« Des jardins pour prendre soin » au CHU de Saint-Etienne : une journée énergisante

Mise à jour le 13 octobre 2019. Dr. Pommier et son équipe viennent de mettre en ligne les vidéos du colloque. Prenez le temps de les visionner une par une ou lisez mon compte-rendu ci-dessous.

 

 

Ce jour tant attendu a tenu toutes ses promesses autour d’un programme bien équilibré.

Un Jardin des Mélisses au top de sa forme pour un déjeuner sur l’herbe convivial, 175 participants pleins de dynamisme, des intervenants enthousiasmants des premiers aux derniers, une belle rencontre avec Roger Ulrich que nous avons tous cité un jour ou l’autre et avec qui nous pouvions enfin échanger en chair et en os.

Un invité qu’on ne présente plus…

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Roger Ulrich (gauche) et Romain Pommier dans le Jardin Remarquable de Saint-Chamond.

L’invité exceptionnel de cette journée, Roger Ulrich, avait répondu immédiatement présent à l’invitation du Dr. Romain Pommier et de toute l’équipe organisatrice du CHU de Saint-Etienne et du Centre de Réhabilitation Psychosociale REHAlise (un grand bravo aux organisateurs, Yann Boulon et tous les autres !). Oui, par curiosité, par envie de découvrir la psychiatrie en France, sans doute aussi en réaction à l’enthousiasme de l’invitation. Profitant d’une semi-retraite en Scandinavie où il est professeur d’architecture au Center for Healthcare Building Research à l’Université de technologie Chalmers en Suède et professeur adjoint d’architecture à l’Université d’Aalborg au Danemark, il est venu en voisin.

Prenons une minute pour retracer sa riche carrière. A l’échelle internationale, Roger Ulrich est le chercheur le plus souvent cité dans le domaine de la conception d’établissements de santé fondée sur les données de la recherche. Il a d’ailleurs contribué à créer ce terme, « evidence-based design » et la certification EDAC (Evidence-Based Design Accreditation and Certification) qui reconnaît les connaissances dans ce domaine. En résumé, il s’agit de documenter les effets du design dans toutes ses dimensions (les espaces, les objets, les applications) sur la santé en utilisant les méthodologies issues du domaine médical (« evidence-based medecine »). On a ainsi aujourd’hui apporté la démonstration scientifique que la conception des établissements de santé, l’intérieur et l’extérieur, influence la durée des séjours et réduit le temps de guérison dans les hôpitaux somatiques, diminue l’agressivité en psychiatrie, mais aussi combat le burnout chez les soignants.

Après des études d’économie et de psychologie environnementale notamment auprès de Steve et Rachel Kaplan à l’Université du Michigan, Roger Ulrich a fondé et co-dirigé à partir de 1993 le Center for Health Systems and Design de la Texas A&M University, un centre interdisciplinaire hébergé conjointement dans les écoles d’architecture et de médecine. De 2005-2006, il est sorti du cocon académique à l’invitation du National Health Service anglais pour servir en tant que conseiller principal sur les environnements de soins aux patients dans le cadre d’un programme britannique de création de nombreux nouveaux hôpitaux. Au total, son travail a eu un impact direct sur la conception de milliards de dollars de projets de construction d’hôpitaux et a amélioré la santé et la sécurité de patients dans le monde entier.

Même si nous citons tous son célèbre « La vue à travers la fenêtre peut influencer le rétablissement suite à une opération chirurgicale » paru dans Science en 1984, la bibliographie de Roger Ulrich est très vaste et continue de s’étoffer. Ses travaux ont notamment porté sur les effets des chambres à un lit ou à plusieurs lits sur la transmission des infections, les effets négatifs du bruit dans les hôpitaux sur les patients et les infirmières, et sur comment la nature, les jardins et l’art peuvent réduire la douleur, le stress et les coûts des soins de santé.

Pour en revenir aux jardins, il a publié récemment deux nouvelles études : l’une en 2017 sur l’impact d’un jardin à l’hôpital sur des femmes enceintes et leurs partenaires et une autre en 2018 sur l’impact d’une pause dans un jardin vs. dans une salle de repos sur l’épuisement professionnel chez des infirmières en soins intensifs.

 

Prélude à la journée « Des jardins pour prendre soin »

En préambule à la journée organisée le 24 mai à la Faculté de Médecine Jacques Lisfranc sur le campus du CHU de Saint-Etienne, Roger Ulrich a profité d’une journée de découvertes. Dans le Jardin Remarquable de Michel Manevy à Saint-Chamond d’abord pour des échanges « noyés dans la nature » et éminemment biophiliques avec le jardinier des lieux, Romain Pommier et France Pringuey, co-conceptrice du Jardin des Mélisses. Puis dans le service de psychiatrie du CHU avec pour guide la professeure Catherine Massoubre, chef du pôle de psychiatrie, et pour compagnons l’équipe d’architectes et paysagiste chargé de la construction d’un nouveau bâtiment qui d’ici 2020 va venir s’accoler au Jardin des Mélisses et accueillir plusieurs unités dont une consacrée aux patients souffrant de troubles du comportement alimentaire (TCA). De cette visite dans les coulisses, Roger Ulrich a partagé plusieurs remarques et conseils avec les équipes. Entre autres, il s’est dit impressionné par les chambres individuelles systématiques, un point essentiel à ses yeux en terme de qualité de l’environnement.

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Le Jardin des Mélisses est accessible à quatre unités psychiatrique au CHU de Saint-Etienne et accueille des séances de médiation deux fois par semaine.

 

Des bâtiments bas avec accès direct au jardin sont aussi un facteur positif selon toutes les études. La visite du jardin lui a inspiré des louanges qu’il a répétées pendant le reste de son séjour. « Un jardin en psychiatrie qui mélange ainsi une utilisation à volonté et une médiation active est tout à fait innovant et unique à ma connaissance », a dit et redit Roger Ulrich aux équipes. Et il est vrai qu’il est extraordinaire ce jardin où se promènent des patients s’entraidant et commentant les plantations au potager, cueillant des aromatiques pour la tisane du soir, recevant des visiteurs dont des jeunes enfants dont les cris de joie pendant une partie de foot improvisée sur l’herbe font résonner la vie. « Améliorer l’accueil des patients et de leur famille et contribuer à porter un autre regard sur les soins dispensés en psychiatrie » fait le premier objectif du Jardin des Mélisses. Mission accomplie.

 

Dans le vif du sujet : recherches récentes en psychiatrie

Vous m’excuserez si le compte-rendu de la journée n’est pas exhaustif. Servir d’interprète à Roger Ulrich aux côtés d’Alexia Le Poulain, infirmière en psychiatrie venue du monde du cinéma, pour que son intervention soit traduite, mais aussi pour qu’il profite lui aussi des présentations, a sollicité mes neurones à 100%. Les présentations ayant été filmées, j’espère que nous pourrons partager bientôt des vidéos qui seront plus parlantes que des écrits.

De la présentation de Roger Ulrich, je retiens la théorie du rétablissement du stress, une extension de l’hypothèse biophilique de E. O. Wilson. En tant qu’humains modernes, nous avons gardé des vestiges d’une adaptation génétique qui comprend un mécanisme de réduction du stress au contact de certains éléments de la nature (végétation, fleurs, eau). Nous n’avons pas cette attirance pour lesmatériaux employés dans les constructions(béton, métal, verre). Il en découle qu’il serait judicieux d’utiliser ces mécanismes bienfaisants qui réduisent le stress pour créer des établissements de soin plus apaisants et plus guérisseurs.

Les données sur la conception des hôpitaux somatiques sont maintenant très nombreuses. Elles ont mené à s’intéresser aux hôpitaux psychiatriques, lieux d’enfermement souvent imposé où le stress et l’agressivité ont du coup tendance à monter en flèche. En 2010, la recherche d’une ancienne étudiante de Roger Ulrich, Upali Nanda, a démontré qu’afficher une grande photo montrant une nature réaliste dans une salle commune en service psychiatrique permettait de diminuer le nombre d’injections d’anxiolytiques (comparé à un mur blanc, à de l’art abstrait ou un tableau abstrait de nature comme un Van Gogh par exemple). Pour le dire en termes économiques, on avait économisé 23,845 euros de médicaments en un an grâce à une photo de nature coûtant 25 euros comparé à un mur blanc.

Dans une étude publiée en 2018, Roger Ulrich et plusieurs collaborateurs ont pu démontrer que « La conception des services psychiatriques peut réduire les comportements agressifs». Des études précédentes suggéraient que la conception psychiatrique traditionnelle est cause de stress et déclenche l’agressivité des patients. En comparant trois hôpitaux psychiatriques suédois (un hôpital ayant déménagé dans de nouveaux locaux et un hôpital contrôle), l’étude met à l’épreuve la théorie que des unités conçues avec des caractéristiques réduisant le stress (jardins, chambres individuelles, meilleure insonorisation notamment) réduiront le comportement agressif. Résultat ? Le nombre d’injections sous contrainte, le nombre d’injections par patient et le nombre de contentions physiques baissent ! Les faits sont éloquents ! Ecoutons-les.

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Hôpital psychiatrique d’Östra à Göteborg en Suède

 

 

 

Le Jardin des Mélisses, terrain de recherche

Dans la lignée du « evidence based design » et « evidence based medecine », au Jardin des Mélisses, les équipes savent que la recherche fera avancer la reconnaissance des jardins de soin dans la prise en charge des patients. C’est pourquoi les équipes soignantes en psychiatrie adulte se sont lancées dans un PHRIP. Un Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale financé par le ministère de la Santé pour évaluer la médiation jardin sur l’anxiété des patients. Blandine Cherrier et Valérie Suraud ont décrit le protocole de la recherche de la lettre d’intention à l’état actuel de la recherche.

La médiation d’abord. Elle consiste en deux séances hebdomadaires au jardin pour des groupes de 6 à 8 patients. Les séances sont encadrées par deux infirmiers d’unités différentes qui tournent (un plus pour la cohésion des personnels qui se connaissaient peu et un dispositif qui fait des patients les fils conducteurs). Un rituel bien défini rythme chaque séance : présentation autour d’une boisson, discussion des attentes de chacun, tour du jardin après un échauffement physique et activités adaptées aux besoins du jardin et aux envies de chacun. Tout au long, la participation est notée dans le dossier médical des patients et discutée en équipe. Avant et après la séance, les patients jardiniers remplissent le questionnaire PANAS qui mesure les affects positifs et négatifs.

 

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Pendant les présentations, il faut bien être à l’intérieur pour parler de la nature et du jardin.

Pour ce qui est du protocole, il se base sur une inclusion randomisée par tirage au sort dans le groupe jardin ou dans un groupe contrôle participant à la thérapie habituelle (pas une mince affaire pour des infirmières de « priver » certains patients d’une médiation qu’elles jugent efficace). Les patients inclus participent à 8 séances et remplissent avant et après chacune un auto-questionnaire HADS qui évalue la dépression et l’anxiété. Une fiche de synthèse générale est remplie à l’issue des 8 séances. L’objectif est de recruter 190 patients, un objectif à moitié rempli à ce jour. Des résultats préliminaires ont déjà été exposés dans plusieurs conférences et notamment à l’ICEPS, un congrès consacrés aux interventions non-médicamenteuses en mars 2019 à Montpellier.

L’objectif à terme au-delà de la publication des résultats est de donner accès à la médiation du jardin à plus de patients grâce à un poste infirmier dédié, de diffuser cette médiation auprès d’autres spécialités au sein du CHU, mais aussi auprès d’autres types de structures au niveau du département. Et pourquoi de créer un jour un réseau national des jardins thérapeutiques dans les CHU et de proposer une formation dans ce domaine. Pour contacter l’association Le Jardin des Mélisses et les soutenir, voici leur adresse jdm (at) chu-st-etienne.fr

Des initiatives locales au CHU et au-delà

Après deux heures de déambulations gourmandes au Jardin des Mélisses, un moment de détente et de restauration productif, il était temps de reprendre le fil des présentations. Idée de génie secondée par une météo parfaite.

 

 

 

Deux infirmières et un infirmier de l’hôpital de jour TCA, aujourd’hui délocalisé du campus principal mais qui le rejoindra bientôt dans le nouveau bâtiment en préparation, ont présenté leur travail sensoriel dans la prise en charge des TCA. L’équipe comprend Céline Brun, une ancienne soignante qui a participé au Jardin des Mélisses. Leur approche se centre sur les parallèles entre le développement des plantes et le processus de soin.

Romain Pommier a évoqué le jardin comme pratique orientée vers le rétablissement. Citant Patricia Deegan, une psychologue américaine qui a fait du rétablissement pour les patients en santé mentale sa mission après avoir reçu un diagnostic stigmatisant de schizophrénie, il explique que le rétablissement est un processus autogéré de guérison et de transformation. Rétablissement social et fonctionnel, il fait du patient un acteur de sa guérison à travers l’éducation thérapeutique du patient (ETP). « Il s’agit d’inscrire d’emblée la prise en charge dans une évolution, de miser sur le potentiel des individus dans une approche communautaire », explique-t-il. « Le jardin permet de travailler sur l’institution comme espace de soin et de lutter contre une ambiance défavorable. »  Et en passant, je veux dire que Romain Pommier me frappe comme l’un des psychiatres les plus bienveillants et les plus sensibles croisés dans ma nouvelle vie de psychologue ou dans la précédente. Il profite de sa tribune pour annoncer un évènement programmé pour le 6 juin dans le cadre d’un réseau local Jardins de santé par Anne de Beaumont (adebeaumont (at) free.fr, pour toute information). Le Dr. Pommier dont la propre thèse adoptait une approche qualitative a milité pour cette méthodologie complémentaire des études quantitatives indispensables.

Si vous avez encore un peu d’énergie, restez encore un instant pour entendre l’expérience du Dr. Adeline Frankhauser qui a participé à des ateliers thérapeutiques horticoles comme espace de transition entre soins et inclusion sociale à l’hôpital du Vinatier et au centre de réhabilitation psychosociale de Lyon. Dans ces ateliers, les patients peuvent rester de quelques mois à deux ans. Ils ne sont plus des patients d’ailleurs, mais des stagiaires en train d’acquérir des connaissances sur les plantes et leur cycle de vie. « Les ateliers thérapeutiques horticoles agissent sur les angoisses psychotiques en permettant à la pensée de se focaliser sur la tâche et sur les symptômes dépressifs en augmentant la confiance en soi et l’estime de soi. De plus, on constate une remobilisation qui replace dans l’action, des symptômes qui sont difficiles à traiter avec des médicaments. » Parmi les autres mécanismes d’action, l’ancrage dans un quotidien vivant, une dynamique avec un rythme qui faisait défaut dans la maladie, une empathie ou un accordage dans le prendre soin de la plante qui permet aussi de porter un regard différent sur ses propres fragilités et sans doute aussi la reprise de la créativité psychique.

Pour conclure cette belle journée, la parole est revenue à Julie Sauzedde, administratrice du GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) Les Moyens du Bord qui cultive deux parcelles dans un jardin collectif local – Saint-Etienne étant très bien pourvu en jardins collectifs dans la tradition du prêtre jésuite Félix Volpette initiée au 19esiècle. L’association organise une saison culturelle et participe à la Fête des Plantes, une façon de se faire connaître et là encore de changer le regard. « Le jardin, c’est un bol d’air, une vue imprenable, un espace de sevrage de la psychiatrie, une passerelle de la guérison, une petite famille », explique Julie Sauzedde dans un beau texte délivré avec une grande émotion.

Merci à tous les organisateurs, intervenants et participants pour cette journée qui a donné des forces à tous. Et si elle devenait un rendez-vous annuel?

Une fédération est née

La biophilie à l’oeuvre (photo Florence Gottiniaux/Outside)

 

 

La Fédération Française Jardins, Nature et Santé est un beau bébé qui fêtera bientôt son premier anniversaire officiel, sans compter les longs mois de gestation. Pour la faire très courte, c’est une bande de gens très sympas qui aident, certains depuis de longues années, à connecter des personnes fragiles avec la nature et le jardin pour qu’elles retrouvent un certain équilibre, un certain bien-être, une certaine qualité de vie. Des gens de partout en France qui ont décidé de s’unir pour mieux partager leurs convictions et leurs pratiques.

Genèse

Les 13 et 14 novembre 2017, l’association Jardins & Santé tenait son 5e symposium à Paris. Comme pour chaque symposium, de nombreux acteurs étaient venus de partout en France, avides de discussions et d’échanges, entre eux et avec les intervenants internationaux. Tous convaincus que certains jardins, et la nature plus largement, possèdent des vertus thérapeutiques. Déjà l’idée de créer une nouvelle association – ou plutôt une fédération – circulait depuis quelque temps. Au symposium précédent, des conversations avaient commencé. Sans lendemain, une fois tout le monde rentré chez eux. Mais là, on sentait une envie palpable de se rassembler. A la fin du symposium, quelques personnes ont commencé à discuter au pied de l’estrade. Notamment Anne Chahine, la présidente de Jardins & Santé, et Jérôme Pellissier, auteur d’un ouvrage marquant en français sur l’hortithérapie…

Et puis, la conversation a continué dans un café à côté. C’est ce soir-là que tout a commencé…Autour de plusieurs constats.

Ensemble, plus forts et mieux entendus

Depuis quelques années, les jardins de soins se déploient en France, dans des maisons de retraite, dans des hôpitaux psychiatriques et ailleurs. Les média sont pris d’engouement pour l’hortithérapie et y consacrent articles et émissions. Les jardins de soin semblent dans l’air du temps. Et pourtant à chaque fois qu’un infirmier, un interne en psychiatrie ou une psychomotricienne a envie de créer un jardin dans son établissement, il lui faut convaincre les décideurs en glanant ici et là des arguments. Les formations restent peu nombreuses et aucune ne débouche sur une certification ou un diplôme. Chacun doit réinventer la roue, sans soutien, avec l’énergie et l’enthousiasme des passionnés. C’est usant.

Malgré des décennies d’expérience dans d’autres pays et des études démontrant les bienfaits de cette médiation non médicamenteuse, la pratique cherchait encore légitimité et reconnaissance en France. C’est cette situation qui a donné envie à une trentaine de membres fondateurs de se retrousser les manches pour se fédérer, promouvoir leurs diverses pratiques et se soutenir entre professionnels.

Une fédération ne se fait pas en un jour

Assemblée constituante

La fédération en plein chantier de construction (photo CH Théophile Roussel)

En janvier 2018, première réunion de travail au cœur de l’hiver, saison où les jardiniers aiment cogiter à l’intérieur. Des groupes de travail ont œuvré pendant des mois pour faire avancer divers chantiers – une charte et un règlement intérieur, des outils pour communiquer – malgré la distance géographique et les emplois du temps chargé. En avril 2018, assemblée constituante pour élire un conseil d’administration et un bureau certes, mais surtout pour avancer. Il y a tant à faire et à penser. Le Centre Hospitalier Théophile Roussel à Montesson (78) est naturellement devenu le siège de la FFJNS grâce à la conviction de son Coordonnateur général des activités de soins, Didier Sigler et au soutien de son directeur, Jacques Lahely.

Le 25 janvier 2019, la FFJNS tenait sa première assemblée générale annuelle et ouvrait officiellement ses portes à de nouveaux membres. Quelques nouveaux sont venus, attirés par une énergie proche de la leur. Qui peut rejoindre cette fédération ? Toutes les actrices et tous les acteurs « concerné.e.s par la création, la mise en œuvre, le développement, les usages, des jardins thérapeutiques et/ou des pratiques de prévention, de soin et prendre-soin par la relation à la nature ou à des éléments naturels (dont les écothérapies et l’hortithérapie) » sont les bienvenu.e.s.

Pour en savoir plus sur la FFJNS

Ruez-vous sur le site flambant neuf de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Vous pourrez y lire la charte récemment approuvée (mais toujours perfectible), la composition du CA et du bureau, la procédure d’adhésion (attention, nous avons décidé d’avoir des membres sympathisants et des membres actifs), des définitions, une liste non-exhaustive des formations disponibles en France, un appel aux dons et plus encore.

Je passe au « nous » car, à ce stade, vous aurez compris que je suis impliquée dans cette aventure en tant que présidente, pour un mandat de trois ans. De nombreux signes autour de nous au quotidien nous donnent l’espoir que les bienfaits de la nature sont de plus en plus reconnus. Que, comme le dit notre secrétaire Tamara Singh, nous sommes des être(s) de nature.

En mars, la FFJNS déroulera une série d’événements locaux, à l’initiative des membres disséminés de Brest à Bezannes à Draguignan à Saint-Péray à Saint-Vincent-de-Tyrosse et un peu partout en France. Stay tuned… 

 

Trois actus à chaud de membres fondateurs de la FFJNS

 A Montpellier. Sonia Trinquier de l’association Mosaïque des Hommes et des Jardins est également membre fondatrice et membre active de la FFJNS. Ce samedi 9 février, elle organise une journée découverte des différentes approches de l’hortithérapie, entre écologie humaine et écologie environnementale. Ca se passe de 10h00 à 16h30 à la Maison Pour Tous Michel Colluci. Sonia a prévu des mises en situation concrètes et des retours d’expérience d’Ateliers Jardin adaptés à un public fragile. Infos sur le site de Mosaïque.

A Versailles et autour. Kevin Charras de la Fondation Médéric Alzheimer et Véronique Laulier de l’École nationale supérieure de paysage (ENSP) sont tous les deux membres fondateurs de cette nouvelle fédération. Le 29 janvier, leurs deux institutions ont signé une convention de partenariatdont l’objectif est d’améliorer le quotidien des personnes atteintes de troubles cognitifs liés au vieillissement grâce au contact avec la nature.

A Saint-Etienne. Le 24 mai se tiendra à la Faculté de Médecine Jacques Lisfranc le colloque « Des jardins pour prendre soin » organisé par le centre de réhabilitation sociale Réhacoor 42 et impulsé par un de ses psychiatres Romain Pommier, membre fondateur de la fédération. Plusieurs autres membres de la fédération au programme aux côtés d’intervenants en psychiatrie et – roulement de tambour – de Roger Ulrich dont la présentation portera sur « Les jardins et la nature dans les structures de soin ».  Un colloque à ne pas manquer! On en reparlera. Voici l’affiche du colloque.

 

 

 

 

Une formation à Paris en juin + les bains de forêt à la mode

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Formation à l’ANFE (Martine Brulé, 3e en partant de la gauche)

 

Martine Brulé dont on suit les travaux depuis très longtemps (il suffit de taper son nom dans l’outil de recherche du blog en haut à droite), Martine donc animera une formation au siège de l’Association Nationale Française des Ergothérapeutes à Paris les 18, 19 et 20 juin 2018 comme elle le fait régulièrement depuis plusieurs années. En écho au dernier billet sur la formation (article sur les formations aux jardins de soin) et à la remarque de quelqu’un qui disait récemment qu’il n’y avait pas de formation à l’hortithérapie en France, voici un démenti. Certes, on ne peut pas encore être diplômé en hortithérapie dans ce pays, mais on peut s’y former.

Pour revenir à la formation proposée par Martine, le thème est « Elaboration d’un projet de jardin de soutien thérapeutique et sensibilisation à l’hortithérapie – Bases théoriques et pratiques pour un aménagement adapté ». Pas besoin d’être ergothérapeute pour s’inscrire au cas où vous poseriez la question. Pour s’inscrire, direction le site de l’ANFE ou par email à sfc.secretariat@anfe.fr.

 

Et pendant ce temps dans la forêt…

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Alex Gesse, un guide formé par l’Association of Nature and Forest Therapy, avec un groupe en forêt.

 

Des enfants moins stressés en Californie. Dans la région de San Francisco, des pédiatres qui prescrivent des promenades dans des parcs naturels et des enfants qui sont moins stressés. C’est une étude du Center for Nature and Health de l’Université de Californie San Francisco (UCSF) qui le dit. On traverse le Pacifique pour découvrir le Shinrin Yoku…

Des bains de forêts importés du Japon. Ce qui nous amène directement à la publication de « Shinrin Yoku, L’art et la science du bain de forêt » par le professeur japonais Qing Li chez First il y a quelques semaines. Ce médecin immunologiste de l’Université de Médecine de Tokyo a fondé la société japonaise de sylvothérapie et dirige des recherches sur le sujet depuis plus de 10 ans. Parmi les effets qu’il constate : la réduction de la pression artérielle, la réduction du stress (encore lui), l’amélioration de la santé cardiovasculaire et métabolique, la baisse du taux de glycémie, l’amélioration de la concentration et de la mémoire, l’augmentation des seuils de douleur, l’augmentation de l’énergie et le renforcement du système immunitaire. Avec des techniques très simples qui s’appuient sur les sens. Regarder la verdure et les sols, écouter les oiseaux et le vent, sentir les essences, toucher le tronc d’un arbre ou marcher pieds nus et goûter un thé d’écorce ou simplement l’air frais. Même si, au Japon, on a élaboré le bain de forêt avec des sentiers thérapeutiques particulièrement propices, les bienfaits de la forêt sont à la portée de tous.

La sortie de ce livre permet de signaler deux autres livres en français sur le même sujet. « Sylvothérapie : le pouvoir bienfaisant des arbres – Retrouver son énergie et se ressourcer » de Jean-Marie Defossez chez Jouvence sorti en janvier de cette année. Ainsi que « Un bain de forêt : le Shinrin Yoku à la française – Découvrir le pouvoir de la sylvothérapie », d’Eric Brisbare chez Marabout tout juste paru. Décidemment, les éditeurs ont flairé un filon…

En France toujours, Frédérique Dumas que nous avons déjà rencontrée sur ce blog propose depuis 2015 des journées « bains de forêt » et des séjours de forêt-thérapie, chez elle en Ardèche et également au Japon en Novembre (voici le programme). Elle propose également une formation. « Ca commence à bouger… et il y a de beaux résultats. Les gens sont enthousiastes ! », dit-elle.

Une association dédiée à la thérapie par la nature et la forêt. Où on découvre qu’il existe une Association of Nature and Forest Therapy Guides and Programs (ANFT) qui forme des guides et cherche à intégrer les thérapies par la nature et la forêt dans l’enseignement et la santé. Son représentant en Europe est Alex Gesse qui est basé en Espagne. Apparemment l’ANFT a formé une « cohorte » de guides en France en 2017, mais on ne trouve qu’un guide formé en France sur la carte de l’association. Un nombre amené à progresser sans aucun doute.

De la forêt au lit d’hôpital. Sur le site de l’ANFT encore, on trouve un témoignage intéressant qui fait le lien entre la recherche de Roger Ulrich en 1984 et une expérience vécue par l’auteure. Une photo de nature dans une chambre d’hôpital peut contribuer à donner de l’énergie et à réduire le stress (et oui , encore lui). Ce que cette étude hollandaise a montré en 2012.

Bouclons la boucle avec Roger Ulrich. Le fameux auteur de l’étude la plus souvent citée (View through a window may influence recovery from surgery, 1984) a publié une nouvelle étude en 2017 sur l’impact d’un jardin dans une maternité.

Le score est sans appel : Nature 3 – Stress 0.

 

 

 

 

Le bonheur change de rythme

C’est l’été. Il est temps de prendre des vacances, un peu de distance. Au mois de mai, j’ai fini ma licence de psychologie à Paris 8. A la rentrée, j’embraye sur un master de psychologie clinique à Paris Nanterre où j’ai décidé de consacrer mon projet de recherche de M1 aux jardins de soin. Je vais travailler avec Antonia Csillik, une enseignant-chercheur qui s’intéresse aux mécanismes d’efficacité des thérapies et qui s’inscrit dans le courant de la psychologie positive. D’ailleurs, pour me mettre dans le bain, j’ai assisté sur ses conseils à la 8ème édition de l’European Conference on Positive Psychology (ECPP) qui se déroulait la semaine dernière à Angers. La découverte d’un monde foisonnant de recherche et d’expériences s’appuyant sur les notions de bonheur, de bien-être, d’émotions positives, de gratitude, d’optimisme, de développement post-traumatique et bien sûr de pleine conscience. Car l’hypothèse de mon projet de recherche, qui se déroulera dans un jardin qui reste encore à déterminer, va tourner autour de l’idée que les bienfaits du jardin de soin sont ancrés dans le fait d’être présent dans le moment, dans la pleine conscience. Je suis également à la recherche d’un stage de 250 heures supervisé par un ou une psychologue clinicien(ne).

Le constat est donc que les deux années à venir seront très intéressantes, mais également très chargées. Après avoir passé le relais à Susan Morgan pour le blog du Horticultural Therapy Institute que je vous encourage à suivre pour une vision américaine de l’hortithérapie, je devais aussi examiner mon engagement dans Le bonheur est dans le jardin. Parce que nous avons souvent des œillères invisibles, j’ai d’abord pensé, bien à regret, à l’arrêter complètement pour récupérer quelques précieuses heures. Mais une lectrice fidèle m’a soufflé une solution plus satisfaisante : pourquoi ne pas passer d’un rythme hebdomadaire à un rythme mensuel ? Evidemment ! Si j’avais encore des doutes, une rencontre en clôture de la conférence sur la psychologie positive m’a convaincue que je veux continuer. Une doctorante en Sciences de l’homme et de l’environnement à l’université de la Réunion avec qui je parlais de sa recherche sur les activités de pleine nature et la passion me dit qu’elle connaît mon blog et s’en est servi. Un de ces micro-moments où je me sens reliée par des liens souvent invisibles, parfois révélés, à des lecteurs que je ne connais pas. C’est décidé : à la rentrée, Le bonheur devient mensuel.

Roger Ulrich et Teresia Hazen, trois nouvelles études dans les cartons

Pour vous laisser sur une note positive à savourer cet été, sachez que Roger Ulrich, l’auteur de la fameuse étude View through a window may influence recovery from surgery publiée dans Science en 1984, travaille avec l’hortithérapeute Teresia Hazen sur trois nouvelles études ancrées dans les jardins de l’hôpital Legacy Health de Portland en Oregon. Au carrefour du stress, de la nature et des soins, les trois études se penchent sur des futures mères et leurs bébés, sur les proches qui visitent un malade en soins intensifs et sur les infirmières. La dernière fois que j’ai vérifié, les résultats n’avaient pas encore été publiés. En attendant, on peut écouter Roger Ulrich qui est aujourd’hui professeur d’architecture au Center for Healthcare Building Research de l’université de technologie de Chalmers en Suède, exposer ses idées sur la conception de meilleurs hôpitaux dans cette interview radio sur OPB. Et lire cette interview de Teresia Hazen sur le site de Nature Sacred qui a participé au financement de l’étude lancée en 2013.

 

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Un des jardins à Legacy Health à Portland, accessible aux futures mamans et à leurs visiteurs.

 

Je vous souhaite un bel été.

De l’Oregon à la Suisse, des jardins qui soignent

Roger Ulrich

Roger Ulrich

Ces jours-ci, l’American Horticultural Therapy Association se réunissait pour sa conférence annuelle à Portland dans l’Oregon. Avec Roger Ulrich comme keynote speaker, la rock star de la recherche sur les effets de la nature sur les malades. Il aura sans doute donné plus d’éléments sur une étude qu’il a menée dans le jardin de l’hôpital Legacy Health à Portland, « A Nature Place: Quantifying Benefits of a Healing Garden among Hospital Populations ». L’étude cherche à mesurer les effets du jardin à Legacy Health sur trois populations : une étude sur des mères et leurs bébés (on mesure le niveau de stress et le rythme cardiaque des mères et des bébés pendant l’accouchement), une étude sur les familles de patients en soins intensifs et enfin une dernière étude sur les infirmières. On attend avec impatience les résultats…

Michael Schumacher : récupérer d’un coma dans un jardin 

Le jardin de 300 m2 ouvert il y a un an au CHUV à Lausanne.

Le jardin de 300 m2 ouvert il y a un an au CHUV à Lausanne.

En attendant, je vous invite à découvrir cette expérience de jardin au CHUV (Centre hospitalier universitaire vaudois) à Lausanne avec des patients sortant du coma. C’est le journal Le Temps qui rapporte l’expérience dans un article daté de septembre dernier. « Cette structure unique en son genre dans un hôpital universitaire suisse, qui a fêté sa première année d’existence à la fin août, montre des résultats très positifs. Le contact de la nature, la stimulation olfactive des plantes aromatiques, le bruit de l’eau qui clapote dans une fontaine, ou encore le souffle du vent sur un visage offrent de nouvelles possibilités de stimulation du patient. Celui-ci devient alors capable d’effectuer un mouvement qu’il n’était pas forcément en mesure d’exécuter au sein de sa chambre d’hôpital, faute de motivation suffisante », écrit la journaliste. L’article est largement basé sur une interview avec Karin Diserens, médecin adjointe au sein du service de neurologie et responsable de l’Unité de neuro-rééducation aiguë du CHUV. Parmi les patients de Karin Discernes, l’ancien champion de Formule 1 Michael Schumacher suivi au CHUV suite à un accident de ski.

En Suisse, signalons aussi le projet d’Amanda Juillon à l’hôpital universitaire de Genève qui s’adressait plus particulièrement aux patients obèses. Cette expérience en éducation du patient qui a duré deux ans a donné lieu à une publication scientifique en 2012.