« Des jardins pour prendre soin » au CHU de Saint-Etienne : une journée énergisante

Mise à jour le 13 octobre 2019. Dr. Pommier et son équipe viennent de mettre en ligne les vidéos du colloque. Prenez le temps de les visionner une par une ou lisez mon compte-rendu ci-dessous.

 

 

Ce jour tant attendu a tenu toutes ses promesses autour d’un programme bien équilibré.

Un Jardin des Mélisses au top de sa forme pour un déjeuner sur l’herbe convivial, 175 participants pleins de dynamisme, des intervenants enthousiasmants des premiers aux derniers, une belle rencontre avec Roger Ulrich que nous avons tous cité un jour ou l’autre et avec qui nous pouvions enfin échanger en chair et en os.

Un invité qu’on ne présente plus…

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Roger Ulrich (gauche) et Romain Pommier dans le Jardin Remarquable de Saint-Chamond.

L’invité exceptionnel de cette journée, Roger Ulrich, avait répondu immédiatement présent à l’invitation du Dr. Romain Pommier et de toute l’équipe organisatrice du CHU de Saint-Etienne et du Centre de Réhabilitation Psychosociale REHAlise (un grand bravo aux organisateurs, Yann Boulon et tous les autres !). Oui, par curiosité, par envie de découvrir la psychiatrie en France, sans doute aussi en réaction à l’enthousiasme de l’invitation. Profitant d’une semi-retraite en Scandinavie où il est professeur d’architecture au Center for Healthcare Building Research à l’Université de technologie Chalmers en Suède et professeur adjoint d’architecture à l’Université d’Aalborg au Danemark, il est venu en voisin.

Prenons une minute pour retracer sa riche carrière. A l’échelle internationale, Roger Ulrich est le chercheur le plus souvent cité dans le domaine de la conception d’établissements de santé fondée sur les données de la recherche. Il a d’ailleurs contribué à créer ce terme, « evidence-based design » et la certification EDAC (Evidence-Based Design Accreditation and Certification) qui reconnaît les connaissances dans ce domaine. En résumé, il s’agit de documenter les effets du design dans toutes ses dimensions (les espaces, les objets, les applications) sur la santé en utilisant les méthodologies issues du domaine médical (« evidence-based medecine »). On a ainsi aujourd’hui apporté la démonstration scientifique que la conception des établissements de santé, l’intérieur et l’extérieur, influence la durée des séjours et réduit le temps de guérison dans les hôpitaux somatiques, diminue l’agressivité en psychiatrie, mais aussi combat le burnout chez les soignants.

Après des études d’économie et de psychologie environnementale notamment auprès de Steve et Rachel Kaplan à l’Université du Michigan, Roger Ulrich a fondé et co-dirigé à partir de 1993 le Center for Health Systems and Design de la Texas A&M University, un centre interdisciplinaire hébergé conjointement dans les écoles d’architecture et de médecine. De 2005-2006, il est sorti du cocon académique à l’invitation du National Health Service anglais pour servir en tant que conseiller principal sur les environnements de soins aux patients dans le cadre d’un programme britannique de création de nombreux nouveaux hôpitaux. Au total, son travail a eu un impact direct sur la conception de milliards de dollars de projets de construction d’hôpitaux et a amélioré la santé et la sécurité de patients dans le monde entier.

Même si nous citons tous son célèbre « La vue à travers la fenêtre peut influencer le rétablissement suite à une opération chirurgicale » paru dans Science en 1984, la bibliographie de Roger Ulrich est très vaste et continue de s’étoffer. Ses travaux ont notamment porté sur les effets des chambres à un lit ou à plusieurs lits sur la transmission des infections, les effets négatifs du bruit dans les hôpitaux sur les patients et les infirmières, et sur comment la nature, les jardins et l’art peuvent réduire la douleur, le stress et les coûts des soins de santé.

Pour en revenir aux jardins, il a publié récemment deux nouvelles études : l’une en 2017 sur l’impact d’un jardin à l’hôpital sur des femmes enceintes et leurs partenaires et une autre en 2018 sur l’impact d’une pause dans un jardin vs. dans une salle de repos sur l’épuisement professionnel chez des infirmières en soins intensifs.

 

Prélude à la journée « Des jardins pour prendre soin »

En préambule à la journée organisée le 24 mai à la Faculté de Médecine Jacques Lisfranc sur le campus du CHU de Saint-Etienne, Roger Ulrich a profité d’une journée de découvertes. Dans le Jardin Remarquable de Michel Manevy à Saint-Chamond d’abord pour des échanges « noyés dans la nature » et éminemment biophiliques avec le jardinier des lieux, Romain Pommier et France Pringuey, co-conceptrice du Jardin des Mélisses. Puis dans le service de psychiatrie du CHU avec pour guide la professeure Catherine Massoubre, chef du pôle de psychiatrie, et pour compagnons l’équipe d’architectes et paysagiste chargé de la construction d’un nouveau bâtiment qui d’ici 2020 va venir s’accoler au Jardin des Mélisses et accueillir plusieurs unités dont une consacrée aux patients souffrant de troubles du comportement alimentaire (TCA). De cette visite dans les coulisses, Roger Ulrich a partagé plusieurs remarques et conseils avec les équipes. Entre autres, il s’est dit impressionné par les chambres individuelles systématiques, un point essentiel à ses yeux en terme de qualité de l’environnement.

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Le Jardin des Mélisses est accessible à quatre unités psychiatrique au CHU de Saint-Etienne et accueille des séances de médiation deux fois par semaine.

 

Des bâtiments bas avec accès direct au jardin sont aussi un facteur positif selon toutes les études. La visite du jardin lui a inspiré des louanges qu’il a répétées pendant le reste de son séjour. « Un jardin en psychiatrie qui mélange ainsi une utilisation à volonté et une médiation active est tout à fait innovant et unique à ma connaissance », a dit et redit Roger Ulrich aux équipes. Et il est vrai qu’il est extraordinaire ce jardin où se promènent des patients s’entraidant et commentant les plantations au potager, cueillant des aromatiques pour la tisane du soir, recevant des visiteurs dont des jeunes enfants dont les cris de joie pendant une partie de foot improvisée sur l’herbe font résonner la vie. « Améliorer l’accueil des patients et de leur famille et contribuer à porter un autre regard sur les soins dispensés en psychiatrie » fait le premier objectif du Jardin des Mélisses. Mission accomplie.

 

Dans le vif du sujet : recherches récentes en psychiatrie

Vous m’excuserez si le compte-rendu de la journée n’est pas exhaustif. Servir d’interprète à Roger Ulrich aux côtés d’Alexia Le Poulain, infirmière en psychiatrie venue du monde du cinéma, pour que son intervention soit traduite, mais aussi pour qu’il profite lui aussi des présentations, a sollicité mes neurones à 100%. Les présentations ayant été filmées, j’espère que nous pourrons partager bientôt des vidéos qui seront plus parlantes que des écrits.

De la présentation de Roger Ulrich, je retiens la théorie du rétablissement du stress, une extension de l’hypothèse biophilique de E. O. Wilson. En tant qu’humains modernes, nous avons gardé des vestiges d’une adaptation génétique qui comprend un mécanisme de réduction du stress au contact de certains éléments de la nature (végétation, fleurs, eau). Nous n’avons pas cette attirance pour lesmatériaux employés dans les constructions(béton, métal, verre). Il en découle qu’il serait judicieux d’utiliser ces mécanismes bienfaisants qui réduisent le stress pour créer des établissements de soin plus apaisants et plus guérisseurs.

Les données sur la conception des hôpitaux somatiques sont maintenant très nombreuses. Elles ont mené à s’intéresser aux hôpitaux psychiatriques, lieux d’enfermement souvent imposé où le stress et l’agressivité ont du coup tendance à monter en flèche. En 2010, la recherche d’une ancienne étudiante de Roger Ulrich, Upali Nanda, a démontré qu’afficher une grande photo montrant une nature réaliste dans une salle commune en service psychiatrique permettait de diminuer le nombre d’injections d’anxiolytiques (comparé à un mur blanc, à de l’art abstrait ou un tableau abstrait de nature comme un Van Gogh par exemple). Pour le dire en termes économiques, on avait économisé 23,845 euros de médicaments en un an grâce à une photo de nature coûtant 25 euros comparé à un mur blanc.

Dans une étude publiée en 2018, Roger Ulrich et plusieurs collaborateurs ont pu démontrer que « La conception des services psychiatriques peut réduire les comportements agressifs». Des études précédentes suggéraient que la conception psychiatrique traditionnelle est cause de stress et déclenche l’agressivité des patients. En comparant trois hôpitaux psychiatriques suédois (un hôpital ayant déménagé dans de nouveaux locaux et un hôpital contrôle), l’étude met à l’épreuve la théorie que des unités conçues avec des caractéristiques réduisant le stress (jardins, chambres individuelles, meilleure insonorisation notamment) réduiront le comportement agressif. Résultat ? Le nombre d’injections sous contrainte, le nombre d’injections par patient et le nombre de contentions physiques baissent ! Les faits sont éloquents ! Ecoutons-les.

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Hôpital psychiatrique d’Östra à Göteborg en Suède

 

 

 

Le Jardin des Mélisses, terrain de recherche

Dans la lignée du « evidence based design » et « evidence based medecine », au Jardin des Mélisses, les équipes savent que la recherche fera avancer la reconnaissance des jardins de soin dans la prise en charge des patients. C’est pourquoi les équipes soignantes en psychiatrie adulte se sont lancées dans un PHRIP. Un Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale financé par le ministère de la Santé pour évaluer la médiation jardin sur l’anxiété des patients. Blandine Cherrier et Valérie Suraud ont décrit le protocole de la recherche de la lettre d’intention à l’état actuel de la recherche.

La médiation d’abord. Elle consiste en deux séances hebdomadaires au jardin pour des groupes de 6 à 8 patients. Les séances sont encadrées par deux infirmiers d’unités différentes qui tournent (un plus pour la cohésion des personnels qui se connaissaient peu et un dispositif qui fait des patients les fils conducteurs). Un rituel bien défini rythme chaque séance : présentation autour d’une boisson, discussion des attentes de chacun, tour du jardin après un échauffement physique et activités adaptées aux besoins du jardin et aux envies de chacun. Tout au long, la participation est notée dans le dossier médical des patients et discutée en équipe. Avant et après la séance, les patients jardiniers remplissent le questionnaire PANAS qui mesure les affects positifs et négatifs.

 

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Pendant les présentations, il faut bien être à l’intérieur pour parler de la nature et du jardin.

Pour ce qui est du protocole, il se base sur une inclusion randomisée par tirage au sort dans le groupe jardin ou dans un groupe contrôle participant à la thérapie habituelle (pas une mince affaire pour des infirmières de « priver » certains patients d’une médiation qu’elles jugent efficace). Les patients inclus participent à 8 séances et remplissent avant et après chacune un auto-questionnaire HADS qui évalue la dépression et l’anxiété. Une fiche de synthèse générale est remplie à l’issue des 8 séances. L’objectif est de recruter 190 patients, un objectif à moitié rempli à ce jour. Des résultats préliminaires ont déjà été exposés dans plusieurs conférences et notamment à l’ICEPS, un congrès consacrés aux interventions non-médicamenteuses en mars 2019 à Montpellier.

L’objectif à terme au-delà de la publication des résultats est de donner accès à la médiation du jardin à plus de patients grâce à un poste infirmier dédié, de diffuser cette médiation auprès d’autres spécialités au sein du CHU, mais aussi auprès d’autres types de structures au niveau du département. Et pourquoi de créer un jour un réseau national des jardins thérapeutiques dans les CHU et de proposer une formation dans ce domaine. Pour contacter l’association Le Jardin des Mélisses et les soutenir, voici leur adresse jdm (at) chu-st-etienne.fr

Des initiatives locales au CHU et au-delà

Après deux heures de déambulations gourmandes au Jardin des Mélisses, un moment de détente et de restauration productif, il était temps de reprendre le fil des présentations. Idée de génie secondée par une météo parfaite.

 

 

 

Deux infirmières et un infirmier de l’hôpital de jour TCA, aujourd’hui délocalisé du campus principal mais qui le rejoindra bientôt dans le nouveau bâtiment en préparation, ont présenté leur travail sensoriel dans la prise en charge des TCA. L’équipe comprend Céline Brun, une ancienne soignante qui a participé au Jardin des Mélisses. Leur approche se centre sur les parallèles entre le développement des plantes et le processus de soin.

Romain Pommier a évoqué le jardin comme pratique orientée vers le rétablissement. Citant Patricia Deegan, une psychologue américaine qui a fait du rétablissement pour les patients en santé mentale sa mission après avoir reçu un diagnostic stigmatisant de schizophrénie, il explique que le rétablissement est un processus autogéré de guérison et de transformation. Rétablissement social et fonctionnel, il fait du patient un acteur de sa guérison à travers l’éducation thérapeutique du patient (ETP). « Il s’agit d’inscrire d’emblée la prise en charge dans une évolution, de miser sur le potentiel des individus dans une approche communautaire », explique-t-il. « Le jardin permet de travailler sur l’institution comme espace de soin et de lutter contre une ambiance défavorable. »  Et en passant, je veux dire que Romain Pommier me frappe comme l’un des psychiatres les plus bienveillants et les plus sensibles croisés dans ma nouvelle vie de psychologue ou dans la précédente. Il profite de sa tribune pour annoncer un évènement programmé pour le 6 juin dans le cadre d’un réseau local Jardins de santé par Anne de Beaumont (adebeaumont (at) free.fr, pour toute information). Le Dr. Pommier dont la propre thèse adoptait une approche qualitative a milité pour cette méthodologie complémentaire des études quantitatives indispensables.

Si vous avez encore un peu d’énergie, restez encore un instant pour entendre l’expérience du Dr. Adeline Frankhauser qui a participé à des ateliers thérapeutiques horticoles comme espace de transition entre soins et inclusion sociale à l’hôpital du Vinatier et au centre de réhabilitation psychosociale de Lyon. Dans ces ateliers, les patients peuvent rester de quelques mois à deux ans. Ils ne sont plus des patients d’ailleurs, mais des stagiaires en train d’acquérir des connaissances sur les plantes et leur cycle de vie. « Les ateliers thérapeutiques horticoles agissent sur les angoisses psychotiques en permettant à la pensée de se focaliser sur la tâche et sur les symptômes dépressifs en augmentant la confiance en soi et l’estime de soi. De plus, on constate une remobilisation qui replace dans l’action, des symptômes qui sont difficiles à traiter avec des médicaments. » Parmi les autres mécanismes d’action, l’ancrage dans un quotidien vivant, une dynamique avec un rythme qui faisait défaut dans la maladie, une empathie ou un accordage dans le prendre soin de la plante qui permet aussi de porter un regard différent sur ses propres fragilités et sans doute aussi la reprise de la créativité psychique.

Pour conclure cette belle journée, la parole est revenue à Julie Sauzedde, administratrice du GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) Les Moyens du Bord qui cultive deux parcelles dans un jardin collectif local – Saint-Etienne étant très bien pourvu en jardins collectifs dans la tradition du prêtre jésuite Félix Volpette initiée au 19esiècle. L’association organise une saison culturelle et participe à la Fête des Plantes, une façon de se faire connaître et là encore de changer le regard. « Le jardin, c’est un bol d’air, une vue imprenable, un espace de sevrage de la psychiatrie, une passerelle de la guérison, une petite famille », explique Julie Sauzedde dans un beau texte délivré avec une grande émotion.

Merci à tous les organisateurs, intervenants et participants pour cette journée qui a donné des forces à tous. Et si elle devenait un rendez-vous annuel?

Lectures d’hiver

L’hiver, un bon moment pour lire pendant que les activités au jardin sont en sourdine et que les nuits sont longues. Pour ce premier billet de l’année, je vous propose une balade en trois temps : des livres de jardinage, quelques liens vers toutes sortes de jardins qui font du bien et l’annonce d’une nouvelle association dédiée à la biophilie et à l’écothérapie.

 

Jardiniers accomplis ou novices, que lisez-vous ?

Voici une sélection de livres et de magazines qui aideront les animateurs de jardins de soin à s’informer. Des lectures à partager avec les usagers des jardins.

Le Guide du Jardin Bio de Brigitte Lapouge-Déjean et Jean-Paul Thorez chez Terre Vivante. Le potager, le verger et les plantes ornementales, bichonnés façon bio. Un livre incontournable recommandé par Paule Lebay.

L’Agenda du jardinier bio 2018 de Xavier Mathias avec les jolies illustrations de Joël Valentin. Accompagné d’un calendrier lunaire et d’explications pour comprendre l’influence de la lune, cet agenda écrit avec humour est un guide à annoter. Pour la 1e quinzaine de janvier, quelques tâches : commander ses graines, poser des nichoirs à oiseaux, faire ses plantations d’arbres et d’arbustes ou encore taillez les branches mortes. N’hésitez pas à créer votre propre journal de bord dans un simple cahier avec commentaires, photos et dessins.

Le magazine Les 4 saisons du jardin bio et ses hors séries. Tous les deux mois des idées nouvelles pour animer le jardin. Ces deux livres et le magazine sont publiés par Terre Vivante qui possède aussi un centre en Isère que l’on peut visiter et où se déroulent des stages et formations.

La Permaculture dans un petit jardin – Créer un jardin auto-suffisant de Kurst Forster. La permaculture adaptée aux petits espaces par un pionnier de la méthode en Europe chez un autre éditeur à connaître, les Editions Ulmer.

Les potagers surélevés. De la construction à la plantation. Jardinez n’importe où! Par Tara Nolan. Très utilisés dans les jardins de soin, les bacs surélevés sont une excellente solution à plusieurs difficultés (manque de place, absence de bonne terre) et partie intégrante d’un projet DYI.

Que planter à l’ombre, Jardins, terrasses et balcons de Didier Willery. Des solutions pour un autre type de problématique. Du même auteur, on peut aussi signaler Dingue de plantes qui a reçu en 2016 le prix Redouté, qui récompense les meilleurs livres de botanique et de jardin en français.

Cultiver des plantes mellifères en ville et au jardin de Jacques Piquée. Un dernier ouvrage parmi le vaste catalogue des éditions Ulmer.

Mon jardin de plantes médicinales de Serge Schall. Une référence pour cultiver achillée,ail, bleuet, passiflore, raifort, coquelicot, livèche, rhubarbe, basilic, fenouil, lavande, mélisse officinale, menthe poivrée, romarin, origan, sarriette, sauge, souci, thym, verveine…

 

Où on parle de jardins qui soignent

Une collection d’articles glanés ici et là sur Internet. On parle de plus en plus des jardins à but thérapeutique dans la presse régionale, nationale, professionnelle…

Au CHU d’Angers, un jardin planté par les Incroyables Comestibles. Un jardin pour les résidents d’une unité d’hébergement temporaire et transitionnel à Fontenay-le-Comte en Vendée. Dans un Ehpad de Grabels dans l’Hérault, un jardin extraordinaire qui devrait fleurir au printemps 2018 tandis que celui-ci créé par Terr’Happy a déjà vu le jour à Saint-Germain-en-Laye. Le Parisien encore qui s’intéresse aux jardins thérapeutiques de l’hôpital psychiatrique de Montesson. Et un autre hôpital psychiatrique, le CH Laborit à Poitiers, qui inaugure il y a quelques mois son jardin dans une unité de géronto-psychiatrie. Et une troisième initiative dans un hôpital psychiatrique, le CHD Georges Daumezon à Fleury-les-Aubrais dans le Loiret, un projet dont j’ai déjà parlé à son inauguration en 2014 qui a reçu en 2017 un prix de l’ANFH (organisme collecteur de fonds de formation pour la fonction publique hospitalière) avec ce reportage en vidéo.

Et enfin un dossier sur les jardins qui soignent dans le magazine de l’Union nationale des entreprises de paysage, dossier auquel j’ai contribué en espérant que les paysagistes traiteront les jardins de soin avec respect.

 

Association Française de Biophilie et d’Ecothérapie (A.F.B&E)

Association

 « Observer, rencontrer, comprendre et protéger la Nature, c’est être Humain ». En août 2017, France et Dominique Pringuey convoquaient une assemblée générale constitutive de leur association en ces termes.

« Chacun d’entre vous a pu expérimenter les bienfaits d’une résidence à la campagne, d’une balade en forêt, d’une séance de jardinage… Ce profond ressourcement physique, mental et spirituel au contact de la nature est inné et nous concerne tous. Le monde scientifique l’appelle biophilie, une sympathie et un attrait irrésistible pour le vivant à l’origine de notre humanité. Cultiver notre biophilie, « en prendre soin » est indispensable à notre santé. Comprendre la biophilie c’est aussi prendre conscience de l’indispensable nécessité du respect et de la protection de l’environnement naturel. L’écothérapie s’appuie sur la biophilie pour la prise en charge du développement personnel et de certains problèmes psychologiques ou psychosomatiques. Elle est conduite par un thérapeute qui va proposer des activités ciblées en interaction avec la nature et/ou des éléments de la nature.

Cette association a donc pour objet de :

« Promouvoir la relation à la nature dans la vie quotidienne dans le but d’améliorer la santé des personnes. Encourager ainsi des comportements de respect et de protection de la nature. »

Pour ce faire elle propose de :
– Communiquer, partager et former aux fondements scientifiques de la biophilie, à ses applications pratiques individuelles, collectives et professionnelles.
– Agir pour la conservation de la biodiversité en explicitant ses rapports à la santé.

Et porter un autre regard sur l’écologie par la sensibilisation à l’écothérapie.
– Proposer des activités pratiques variées au contact de la Nature qui visent le bien-être physique, mental et social (définition de la santé par l’OMS)

– Organiser des ateliers pédagogiques et des actions créatives et participatives pour l’amélioration et la protection de l’environnement naturel privé ou public.

– Créer un réseau local de jardins, d’espaces naturels, de professionnels qui s’inspirent des messages de l’association. Organiser des visites, des journées portes ouvertes.

– Développer des partenariats locaux et nationaux

– Participer à la vie de la commune d’Escragnolles, à l’évolution de l’éco-tourisme dans les Alpes Maritimes et obtenir des labels dans le domaine écologique. »

On peut s’informer sur la page Facebook de l’association ou auprès de France Pringuey (france.pringuey (at) gmail.com). Un premier événement est programmé pour le  samedi 26 mai 2018 sur le thème des prairies fleuries dans notre environnement.

Une journée dans les jardins de soin de la région Paca

Je laisse avec grand plaisir la parole à Carole Nahon pour qu’elle nous raconte un colloque extraordinaire auquel elle a participé le 30 juin 2017. Un billet écrit « à six mains » comme le dit joliment Carole, puisque France Pringuey et Sébastien Guéret, qui présentaient eux aussi leur travail et leurs réflexions lors de ce colloque, ont apporté leur contribution. Merci à tous les trois de nous faire vivre cet événement de l’intérieur et aux organisateurs d’avoir pris l’initiative de ce rassemblement et d’avoir réalisé une capture sonore. Vous pouvez joindre Carole (nahoncarole (at) gmail.com).

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Le 30 juin dernier j’ai eu le très grand plaisir, la grande fierté aussi, d’assister et d’intervenir au premier Colloque sur les jardins thérapeutiques qui se tenait en PACA. Je pourrais dire…enfin, tant nous attendions un tel événement dans notre région.

Organisé par le CRES PACA (Comité Régional d’Education pour la Santé) à la demande de l’ARS, (Agence Régionale de la Santé), il visait à sensibiliser les personnels des établissements sanitaires et sociaux de la région aux bienfaits des jardins de soin dans ces structures. Nous avons été accueillis dans le très beau Centre gérontologique départemental, où nous attendait un petit déjeuner très sympathique.

Ce qui m’a tout de suite frappée, c’est la chaleur et la bienveillance qui régnaient dans cette assemblée. J’ai retrouvé peu à peu des visages connus, France et Dominique Pringuey, Sébastien Guéret, Bethsabée de Gunzbourg, Marthe, une amie dracénoise dont le père réside à l’Ehpad dans lequel j’interviens. Et aussi Sarah Bertolotti que j’avais accueillie au cours de son épopée des jardins de soin il y a un peu plus d’un an, avec Louise Lastérade. Sentiment d’être dans un jardin de soin c’était bon, même si j’avais les mains un peu moites à l’idée de parler devant tant de personnes inconnues, pour la première fois de ma vie !

Toute la journée je me suis promenée dans un jardin

Celui de Muriel Andrieu-Semmel, responsable du Département Santé Environnement, ARS PACA, qui a conclu son allocution d’ouverture par la lecture d’un passage d’un recueil d’Henri Michaux. Le Professeur Sambuc, Président du CRES PACA, nous a emmenés dans le jardin de Shakespeare qui écrivait « Notre corps est notre Jardin, et notre volonté en est le jardinier ».

Le jardin de France Pringuey est un paysage de Savane qui selon les études scientifiques ouvre les émotions positives, régule le niveau de stress, récupère le niveau d’attention et favorise la créativité, ce qui prouve notre ancrage profond à la Nature, inconsciemment.

https://soundcloud.com/1egal2/allocutions

 

Sébastien Guéret nous a invités dans le jardin des paradoxes, ce jardin qui nous fait du bien mais qui doit rester dangereux car vivant et qui nous incite ainsi à faire attention, à reprendre possession de nos sens.

https://soundcloud.com/1egal2/a-quoi-ressemble-un-jardin-therapeutique-sebastien-gueret-1

Dans le jardin de Valérie Montès, il faut être vigilant pour ne pas être piqué par les moustiques ! Son étude sur la typologie des jardins révèle l’intérêt d’un maintien des trois niveaux de végétation veillant à maintenir le milieu ouvert.

https://soundcloud.com/1egal2/les-precautions-sanitaires-et-environnementales

Le Docteur Carenco, médecin hygiéniste, nous accueille dans son jardin en nous rappelant que « la saleté n’est pas le milieu naturel mais au contraire un milieu complètement artificialisé, un lieu où plus rien ne vit. L’hygiène est une science des équilibres, du maintien de l’harmonie entre l’homme et son milieu. » Pas de plantes invasives, aucune plante allergisante et pas de produits phytosanitaires dans le jardin. Mais si la terre n’est pas sale, elle est porteuse de bactéries qui tuent encore trop de personnes aujourd’hui ! On se lave donc les mains après avoir travaillé au jardin, on lave les outils, on vérifie nos vaccinations anti-tétaniques. Il a enfin rappelé l’intérêt de consommer les plantes cultivées dans le jardin, ce qui peut paraître compliqué dans les établissements de soin.

https://soundcloud.com/1egal2/sssssss

 

Et puis on est entrés dans le Jardin des Sens de Danielle Barilla, art thérapeute et responsable du jardin thérapeutique du Centre qui nous accueillait. Un jardin extraordinaire ! Son travail l’est aussi. Ce n’est d’ailleurs pas son jardin, tant chaque espace est investi de la présence des résidents qui y travaillent.

 

Les jardins d’Amel Daoud, éducatrice à l’atelier thérapeutique de la Belle de Mai, sont nombreux. Elle y accompagne des personnes en souffrance psychique, orientées et suivies par le personnel soignant et elle les aide ainsi à retrouver un sens à leur vie.

https://soundcloud.com/1egal2/amel-daoud

 

En ce qui me concerne, les personnes âgées, parfois désorientées, embellissent leur jardin et retrouvent, le temps d’un atelier, les joies du partage et de la convivialité.

https://soundcloud.com/1egal2/carolenahon

Les Jardins d’hospitalité de Loïc Panzani, éducateur et directeur du Naturoscope, sont vastes et pas toujours autonomes, comme il nous l’a expliqué. Grâce à lui nous avons compris, si nous ne le savions pas encore, qu’un jardin a besoin d’une personne dédiée à son animation (intervenant extérieur ou interne). Il en va de sa pérennité.

https://soundcloud.com/1egal2/loicpanzani

Après le repas pris dans les jardins du Centre, nous avons poursuivi notre visite par les jardins de l’Association Jardin &Santé. Bethsabée de Gunzbourg est revenue sur les dix ans d’appels à projet de l’association et sur son action en faveur des jardins thérapeutiques en évoquant les réussites, les difficultés, les critères de choix d’attribution des bourses.

https://soundcloud.com/1egal2/le-jardin-a-but-therapeutique-contemporain

Enfin, nous sommes entrés dans les jardins de soin de l’Armillaire, du Fil d’argent et celui, en devenir, des Hirondelles à Biot.

Le Jardin de l’Armillaire est un jardin conçu par France Pringuey dans le cloître de l’ancienne abbaye de Saint Pons. Comme tous les jardins que nous avons visités aujourd’hui, c’est un jardin qui apaise, qui aide à la restauration de l’estime de soi. Dans ce jardin, on évalue aussi, scientifiquement, les effets du jardin sur les patients. Le Professeur Dominique Pringuey insiste sur l’importance des évaluations, de la concertation, de l’implication des soignants, des dirigeants des établissements pour la réussite ainsi que sur la nécessité de publier dans les revues scientifiques et médicales pour créer une saine émulation entre les différents acteurs de ce sujet.

https://soundcloud.com/1egal2/temoignages-regionaux

Le Jardin de Philippe Duval, directeur du Centre d’Etude et d’Action sociale du Var, est comme un jardin collectif. Accueil de jour, il est né du constat que beaucoup de personnes soutenues par les services d’aide à la personne de l’association étaient touchées par la maladie d’Alzheimer. Je dis que c’est un jardin collectif, tant il est le fruit de l’entraide, de la générosité, de l’empathie de tous ses acteurs. Au cours de la promenade, Philippe Duval nous explique qu’il est parvenu à organiser et à coordonner trois journées de chantier collectifs avec une soixantaine de bénévoles pour sa réalisation!! Dans ce jardin, on organise des fêtes, on cultive des légumes. Le bâti est en bois, tout est magnifique et nous a semblé à la fois léger et opérationnel.

https://soundcloud.com/1egal2/lefildargent

Fernand Mateo, Directeur de l’Institut médico-éducatif pour enfants polyhandicapés des Hirondelles, à Biot ne nous a pas fait visiter son jardin. Enfin si, il nous a présenté le très beau projet qui n’a pas encore vu le jour, en raison d’un manque de fonds. Avec lui, nous avons touché du doigt les difficultés que les directeurs d’établissements rencontrent pour financer les jardins de soins, malgré le sérieux, la concertation et l’engagement de tous les intervenants. Alors qu’il serait plus logique et confortable pour tous de réaliser le jardin en une seule fois, il envisage aujourd’hui de procéder par tranche.

La journée s’est terminée dans le Jardin des Sens, avec Danielle Barilla. Après toutes ces visites virtuelles de beaux jardins, nous nous sommes réjouis de nous promener pour de bon dans ce jardin merveilleux.

Je remercie chaleureusement France Pringuey et Sébastien Guéret qui m’ont aidée à la rédaction de cet article. Ils ont apporté leur vision de tous ces beaux jardins et m’ont permis d’être la plus complète possible. Allez vous aussi vous promener dans les jardins de soin de ce très beau colloque.

Enfin je dois saluer chaleureusement le CRES PACA ainsi que l’ARS pour la qualité de ce premier colloque. Elodie Pétard, chargée de projets en santé environnementale au sein du CRES a coordonné cette journée avec efficacité et douceur. Chacun de nous est reparti avec un document très complet sur les jardins de soin, réalisé par les documentalistes du CRES.

Vous trouverez ci-dessous le lien qui vous permettra de consulter tous les diaporamas qui accompagnaient les interventions.

http://www.cres-paca.org/r/127/colloque-un-jardin-pour-accompagner-le-soin-juin-2017/

 

Retour sur projets 1/2

Je ne sais pas vous, mais j’étais curieuse de savoir comment certains projets dont j’ai déjà parlé avaient évolué au fil du temps. J’avais envie de prendre des nouvelles de ces concepteurs et animateurs de jardins de soins rencontrés ces dernières années. En utilisant ce masculin de convention, je m’aperçois en fait que les femmes sont très actives dans ce domaine. Ce mois-ci, nous retrouvons France Pringuey, Carole Nahon et Jeannine Lafrenière. Le mois prochain, ce sera le tour de Cécile Deschamps, Sarah Bertolotti, Jean-Luc Valot et Alain Flandroit.

 

France Pringuey, la conception et la formation envers et contre tout

Billets d’origine : Première rencontre “virtuelle” en 2014, suivie par une visite à Nice en 2015.

Les projets : chacun son rythme

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Le Jardin des Mélisses au CHU de Saint-Etienne

« Le projet Jardin des Mélisses à Saint Etienne a certainement été ma plus belle expérience dans le domaine parce qu’accompli dans sa méthode de manière réellement professionnelle avec un succès rapide et complet », rapporte France Pringuey. « Ce projet m’a permis de valider le choix d’une méthode de conception participative s’inspirant de l’éthique et des principes de la permaculture. Le programme permet de concevoir à la fois un plan du jardin et un plan de soins conformes aux critères internationaux, répondant aux attentes de l’équipe, dans le respect des valeurs locales et réalisé avec les moyens alloués. » Une grande satisfaction doit également venir de son partenaire dans ce projet, Romain Pommier qui, fin 2016, a soutenu sa thèse sur le thème des jardins thérapeutiques. Un nouveau psychiatre 100% convaincu de la place des jardins dans le soin des patients !

Le projet de jardin à l’IME des Hirondelles de Biot avance, lui, moins rapidement. Mais l’espoir de le réaliser est toujours vivant. Cette expérience et les difficultés rencontrées pour la réalisation du Jardin thérapeutique de l’hôpital de Tende qui dépend du CHU de Nice en très grosses difficultés financières ont conduit France Pringuey à changer d’approche. « Je reviens à mes premiers objectifs : soutenir le personnel, le former, lui donner les moyens ».

L’indispensable formation : personnels soignants, paysagistes et entreprises

France Pringuey s’y investit sur plusieurs fronts. Tout d’abord, elle continue à former des personnels soignants aux concepts scientifiques qui sous-tendent les bénéfices de la relation à la nature (en particulier biophilie et phyto-résonance qui lui sont chères) et leurs applications pratiques au quotidien dans les établissements de soin. « C’est peut être finalement le point le plus important et j’essaie de le développer autant que possible. Je suis soutenue et portée par l’association Recherche et Formation-LIFT dans ce domaine », explique-t-elle. Ainsi au CHU de Tende dans les Alpes-Maritimes, le projet d’aménagement de jardin thérapeutique est en souffrance pour des raisons budgétaires. Mais cela n’a pas empêché une formation pour les personnels soignants en EHPAD et SSR (service de Suite de Soins et Réadaptation accueillant des personnes âgées souffrant de multiples pathologies et dépendantes ou à risque de le devenir).

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Le groupe formé au CHU de Tende dans les Alpes-Maritimes (France Pringuey en tee shirt blanc au centre)

 

« Le groupe projet reste mobilisé et motivé. Il a pris conscience des ressources déjà en place (Jardin de l’hôpital et salle « comme chez soi ») et de leur potentiel pour le soin au quotidien », explique France Pringuey. « Deux sessions de formation axées sur le concept de Biophilie ont permis aux participants de mieux comprendre les bénéfices de la relation à la nature pour l’être humain et ses applications pour améliorer la prise en charge et la qualité de vie à l’hôpital. S’appuyer sur des actions à caractère biophilique stimule les émotions positives et la vitalité, régule le niveau de stress, améliore les capacités d’attention, favorise la créativité au quotidien. » Les soignants sont encouragés à proposer des sorties au jardin aux patients. Pour les plus fragilisés il s’agit de rétablir une prise de contact vitale avec la réalité. Dans les services ils sont stimulés par l’exposition à la lumière du jour, les vues par la fenêtre, l’aération naturelle des chambres, une relation personnalisée au végétal, une installation intentionnée dans la salle « comme chez soi ». « Chez le soignant les actions biophiliques soutiennent l’ouverture à l’autre, une meilleure disposition à l’accueil et au « prendre soin » », conclut la formatrice pour qui il s’agit de faire avancer des projets, mais aussi d’ouvrir les esprits.

Par ailleurs, elle a mené des formations auprès de paysagistes pour les sensibiliser au concept de jardin thérapeutique, aux fondements scientifiques et aux principes de la conception participative à travers des rencontres soignants/paysagistes au CFPPA de Vaucluse. De nouvelles sessions sont prévues en 2017 avec deux niveaux, initiation et perfectionnement. Elle mène également des formations intra-entreprise et des consultations/conceptions de projets pour les jardins de bien-être en entreprise.

Publier et faire connaitre

Fin 2015, France Pringuey intervenait dans une conférence au Salon de l’immobilier d’Entreprise Porte Maillot sur le thème Biophilie et Santé. Oyez, chers lecteurs du Sud. France Pringuey signale un colloque sur les jardins thérapeutiques organisé par le CRES (Centre régional d’éducation pour la santé) le 30 juin 2017 à Marseille : l’appel à poster auprès des équipes soignantes de la région PACA est ouvert jusqu’au 15 avril. Elle y interviendra sur le thème général de l’intérêt du jardin au sein des établissements de soins ainsi que dans une table ronde « Pour la pérennité des jardins thérapeutiques, les différentes animations qui participent aux soins ».

Avec son mari, le psychiatre Dominique Pringuey, elle mène un travail de recherche pour sensibiliser les médecins psychiatres au monde des jardins thérapeutiques. On peut retrouver leurs articles sur Google Scholar (une recherche sur France Pringuey Jardin produit plusieurs articles et posters, dont certains en libre accès).

 

Carole Nahon, des enfants aux personnes âgées

Billets d’origine : le Jardin des (S)ages lancé en 2013 et déjà un retour d’expérience en 2015.

Je reproduis in extenso les commentaires que Carole Nahon m’a fait parvenir sur ses activités de l’année dernière et ses projets de cette année. Une période riche d’ateliers, de partages et d’initiatives du côté de Draguignan.

« Concernant les ateliers en 2016,

  • J’ai poursuivi les ateliers avec les résidents de l’Ehpad. Nous avons organisé une première fête des plantes en mai, proposant à la vente des réalisations de potées fleuries et de plants de basilics et de tomates, la recette étant destinée au budget du jardin du secteur protégé. Petite recette (180 euros) mais fière d’avoir lancé cette journée. Nous avons pu rencontrer les familles, les amis de l’association et leur faire visiter le jardin, leur présenter les résidents qui participaient à l’ateliers.
  • Les activités ont été élargies à la crèche qui accueillaient ma petite fille. Là, l’accueil de très jeunes enfants m’a montré que je ne me trompais pas en créant cette activité. Si certains comportements m’ont rappelé les résidents plus âgés, j’ai pu constaté le grand intérêt des tous petits pour le jardinage. Mettre les mains dans la terre, toucher l’eau, arroser les plantes, les voir pousser, grandir et les déguster est très enrichissant. Chaque enfant est reparti avec un bouquet de basilic à la maison. Les retours des éducatrices ont été très positifs, attente de l’atelier, rappel pour certains de l’activité jardin montrent à quel point cela leur faisait du bien. Du côté des éducatrices, l’activité est un grand bonheur pour elles, elles observent les enfants avec un autre oeil et ont constaté que certains, parfois réservés, pouvaient être très présents dans l’activité. Ces ateliers sont aussi bénéfiques pour elles!

 

  • Concernant le projet d’amélioration du jardin de l’unité protégée, c’est un peu moins bien. Il n’a pas beaucoup avancé, enfin pas dans le sens que nous aurions voulu, les animateurs et moi. La direction a répondu à un appel à projet (qu’elle a décroché) très contraignant dans la mesure où les  travaux engagés se feraient à condition qu’ils soient fait en dur. Ce qui a profondément modifié l’aspect du jardin. Plus de kiosque en fer forgé, plus de pergola légère…Ne maîtrisant pas ce budget, j’attends que les travaux soient terminés (ils ont commencé en janvier) pour revoir ceux du jardin, à proprement parlé. Nous envisageons de faire une fête de ce jardin avec les partenaires. Le crédit agricole, mes amies Soroptimist qui nous ont remis un chèque de 1115 euros et mon ami pépiniériste qui nous fournira les plantes et les représentants de la commune, bien entendu.
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Travaux au jardin

Depuis septembre, j’interviens au PASA. Les ateliers sont très intéressants parce que le suivi est efficace; l’arrosage, le désherbage font l’objet d’activités entre les ateliers et pour certaines des résidentes, ce sont des moments précieux et apaisants.

En novembre, accompagnées des Soroptimists et d’un bénévole de l’association de visiteurs de malades, nous avons désherbé puis végétalisé un mur que les résidents pourront voir fleurir, un peu je l’espère au printemps et en été. Jusque là ce n’était qu’un mur gris envahi de mauvaise herbe…

Et en 2017

A la fin du mois de février, j’ai commencé une activité dans une résidence pour personnes âgées. J’interviendrai une fois par mois, sur la journée. Je me réjouis d’avance car ces personnes sont plus valides, donc plus mobiles. Nous pourrons les emmener acheter les plantes qu’elles auront choisies, et j’envisage aussi la visite dans un beau jardin de la région.

Nous allons réitérer la journée des plantes fin mai, en élargissant le cercle aux autres associations qui interviennent dans la structure, avec repas et goûter pour les familles.

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Le jardin de la crèche. Les enfants ont la main verte!

Et enfin, la crèche m’a proposé de réfléchir à des interventions dans d’autres crèches du réseau « La maison bleue ». Je formerais les éducateurs-trices aux ateliers de jardinage. Challenge intéressant, non?

 

Jeannine Lafrenière inaugure un mur vivant au Québec

Billet d’origine : présentation de la Fondation Oublie pour un instant en 2015.

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Jeannine Lafrenière entourée de partenaires qui ont permis la réalisation du premier mur vivant québécois en milieu de santé.

Jeannine Lafrenière continue à puiser dans son expérience personnelle pour guider ses projets. C’est en accompagnant sa mère en maison de retraite qu’elle se rend compte de l’importance d’amener la nature à l’intérieur à cause des hivers canadiens très froids. Dans un très beau billet intitulé La dernière leçon de ma mère, elle raconte la création d’un mur végétal au Centre Bon Séjour à Gatineau au Québec. L’inauguration a eu lieu le 2 mars. Le projet est présenté sur le site de la Fondation et dans un article suite à l’inauguration.

« Les personnes du Centre Bon Séjour à Gatineau (Québec) pourront pour la première fois profiter de la Nature auprès d’elles sans avoir à se risquer dehors. Et malgré les rigueurs de l’hiver, elles pourront apprécier jour après jour tous les bienfaits que seule la Nature peut leur apporter. Leur saison d’hiver sera différente cette année et toutes les années à venir », se félicite Jeannine Lafrenière. Sa mère ne pourra pas en profiter, elle s’en est allée il y a quelques semaines. Mais elle serait fière du projet de sa fille.

Beaucoup de beaux projets, beaucoup d’énergie et beaucoup de personnes touchées grâce aux efforts de ces pionnières passionnées. Au mois prochain pour la suite.

 

 

 

France Pringuey, médecin paysagiste

Les lecteurs réguliers de ce blog connaissent déjà le travail de France Pringuey, rencontrée virtuellement grâce à Carole Nahon il y a presqu’un an. En février, j’ai eu le bonheur d’aller la rencontrer sur le terrain, au CHU de Nice et dans un IME à Biot où elle conçoit en ce moment un nouveau projet. Une journée très riche concentrée dans ce portrait, forcément trop court, pour Le Lien Horticole du 1er avril. Avec en plus un appel aux mécènes pour le projet de l’IME de Biot dont les plans sont prêts après plusieurs réunions participatives avec les équipes.

Après ce billet, je vais faire une « pause pédagogique » jusqu’à la fin mai. Avec les examens qui approchent à la fac, les journées (et les nuits) ne sont pas assez longues. J’ai besoin de préserver mes forces!

Le Jardin de l'Armillaire en hiver

Le Jardin de l’Armillaire en hiver

 

Le portrait de France Pringuey

L’appel aux mécènes et aux soutiens pour le projet de l’IME Les Hirondelles à Biot

 

 

 

 

 

 

 

Pour fêter le printemps et la résurrection de la nature, je partage cette photo prise fin mars dans le verger de Port-Royal des Champs où la floraison a commencé malgré le retour du froid. Maintenant, la floraison est en pleine force. Ca doit être magnifique.

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Symposium Jardins et Santé 2014 : compte-rendu (2e partie)

(mise à jour : les séances plénières et au moins une table ronde sont maintenant en ligne en intégralité : https://www.youtube.com/channel/UCB6OvoJ1JLqfzIH7YU7NsUA)

Gwenaelle Jaouen continue son compte-rendu avec les cinq dernières interventions en plénière.

Retour d’expérience d’un paysagiste anglais

Garuth Chalfont (crédit Laurence Toussaint)

Garuth Chalfont (crédit Laurence Toussaint)

La communication de Garuth Chalfont (Chalfont Design Sheffield, Grande-Bretagne), intitulée « Structuration et usage des jardins thérapeutiques en établissements accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs », avait pour but d’examiner brièvement les bénéfices des liens avec la nature pour les personnes âgées et plus spécifiquement celles atteintes de démence. G. Chalfont a évoqué 10 raisons pour encourager le lien avec l’extérieur de ces personnes, dont leur besoin quotidien de vitamine D et de garder l’esprit vivant. Le jardin doit être élaboré pour que les personnes puissent s’impliquer dans des occupations utiles et porteuses de sens. Ces personnes ont besoin de se sentir utiles et souhaitent généralement continuer à donner un sens à leur vie et à leurs activités.

Il est également important de maintenir le lien avec la faune et la flore des jardins. Ceci peut avoir une signification profonde pour les personnes, et plus particulièrement lorsqu’elles perdent leurs facultés verbales. Elles peuvent toutefois encore être sensibles à leur environnement et profiter du confort émotionnel et spirituel que leur offrira la nature.

« L’architecture soutient. La nature stimule. Les personnes interagissent. » Ce sont trois principes dynamiques du design. Comment les assembler dans une structure de soin afin qu’elles profitent aux résidents ? G. Chalfont présente des exemples de plans architecturaux et paysagers de projets de jardins pour les personnes atteintes de démence menés en Angleterre dans des structures telles que des accueils de jour ou des maisons de retraite. Ces espaces ont été conçus en vue d’améliorer le bien-être de personnes atteintes de démence modérée à sévère.

Les environnements de soin ont besoin de marquer une continuité entre le dedans et le dehors. Les espaces extérieurs doivent être chaleureux et confortables selon les moments de la journée où ils sont fréquentés. Ceci nécessite que l’architecture de la structure et l’architecture paysagère soient pensées en parallèle très tôt dans le projet de développement du site. Cette partie de la présentation a développé les caractéristiques essentielles permettant aux usagers de rester actifs, de se sentir utiles et heureux. Ces espaces doivent soutenir l’autonomie des personnes dans leurs activités, ainsi que les familles et les professionnels. L’architecture paysagère devient ainsi un support à celles-ci. Elle permet de développer des activités créatives et ayant du sens. Ces activités doivent pouvoir stimuler l’intellect, le corps et l’esprit.

L’architecture paysagère doit permettre de faire pénétrer la nature, la lumière et le paysage dans l’établissement par des vecteurs variés. Elle permet aux personnes de se repérer dans le temps au quotidien et de reconnaître la saison. L’architecture paysagère doit assurer une connexion entre les espaces intérieurs et les espaces extérieurs significatifs pour encourager les personnes à sortir. Les éléments du jardin peuvent aussi être complémentaires des activités se déroulant à l’intérieur de l’établissement. Par exemple, les herbes aromatiques et le potager peuvent se situer à proximité de la fenêtre de la cuisine.

« Une vie saine grâce à l’apprentissage », un moyen de prévention de la démence. L’objectif étant de retarder la maladie et de ralentir le déclin.

Au CHU de Nice, un projet d’évaluation pionnier

Dominique Pringuey (Professeur de Psychiatrie,  Ancien Chef de Service de la clinique universitaire de Psychiatrie, Hôpital Pasteur au CHU de Nice) et France Pringuey (Médecin, Paysagiste concepteur conseil en Jardins de Soins) dans leur communication « Jardins de Soins en psychiatrie de l’adulte, un recours thérapeutique en évaluation » ont présenté les critères de bases et plus spécifiques de l’évaluation du jardin de soins.

Les Pringuey commencent par rapporter l’importance de l’évaluation comme un outil essentiel à la validation des connaissances scientifiques. Elle répond à la double exigence de la rigueur de l’observation et du partage des savoirs. Si chaque jardin et chaque projet est unique surtout lorsqu’il s’inscrit dans l’architecture, le paysage et l’esprit du lieu, il n’en reste pas moins que pour être qualifié de Jardins de Soins, il doit répondre à des critères essentiels et spécifiques qu’il faudra s’attacher à respecter. L’intérêt alors de son évaluation est non seulement la vérification standardisée et répétée de l’atteinte de ces objectifs mais aussi l’apport d’une vision critique du processus lui-même permettant modification, ajustement, et perfectionnement au cours du temps.

France Pringuey propose une échelle d’évaluation standardisée reprenant les critères essentiels fondamentaux des Jardin de Soins issus des recommandations internationales. La mesure des scores s’effectue par échelle visuelle analogique de 1 à 10. Des observations écrites, points positifs, points négatifs et proposition de réflexions enrichissent le dossier. Cette échelle d’évaluation générale devra être complétée par la standardisation des critères spécifiques relatifs au publics concernés par le Jardin de Soins auquel se réfère le projet (jardin d’hortithérapie, jardin pour la mémoire, jardin de ressourcement pour le personnel, jardin de réhabilitation sociale, jardin de rééducation, jardin récréatif ou pédagogique…) Enfin, l’atteinte des objectifs du projet lui-même pourra être évalué en tenant compte des attentes de l’institution, des patients, des familles et des soignants, et des processus thérapeutiques engagés.

Les cibles de l’évaluation générale reposent sur les bases scientifiques du concept, c’est à dire la co-relation originaire Homme/Plante, un processus de coopération vitale, auquel se réfèrent les théories de la Savane, de la Phyto-résonance ou de la Biophilie.

Le premier critère à évaluer est celui de la Naturalité du Jardin. La végétation doit être suffisante, sur trois niveaux. Ensuite la maintenance et biodiversité qui en découlent. La biodiversité au Jardin reflète la coopération et l’attention portée à l’autre. Un environnement qui prend soin des gens doit être traité avec soin et respect. Et le dernier critère est la sécurité, la protection et le respect de la vie privée.

Cette évaluation standardisée et répétée au cours du temps et des saisons permettra de mieux saisir le potentiel thérapeutique du Jardin lui-même, d’en améliorer les composants et d’atteindre les objectifs. Elle n’est pas exhaustive bien sûr et doit être complétée par l’évaluation des critères spécifiques du projet.

D. Pringuey présente ensuite le programme d’évaluation clinique de l’efficacité des activités au jardin de soins testée et élaborée au sein du Protocole de Recherche aux Hôpitaux soumis au comité de Protection des Personnes.

L’échelle d’évaluation des émotions PANAS de Gaudreau et coll est utilisée en complément à l’échelle de Cotation Psychiatrique Brève (BPRS) dans le but d’approcher au plus près l’expérience vécue par le patient.

Lors d’une séance, l’étude des variations du profil de réponse à l’échelle PANAS témoigne le plus souvent d’une mobilisation affective, parfois marquée. En général elle traduit en positif un intérêt pour la séance, la satisfaction de son déroulement et la réduction de la sensation de stress.

Sur les 6 premiers mois de l’année, lors du programme pilote d’une séance hebdomadaire de 2 heures, 87 patients ont été accueillis dont plus de la moitié souffrent de schizophrénie, un tiers sont hospitalisés sous contrainte. Le soin a pu se répéter au moins 5 fois pour 16 d’entre eux, plus de 7 fois pour 9, 11 et 13 fois dans deux cas. La Panas a été proposée, selon les disponibilités, 16 fois pour tester la faisabilité d’utilisation qui est excellente. Ce début a permis la mise au point et l’ajustement du protocole, fournissant un bilan préliminaire très encourageant.

A terme, ces données viseront à vérifier l’hypothèse d’un effet émotionnel bénéfique et/ou spécifique de l’activité Jardin pour les patients. Elles permettront d’harmoniser l’activité selon leurs attentes, en tenant compte de leurs dispositions émotionnelles. L’appréciation de l’évolution clinique globale tiendra compte de la contribution de cette thérapie non conventionnelle dans le résultat thérapeutique final. Les deux intervenants ont insisté sur la nécessité de publier les résultats de ces recherches en croisant plusieurs centres.

Le CHU de Nancy continue son travail

Alain Trognon (Groupe de Recherche sur les Communications, Département de Psychologie, Université de Lorraine, Nancy) et Martine Batt (Groupe de Recherche sur les Communications, Département de Psychologie, Université de Lorraine, Nancy) dans leur communication « Développement des jardins thérapeutiques en Lorraine à travers le programme JAZ (Jardin AlZheimer) » ont raconté l’histoire d’un jardin, d’une équipe, de patients et de scientifiques en réponse au Plan Alzheimer 2008-2012 lancé auprès des établissement accueillant des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées (MAMA) faisant la recommandation de disposer de jardins thérapeutiques.

L’aménagement du jardin « art, mémoire et vie », destiné aux personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et à leur entourage au CHU de Nancy, a été établi à partir d’une double approche de sa conception, neuropsychologique et artistique. Il s’est déroulé de 2007 à 2010, tandis qu’une Unité Cognitivo Comportementale a été ouverte en 2012 au Centre Paul Spillmann où il se situe. Un programme de recherche y est actuellement développé en partenariat avec le CHU, l’Université de Lorraine. Le programme JAZ Jardin AlZheimer se décline en différents axes :

JAZ-LOR (Jardin, AlZheimer Lorraine) Axé sur l’intérêt de références à la mémoire culturelle régionale utilisées lors des activités proposées lors des ateliers individuels, en petits groupes ou transgénérationnels.

JAZ –ART (Jardin, AlZheimer ART) Axé sur l’intérêt d’une dimension artistique au service du projet thérapeutique et les effets émotionnels et cognitifs et ultérieurement d’ateliers utilisant l’observation d’œuvres d’art comme médiation.

JAZ-TOP (Jardin AlZheimer TOPographie) Axé sur les principes d’organisation spatiale qui favorisent l’orientation des personnes atteintes de MAMA (maladie d’Alzheimer ou maladie Apparentée). Les perspectives sont la mise au point de méthodes d’évaluation diagnostique des troubles de l’orientation spatiale en condition écologique et la mise en place d’ateliers de réhabilitation de l’orientation spatiale.

JAZ-BURN (Jardin AlZheimer, Burn-out) Axé sur la prévention du risque d’épuisement professionnel (syndrome de burnout) des équipes de gériatrie, problème important qui touche les soignants sous les trois facettes d’épuisement émotionnel, de fatigue physique et de lassitude cognitive.

JAZ ACT (Jardin AlZheimer, Activités) Axe ciblé d’une part sur le rôle des différents éléments mobiliers et leur impact sur l’interaction entre résidents/patients, soignants, visiteurs ainsi que sur les activités partagées qui se tiennent dans le jardin: jardinage accompagné, ateliers transgénérationnels, ateliers culturels…

Le projet JAZ Partenaires porté par l’association JAZ Pairespective (Psychologie Art Interaction REcherche) vise enfin à créer un réseau de jardins partenaires de recherche dans le domaine de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées.

Hortithérapie et soins palliatifs

L’intervention d’Angélique Doumenc (Université Toulouse Le Mirail, UFR de Psychologie) était consacrée aux « Effets différentiels de l’’hortithérapie et soins palliatifs ». A. Doumenc a exposé l’évaluation faite auprès des personnes en soins palliatifs dans le cadre d’un dispositif hortithérapique standardisé et manualisé. Le groupe était composé de personnes souffrant de pathologies somatiques et neurodégénératives, d’un cancer ou ayant subi un AVC. Différentes techniques, activités sensorielles leur ont été proposées (jardinage, peinture, mandala, conte, senteur).

Les principaux résultats révèlent un effet bénéfique de l’hortithérapie ainsi que des différentes techniques sur les états de base, les attitudes et les processus de création auprès de personnes souffrant de pathologies somatiques et neurodégénératives.

En conclusion, l’éveil du vivant

La séance plénière se termine par la communication de Bernard Andrieu (Philosophe, Université de Lorraine) consacrée à « L’éveil du vivant par l’écologie corporelle ».

Andrieu commence par introduire la différence entre « awareness » et « consciousness », que nous traduisons par « éveil » et « conscience de ». La différence entre le corps vivant et la conscience du corps vécu. La réflexion est « peut-on activer, une cosmo-sensation, depuis son jardin intérieur en s’immergeant dans le jardin extérieur ? ».

Le vivant est actif en dessous du seuil de conscience et cette activité est désormais mesurable dès l’activation à 40ms. Le corps et l’esprit peuvent être entièrement immergés dans ce que nous appelons l’immersion dans le jardin de plantes, de fleurs, de légumes et autres arbres : Marcher pied nu, sentir les odeurs, voir des couleurs, prendre l’air, toucher les matières. Qu’est-ce qu’il se passe dans le corps vivant lorsque je lui fais sentir une fleur ? Et bien il y a un processus d’activation exogène qui se produit. L’immersion dans la nature va déclencher des éléments dans le corps vivant (sans conscientisation).

Un constat a été fait lors d’une intervention de Gilles Gallopin (enseignant, chercheur Agros Campus Ouest) où le monde d’aujourd’hui n’a pas de repère avec son écologie, pas de relation au sacré. Les enfants grandissent dans un monde urbain. Il est nécessaire de plonger une personne dans un milieu naturel afin de stimuler de manière exogène son écologisation.

Le sentant de notre corps sensible n’est pas le senti. Par sa sensibilité, le corps vivant dans le jardin est sans personne au sens où le sujet n’en contrôle pas l’activité organique ni l’activation cérébrale. C’est la vicariance de son cerveau lors de son écologie dans ses environnements qui lui fait créer des réseaux et des formes avant la conscience.

Le corps vivant est éveillé par son écologie spontanée avec le monde et la conscience par le corps.

Au CHU de Nice, un jardin thérapeutique ancré dans la double compétence

France Pringuey nettoie un bosquet de papyrus.

France Pringuey nettoie un bosquet de papyrus.

« Dr France Pringuey, Conceptrice, Consultante en jardins de soins auprès des professionnels et des particuliers ». C’est la signature de cette femme qui personnifie l’alliance de compétences dans le monde du soin et dans celui des plantes. Médecin généraliste pendant 25 ans, elle a eu envie d’une reconversion qui mêlerait tout ce qui l’avait motivée à devenir médecin (la rencontre et le potentiel thérapeutique, bien loin de la technicité de la médecine qu’elle trouve pesante) et une passion ancienne pour le jardin (« Quand j’étais étudiante, je n’avais pas de jardin, mais je lisais des revues de jardinage dans ma chambre de 10 m2 »). « Le jardin contribue à une atmosphère qui est bénéfique à la rencontre et une autre relation avec les patients », résume-t-elle. « La rencontre au jardin est suffisante en elle-même. C’est le retour à un monde commun qui permet la rencontre de deux êtres au niveau humain. Les bénéfices physiques, psychiques et sociaux sont l’expression d’un phénomène plus profond. Et la science nous le raconte. Dans les minutes qui suivent l’arrivée dans le jardin, le stress baisse. » Après avoir assisté au symposium de l’association Jardin & Santé en 2010, elle voit mieux le lien entre son passé et son futur potentiel. « J’ai mesuré l’étendu du problème entre le monde du paysagisme et celui de la santé qui ont une difficulté à se rencontrer par défaut de connaissances et de compétences. On manque aussi souvent de temps pour comprendre le monde de l’autre. Je défends que faire le lien entre ces deux mondes demande une double compétence. » Tentée par une formation à l’Ecole du Paysage de Versailles malheureusement difficilement compatible avec la vie de famille, elle choisit une formation de paysagiste dispensée à distance par Natura-Dis qu’elle vient de terminer. En parallèle, elle multiplie les expériences (le domaine du Rayol avec Gilles Clément et les jardins des Méditerranées, une formation à Chaumont-sur-Loire animée par Martine Brulé et Michel Racine, la rencontre de Claude Jeangirard, fondateur de la clinique psychiatrique en milieu ouvert de La Chesnaie,…).

L’histoire du jardin de l’Armillaire 

En germe depuis 2010, le projet qui deviendra le Jardin de l’Armillaire au sein d’une unité psychiatrique du CHU Pasteur de Nice commence à prendre forme et elle le présente à l’hôpital à l’été 2012. « Malgré la méfiance face à un médecin extérieur et au carcan administratif, le projet a séduit tout le monde et on m’a demandé des devis pour octobre. Je reste émerveillée que, malgré les difficultés, quelques personnes très motivées aient pu se rencontrer autour de ce projet », résume-t-elle aujourd’hui. Parmi ces rencontres, celle de Stéphane Piernet d’Unik TV qui lance une série documentaire pour suivre le jardin au fil de trois saisons. Le premier épisode est en ligne et c’est une expérience incroyable de voir le projet sortir de terre et les premiers patients planter des jacinthes. Le prochain épisode est annoncé pour bientôt.

Outre ses alliés dans l’hôpital, le docteur Pringuey travaille avec un paysagiste qu’elle connait pour réaliser le jardin. Aujourd’hui installée en autoentrepreneur comme consultante en jardins thérapeutiques, elle aimerait travailler avec les paysagistes pour faire ce lien qui fait tellement défaut. « Pour les gros paysagistes, on est vu comme concurrentiels. Ils pensent avoir les compétences pour comprendre le « client santé ». Du côté du monde de la santé, on s’intéresse au jardin, mais on n’a pas d’ouverture au monde du jardin. On se contente de faire des tomates et des salades », constate-t-elle. Conceptrice du jardin, France Pringuey s’est maintenant retirée et a passé le flambeau à Martine Brulé qui anime des ateliers hebdomadaires d’hortithérapie. « On fait des formations du personnel. J’ai expliqué au CHU que c’était bien de faire des jardins. Mais il faut quelqu’un pour accueillir. Il n’existe pas de jardinier thérapeute, ça reste une animation », continue-t-elle.

Quant à la sempiternelle question de l’évaluation, elle espère que le service sera assez motivé pour travailler sur des évaluations, dans un cadre publiable, au moyen d’échelles des émotions et de qualité de vie. Côté financement, la création du jardin et les ateliers ont été soutenus par la Fondation S. Niarchos, l’association « Jardin et Santé », la CPAM des Alpes-Maritimes et le fonds de dotation AVENI du CHU. Cette brochure, Le Jardin de l’Armillaire, donne beaucoup d’informations sur le projet et la démarche. Apprenez de plus le sens du nom donné au jardin lié au lieu historique qui l’héberge : « L’esprit du lieu est renforcé par la présence d’une sphère armillaire. Symbole de la connaissance et de la sagesse jusqu’à la renaissance, son histoire évoque celle de l’abbaye Saint Pons, haut lieu culturel et historique qui connaît son apogée au XVe siècle. La modélisation de la sphère céleste est aussi un outil pédagogique pour expliquer, en fonction des saisons les mouvements du Soleil et de la Lune dans le ciel.»

Phyto-résonance : une relation intime aux plantes

Mystère-spatialité existentielle

Mystère-spatialité existentielle

France Pringuey s’intéresse en parallèle à la phyto-résonance, la réaction des humains aux plantes. « Quand je regarde cet espace très structuré du jardin (voir photo), je suis immédiatement saisie par l’atmosphère de mystère qui s’en dégage, par l’harmonie et la beauté de l’œuvre…Cette prise de connaissance intuitive de l’essence est fondatrice de l’être. Son domaine s’étend bien au-delà du monde de la perception sensorielle et de ses expressions qu’elles soient biologiques ou psychologiques. Il raconte le lien originaire de l’être au monde. Quant à l’équilibre des perspectives et l’analyse de l’espace géométrique objectif, mon être résonne avec la forme dynamique de la scène même si je fais abstraction de son contenu. Je suis pénétrée par l’équilibre et l’harmonie. C’est en cela que la co-relation au végétal peut être bénéfique et qu’elle ne peut être réduite à « la stimulation des cinq sens » et de la mémoire. C’est une relation de vitalité et de créativité essentielle pour l’homme. »

La nécessaire formation

« On ne peut pas être qualifié d’hortithérapeute sans compétence dans le monde de la santé (psychologue, ergothérapeute, infirmier,…). Il faut réellement aboutir à une formation en hortithérapie. En Allemagne, il y a les garden thérapeutes qui ont une double compétence, mais tout est en allemand…Il faudrait un diplôme universitaire (DU) qui fédére des enseignants compétents dans le soin et le jardin », avance France Pringuey qui dit réfléchir à la question avec son mari, professeur de psychiatrie.

Mise à jour (décembre 2014). Le CHU de Nice vient d’obtenir la labellisation 2014 « Droit des Usagers »de l’ARS au niveau national pour le projet Jardins de soins en Psychiatrie. Un dossier monté en septembre par France Pringuey qui espère que cette reconnaissance donnera envie à la direction de péréniser le projet…