Effervescence hivernale dans les jardins de soin

Il y a trois jours, la Fédération Française Jardins, Nature et Santé (FFJNS) se réunissait au CH Théophile Roussel à Montesson, notre siège depuis le début de l’aventure et sans doute l’hôpital français le plus investi dans l’accès des patients à la nature. Après une frénésie d’échanges électroniques entre membres et des premiers contacts téléphoniques avec de nouveaux venus toute l’année, enfin des rencontres physiques, des échanges multiples, des expériences sensorielles, un repas partagé. Ca redonne de l’énergie, ça regonfle pour continuer à militer pour plus de nature dans les lieux de santé en France. Beaucoup de chemin parcouru depuis notre première assemblée générale il y a un an. Beaucoup de chemin à parcourir encore. Précisons que, quand je dis « nous » pour parler de cette aventure, c’est en tant que membre fondatrice parmi une vingtaine de membres fondateurs et actuelle présidente de la FFJNS.

La CDC Biodiversité se penche sur la question de la santé

Un des signes concrets que notre message commence à être entendu est le fait que CDC Biodiversité nous ait repéré cet été et nous ait demandé de participer à un rapport qui vient de sortir le 21 janvier. Repartons du début. CDC Biodiversité, c’est une filiale à 100% de la Caisse des Dépôts dont l’objectif est « d’agir pour la biodiversité, en identifiant et en développant des leviers économiques (réglementaires, volontaires,…) pour financer la préservation et la restauration de la nature. »

Ce rapport, « Santé et Biodiversité : nécessité d’une approche commune », est désormais disponible en ligne. Lors du colloque « Biodiversité et Humanité : une seule santé », des intervenants intéressants se sont succédés et en voici un résumé. Par le bout de ma lorgnette, je retiens que pour une Thérèse Jonveaux venue raconter comment elle a ouvert le jardin à ses patients et ses équipes qu’elle accompagne également dans des sorties en forêt, combien de sceptiques comme Dominique Belpomme, professeur de cancérologie à l’Université Paris-Descartes et défenseur de la biodiversité, qui balaie pourtant d’un revers de la main l’intérêt des jardins de soin. Il y a encore du travail ! Espérons que les membres du ministère de la Santé présents dans la salle ont été plus attentifs aux explications posées du Dr. Jonveaux qu’au sentiment peu réfléchi du Dr. Belpomme.

Jardins & Santé réunit de nouveau son symposium

Pas de temps à perdre pour s’inscrire (y compris au titre de la formation continue) au 6e symposium international de Jardins & Santé qui aura lieu les lundi 30 mars et mardi 31 mars 2020 au siège de la Société Nationale d’Horticulture de France (SNHF) à Paris. Le thème choisi cette année : Les jardins à but thérapeutique en milieu hospitalier et médico-social, de l’exclusion à l’inclusion. La Fédération Française Jardins, Nature et Santé a eu le plaisir de participer à l’élaboration du programme pendant plusieurs mois et sera bien sûr représentée en force au symposium. Que vous soyez un habitué ou nouveau dans ce domaine, le symposium de Jardins & Santé est toujours un grand moment de rencontres. Pour ma part, je le fréquente depuis 2012 (tapez symposium Jardins & Santé dans l’outil de recherche pour retrouver les comptes-rendus des éditions passées). Encore un moment qui recharge les batteries.

Trois partenaires pour un guide des jardins en établissements

Ils ont uni leur force : la Fondation Médéric Alzheimer, l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles et l’association Jardins & Santé (encore elle). Voici un guide pratique qui va accompagner les responsables d’établissements sociaux, médico-sociaux et sanitaires « pour réaliser un jardin adapté, pérenne et durable, bénéfique à la fois au fonctionnement de l’établissement et aux personnes accueillies ». Il répondra aux questions de ces responsables et de tous les acteurs qui veulent se lancer dans la conception – participative idéalement  – de ces jardins particuliers. Un guide composé de quatre grands chapitres :

1. Un jardin dans l’établissement : comprendre et argumenter.

2. Construire et porter le projet de jardin dans une démarche participative.

3. Concevoir le jardin:recommandations pour des jardins à visée thérapeutique «éco-logiques».

4. Faire vivre le jardin, vers une pérennisation évolutive.

Bravo aux auteurs de ce guide qui viendra utilement compléter l’ouvrage de Jérôme Pellissier paru en 2017

Une ressource pleine d’exemples inspirants

Merci à Anne Surdon qui en nous signalant sur le groupe Facebook Jardins de soin cet article dédié à son jardin à l’hôpital Cognac-Jay m’a permis de découvrir le site Solidarum. Publication de la Fondation Cognac-Jay, ce site est une base de connaissances pour l’invention sociale et solidaire. On y trouve des articles qui font rêver comme celui-ci sur deux hôpitaux norvégiens qui ont construit un pavillon de répit ouvert sur la forêt pour que les patients et leurs proches puissent échapper quelques heures à l’univers médical. 

Et un grand merci à WordPress qui a fait évoluer son outil et a rendu très difficile des tâches qui étaient familières et faciles depuis des années. Vraiment merci d’ajouter des heures de complications à ce travail déjà chronophage.

Reconversions : l’appel de la nature

Il y a quelques jours, nous célébrions la fête du travail. Pas entièrement satisfaites dans leurs anciens métiers ou poussées par des expériences personnelles, les trois femmes qui vous racontent leur parcours ce mois-ci ont entrepris de donner un nouveau sens à leur travail et à leur vie. Leurs réflexions les ont toutes les trois menées vers la nature, la terre et les jardins. Je leur ai demandé de partager leurs témoignages pour vous apporter une image authentique et équilibrée de reconversions en cours. Avec leurs bonheurs et leurs questionnements, leurs lignes droites et leurs zigzags. Merci à Christine, à Patricia et à Aude d’avoir pris le temps de partager leurs réflexions avec nous. Surtout avec celles et ceux parmi nous qui envisagent une nouvelle voie.

 

 

Christine Butin : une fleuriste humaniste

Christine Butin et al

Christine Butin (à gauche) lors d’une visite au Jardin de la Bonne Maison près de Lyon avec Sandra Marianelli, Odile Masquelier (créatrice du jardin) et Pauline de Gorostarzu. Crédit photo Philippe Walch

Je m’appelle Christine Butin,  J’ai commencé ma carrière en ayant étudié, puis travaillé plusieurs années dans l’univers attrayant et brillant de la publicité et du marketing en agence sur Lyon.

Puis j’ai souhaité voler de mes propres ailes dans un tout autre environnement. J’ai quitté l’univers des paillettes pour celui du végétal et des fleurs. Rien à voir, mais mes valeurs étaient plus en harmonie avec mes aspirations. L’entreprenariat a eu raison de ce changement professionnel et a duré 20 ans à la direction d’une boutique de fleurs et décoration.

20 ans d’une vie pleine de rebondissements, de résilience de passion et d’amour de ce beau métier d’artisan fleuriste décorateur. Puis la fabuleuse histoire de la boutique Couleurs Nature à Bourgoin-Jallieu dans l’Isère s’est terminée, c’était la fin d’une très belle aventure et le début d’une autre alors inconnue.

J’ai cédé la place en octobre 2016 à une jeune femme (ancienne apprentie revenue me voir 15 ans plus tard, et à qui j’ai souhaité offrir l’opportunité de voler de ses propres ailes à son tour). Elle  a repris la suite pour écrire  son histoire de fleuriste passionnée comme moi 20 ans plus tôt. Une chose est sûre pour moi le végétal restera le fil conducteur de la suite de l’aventure…

Je fais alors une pause d’un peu plus d’un an. Pause à la fois souhaitée mais  aussi un peu forcée à la suite d’un accident de vélo qui me fait perdre l’usage de mon bras droit pendant de longs mois.

Cette période est alors  une super opportunité d’avoir du temps,  de lire, de faire des recherches sur Internet, et de découvrir l’hortithérapie et les jardins de soins. (C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai découvert le blog d’Isabelle Boucq sur lequel vous lisez aujourd’hui cet article).

J’ai aussi rencontré des personnes pour échanger sur les formations, les débouchés, les avantages mais pas que. C’est important de ne pas rester seulement derrière son écran ou dans les livres, mais d’échanger avec des personnes déjà dans cet univers pour en découvrir toutes les facettes. Pas seulement celles qui nous font rêver.  La réalité économique nous rattrape vite et quelque fois cela peut être un peu déroutant. Ne surtout pas briser ses rêves mais rester réaliste, même si on met du temps à réaliser ses  rêves. Restez déterminés et patients.

Pour moi ça a été retour sur les bancs de la fac et reprise d’études universitaires afin de clarifier mon projet professionnel à la lumière de mon parcours de vie à travers un DUP (Diplôme Universitaire de Professionnalisation) mis en place par l’Université de Lyon. Rien à voir avec l’hortithérapie mais cette formation m’a permis de clarifier mon projet.

Dans le cadre de cette formation, j’ai alors décidé d’intégrer, en tant que stagiaire universitaire, un EHPAD à Saint-Etienne dans la Loire pendant 6 mois pour réunir deux mondes, celui du végétal et celui de l’humain dans un lieu de vie où l’on soigne.

Cette expérience professionnelle m’aura permis de me conforter dans mes choix, mes envies, mes idées. Cela aura été révélateur de la suite que je souhaite donner à ce projet. Il est maintenant évident que c’est dans cette direction que je souhaite m’orienter.

Les choses deviennent alors plus claires et mes valeurs profondes m’orienteront tout naturellement vers l’accompagnement végétal, floral et les jardins de soin même si je ne sais pas encore comment.

A la fin de cette fabuleuse expérience, les modalités ne sont pas encore précises (salariat, entreprenariat ou peut être les deux combinés…. l’avenir le dira …..).  Comment appréhender les réalités économiques ?

Les expériences, les échanges, les rencontres ont été très bénéfiques, nécessaires et éclairantes.   Mes suggestions ? Ne restez pas seul(e) face à vos questionnements. Posez-vous les bonnes questions sur ce que vous voulez vraiment. Prenez le temps qu’il faut pour mener à bien vos réflexions.

Pour moi, la forme que prendra la suite reste encore floue, à définir, préciser, affiner, découvrir, inventer. Comment trouver ma place dans cet univers où les personnes en place ont des parcours très différents (jardiniers, médecins, soignants, éducateurs …..) ? Tout cela est un peu déroutant, mais je retiens que c’est cette richesse d’expériences et de parcours qui aide à trouver sa propre place.

En septembre 2018, j’avais un peu perdu ma boussole…Puis j’ai été rattrapée par l’envie de créer à nouveau…

Aujourd’hui’ hui, je vous annonce la création de  la toute nouvelle entreprise « Jardins, Fleurs et Nature » qui est en cours et qui portera le projet d’accompagnements, de créations et d’animations d’ateliers végétal et floral à visée thérapeutique dans des lieux de vie où l’on soigne mais aussi dans les entreprises où la reconnexion au végétal devient de plus en plus nécessaire dans le cadre de l’amélioration de la qualité de vie au travail.

Partagée entre enthousiasme et fébrilité, je suis heureuse de témoigner aujourd’hui  de ces questionnements qui m’ont accompagnée ces derniers mois.

C’est le début d’une nouvelle aventure passionnante avec le soutien de la Fédération Française Jardin, Nature et Santé que je vous invite à découvrir à travers son site internet, véritable mine d’information au service des jardins de soin.

Déjà  de nouvelles idées pour la suite. Mais « chut » une chose après l’autre.  Je ne souhaite pas repartir dans la spirale du toujours plus et toujours plus vite ……… mais le cheminement continue et la direction est prise….

J’aime une citation que je me répète et dont j’ai oublié le nom de l’auteur : « Le pessimisme de la connaissance n’empêche pas l’optimisme de la volonté ». Cette phrase m’accompagne dans les moments de doute.

J’espère que ce témoignage servira à celles  et ceux qui comme moi ont envie de rejoindre cet univers.

Christine Butin

Pour joindre Christine :

christinebutin69007 (at) gmail.com

https://www.facebook.com/jardinsfleursetnature

 

Patricia Espi, Bourgeons et Sens : une pharmacienne qui voulait prendre soin

Patricia au Jardin Coup de Pousse

Patricia Espi en action avec un groupe de jeunes jardiniers au Jardin Coup de Pousse à Reims.

Pharmacienne depuis 37ans, j’ai exercé en officine pendant 33 ans. Mais les dernières années, je ne retrouvais plus ce qui m’avait attiré dans ce métier : les conseils aux clients et le relationnel, la possibilité de prendre soin, les préparations de pommades, sirops, gouttes, poudres, etc… et surtout tisanes. Je sentais qu’il me manquait quelque chose et je me suis donc lancée à l’aventure en septembre 2015, afin de redonner du sens à mon métier…

J’ai très rapidement été attirée par une annonce du réseau Terramie qui recherchait des conseillers en conception de jardins à visée thérapeutique. Pour moi, ce terme « Jardins à visée thérapeutique » me permettait de faire le lien entre le médicamenteux (mon métier de pharmacienne) et le non-médicamenteux (les plantes et autres soins).

Passionnée depuis toujours par la nature et ses bienfaits, ce concept m’a tout de suite séduite et après un test d’entrée, j’ai été admise dans le réseau. Il s’agit d’un test nommé « Profil Arc-en-Ciel » qui permet de déterminer si l’on est en adéquation avec l’activité proposée. Il permet de connaître les forces et les faiblesses de la personne, ses valeurs, ses clés de motivation, ses capacités d’adaptation au public qu’elle côtoie,…

Ensuite il m’a fallu créer ma propre entreprise, que j’ai nommée « Bourgeons et Sens » : Bourgeons, car je voulais faire naître de la vie, du bien-être et Sens pour donner du sens à la vie et aussi évoquer les cinq sens…J’ai choisi le statut de SARL afin de pouvoir récupérer la TVA sur les droits d’entrée dans la franchise et amortir ces droits d’entrée (28 000€ HT) sur cinq ans. Je fus formée par le réseau dans différents domaines : la gestion d’entreprise, le commercial et le relationnel, la création de plans de jardins sur un logiciel, un peu le médical et le domaine du végétal.

En deux ans j’ai ainsi réalisé une douzaine de jardins en Ehpad, Centre Hospitalier, résidences autonomie, espace intergénérationnel pour un bailleur social et établissement pénitentiaire.

A l’issue de la réalisation de ces jardins, je propose des formations pour les soignants afin qu’ils sachent comment utiliser ce type de jardin et en récolter le maximum de bénéfices. Je suis inscrite sur le référentiel DataDock en tant qu’organisme de formation.

Mais je me suis très vite aperçue que les équipes soignantes, ayant beaucoup de travail, ont peu de temps et ne sont pas toujours motivées par ce type de projet. Dans ce contexte, j’ai réalisé que quelques formations ne sont pas suffisantes pour faire vivre un jardin. Des ateliers réguliers sont nécessaires afin que le personnel soignant reste motivé grâce à un projet d’équipe.

J’ai donc quitté le réseau Terramie en juillet 2018, pour essayer d’enrichir à nouveau ma vie professionnelle.

Mon souhait le plus cher est d’apporter rapidement les bienfaits physiques, psychologiques et relationnels de la nature aux enfants ou aux personnes fragilisées par l’âge, la maladie ou les aléas de la vie. Mais la conception et la réalisation d’un Jardin à visée thérapeutique, élaboré comme il se doit avec toutes les personnes concernées par le projet, demande plus d’un an…

C’est pourquoi, depuis six mois je propose également aux établissements ou collectivités des ateliers de jardinage, d’initiation au jardin au naturel, aux plantes et à leurs utilisations mais aussi d’hortithérapie pour introduire la notion d’accompagnement au soin. Et cela avec leur espace extérieur ou jardin déjà existant.

J’ai reçu des demandes en intergénérationnel avec la ville de Reims (écoles, séniors, IME), en résidences autonomie en partenariat avec des écoles ou des centres sociaux, mais aussi en Ehpad et pour la deuxième année avec la prison de Châlons-en-Champagne. De plus, en quelques mois, ces ateliers ont débouché sur des demandes d’aménagement de jardins, en Ehpad et résidence autonomie, qui sont maintenant en cours.

« La Santé, c’est plus que l’absence de maladie, c’est un état de complet bien-être physique, mental et social » (définition de l’Organisation Mondiale de la Santé, OMS). Le jardin apporte tous ces bénéfices, mais les études quantitatives sont difficiles à réaliser. Un Centre Hospitalier dans lequel j’ai implanté un jardin, a néanmoins commencé une évaluation sur les bienfaits et la diminution de certains médicaments grâce au jardin. Dans ce même établissement, dans le cadre de son Master of Business Administration, l’adjointe de direction a présenté une thèse sur « les jardins à visée thérapeutique au cœur des thérapies non médicamenteuses ». J’étais sa directrice de thèse et ce fut une belle expérience. Joëlle Ferrand est d’ailleurs heureuse de partager son travail mis à disposition en ligne et de répondre aux questions (joelle.ferrand02 (at) gmail.com). Attention de bien indiquer votre source si vous la citez bien sûr.

Je suis pleinement satisfaite de ma nouvelle orientation professionnelle. Cette activité me permet de voir fleurir des sourires sur le visage des personnes, même les plus fragiles, en leur permettant de trouver ou de retrouver le plaisir des choses simples apportées par la nature.

Cependant, se lancer dans ce domaine n’est pas toujours évident. Il y a parfois des obstacles : budget des établissements ou des collectivités, motivation des participants au projet, suivi du jardin, connaissances à avoir dans différents domaines, énormément de temps et de travail à consacrer à sa vie professionnelle notamment.

D’autre part concernant la rentabilité de mon activité, je dois tenir compte de l’amortissement des droits de franchise qui courent encore, même si je suis sortie du réseau. Ceci a pour conséquence de diminuer fortement mes revenus. Le passage par la case franchise m’a permis de découvrir les « Jardins à visée thérapeutique » et de me lancer dans cette activité. Mais ce choix de statut de franchisé doit être fait en toute connaissance de cause, car il peut mettre en péril la pérennité financière de l’entreprise…

Mon changement d’orientation professionnelle (pharmacienne, conceptrice de jardins à visée thérapeutique, animatrice d’ateliers) a été progressif sur plusieurs années, et rien ne dit que les choses sont définitivement arrêtées…Pour ma part, j’expérimente à fond mon idée du moment et la fait évoluer en fonction de mon propre ressenti.

Le jardin en tant qu’accompagnement au soin et à la qualité de vie a de l’avenir… Je pense que nous devons recréer ce lien inné et essentiel avec la nature, cette connexion entre tous les êtres vivants…la biophilie comme l’explique si bien Edward Osborne Wilson…Mais, en premier lieu, il faut être convaincu des bienfaits de la nature, car pour faire passer ce type de message il faut le vivre et le ressentir en soi !

Patricia Espi

Pour joindre Patricia :

patricia.espi (at) bourgeonsetsens.fr

https://www.facebook.com/Bourgeons-et-Sens-1647732338835972/

Aude Beaini : du bureau aux jardins

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Aude Beaini au jardin

Je m’appelle Aude, j’ai 26 ans et j’habite en région parisienne. J’ai fait une école de commerce il y a trois ans puis j’ai travaillé dans des domaines variés : contrôle de gestion, gestion de projet et animation de formation, communication et commercial.

J’ai fait mes premiers choix d’orientation en étant guidée par un besoin important de sécurité (quels débouchés et quelle stabilité ?). Mais avec mes premières années de travail, j’ai appris à tempérer ce mode de fonctionnement initial, pour que d’autres paramètres rentrent en compte. Aujourd’hui l’épanouissement au quotidien, l’adéquation avec mes valeurs et le sens sont des points aussi importants dans mes choix.

Avant de penser reconversion, j’ai d’abord voulu mettre mes compétences au service de la transition écologique et sociale. A cette époque, j’étais chargée de communication dans un grand groupe de l’IT, domaine qui ne me parlait pas spécialement. J’ai eu en parallèle un souci de santé qui m’a forcée à revoir mon alimentation, notamment en apprenant à me cuisiner des choses moi-même. Frustrée par toutes les épluchures que je me suis mise à jeter toutes les semaines, j’ai voulu savoir si je pouvais les valoriser. J’ai découvert le compostage ! J’ai alors mis le doigt dans un engrenage vertueux : si je composte, pourquoi ne pas acheter en vrac, utiliser des cosmétiques solides … et ainsi de suite. Peu à peu, cela a pris beaucoup de place dans ma vie personnelle, jusqu’à ce que cela devienne une évidence pour moi d’emmener le professionnel dans le même sens.

Pour autant, je n’avais pas de vocation. J’ai donc fait le point avec une coach : je voulais savoir quels métiers pouvaient me convenir pour me lancer dans des recherches et postuler. En fait, cela a été un superbe coaching parce que je n’en suis pas du tout ressortie avec ce que je cherchais. Je n’avais pas plus de nom de métier en tête mais cet accompagnement m’a mise dans une disposition où je n’avais absolument pas besoin de cela pour me mettre en mouvement. J’étais au clair sur les valeurs qui m’animaient, j’avais envie de me sentir utile et j’étais branchée sur un enthousiasme débordant face à cette nouvelle page à dessiner. J’ai donc enclenché des actions pour nourrir ma réflexion et mes envies, guidée par les sujets qui m’enthousiasmaient. Beaucoup de lectures, de conférences, de salons, de personnes contactées pour qu’elles me parlent de leur métier… autour de l’économie sociale et solidaire, de l’économie circulaire, de la permaculture, du zéro déchet… Et une fois le pied à l’étrier, une action en amenant une autre, les choses se sont dessinées d’elles-mêmes. C’est donc sur un salon que j’ai rencontré mon employeur suivant, qui recrutait.

Pour moi, c’est un point extrêmement important : on n’est pas obligé d’avoir un point d’arrivée précis pour se mettre en route. Pour ceux qui n’ont pas de vocation et qui ont envie de changement, je dirais que le risque c’est de ne jamais s’y mettre si on attend de connaitre une destination figée. Se donner du temps pour travailler à mieux se connaître, comprendre ce qui constitue son moteur personnel est essentiel, faire le plein d’inspiration par des petits pas et en osant rencontrer… le plus important c’est d’être en mouvement et de se faire confiance, parce qu’après ça se déroule. En tout cas, je l’ai vécu comme ça.

Ensuite, mon expérience m’a amenée à vouloir pousser le bouchon plus loin. Mon dernier job était dans une entreprise qui confectionne des accessoires en coton bio et équitable. Tout dans l’entreprise ne correspondait pas à 100% avec ce que je souhaitais. Exemple : un coton certes bio, mais neuf alors que j’aurais plus tendance à défendre l’utilisation de matières existantes dans une logique circulaire. Pour autant, j’avais eu un gros coup de cœur pour cette boite et en plus, c’était déjà un premier virage vers plus de sens. Pendant les 9 mois passés à ce poste, mon cheminement s’est poursuivi avec l’envie d’un quotidien moins centré sur le bureau, l’envie d’autre chose, mais sans évidence pour un métier ou une vocation. J’étais en CDD. J’ai donc longuement hésité entre rester et aller creuser cette autre envie. On m’a proposé de prolonger le CDD, mais la seconde option l’a emporté. J’ai choisi de prendre un temps de recul sur ces 3 premières années de travail pour faire le point et rediriger les choses au besoin. J’ai voulu profiter du temps alors libéré pour pratiquer une activité nouvelle et qui nourrirait mes réflexions. J’ai donc commencé un bénévolat, pour entretenir un terrain en permaculture, en banlieue parisienne. En effet, la permaculture, en tant que mode de conception, a été une découverte forte dans mon cheminement et cela m’intéressait de commencer à me familiariser avec en m’appuyant sur une pratique appliquée au jardin. Après les premières semaines de bénévolat hebdomadaire, j’avais un voyage de 3 semaines prévu. Prendre du temps pour moi et mettre mes questionnements pro sur pause pendant ces quelques semaines m’a aidée à y voir plus clair au retour et m’a fait me rendre compte qu’il se passait quelque chose quand j’étais à ce bénévolat (que je poursuis aujourd’hui) et que je tenais de plus en plus à être en contact avec la nature et à pouvoir observer ses cycles.

Je pense qu’il est important d’accepter de prendre des temps de pause et de s’aérer la tête car ce sont des temps fertiles, cela m’a aidée à lire plus clairement mes priorités dans ma recherche, qui était donc en train de devenir une reconversion. En étant au chômage, même choisi pour faire le point sur mes envies professionnelles, la tentation est grande de multiplier les actions jusqu’à m’essouffler, pour que tout se concrétise au plus vite. Mais en fait, les pauses sont aussi bénéfiques dans le processus. Il y a un équilibre à trouver, toujours en se faisant confiance.

Cette pause et ce bénévolat m’ont donc fait comprendre que j’aspirais à mettre plus de rapport à la terre dans mon quotidien, pour profiter de ses bienfaits, et aider d’autres personnes à en profiter également. Etant très empathique et portée sur l’humain, j’aimerais joindre à ce rapport à la terre une dimension sociale, que cela soit pour l’inclusion, l’insertion, le lien social ou le bien-être/l’aspect thérapeutique. De plus, mon poste en formation est celui qui m’a le plus épanouie parce qu’au-delà de me faire sortir de ma zone de confort en me forçant à m’exprimer devant un public parfois nombreux, chose que je redoutais, j’étais dans la transmission et l‘accompagnement. Et ce sont deux notions très importantes pour moi, que je voudrais transposer dans mon avenir professionnel également, autour du rapport à la terre.

En suivant ce qui m’enthousiasmait, petit à petit des évidences se sont finalement dégagées, m’amenant à m’intéresser à l’animation d’ateliers, l’accompagnement thérapeutique basé sur le jardin ou le potager, l’entretien des espaces associés, etc. Tout l’enjeu en cours est donc d’explorer les domaines et formats (salarié, à mon compte, les deux ?) qui pourraient me permettre de réunir tous les points qui ont émergé et de continuer à affiner mon projet. J’ai identifié la médiation thérapeutique par le jardin et l’agriculture urbaine dans ce sens. Actuellement, je me forme et me teste autour de ces domaines. Pour cela, j’ai réalisé une première PMSMP (« période de mise en situation en milieu professionnel »,une sorte de stage court conventionné par Pôle Emploi pour tester un nouveau domaine, métier, ou initier un recrutement) dans une association de l’agriculture urbaine. Une deuxième PMSMP est prévue en juin dans une entreprise de la médiation thérapeutique par le jardin. J’ai effectué une initiation à la permaculture et pour mai, je suis inscrite à un Cours certifié en permaculture.

Cela m’amène à deux autres points importants dans la démarche de reconversion, à mon sens : si on sent que cela pourrait aider, ne pas hésiter à faire appel à des structures d’accompagnement comme l’APEC ou une antenne locale de l’emploi dans sa ville. Un seul rendez-vous peut suffire pour présenter sa situation et repartir avec des idées extérieures et adaptées à sa configuration. Le second est de se renseigner sur les possibilités de financement de formation par son CPF, Pôle Emploi ou les autres organismes financeurs, selon les cas. Tout ce que j’ai entrepris jusqu’ici, de rencontres et d’apprentissages, ne fait que me confirmer l’envie de poursuivre dans cette voie, pour continuer à affiner et faire éclore ce parcours qui m’enthousiasme tellement.

J’en profite pour faire un clin d’œil aux belles personnes et équipes que j’ai pu croiser sur ma route.

Aude Beaini

beaini.aude (at) gmail.com

Une fédération est née

La biophilie à l’oeuvre (photo Florence Gottiniaux/Outside)

 

 

La Fédération Française Jardins, Nature et Santé est un beau bébé qui fêtera bientôt son premier anniversaire officiel, sans compter les longs mois de gestation. Pour la faire très courte, c’est une bande de gens très sympas qui aident, certains depuis de longues années, à connecter des personnes fragiles avec la nature et le jardin pour qu’elles retrouvent un certain équilibre, un certain bien-être, une certaine qualité de vie. Des gens de partout en France qui ont décidé de s’unir pour mieux partager leurs convictions et leurs pratiques.

Genèse

Les 13 et 14 novembre 2017, l’association Jardins & Santé tenait son 5e symposium à Paris. Comme pour chaque symposium, de nombreux acteurs étaient venus de partout en France, avides de discussions et d’échanges, entre eux et avec les intervenants internationaux. Tous convaincus que certains jardins, et la nature plus largement, possèdent des vertus thérapeutiques. Déjà l’idée de créer une nouvelle association – ou plutôt une fédération – circulait depuis quelque temps. Au symposium précédent, des conversations avaient commencé. Sans lendemain, une fois tout le monde rentré chez eux. Mais là, on sentait une envie palpable de se rassembler. A la fin du symposium, quelques personnes ont commencé à discuter au pied de l’estrade. Notamment Anne Chahine, la présidente de Jardins & Santé, et Jérôme Pellissier, auteur d’un ouvrage marquant en français sur l’hortithérapie…

Et puis, la conversation a continué dans un café à côté. C’est ce soir-là que tout a commencé…Autour de plusieurs constats.

Ensemble, plus forts et mieux entendus

Depuis quelques années, les jardins de soins se déploient en France, dans des maisons de retraite, dans des hôpitaux psychiatriques et ailleurs. Les média sont pris d’engouement pour l’hortithérapie et y consacrent articles et émissions. Les jardins de soin semblent dans l’air du temps. Et pourtant à chaque fois qu’un infirmier, un interne en psychiatrie ou une psychomotricienne a envie de créer un jardin dans son établissement, il lui faut convaincre les décideurs en glanant ici et là des arguments. Les formations restent peu nombreuses et aucune ne débouche sur une certification ou un diplôme. Chacun doit réinventer la roue, sans soutien, avec l’énergie et l’enthousiasme des passionnés. C’est usant.

Malgré des décennies d’expérience dans d’autres pays et des études démontrant les bienfaits de cette médiation non médicamenteuse, la pratique cherchait encore légitimité et reconnaissance en France. C’est cette situation qui a donné envie à une trentaine de membres fondateurs de se retrousser les manches pour se fédérer, promouvoir leurs diverses pratiques et se soutenir entre professionnels.

Une fédération ne se fait pas en un jour

Assemblée constituante

La fédération en plein chantier de construction (photo CH Théophile Roussel)

En janvier 2018, première réunion de travail au cœur de l’hiver, saison où les jardiniers aiment cogiter à l’intérieur. Des groupes de travail ont œuvré pendant des mois pour faire avancer divers chantiers – une charte et un règlement intérieur, des outils pour communiquer – malgré la distance géographique et les emplois du temps chargé. En avril 2018, assemblée constituante pour élire un conseil d’administration et un bureau certes, mais surtout pour avancer. Il y a tant à faire et à penser. Le Centre Hospitalier Théophile Roussel à Montesson (78) est naturellement devenu le siège de la FFJNS grâce à la conviction de son Coordonnateur général des activités de soins, Didier Sigler et au soutien de son directeur, Jacques Lahely.

Le 25 janvier 2019, la FFJNS tenait sa première assemblée générale annuelle et ouvrait officiellement ses portes à de nouveaux membres. Quelques nouveaux sont venus, attirés par une énergie proche de la leur. Qui peut rejoindre cette fédération ? Toutes les actrices et tous les acteurs « concerné.e.s par la création, la mise en œuvre, le développement, les usages, des jardins thérapeutiques et/ou des pratiques de prévention, de soin et prendre-soin par la relation à la nature ou à des éléments naturels (dont les écothérapies et l’hortithérapie) » sont les bienvenu.e.s.

Pour en savoir plus sur la FFJNS

Ruez-vous sur le site flambant neuf de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Vous pourrez y lire la charte récemment approuvée (mais toujours perfectible), la composition du CA et du bureau, la procédure d’adhésion (attention, nous avons décidé d’avoir des membres sympathisants et des membres actifs), des définitions, une liste non-exhaustive des formations disponibles en France, un appel aux dons et plus encore.

Je passe au « nous » car, à ce stade, vous aurez compris que je suis impliquée dans cette aventure en tant que présidente, pour un mandat de trois ans. De nombreux signes autour de nous au quotidien nous donnent l’espoir que les bienfaits de la nature sont de plus en plus reconnus. Que, comme le dit notre secrétaire Tamara Singh, nous sommes des être(s) de nature.

En mars, la FFJNS déroulera une série d’événements locaux, à l’initiative des membres disséminés de Brest à Bezannes à Draguignan à Saint-Péray à Saint-Vincent-de-Tyrosse et un peu partout en France. Stay tuned… 

 

Trois actus à chaud de membres fondateurs de la FFJNS

 A Montpellier. Sonia Trinquier de l’association Mosaïque des Hommes et des Jardins est également membre fondatrice et membre active de la FFJNS. Ce samedi 9 février, elle organise une journée découverte des différentes approches de l’hortithérapie, entre écologie humaine et écologie environnementale. Ca se passe de 10h00 à 16h30 à la Maison Pour Tous Michel Colluci. Sonia a prévu des mises en situation concrètes et des retours d’expérience d’Ateliers Jardin adaptés à un public fragile. Infos sur le site de Mosaïque.

A Versailles et autour. Kevin Charras de la Fondation Médéric Alzheimer et Véronique Laulier de l’École nationale supérieure de paysage (ENSP) sont tous les deux membres fondateurs de cette nouvelle fédération. Le 29 janvier, leurs deux institutions ont signé une convention de partenariatdont l’objectif est d’améliorer le quotidien des personnes atteintes de troubles cognitifs liés au vieillissement grâce au contact avec la nature.

A Saint-Etienne. Le 24 mai se tiendra à la Faculté de Médecine Jacques Lisfranc le colloque « Des jardins pour prendre soin » organisé par le centre de réhabilitation sociale Réhacoor 42 et impulsé par un de ses psychiatres Romain Pommier, membre fondateur de la fédération. Plusieurs autres membres de la fédération au programme aux côtés d’intervenants en psychiatrie et – roulement de tambour – de Roger Ulrich dont la présentation portera sur « Les jardins et la nature dans les structures de soin ».  Un colloque à ne pas manquer! On en reparlera. Voici l’affiche du colloque.