ribes, moi de dos, Rebecca Haller, Didier Sigler (avec le fils de Rebecca et le mien…).

 

Retour sur projets 1/2

Je ne sais pas vous, mais j’étais curieuse de savoir comment certains projets dont j’ai déjà parlé avaient évolué au fil du temps. J’avais envie de prendre des nouvelles de ces concepteurs et animateurs de jardins de soins rencontrés ces dernières années. En utilisant ce masculin de convention, je m’aperçois en fait que les femmes sont très actives dans ce domaine. Ce mois-ci, nous retrouvons France Pringuey, Carole Nahon et Jeannine Lafrenière. Le mois prochain, ce sera le tour de Cécile Deschamps, Sarah Bertolotti, Jean-Luc Valot et Alain Flandroit.

 

France Pringuey, la conception et la formation envers et contre tout

Billets d’origine : Première rencontre “virtuelle” en 2014, suivie par une visite à Nice en 2015.

Les projets : chacun son rythme

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Le Jardin des Mélisses au CHU de Saint-Etienne

« Le projet Jardin des Mélisses à Saint Etienne a certainement été ma plus belle expérience dans le domaine parce qu’accompli dans sa méthode de manière réellement professionnelle avec un succès rapide et complet », rapporte France Pringuey. « Ce projet m’a permis de valider le choix d’une méthode de conception participative s’inspirant de l’éthique et des principes de la permaculture. Le programme permet de concevoir à la fois un plan du jardin et un plan de soins conformes aux critères internationaux, répondant aux attentes de l’équipe, dans le respect des valeurs locales et réalisé avec les moyens alloués. » Une grande satisfaction doit également venir de son partenaire dans ce projet, Romain Pommier qui, fin 2016, a soutenu sa thèse sur le thème des jardins thérapeutiques. Un nouveau psychiatre 100% convaincu de la place des jardins dans le soin des patients !

Le projet de jardin à l’IME des Hirondelles de Biot avance, lui, moins rapidement. Mais l’espoir de le réaliser est toujours vivant. Cette expérience et les difficultés rencontrées pour la réalisation du Jardin thérapeutique de l’hôpital de Tende qui dépend du CHU de Nice en très grosses difficultés financières ont conduit France Pringuey à changer d’approche. « Je reviens à mes premiers objectifs : soutenir le personnel, le former, lui donner les moyens ».

L’indispensable formation : personnels soignants, paysagistes et entreprises

France Pringuey s’y investit sur plusieurs fronts. Tout d’abord, elle continue à former des personnels soignants aux concepts scientifiques qui sous-tendent les bénéfices de la relation à la nature (en particulier biophilie et phyto-résonance qui lui sont chères) et leurs applications pratiques au quotidien dans les établissements de soin. « C’est peut être finalement le point le plus important et j’essaie de le développer autant que possible. Je suis soutenue et portée par l’association Recherche et Formation-LIFT dans ce domaine », explique-t-elle. Ainsi au CHU de Tende dans les Alpes-Maritimes, le projet d’aménagement de jardin thérapeutique est en souffrance pour des raisons budgétaires. Mais cela n’a pas empêché une formation pour les personnels soignants en EHPAD et SSR (service de Suite de Soins et Réadaptation accueillant des personnes âgées souffrant de multiples pathologies et dépendantes ou à risque de le devenir).

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Le groupe formé au CHU de Tende dans les Alpes-Maritimes (France Pringuey en tee shirt blanc au centre)

 

« Le groupe projet reste mobilisé et motivé. Il a pris conscience des ressources déjà en place (Jardin de l’hôpital et salle « comme chez soi ») et de leur potentiel pour le soin au quotidien », explique France Pringuey. « Deux sessions de formation axées sur le concept de Biophilie ont permis aux participants de mieux comprendre les bénéfices de la relation à la nature pour l’être humain et ses applications pour améliorer la prise en charge et la qualité de vie à l’hôpital. S’appuyer sur des actions à caractère biophilique stimule les émotions positives et la vitalité, régule le niveau de stress, améliore les capacités d’attention, favorise la créativité au quotidien. » Les soignants sont encouragés à proposer des sorties au jardin aux patients. Pour les plus fragilisés il s’agit de rétablir une prise de contact vitale avec la réalité. Dans les services ils sont stimulés par l’exposition à la lumière du jour, les vues par la fenêtre, l’aération naturelle des chambres, une relation personnalisée au végétal, une installation intentionnée dans la salle « comme chez soi ». « Chez le soignant les actions biophiliques soutiennent l’ouverture à l’autre, une meilleure disposition à l’accueil et au « prendre soin » », conclut la formatrice pour qui il s’agit de faire avancer des projets, mais aussi d’ouvrir les esprits.

Par ailleurs, elle a mené des formations auprès de paysagistes pour les sensibiliser au concept de jardin thérapeutique, aux fondements scientifiques et aux principes de la conception participative à travers des rencontres soignants/paysagistes au CFPPA de Vaucluse. De nouvelles sessions sont prévues en 2017 avec deux niveaux, initiation et perfectionnement. Elle mène également des formations intra-entreprise et des consultations/conceptions de projets pour les jardins de bien-être en entreprise.

Publier et faire connaitre

Fin 2015, France Pringuey intervenait dans une conférence au Salon de l’immobilier d’Entreprise Porte Maillot sur le thème Biophilie et Santé. Oyez, chers lecteurs du Sud. France Pringuey signale un colloque sur les jardins thérapeutiques organisé par le CRES (Centre régional d’éducation pour la santé) le 30 juin 2017 à Marseille : l’appel à poster auprès des équipes soignantes de la région PACA est ouvert jusqu’au 15 avril. Elle y interviendra sur le thème général de l’intérêt du jardin au sein des établissements de soins ainsi que dans une table ronde « Pour la pérennité des jardins thérapeutiques, les différentes animations qui participent aux soins ».

Avec son mari, le psychiatre Dominique Pringuey, elle mène un travail de recherche pour sensibiliser les médecins psychiatres au monde des jardins thérapeutiques. On peut retrouver leurs articles sur Google Scholar (une recherche sur France Pringuey Jardin produit plusieurs articles et posters, dont certains en libre accès).

 

Carole Nahon, des enfants aux personnes âgées

Billets d’origine : le Jardin des (S)ages lancé en 2013 et déjà un retour d’expérience en 2015.

Je reproduis in extenso les commentaires que Carole Nahon m’a fait parvenir sur ses activités de l’année dernière et ses projets de cette année. Une période riche d’ateliers, de partages et d’initiatives du côté de Draguignan.

« Concernant les ateliers en 2016,

  • J’ai poursuivi les ateliers avec les résidents de l’Ehpad. Nous avons organisé une première fête des plantes en mai, proposant à la vente des réalisations de potées fleuries et de plants de basilics et de tomates, la recette étant destinée au budget du jardin du secteur protégé. Petite recette (180 euros) mais fière d’avoir lancé cette journée. Nous avons pu rencontrer les familles, les amis de l’association et leur faire visiter le jardin, leur présenter les résidents qui participaient à l’ateliers.
  • Les activités ont été élargies à la crèche qui accueillaient ma petite fille. Là, l’accueil de très jeunes enfants m’a montré que je ne me trompais pas en créant cette activité. Si certains comportements m’ont rappelé les résidents plus âgés, j’ai pu constaté le grand intérêt des tous petits pour le jardinage. Mettre les mains dans la terre, toucher l’eau, arroser les plantes, les voir pousser, grandir et les déguster est très enrichissant. Chaque enfant est reparti avec un bouquet de basilic à la maison. Les retours des éducatrices ont été très positifs, attente de l’atelier, rappel pour certains de l’activité jardin montrent à quel point cela leur faisait du bien. Du côté des éducatrices, l’activité est un grand bonheur pour elles, elles observent les enfants avec un autre oeil et ont constaté que certains, parfois réservés, pouvaient être très présents dans l’activité. Ces ateliers sont aussi bénéfiques pour elles!

 

  • Concernant le projet d’amélioration du jardin de l’unité protégée, c’est un peu moins bien. Il n’a pas beaucoup avancé, enfin pas dans le sens que nous aurions voulu, les animateurs et moi. La direction a répondu à un appel à projet (qu’elle a décroché) très contraignant dans la mesure où les  travaux engagés se feraient à condition qu’ils soient fait en dur. Ce qui a profondément modifié l’aspect du jardin. Plus de kiosque en fer forgé, plus de pergola légère…Ne maîtrisant pas ce budget, j’attends que les travaux soient terminés (ils ont commencé en janvier) pour revoir ceux du jardin, à proprement parlé. Nous envisageons de faire une fête de ce jardin avec les partenaires. Le crédit agricole, mes amies Soroptimist qui nous ont remis un chèque de 1115 euros et mon ami pépiniériste qui nous fournira les plantes et les représentants de la commune, bien entendu.

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Travaux au jardin

Depuis septembre, j’interviens au PASA. Les ateliers sont très intéressants parce que le suivi est efficace; l’arrosage, le désherbage font l’objet d’activités entre les ateliers et pour certaines des résidentes, ce sont des moments précieux et apaisants.

En novembre, accompagnées des Soroptimists et d’un bénévole de l’association de visiteurs de malades, nous avons désherbé puis végétalisé un mur que les résidents pourront voir fleurir, un peu je l’espère au printemps et en été. Jusque là ce n’était qu’un mur gris envahi de mauvaise herbe…

Et en 2017

A la fin du mois de février, j’ai commencé une activité dans une résidence pour personnes âgées. J’interviendrai une fois par mois, sur la journée. Je me réjouis d’avance car ces personnes sont plus valides, donc plus mobiles. Nous pourrons les emmener acheter les plantes qu’elles auront choisies, et j’envisage aussi la visite dans un beau jardin de la région.

Nous allons réitérer la journée des plantes fin mai, en élargissant le cercle aux autres associations qui interviennent dans la structure, avec repas et goûter pour les familles.

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Le jardin de la crèche. Les enfants ont la main verte!

Et enfin, la crèche m’a proposé de réfléchir à des interventions dans d’autres crèches du réseau « La maison bleue ». Je formerais les éducateurs-trices aux ateliers de jardinage. Challenge intéressant, non?

 

Jeannine Lafrenière inaugure un mur vivant au Québec

Billet d’origine : présentation de la Fondation Oublie pour un instant en 2015.

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Jeannine Lafrenière entourée de partenaires qui ont permis la réalisation du premier mur vivant québécois en milieu de santé.

Jeannine Lafrenière continue à puiser dans son expérience personnelle pour guider ses projets. C’est en accompagnant sa mère en maison de retraite qu’elle se rend compte de l’importance d’amener la nature à l’intérieur à cause des hivers canadiens très froids. Dans un très beau billet intitulé La dernière leçon de ma mère, elle raconte la création d’un mur végétal au Centre Bon Séjour à Gatineau au Québec. L’inauguration a eu lieu le 2 mars. Le projet est présenté sur le site de la Fondation et dans un article suite à l’inauguration.

« Les personnes du Centre Bon Séjour à Gatineau (Québec) pourront pour la première fois profiter de la Nature auprès d’elles sans avoir à se risquer dehors. Et malgré les rigueurs de l’hiver, elles pourront apprécier jour après jour tous les bienfaits que seule la Nature peut leur apporter. Leur saison d’hiver sera différente cette année et toutes les années à venir », se félicite Jeannine Lafrenière. Sa mère ne pourra pas en profiter, elle s’en est allée il y a quelques semaines. Mais elle serait fière du projet de sa fille.

Beaucoup de beaux projets, beaucoup d’énergie et beaucoup de personnes touchées grâce aux efforts de ces pionnières passionnées. Au mois prochain pour la suite.

 

 

 

Création d’un jardin : le point de vue institutionnel

« Intégration d’un jardin thérapeutique en établissement accueillant des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer et troubles apparentés ». C’est le titre du mémoire de Master 1 en Promotion et Gestion de la Santé soutenu par Arnaud Kowalczyk à l’Université de Tours en juin 2016. Vous pouvez le lire en intégralité ici.

Lorsque Paule Lebay m’a parlé du travail en cours d’Arnaud Kowalczyk, mon intérêt a été immédiat. Car si les étudiants en paysagisme se penchent de plus en plus sur les jardins thérapeutiques, c’était la première fois que j’entendais parler d’un étudiant issu du monde de l’administration des établissements intéressé par le sujet. Précisément, ce master prépare « des professionnels capables d’initier, de développer ou d’évaluer des programmes d’action en prévention et promotion de la santé efficaces et efficients » et « des professionnels sachant mettre en œuvre une gestion et un management performants au niveau de structures sanitaires et/ou sociales. » Nous aimons à dire que les animateurs de jardin devraient idéalement combiner une approche du soin et une approche du végétal. Bien sûr, mais les responsables d’établissements ont évidemment un poids très important dans la création et le succès des projets de jardins. Arnaud Kowalczyk plaide pour le besoin d’une reconnaissance institutionnelle.

Le mémoire d’Arnaud Kowalczyk commence très bien. J’ai été sensible à son rappel de la définition de la santé selon l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) : « un état complet de bien-être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie ou d’infirmité ». Comme il l’écrit, « Il est important de rappeler cette définition qui va nous permettre de nous focaliser non pas sur la maladie d’Alzheimer ou des troubles apparentés de façon médicale et scientifique en institution, mais plutôt de l’amélioration du bien-être chez les personnes souffrant de cette pathologie et troubles associés. Ainsi, la santé environnementale définie par l’OMS, nous rappelle le rôle des facteurs environnementaux, de la qualité de vie, dans la maladie et dans l’amélioration de celle-ci ou du moins, du maintien du bien-être. »

Le mémoire s’articule autour de deux axes : les dimensions et finalités du jardin thérapeutique au niveau institutionnel pour lesquels l’auteur s’est appuyé sur la littérature et des entretiens, et la réflexion sur un jardin thérapeutique en établissement menée dans le cadre de son stage en accueil de jour.

L’auteur rappelle les différents plans qui peuvent servir de leviers d’action :

  • le plan Alzheimer de 2008-2012 dont la mesure 33 prévoit l’amélioration de l’évaluation des thérapies non médicamenteuses
  • le plan maladies neurodégénératives 2014-2019 et sa mesure 83 qui encourage une prise en charge « tournée vers des liens sociaux conservés évitant un sentiment de frustration, d’isolement pour les personnes atteintes de maladies neurodégénératives »
  • la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement qui doit favoriser la modernisation des établissements avec des bâtiments lumineux, végétalisés, dans le respect des besoins des personnes âgées et du personnel soignant…

 

Ambigüité législative et institutionnelle

L’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) souffle le chaud et le froid : ses bonnes pratiques mentionnent « la liberté d’aller et venir, précisant que l’accès libre à un espace extérieur sécurisé et clos (jardin, terrasse) est recommandé et permet la déambulation en toute sécurité ». Mais en parallèle, l’agence rappelle qu’aucune intervention non médicamenteuse n’a apporté la preuve de son efficacité sur l’évolution de la maladie et elle se garde de mentionner explicitement le recours aux jardins thérapeutiques. Même chose du côté de la Haute Autorité de Santé. « Nous apercevons ici l’ambigüité législative, institutionnelle, quand il s’agit d’évoquer le jardin. Institutionnaliser le jardin de soin permettrait de légitimer la pratique et d’encourager les décideurs à plus de vigilance sur l’importance d’un espace pour que s’expriment les émotions, les besoins, les envies des bénéficiaires mais aussi des soignants parfois frileux à l’idée de pénétrer dans un espace non médicalisé. La rigueur de l’évaluation des traitements médicamenteux ne permet pas d’exposer aujourd’hui les évaluations souvent qualitatives des thérapies non-médicamenteuses », écrit Arnaud Kowalczyk. Ces approches sont encouragées, mais de fait marginalisées faute d’avoir fait la preuve de leur efficacité…

Après avoir fait état des associations qui œuvrent dans ce domaine – l’incontournable Belles Plantes d’Anne et Jean-Paul Ribes, la Fondation Truffaut, l’association Jardins & Santé, la Fondation de France et la fondation Médéric Alzheimer -, l’auteur s’est lancé dans un recensement des établissements accueillant des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer qui offrent un jardin thérapeutique dans le département d’Indre-et-Loire. Sur 48 établissements figurant dans le Fichier National des Établissements Sanitaires et Sociaux (FINESS), il a réussi grâce à des appels téléphoniques à identifier 15 établissements possédant un jardin thérapeutique (souvent mal connu). Signe d’espoir, plusieurs établissements lui ont répondu qu’un projet était en phase de conception. Cette méconnaissance est-elle due à au manque de visibilité des jardins thérapeutiques et la formation pourrait-elle aider ? C’est la question que l’auteur se pose en constatant, comme nous tous, que la formation est encore très embryonnaire en France. Parmi les finalités du jardin (ce que nous aurions tendance à appeler les bienfaits), Arnaud Kowalczyk liste la sociabilité, le sentiment d’utilité sociale, la spiritualité et l’imaginaire, la thérapeutique cognitive et la thérapeutique physique et sensorielle.

Réflexion dans un accueil de jour en Touraine

Dans la seconde partie du mémoire, l’auteur partage l’expérience de son stage d’un mois au sein de l’accueil de jour Relais Cajou à Ballan-Miré près de Tours qui accueille des personnes présentant des troubles mnésiques et vivants à domicile. Les Relais Cajou, gérés par la Mutualité Française, ont pour objectif d’offrir une ambiance conviviale, non médicalisée et non stigmatisante. Alors qu’un autre Relais Cajou proche (Chambray-Lès-Tours) possède déjà un jardin potager, celui de Ballan-Miré, direction et personnel confondu, a exprimé la volonté de concevoir un jardin thérapeutique dans un espace vert existant. Dans le cadre de son stage, l’auteur a participé à l’élaboration du projet. Avec l’équipe, il identifie plusieurs objectifs généraux :

  • Stimulation des cinq sens, le renforcement de la proprioception et la consolidation des conduites motrices.
  • Proposer un espace de déambulation extérieur, un but de sortie.
  • Favoriser le lien social entre l’équipe professionnelle et les bénéficiaires.

Et plusieurs objectifs spécifiques :

  • Stimuler la motricité par le travail de la terre et des outils et la marche.
  • Stimulation cognitive avec l’activité calendrier et le rappel des noms de plantes, fleurs, ce qui a été planté.
  • Stimulation visuelle et orientation temporo-spatial par cet espace de déambulation.
  • Travailler sur la réminiscence.

 

Après avoir défini les points à couvrir dans l’étude de faisabilité technique, financière et environnementale, l’auteur regrette que l’avancée du projet ait été limitée par la durée du stage même si un potager a bien été planté au printemps. Dans la dernière partie du mémoire, il s’attarde sur quelques limites humaines (la légitimité du jardin comme support au sein, l’absence de formation, le manque de temps, la peur d’un support que les soignants ne maitrisent pas) et organisationnelles (le financement, implication au long terme du personnel, les normes de sécurité et d’hygiène imposées, les freins à la consommation de la production hors d’une cuisine thérapeutique).

Et le mémoire se conclut sur ce constat. « Car, en dépit du mouvement engagé pour l’intégration des jardins dans les établissements, la dichotomie entre le soin et la nature freine l’investissement dans les formations et l’implantation en structure. Notre travail ne s’inscrit pas dans la médicalisation du jardin thérapeutique car une banalisation dans la création des jardins qui se voudrait standardisée et normée ferait perdre tout le potentiel de cet espace. L’intégration d’un jardin thérapeutique vient donc par son essence même accompagner le soigné et prendre soin de celui-ci. »

En conclusion, on sent qu’Arnaud Kowalczyk veut croire au futur des jardins thérapeutiques tout en restant conscient des obstacles à leur acceptation institutionnelle.

Patchwork

Au fil des semaines, j’accumule des références d’articles qui touchent, de plus ou moins près, au jardin de soin, à l’hortithérapie ou à la place de la nature pour les urbains. Beaucoup de ces liens circulent sur le groupe Facebook Jardins de soin ou me sont envoyés par des connaissances au courant de mon intérêt pour le sujet (merci Cléa, Nicole, Stew, Elise,…). Aujourd’hui, je les partage avec vous. Un peu en vrac. A vous de piocher dans ce qui vous intéresse.

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Les jardins de l'Humanité

Les jardins de l’Humanité

Estelle Alquier, présidente de l’association Terres Océanes, donne régulièrement des nouvelles des Jardins de l’Humanité. Voici son appel. « Les jardins de l’Humanité (19 jardins à vocation thérapeutique, historique, conservatoire, pédagogique et sociale) sont en cours de réalisation depuis septembre dernier (2015) dans le sud des Landes. Ce projet ambitieux est porté par l’association « terres océanes, cultures d’humanité » et avance grâce à l’implication de nombreux bénévolesvenus de toute la France. Nous arrivons au bout du budget de départ et pour continuer, nous faisons appel aux fondations, au financement public et à tous! Aucun doute qu’il verra le jour, cependant nous avons besoin de tous pour continuer. Une campagne de dons a démarré la semaine dernière sur le site helloasso, chaque don, dès 5 euros, est déductible des impôts et contribue à l’aboutissement de ce lieu hautement humain et écologique. Vous trouverez plus de détails sur notre site internet, accessible depuis le site de financement. »

Un jardin de soin à l’Institut Mutualiste Montsouris

Les acteurs en présence autour de ce jardin de soin inauguré en 2014: l’Institut Mutualiste Montsouris (département hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte de l’Université Paris Descartes), l’association Jardin Art et Soin d’Alain Calender et le paysagiste Louis Benech.

Quantifier les bienfaits des espaces verts en ville

« Quand les élus, ou les promoteurs, regardent le budget d’un espace vert, c’est plutôt en termes de coûts que de recettes. Vu au mieux comme un plaisir apporté à l’habitant, au pire comme une onéreuse danseuse, le jardin n’est jamais crédité de ses bienfaits. Ils existent pourtant et peuvent même être chiffrés. Pour en avoir le cœur net, l’Union nationale des entreprises du paysage a demandé à l’institut Asterès de les recenser et, mieux encore, d’en faire une traduction monétaire. De cet exercice inédit se dégagent deux informations majeures : le jardin fait faire des économies en dépenses de santé et rapporte des rentrées en recettes liées à l’attractivité. » Lire l’article de Sybille Vincendon dans Libération.

Potagers en pied d’immeuble, jardins thérapeutiques en maisons de retraite

Une émission de Périphéries sur France Inter dédié à un jardin vivrier dans le quartier Bel Air de Montreuil. Montreuil, cela vous rappellera peut-être le projet de Yves-Aubert Alonzeau, l’un des gagnants du concours d’Avenir de la Fondation Truffaut en 2016. Décidemment, on jardine beaucoup à Montreuil.

Le site Ehpadeo, créé par deux frères pour aider les personnes âgées et leurs familles, dédie une rubrique aux jardins thérapeutiques en mettant en avant des projets dans plusieurs maisons de retraite.

Des jardins qui rapprochent

En Suisse, cette initiative qui date de 2011 permet à des migrants et à des réfugiés de s’insérer au travers d’une parcelle de jardin. En Alsace-Lorraine, j’ai entendu parler de trois jardins interreligieux de la Meinau, de Valff et de Saverne. Mais peu d’information filtre sur Internet malheureusement.

L’intelligence émotionnelle des plantes

« Est-ce que les plantes sont en résonnance avec l’Homme et le règne du vivant ? » C’est la question posée dans l’émission de radio Retour aux Sources à partir du livre « L’intelligence émotionnelle des plantes » de Cleve Backster avec deux invités autour de la table de Joëlle Vérai : Bénédicte Fumey qui est porte-parole du Pacte civique et Jacques Collin, ingénieur, écrivain et conférencier. J’avoue que je n’ai pas encore écouté l’émission jusqu’au bout…

Encore plus méconnue que l’hortithérapie, la bibliothérapie

« Inspirée par la philosophie grecque, plébiscitée par Marcel Proust à la fin du XIXè siècle et complètement reconnue aujourd’hui en Grande Bretagne, la bibliothérapie se fait attendre en France. Pourtant, l’apaisement des maux de l’âme ou le renforcement du bien-être psychologique par la lecture résonnent presque comme des effets on ne peut plus évidents. Il faut dire que ces pouvoirs prêtés au livre ont des origines très anciennes et sont désormais scientifiquement prouvés. » Cet article très complet fait un bilan historique et contemporain de la lecture comme acte thérapeutique.

Le coin anglophone : une maternelle dans les arbres, des ordonnances de nature et un nouveau livre

Une jeune élève à la Fiddleheads Forest School à Seattle (photo du New York Times).

Une jeune élève à la Fiddleheads Forest School à Seattle (photo du New York Times).

A Seattle, une maternelle installée dans University of Washington Botanic Gardens fait classe dans la forêt. Un article du New York Times raconte l’expérience de Fiddleheads Forest School. On dirait que l’appel de Richard Louv dans son célèbre livre Last kid in the woods a été entendu.

De San Francisco à Washington, des médecins américains prescrivent des marches dans la nature à leurs patients. Pas seulement pour faire de l’exercice, mais aussi pour raviver leur connexion avec la nature et stimuler leur cerveau. La pratique existe aussi en Angleterre. En France, j’ai entendu une professionnelle de la santé conseiller à une patiente de marcher en pleine conscience à travers un parc qui se trouve quotidiennement sur son chemin…

David Kamp a fondé Dirtworks Landscape Architecture à New York pour explorer l’interaction de la nature, de la santé et du bien-être. Il vient juste de publier Healing Garden, un livre qui mêle théorie et pratique. Je ne l’ai pas lu. La description du livre n’est pas sans rappeler Therapeutic Landscapes de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs.