Lectures d’hiver

L’hiver, un bon moment pour lire pendant que les activités au jardin sont en sourdine et que les nuits sont longues. Pour ce premier billet de l’année, je vous propose une balade en trois temps : des livres de jardinage, quelques liens vers toutes sortes de jardins qui font du bien et l’annonce d’une nouvelle association dédiée à la biophilie et à l’écothérapie.

 

Jardiniers accomplis ou novices, que lisez-vous ?

Voici une sélection de livres et de magazines qui aideront les animateurs de jardins de soin à s’informer. Des lectures à partager avec les usagers des jardins.

Le Guide du Jardin Bio de Brigitte Lapouge-Déjean et Jean-Paul Thorez chez Terre Vivante. Le potager, le verger et les plantes ornementales, bichonnés façon bio. Un livre incontournable recommandé par Paule Lebay.

L’Agenda du jardinier bio 2018 de Xavier Mathias avec les jolies illustrations de Joël Valentin. Accompagné d’un calendrier lunaire et d’explications pour comprendre l’influence de la lune, cet agenda écrit avec humour est un guide à annoter. Pour la 1e quinzaine de janvier, quelques tâches : commander ses graines, poser des nichoirs à oiseaux, faire ses plantations d’arbres et d’arbustes ou encore taillez les branches mortes. N’hésitez pas à créer votre propre journal de bord dans un simple cahier avec commentaires, photos et dessins.

Le magazine Les 4 saisons du jardin bio et ses hors séries. Tous les deux mois des idées nouvelles pour animer le jardin. Ces deux livres et le magazine sont publiés par Terre Vivante qui possède aussi un centre en Isère que l’on peut visiter et où se déroulent des stages et formations.

La Permaculture dans un petit jardin – Créer un jardin auto-suffisant de Kurst Forster. La permaculture adaptée aux petits espaces par un pionnier de la méthode en Europe chez un autre éditeur à connaître, les Editions Ulmer.

Les potagers surélevés. De la construction à la plantation. Jardinez n’importe où! Par Tara Nolan. Très utilisés dans les jardins de soin, les bacs surélevés sont une excellente solution à plusieurs difficultés (manque de place, absence de bonne terre) et partie intégrante d’un projet DYI.

Que planter à l’ombre, Jardins, terrasses et balcons de Didier Willery. Des solutions pour un autre type de problématique. Du même auteur, on peut aussi signaler Dingue de plantes qui a reçu en 2016 le prix Redouté, qui récompense les meilleurs livres de botanique et de jardin en français.

Cultiver des plantes mellifères en ville et au jardin de Jacques Piquée. Un dernier ouvrage parmi le vaste catalogue des éditions Ulmer.

Mon jardin de plantes médicinales de Serge Schall. Une référence pour cultiver achillée,ail, bleuet, passiflore, raifort, coquelicot, livèche, rhubarbe, basilic, fenouil, lavande, mélisse officinale, menthe poivrée, romarin, origan, sarriette, sauge, souci, thym, verveine…

 

Où on parle de jardins qui soignent

Une collection d’articles glanés ici et là sur Internet. On parle de plus en plus des jardins à but thérapeutique dans la presse régionale, nationale, professionnelle…

Au CHU d’Angers, un jardin planté par les Incroyables Comestibles. Un jardin pour les résidents d’une unité d’hébergement temporaire et transitionnel à Fontenay-le-Comte en Vendée. Dans un Ehpad de Grabels dans l’Hérault, un jardin extraordinaire qui devrait fleurir au printemps 2018 tandis que celui-ci créé par Terr’Happy a déjà vu le jour à Saint-Germain-en-Laye. Le Parisien encore qui s’intéresse aux jardins thérapeutiques de l’hôpital psychiatrique de Montesson. Et un autre hôpital psychiatrique, le CH Laborit à Poitiers, qui inaugure il y a quelques mois son jardin dans une unité de géronto-psychiatrie. Et une troisième initiative dans un hôpital psychiatrique, le CHD Georges Daumezon à Fleury-les-Aubrais dans le Loiret, un projet dont j’ai déjà parlé à son inauguration en 2014 qui a reçu en 2017 un prix de l’ANFH (organisme collecteur de fonds de formation pour la fonction publique hospitalière) avec ce reportage en vidéo.

Et enfin un dossier sur les jardins qui soignent dans le magazine de l’Union nationale des entreprises de paysage, dossier auquel j’ai contribué en espérant que les paysagistes traiteront les jardins de soin avec respect.

 

Association Française de Biophilie et d’Ecothérapie (A.F.B&E)

Association

 « Observer, rencontrer, comprendre et protéger la Nature, c’est être Humain ». En août 2017, France et Dominique Pringuey convoquaient une assemblée générale constitutive de leur association en ces termes.

« Chacun d’entre vous a pu expérimenter les bienfaits d’une résidence à la campagne, d’une balade en forêt, d’une séance de jardinage… Ce profond ressourcement physique, mental et spirituel au contact de la nature est inné et nous concerne tous. Le monde scientifique l’appelle biophilie, une sympathie et un attrait irrésistible pour le vivant à l’origine de notre humanité. Cultiver notre biophilie, « en prendre soin » est indispensable à notre santé. Comprendre la biophilie c’est aussi prendre conscience de l’indispensable nécessité du respect et de la protection de l’environnement naturel. L’écothérapie s’appuie sur la biophilie pour la prise en charge du développement personnel et de certains problèmes psychologiques ou psychosomatiques. Elle est conduite par un thérapeute qui va proposer des activités ciblées en interaction avec la nature et/ou des éléments de la nature.

Cette association a donc pour objet de :

« Promouvoir la relation à la nature dans la vie quotidienne dans le but d’améliorer la santé des personnes. Encourager ainsi des comportements de respect et de protection de la nature. »

Pour ce faire elle propose de :
– Communiquer, partager et former aux fondements scientifiques de la biophilie, à ses applications pratiques individuelles, collectives et professionnelles.
– Agir pour la conservation de la biodiversité en explicitant ses rapports à la santé.

Et porter un autre regard sur l’écologie par la sensibilisation à l’écothérapie.
– Proposer des activités pratiques variées au contact de la Nature qui visent le bien-être physique, mental et social (définition de la santé par l’OMS)

– Organiser des ateliers pédagogiques et des actions créatives et participatives pour l’amélioration et la protection de l’environnement naturel privé ou public.

– Créer un réseau local de jardins, d’espaces naturels, de professionnels qui s’inspirent des messages de l’association. Organiser des visites, des journées portes ouvertes.

– Développer des partenariats locaux et nationaux

– Participer à la vie de la commune d’Escragnolles, à l’évolution de l’éco-tourisme dans les Alpes Maritimes et obtenir des labels dans le domaine écologique. »

On peut s’informer sur la page Facebook de l’association ou auprès de France Pringuey (france.pringuey (at) gmail.com). Un premier événement est programmé pour le  samedi 26 mai 2018 sur le thème des prairies fleuries dans notre environnement.

Une journée dans les jardins de soin de la région Paca

Je laisse avec grand plaisir la parole à Carole Nahon pour qu’elle nous raconte un colloque extraordinaire auquel elle a participé le 30 juin 2017. Un billet écrit « à six mains » comme le dit joliment Carole, puisque France Pringuey et Sébastien Guéret, qui présentaient eux aussi leur travail et leurs réflexions lors de ce colloque, ont apporté leur contribution. Merci à tous les trois de nous faire vivre cet événement de l’intérieur et aux organisateurs d’avoir pris l’initiative de ce rassemblement et d’avoir réalisé une capture sonore. Vous pouvez joindre Carole (nahoncarole (at) gmail.com).

Ce diaporama nécessite JavaScript.

Le 30 juin dernier j’ai eu le très grand plaisir, la grande fierté aussi, d’assister et d’intervenir au premier Colloque sur les jardins thérapeutiques qui se tenait en PACA. Je pourrais dire…enfin, tant nous attendions un tel événement dans notre région.

Organisé par le CRES PACA (Comité Régional d’Education pour la Santé) à la demande de l’ARS, (Agence Régionale de la Santé), il visait à sensibiliser les personnels des établissements sanitaires et sociaux de la région aux bienfaits des jardins de soin dans ces structures. Nous avons été accueillis dans le très beau Centre gérontologique départemental, où nous attendait un petit déjeuner très sympathique.

Ce qui m’a tout de suite frappée, c’est la chaleur et la bienveillance qui régnaient dans cette assemblée. J’ai retrouvé peu à peu des visages connus, France et Dominique Pringuey, Sébastien Guéret, Bethsabée de Gunzbourg, Marthe, une amie dracénoise dont le père réside à l’Ehpad dans lequel j’interviens. Et aussi Sarah Bertolotti que j’avais accueillie au cours de son épopée des jardins de soin il y a un peu plus d’un an, avec Louise Lastérade. Sentiment d’être dans un jardin de soin c’était bon, même si j’avais les mains un peu moites à l’idée de parler devant tant de personnes inconnues, pour la première fois de ma vie !

Toute la journée je me suis promenée dans un jardin

Celui de Muriel Andrieu-Semmel, responsable du Département Santé Environnement, ARS PACA, qui a conclu son allocution d’ouverture par la lecture d’un passage d’un recueil d’Henri Michaux. Le Professeur Sambuc, Président du CRES PACA, nous a emmenés dans le jardin de Shakespeare qui écrivait « Notre corps est notre Jardin, et notre volonté en est le jardinier ».

Le jardin de France Pringuey est un paysage de Savane qui selon les études scientifiques ouvre les émotions positives, régule le niveau de stress, récupère le niveau d’attention et favorise la créativité, ce qui prouve notre ancrage profond à la Nature, inconsciemment.

https://soundcloud.com/1egal2/allocutions

 

Sébastien Guéret nous a invités dans le jardin des paradoxes, ce jardin qui nous fait du bien mais qui doit rester dangereux car vivant et qui nous incite ainsi à faire attention, à reprendre possession de nos sens.

https://soundcloud.com/1egal2/a-quoi-ressemble-un-jardin-therapeutique-sebastien-gueret-1

Dans le jardin de Valérie Montès, il faut être vigilant pour ne pas être piqué par les moustiques ! Son étude sur la typologie des jardins révèle l’intérêt d’un maintien des trois niveaux de végétation veillant à maintenir le milieu ouvert.

https://soundcloud.com/1egal2/les-precautions-sanitaires-et-environnementales

Le Docteur Carenco, médecin hygiéniste, nous accueille dans son jardin en nous rappelant que « la saleté n’est pas le milieu naturel mais au contraire un milieu complètement artificialisé, un lieu où plus rien ne vit. L’hygiène est une science des équilibres, du maintien de l’harmonie entre l’homme et son milieu. » Pas de plantes invasives, aucune plante allergisante et pas de produits phytosanitaires dans le jardin. Mais si la terre n’est pas sale, elle est porteuse de bactéries qui tuent encore trop de personnes aujourd’hui ! On se lave donc les mains après avoir travaillé au jardin, on lave les outils, on vérifie nos vaccinations anti-tétaniques. Il a enfin rappelé l’intérêt de consommer les plantes cultivées dans le jardin, ce qui peut paraître compliqué dans les établissements de soin.

https://soundcloud.com/1egal2/sssssss

 

Et puis on est entrés dans le Jardin des Sens de Danielle Barilla, art thérapeute et responsable du jardin thérapeutique du Centre qui nous accueillait. Un jardin extraordinaire ! Son travail l’est aussi. Ce n’est d’ailleurs pas son jardin, tant chaque espace est investi de la présence des résidents qui y travaillent.

 

Les jardins d’Amel Daoud, éducatrice à l’atelier thérapeutique de la Belle de Mai, sont nombreux. Elle y accompagne des personnes en souffrance psychique, orientées et suivies par le personnel soignant et elle les aide ainsi à retrouver un sens à leur vie.

https://soundcloud.com/1egal2/amel-daoud

 

En ce qui me concerne, les personnes âgées, parfois désorientées, embellissent leur jardin et retrouvent, le temps d’un atelier, les joies du partage et de la convivialité.

https://soundcloud.com/1egal2/carolenahon

Les Jardins d’hospitalité de Loïc Panzani, éducateur et directeur du Naturoscope, sont vastes et pas toujours autonomes, comme il nous l’a expliqué. Grâce à lui nous avons compris, si nous ne le savions pas encore, qu’un jardin a besoin d’une personne dédiée à son animation (intervenant extérieur ou interne). Il en va de sa pérennité.

https://soundcloud.com/1egal2/loicpanzani

Après le repas pris dans les jardins du Centre, nous avons poursuivi notre visite par les jardins de l’Association Jardin &Santé. Bethsabée de Gunzbourg est revenue sur les dix ans d’appels à projet de l’association et sur son action en faveur des jardins thérapeutiques en évoquant les réussites, les difficultés, les critères de choix d’attribution des bourses.

https://soundcloud.com/1egal2/le-jardin-a-but-therapeutique-contemporain

Enfin, nous sommes entrés dans les jardins de soin de l’Armillaire, du Fil d’argent et celui, en devenir, des Hirondelles à Biot.

Le Jardin de l’Armillaire est un jardin conçu par France Pringuey dans le cloître de l’ancienne abbaye de Saint Pons. Comme tous les jardins que nous avons visités aujourd’hui, c’est un jardin qui apaise, qui aide à la restauration de l’estime de soi. Dans ce jardin, on évalue aussi, scientifiquement, les effets du jardin sur les patients. Le Professeur Dominique Pringuey insiste sur l’importance des évaluations, de la concertation, de l’implication des soignants, des dirigeants des établissements pour la réussite ainsi que sur la nécessité de publier dans les revues scientifiques et médicales pour créer une saine émulation entre les différents acteurs de ce sujet.

https://soundcloud.com/1egal2/temoignages-regionaux

Le Jardin de Philippe Duval, directeur du Centre d’Etude et d’Action sociale du Var, est comme un jardin collectif. Accueil de jour, il est né du constat que beaucoup de personnes soutenues par les services d’aide à la personne de l’association étaient touchées par la maladie d’Alzheimer. Je dis que c’est un jardin collectif, tant il est le fruit de l’entraide, de la générosité, de l’empathie de tous ses acteurs. Au cours de la promenade, Philippe Duval nous explique qu’il est parvenu à organiser et à coordonner trois journées de chantier collectifs avec une soixantaine de bénévoles pour sa réalisation!! Dans ce jardin, on organise des fêtes, on cultive des légumes. Le bâti est en bois, tout est magnifique et nous a semblé à la fois léger et opérationnel.

https://soundcloud.com/1egal2/lefildargent

Fernand Mateo, Directeur de l’Institut médico-éducatif pour enfants polyhandicapés des Hirondelles, à Biot ne nous a pas fait visiter son jardin. Enfin si, il nous a présenté le très beau projet qui n’a pas encore vu le jour, en raison d’un manque de fonds. Avec lui, nous avons touché du doigt les difficultés que les directeurs d’établissements rencontrent pour financer les jardins de soins, malgré le sérieux, la concertation et l’engagement de tous les intervenants. Alors qu’il serait plus logique et confortable pour tous de réaliser le jardin en une seule fois, il envisage aujourd’hui de procéder par tranche.

La journée s’est terminée dans le Jardin des Sens, avec Danielle Barilla. Après toutes ces visites virtuelles de beaux jardins, nous nous sommes réjouis de nous promener pour de bon dans ce jardin merveilleux.

Je remercie chaleureusement France Pringuey et Sébastien Guéret qui m’ont aidée à la rédaction de cet article. Ils ont apporté leur vision de tous ces beaux jardins et m’ont permis d’être la plus complète possible. Allez vous aussi vous promener dans les jardins de soin de ce très beau colloque.

Enfin je dois saluer chaleureusement le CRES PACA ainsi que l’ARS pour la qualité de ce premier colloque. Elodie Pétard, chargée de projets en santé environnementale au sein du CRES a coordonné cette journée avec efficacité et douceur. Chacun de nous est reparti avec un document très complet sur les jardins de soin, réalisé par les documentalistes du CRES.

Vous trouverez ci-dessous le lien qui vous permettra de consulter tous les diaporamas qui accompagnaient les interventions.

http://www.cres-paca.org/r/127/colloque-un-jardin-pour-accompagner-le-soin-juin-2017/

 

Symposium Jardins et Santé 2014 : compte-rendu (2e partie)

(mise à jour : les séances plénières et au moins une table ronde sont maintenant en ligne en intégralité : https://www.youtube.com/channel/UCB6OvoJ1JLqfzIH7YU7NsUA)

Gwenaelle Jaouen continue son compte-rendu avec les cinq dernières interventions en plénière.

Retour d’expérience d’un paysagiste anglais

Garuth Chalfont (crédit Laurence Toussaint)

Garuth Chalfont (crédit Laurence Toussaint)

La communication de Garuth Chalfont (Chalfont Design Sheffield, Grande-Bretagne), intitulée « Structuration et usage des jardins thérapeutiques en établissements accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs », avait pour but d’examiner brièvement les bénéfices des liens avec la nature pour les personnes âgées et plus spécifiquement celles atteintes de démence. G. Chalfont a évoqué 10 raisons pour encourager le lien avec l’extérieur de ces personnes, dont leur besoin quotidien de vitamine D et de garder l’esprit vivant. Le jardin doit être élaboré pour que les personnes puissent s’impliquer dans des occupations utiles et porteuses de sens. Ces personnes ont besoin de se sentir utiles et souhaitent généralement continuer à donner un sens à leur vie et à leurs activités.

Il est également important de maintenir le lien avec la faune et la flore des jardins. Ceci peut avoir une signification profonde pour les personnes, et plus particulièrement lorsqu’elles perdent leurs facultés verbales. Elles peuvent toutefois encore être sensibles à leur environnement et profiter du confort émotionnel et spirituel que leur offrira la nature.

« L’architecture soutient. La nature stimule. Les personnes interagissent. » Ce sont trois principes dynamiques du design. Comment les assembler dans une structure de soin afin qu’elles profitent aux résidents ? G. Chalfont présente des exemples de plans architecturaux et paysagers de projets de jardins pour les personnes atteintes de démence menés en Angleterre dans des structures telles que des accueils de jour ou des maisons de retraite. Ces espaces ont été conçus en vue d’améliorer le bien-être de personnes atteintes de démence modérée à sévère.

Les environnements de soin ont besoin de marquer une continuité entre le dedans et le dehors. Les espaces extérieurs doivent être chaleureux et confortables selon les moments de la journée où ils sont fréquentés. Ceci nécessite que l’architecture de la structure et l’architecture paysagère soient pensées en parallèle très tôt dans le projet de développement du site. Cette partie de la présentation a développé les caractéristiques essentielles permettant aux usagers de rester actifs, de se sentir utiles et heureux. Ces espaces doivent soutenir l’autonomie des personnes dans leurs activités, ainsi que les familles et les professionnels. L’architecture paysagère devient ainsi un support à celles-ci. Elle permet de développer des activités créatives et ayant du sens. Ces activités doivent pouvoir stimuler l’intellect, le corps et l’esprit.

L’architecture paysagère doit permettre de faire pénétrer la nature, la lumière et le paysage dans l’établissement par des vecteurs variés. Elle permet aux personnes de se repérer dans le temps au quotidien et de reconnaître la saison. L’architecture paysagère doit assurer une connexion entre les espaces intérieurs et les espaces extérieurs significatifs pour encourager les personnes à sortir. Les éléments du jardin peuvent aussi être complémentaires des activités se déroulant à l’intérieur de l’établissement. Par exemple, les herbes aromatiques et le potager peuvent se situer à proximité de la fenêtre de la cuisine.

« Une vie saine grâce à l’apprentissage », un moyen de prévention de la démence. L’objectif étant de retarder la maladie et de ralentir le déclin.

Au CHU de Nice, un projet d’évaluation pionnier

Dominique Pringuey (Professeur de Psychiatrie,  Ancien Chef de Service de la clinique universitaire de Psychiatrie, Hôpital Pasteur au CHU de Nice) et France Pringuey (Médecin, Paysagiste concepteur conseil en Jardins de Soins) dans leur communication « Jardins de Soins en psychiatrie de l’adulte, un recours thérapeutique en évaluation » ont présenté les critères de bases et plus spécifiques de l’évaluation du jardin de soins.

Les Pringuey commencent par rapporter l’importance de l’évaluation comme un outil essentiel à la validation des connaissances scientifiques. Elle répond à la double exigence de la rigueur de l’observation et du partage des savoirs. Si chaque jardin et chaque projet est unique surtout lorsqu’il s’inscrit dans l’architecture, le paysage et l’esprit du lieu, il n’en reste pas moins que pour être qualifié de Jardins de Soins, il doit répondre à des critères essentiels et spécifiques qu’il faudra s’attacher à respecter. L’intérêt alors de son évaluation est non seulement la vérification standardisée et répétée de l’atteinte de ces objectifs mais aussi l’apport d’une vision critique du processus lui-même permettant modification, ajustement, et perfectionnement au cours du temps.

France Pringuey propose une échelle d’évaluation standardisée reprenant les critères essentiels fondamentaux des Jardin de Soins issus des recommandations internationales. La mesure des scores s’effectue par échelle visuelle analogique de 1 à 10. Des observations écrites, points positifs, points négatifs et proposition de réflexions enrichissent le dossier. Cette échelle d’évaluation générale devra être complétée par la standardisation des critères spécifiques relatifs au publics concernés par le Jardin de Soins auquel se réfère le projet (jardin d’hortithérapie, jardin pour la mémoire, jardin de ressourcement pour le personnel, jardin de réhabilitation sociale, jardin de rééducation, jardin récréatif ou pédagogique…) Enfin, l’atteinte des objectifs du projet lui-même pourra être évalué en tenant compte des attentes de l’institution, des patients, des familles et des soignants, et des processus thérapeutiques engagés.

Les cibles de l’évaluation générale reposent sur les bases scientifiques du concept, c’est à dire la co-relation originaire Homme/Plante, un processus de coopération vitale, auquel se réfèrent les théories de la Savane, de la Phyto-résonance ou de la Biophilie.

Le premier critère à évaluer est celui de la Naturalité du Jardin. La végétation doit être suffisante, sur trois niveaux. Ensuite la maintenance et biodiversité qui en découlent. La biodiversité au Jardin reflète la coopération et l’attention portée à l’autre. Un environnement qui prend soin des gens doit être traité avec soin et respect. Et le dernier critère est la sécurité, la protection et le respect de la vie privée.

Cette évaluation standardisée et répétée au cours du temps et des saisons permettra de mieux saisir le potentiel thérapeutique du Jardin lui-même, d’en améliorer les composants et d’atteindre les objectifs. Elle n’est pas exhaustive bien sûr et doit être complétée par l’évaluation des critères spécifiques du projet.

D. Pringuey présente ensuite le programme d’évaluation clinique de l’efficacité des activités au jardin de soins testée et élaborée au sein du Protocole de Recherche aux Hôpitaux soumis au comité de Protection des Personnes.

L’échelle d’évaluation des émotions PANAS de Gaudreau et coll est utilisée en complément à l’échelle de Cotation Psychiatrique Brève (BPRS) dans le but d’approcher au plus près l’expérience vécue par le patient.

Lors d’une séance, l’étude des variations du profil de réponse à l’échelle PANAS témoigne le plus souvent d’une mobilisation affective, parfois marquée. En général elle traduit en positif un intérêt pour la séance, la satisfaction de son déroulement et la réduction de la sensation de stress.

Sur les 6 premiers mois de l’année, lors du programme pilote d’une séance hebdomadaire de 2 heures, 87 patients ont été accueillis dont plus de la moitié souffrent de schizophrénie, un tiers sont hospitalisés sous contrainte. Le soin a pu se répéter au moins 5 fois pour 16 d’entre eux, plus de 7 fois pour 9, 11 et 13 fois dans deux cas. La Panas a été proposée, selon les disponibilités, 16 fois pour tester la faisabilité d’utilisation qui est excellente. Ce début a permis la mise au point et l’ajustement du protocole, fournissant un bilan préliminaire très encourageant.

A terme, ces données viseront à vérifier l’hypothèse d’un effet émotionnel bénéfique et/ou spécifique de l’activité Jardin pour les patients. Elles permettront d’harmoniser l’activité selon leurs attentes, en tenant compte de leurs dispositions émotionnelles. L’appréciation de l’évolution clinique globale tiendra compte de la contribution de cette thérapie non conventionnelle dans le résultat thérapeutique final. Les deux intervenants ont insisté sur la nécessité de publier les résultats de ces recherches en croisant plusieurs centres.

Le CHU de Nancy continue son travail

Alain Trognon (Groupe de Recherche sur les Communications, Département de Psychologie, Université de Lorraine, Nancy) et Martine Batt (Groupe de Recherche sur les Communications, Département de Psychologie, Université de Lorraine, Nancy) dans leur communication « Développement des jardins thérapeutiques en Lorraine à travers le programme JAZ (Jardin AlZheimer) » ont raconté l’histoire d’un jardin, d’une équipe, de patients et de scientifiques en réponse au Plan Alzheimer 2008-2012 lancé auprès des établissement accueillant des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées (MAMA) faisant la recommandation de disposer de jardins thérapeutiques.

L’aménagement du jardin « art, mémoire et vie », destiné aux personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et à leur entourage au CHU de Nancy, a été établi à partir d’une double approche de sa conception, neuropsychologique et artistique. Il s’est déroulé de 2007 à 2010, tandis qu’une Unité Cognitivo Comportementale a été ouverte en 2012 au Centre Paul Spillmann où il se situe. Un programme de recherche y est actuellement développé en partenariat avec le CHU, l’Université de Lorraine. Le programme JAZ Jardin AlZheimer se décline en différents axes :

JAZ-LOR (Jardin, AlZheimer Lorraine) Axé sur l’intérêt de références à la mémoire culturelle régionale utilisées lors des activités proposées lors des ateliers individuels, en petits groupes ou transgénérationnels.

JAZ –ART (Jardin, AlZheimer ART) Axé sur l’intérêt d’une dimension artistique au service du projet thérapeutique et les effets émotionnels et cognitifs et ultérieurement d’ateliers utilisant l’observation d’œuvres d’art comme médiation.

JAZ-TOP (Jardin AlZheimer TOPographie) Axé sur les principes d’organisation spatiale qui favorisent l’orientation des personnes atteintes de MAMA (maladie d’Alzheimer ou maladie Apparentée). Les perspectives sont la mise au point de méthodes d’évaluation diagnostique des troubles de l’orientation spatiale en condition écologique et la mise en place d’ateliers de réhabilitation de l’orientation spatiale.

JAZ-BURN (Jardin AlZheimer, Burn-out) Axé sur la prévention du risque d’épuisement professionnel (syndrome de burnout) des équipes de gériatrie, problème important qui touche les soignants sous les trois facettes d’épuisement émotionnel, de fatigue physique et de lassitude cognitive.

JAZ ACT (Jardin AlZheimer, Activités) Axe ciblé d’une part sur le rôle des différents éléments mobiliers et leur impact sur l’interaction entre résidents/patients, soignants, visiteurs ainsi que sur les activités partagées qui se tiennent dans le jardin: jardinage accompagné, ateliers transgénérationnels, ateliers culturels…

Le projet JAZ Partenaires porté par l’association JAZ Pairespective (Psychologie Art Interaction REcherche) vise enfin à créer un réseau de jardins partenaires de recherche dans le domaine de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées.

Hortithérapie et soins palliatifs

L’intervention d’Angélique Doumenc (Université Toulouse Le Mirail, UFR de Psychologie) était consacrée aux « Effets différentiels de l’’hortithérapie et soins palliatifs ». A. Doumenc a exposé l’évaluation faite auprès des personnes en soins palliatifs dans le cadre d’un dispositif hortithérapique standardisé et manualisé. Le groupe était composé de personnes souffrant de pathologies somatiques et neurodégénératives, d’un cancer ou ayant subi un AVC. Différentes techniques, activités sensorielles leur ont été proposées (jardinage, peinture, mandala, conte, senteur).

Les principaux résultats révèlent un effet bénéfique de l’hortithérapie ainsi que des différentes techniques sur les états de base, les attitudes et les processus de création auprès de personnes souffrant de pathologies somatiques et neurodégénératives.

En conclusion, l’éveil du vivant

La séance plénière se termine par la communication de Bernard Andrieu (Philosophe, Université de Lorraine) consacrée à « L’éveil du vivant par l’écologie corporelle ».

Andrieu commence par introduire la différence entre « awareness » et « consciousness », que nous traduisons par « éveil » et « conscience de ». La différence entre le corps vivant et la conscience du corps vécu. La réflexion est « peut-on activer, une cosmo-sensation, depuis son jardin intérieur en s’immergeant dans le jardin extérieur ? ».

Le vivant est actif en dessous du seuil de conscience et cette activité est désormais mesurable dès l’activation à 40ms. Le corps et l’esprit peuvent être entièrement immergés dans ce que nous appelons l’immersion dans le jardin de plantes, de fleurs, de légumes et autres arbres : Marcher pied nu, sentir les odeurs, voir des couleurs, prendre l’air, toucher les matières. Qu’est-ce qu’il se passe dans le corps vivant lorsque je lui fais sentir une fleur ? Et bien il y a un processus d’activation exogène qui se produit. L’immersion dans la nature va déclencher des éléments dans le corps vivant (sans conscientisation).

Un constat a été fait lors d’une intervention de Gilles Gallopin (enseignant, chercheur Agros Campus Ouest) où le monde d’aujourd’hui n’a pas de repère avec son écologie, pas de relation au sacré. Les enfants grandissent dans un monde urbain. Il est nécessaire de plonger une personne dans un milieu naturel afin de stimuler de manière exogène son écologisation.

Le sentant de notre corps sensible n’est pas le senti. Par sa sensibilité, le corps vivant dans le jardin est sans personne au sens où le sujet n’en contrôle pas l’activité organique ni l’activation cérébrale. C’est la vicariance de son cerveau lors de son écologie dans ses environnements qui lui fait créer des réseaux et des formes avant la conscience.

Le corps vivant est éveillé par son écologie spontanée avec le monde et la conscience par le corps.