Une fédération est née

La biophilie à l’oeuvre (photo Florence Gottiniaux/Outside)

 

 

La Fédération Française Jardins, Nature et Santé est un beau bébé qui fêtera bientôt son premier anniversaire officiel, sans compter les longs mois de gestation. Pour la faire très courte, c’est une bande de gens très sympas qui aident, certains depuis de longues années, à connecter des personnes fragiles avec la nature et le jardin pour qu’elles retrouvent un certain équilibre, un certain bien-être, une certaine qualité de vie. Des gens de partout en France qui ont décidé de s’unir pour mieux partager leurs convictions et leurs pratiques.

Genèse

Les 13 et 14 novembre 2017, l’association Jardins & Santé tenait son 5e symposium à Paris. Comme pour chaque symposium, de nombreux acteurs étaient venus de partout en France, avides de discussions et d’échanges, entre eux et avec les intervenants internationaux. Tous convaincus que certains jardins, et la nature plus largement, possèdent des vertus thérapeutiques. Déjà l’idée de créer une nouvelle association – ou plutôt une fédération – circulait depuis quelque temps. Au symposium précédent, des conversations avaient commencé. Sans lendemain, une fois tout le monde rentré chez eux. Mais là, on sentait une envie palpable de se rassembler. A la fin du symposium, quelques personnes ont commencé à discuter au pied de l’estrade. Notamment Anne Chahine, la présidente de Jardins & Santé, et Jérôme Pellissier, auteur d’un ouvrage marquant en français sur l’hortithérapie…

Et puis, la conversation a continué dans un café à côté. C’est ce soir-là que tout a commencé…Autour de plusieurs constats.

Ensemble, plus forts et mieux entendus

Depuis quelques années, les jardins de soins se déploient en France, dans des maisons de retraite, dans des hôpitaux psychiatriques et ailleurs. Les média sont pris d’engouement pour l’hortithérapie et y consacrent articles et émissions. Les jardins de soin semblent dans l’air du temps. Et pourtant à chaque fois qu’un infirmier, un interne en psychiatrie ou une psychomotricienne a envie de créer un jardin dans son établissement, il lui faut convaincre les décideurs en glanant ici et là des arguments. Les formations restent peu nombreuses et aucune ne débouche sur une certification ou un diplôme. Chacun doit réinventer la roue, sans soutien, avec l’énergie et l’enthousiasme des passionnés. C’est usant.

Malgré des décennies d’expérience dans d’autres pays et des études démontrant les bienfaits de cette médiation non médicamenteuse, la pratique cherchait encore légitimité et reconnaissance en France. C’est cette situation qui a donné envie à une trentaine de membres fondateurs de se retrousser les manches pour se fédérer, promouvoir leurs diverses pratiques et se soutenir entre professionnels.

Une fédération ne se fait pas en un jour

Assemblée constituante

La fédération en plein chantier de construction (photo CH Théophile Roussel)

En janvier 2018, première réunion de travail au cœur de l’hiver, saison où les jardiniers aiment cogiter à l’intérieur. Des groupes de travail ont œuvré pendant des mois pour faire avancer divers chantiers – une charte et un règlement intérieur, des outils pour communiquer – malgré la distance géographique et les emplois du temps chargé. En avril 2018, assemblée constituante pour élire un conseil d’administration et un bureau certes, mais surtout pour avancer. Il y a tant à faire et à penser. Le Centre Hospitalier Théophile Roussel à Montesson (78) est naturellement devenu le siège de la FFJNS grâce à la conviction de son Coordonnateur général des activités de soins, Didier Sigler et au soutien de son directeur, Jacques Lahely.

Le 25 janvier 2019, la FFJNS tenait sa première assemblée générale annuelle et ouvrait officiellement ses portes à de nouveaux membres. Quelques nouveaux sont venus, attirés par une énergie proche de la leur. Qui peut rejoindre cette fédération ? Toutes les actrices et tous les acteurs « concerné.e.s par la création, la mise en œuvre, le développement, les usages, des jardins thérapeutiques et/ou des pratiques de prévention, de soin et prendre-soin par la relation à la nature ou à des éléments naturels (dont les écothérapies et l’hortithérapie) » sont les bienvenu.e.s.

Pour en savoir plus sur la FFJNS

Ruez-vous sur le site flambant neuf de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Vous pourrez y lire la charte récemment approuvée (mais toujours perfectible), la composition du CA et du bureau, la procédure d’adhésion (attention, nous avons décidé d’avoir des membres sympathisants et des membres actifs), des définitions, une liste non-exhaustive des formations disponibles en France, un appel aux dons et plus encore.

Je passe au « nous » car, à ce stade, vous aurez compris que je suis impliquée dans cette aventure en tant que présidente, pour un mandat de trois ans. De nombreux signes autour de nous au quotidien nous donnent l’espoir que les bienfaits de la nature sont de plus en plus reconnus. Que, comme le dit notre secrétaire Tamara Singh, nous sommes des être(s) de nature.

En mars, la FFJNS déroulera une série d’événements locaux, à l’initiative des membres disséminés de Brest à Bezannes à Draguignan à Saint-Péray à Saint-Vincent-de-Tyrosse et un peu partout en France. Stay tuned… 

 

Trois actus à chaud de membres fondateurs de la FFJNS

 A Montpellier. Sonia Trinquier de l’association Mosaïque des Hommes et des Jardins est également membre fondatrice et membre active de la FFJNS. Ce samedi 9 février, elle organise une journée découverte des différentes approches de l’hortithérapie, entre écologie humaine et écologie environnementale. Ca se passe de 10h00 à 16h30 à la Maison Pour Tous Michel Colluci. Sonia a prévu des mises en situation concrètes et des retours d’expérience d’Ateliers Jardin adaptés à un public fragile. Infos sur le site de Mosaïque.

A Versailles et autour. Kevin Charras de la Fondation Médéric Alzheimer et Véronique Laulier de l’École nationale supérieure de paysage (ENSP) sont tous les deux membres fondateurs de cette nouvelle fédération. Le 29 janvier, leurs deux institutions ont signé une convention de partenariatdont l’objectif est d’améliorer le quotidien des personnes atteintes de troubles cognitifs liés au vieillissement grâce au contact avec la nature.

A Saint-Etienne. Le 24 mai se tiendra à la Faculté de Médecine Jacques Lisfranc le colloque « Des jardins pour prendre soin » organisé par le centre de réhabilitation sociale Réhacoor 42 et impulsé par un de ses psychiatres Romain Pommier, membre fondateur de la fédération. Plusieurs autres membres de la fédération au programme aux côtés d’intervenants en psychiatrie et – roulement de tambour – de Roger Ulrich dont la présentation portera sur « Les jardins et la nature dans les structures de soin ».  Un colloque à ne pas manquer! On en reparlera. Voici l’affiche du colloque.

 

 

 

 

Mosaïque multiplie les jardins thérapeutiques à Montpellier

 

 

En 2006, Sonia Trinquier crée l’association Mosaïque autour des problématiques de la diminution des activités agricoles dans les espaces ruraux et péri-urbains, un sujet qui lui tient à cœur en tant qu’ingénieur agronome. En 2014, l’association opère un virage pour se consacrer à la nature en ville et aux jardins à visée thérapeutique. « Après 18 ans d’ingénierie dans le milieu agricole, j’ai ressenti le besoin de m’engager dans des projets « à échelle humaine » et partager ma conviction du bienfait du végétal sur la santé », explique Sonia qui se souvient des heures passées dans le jardin de son grand père et de la main verte transmise par sa mère. Elle apporte à ses Ateliers Jardins Adaptés une autre expérience, celle de ses propres lombalgies invalidantes. Elle sait ce que c’est de jardiner lorsque le corps est en souffrance.

Mosaïque, c’est une association loi 1901 animée par une petite équipe de bénévoles qui intervient aujourd’hui dans plusieurs jardins dans la région de Montpellier auprès de jardiniers fragilisés. Référent de Jardins & Santé dans la région, Mosaïque conçoit, coordonne et anime ses Ateliers Jardins Adaptés (AJA) auprès de ces publics fragiles et favorise également l’inclusion à la vie sociale dans des Jardins Partagés. Avec le printemps, les ateliers reprennent. L’équipe anime environ huit ateliers par semaine pour des seniors et pour des enfants sur le spectre de l’autisme. Ateliers dans un jardin partagé réservé à des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, ateliers en résidence séniors et dans plusieurs Ephad, séance pour les enfants dans un jardin partagé, l’agenda de Mosaïque se remplit. On peut se plonger dans les ateliers grâce à ce reportage de TV Sud.

Des ateliers adaptés à la maladie d’Alzheimer

L’objectif premier de ces ateliers est de mettre la personne en situation de réussite. L’ambiance est détendue, la petite taille du groupe permet les observations et les expérimentations. L’atelier suit un déroulé familier : les participants enfilent une tenue de jardinage, observent les changements au jardin pour se fixer des repères dans l’espace et dans le temps, puis ils se mettent au travail en suivant le calendrier des travaux de jardinage. Des exercices pour jardiner sans se faire mal sont proposés. La séance se termine autour d’une collation et d’un cahier de suivi dans lequel sont consignés les moments forts et les éventuelles difficultés rencontrées.

Pour Sonia et son équipe, ces temps au jardin activent des mécanismes cognitifs comme la mémoire sensorielle et affective. Ils ancrent les patients dans la réalité et dans des gestes répétés pleins de sens. Les ateliers jardins peuvent être complétés par d’autres activités : jeux de mémoire et découvertes sensorielles, exercices de prévention des chutes et d’équilibre dans les allées du jardin, ateliers écriture et arts plastiques pour l’identification des plantes, ateliers cuisine, nutrition et alimentation saine avec les légumes bio du jardin ou encore gymnastique douce et relaxation en plein air.

Fort de cette expérience, Mosaïque avait été invitée à animer des ateliers sur le Village Alzheimer à Paris les 21 et 22 septembre 2017 lors des Journées Mondiales Alzheimer. Sonia est également intervenue au Symposium Jardins & Santé en novembre 2017 lors d’une table ronde consacrée à l’évaluation des jardins thérapeutiques en psychiatrie. L’association participe ainsi à des événements ponctuels autour des jardins et de la santé en Languedoc Roussillon et nationalement.

Des ateliers pour les enfants en situation d’autisme

Se basant sur la littérature qui décrit les bienfaits des jardins thérapeutiques pour ces enfants, Mosaïque a mis sur pied des ateliers adaptés. « La nature communique une émotion pouvant être la source d’une restructuration efficace. Une personne vulnérable est d’autant plus sensible à son environnement. Là où le langage échoue, le jardin s’avère être un formidable médiateur, comme la musicothérapie ou la zoothérapie », explique l’association.

Des ateliers intergénérationnels

Dans ces ateliers gagnant-gagnants, des enfants d’école et de centres de loisirs viennent jardiner aux côtés de seniors. C’est le cas notamment d’un atelier au sein des espaces verts de l’EHPAD CCAS des Aubes. Pour Sonia, ces ateliers permettent aux personnes âgées de reprendre confiance en elles : chacun est responsable d’un petit groupe d’enfants et d’une tâche. De plus les échanges sont plus faciles car les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ressentent moins d’appréhension à s’exprimer avec de jeunes enfants.

Un grand projet d’évaluation

Aujourd’hui, il s’agissait de présenter Mosaïque et ses activités. Nous reviendrons sur un grand projet que murit Sonia dans le domaine de l’évaluation. Accompagnée d’un comité scientifique présidé par le Professeur Jeandel, chef du Pôle Gérontologique du CHU de Montpellier, elle a lancé en 2016 une vaste réflexion sur l’évaluation des bienfaits de ces jardins. Dans la lignée des travaux de Thérèse Jonveaux au CHU de Nancy ou de Romain Pommier au CHU de Saint-Etienne, la question de l’évaluation fait l’objet d’un travail de réflexion approfondie avec une équipe pluridisciplinaire composée de médecins, d’ergothérapeutes, de psychologues et d’autres professionnels. En proposant une démarche méthodologique adaptée aux jardins visant les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, l’objectif est de démontrer l’efficacité et l’efficience de ces jardins pour encourager leur généralisation. Nous reviendrons sur ce grand projet…