
A quoi ça sert la recherche ? (Si la question avait été « A quoi ça sert l’amour ? », c’est Edith Piaf qui vous aurait fourni la réponse).
« La recherche scientifique est essentielle à la production de nouvelles connaissances pour mieux comprendre un phénomène ». Dans le cas de l’intervention non-médicamenteuse qu’est l’hortithérapie, il est utile de savoir si elle apporte des bienfaits à des personnes dans diverses situations (difficultés liées à la santé mentale ou à des maladies neurodégénératives, rééducation suite à un AVC ou un accident de la route, stress post-traumatique, etc…). Plus complexe encore : la recherche peut tenter d’expliquer comment l’intervention fonctionne, par quels mécanismes elle agit.
Vaste entreprise donc qui a pour objectif de mieux comprendre l’hortithérapie afin de mieux la mettre en œuvre et idéalement d’encourager son développement. Dans l’idéal, des études de bonne qualité doivent aider les praticiens sur le terrain, mais aussi faciliter l’adoption de l’hortithérapie en apportant des arguments dont ont besoin les décideurs, depuis les institutions de santé (ministère de la Santé, ARS,…) jusqu’aux responsables d’établissements, aux médecins, aux chefs de service. Ca, c’est dans l’idéal.
On se situe là dans un modèle inspiré de l’Evidence-Based Medicine ou médecine fondée sur les preuves qui veut que c’est en combinant le sens clinique et les résultats de la recherche la plus récente et la plus probante qu’on obtient la solution la plus adaptée au patient, à la personne aidée. Ce sont les mêmes principes qui fondent l’Evidence-Based Design, dont Roger Ulrich est le chercheur le plus souvent cité, c’est-à-dire la conception d’établissements de santé fondée sur les données de la recherche, sur les preuves.
Toutes les études ne sont pas égales
Pourtant impossible d’appliquer à l’étude de l’hortithérapie les mêmes méthodologies que celles utilisées dans la recherche médicale. Ainsi, il n’est pas possible d’étudier une activité d’hortithérapie en double aveugle où ni le soignant, ni le participant ne sauraient si l’hortithérapie est appliquée ou pas ! Malgré tout, l’objectif est de mettre au point des méthodologies aussi rigoureuses que possibles pour s’assurer qu’on observe bien ce qu’on cherche à observer, en « contrôlant » le plus possible les variables. Or, toutes les études ne sont pas égales en qualité et en puissance. Parfois la qualité n’est pas au rendez-vous, pour de multiples raisons. C’est ce que pointe cette revue Cochrane des études concernant l’hortithérapie et la schizophrénie (pour plus d’infos sur les revues Cochrane). Faire de la recherche, c’est important. Mais faire de la bonne recherche, qu’elle soit quantitative ou qualitative, c’est encore mieux.
Comment trouver des études pertinentes ?
Plus besoin d’avoir accès à une bibliothèque universitaire pour trouver des études publiées dans des journaux scientifiques. Grâce àGoogle Scholar, ResearchGate ou Base si vous souhaitez « dégoogliser » votre vie, on peut identifier des études qui aideront à monter un projet de jardin thérapeutique ou bien à faire la revue de littérature nécessaire avant de lancer…une nouvelle étude. Les revues de littérature et les méta-analyses sont particulièrement intéressantes.
En 10 ans, le nombre de publications a fortement augmenté (15 600 résultats pour « horticultural therapy research » en la période 2010-2020 contre 6 400 pour 2000-2010). Les personnes âgées et les personnes souffrant de troubles psychiques ont reçu le plus d’attention. Actuellement beaucoup d’études sont issues de chercheurs en Corée, Chine, Japon et Singapour.
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10 ans, 10 articles
Voici une sélection tout à fait aléatoire de 10 études, revues de littérature ou méta-analyses publiées ces 10 dernières années. J’ai essayé de montrer la variété des sujets. Un autre parti pris était que l’article entier soit disponible en ligne gratuitement. J’ai extrait la conclusion de chaque article, mais allez plutôt découvrir l’intégralité par vous-même.
Amélioration de l’attention et de la socialité chez les enfants présentant une déficience intellectuelle
Kim, B. Y., Park, S. A., Song, J. E., & Son, K. C. (2012). Horticultural therapy program for the improvement of attention and sociality in children with intellectual disabilities. HortTechnology, 22(3), 320-324.
Conclusion. L’utilisation d’un programme d’hortithérapie, basé sur la théorie de la modification du comportement de Skinner et sur la section vie du programme d’enseignement scientifique du septième programme d’éducation spécialisée, a permis une amélioration significative de la sociabilité des enfants présentant des déficiences intellectuelles. Pour que le programme ait un impact majeur, les recherches futures devraient prendre en compte les niveaux de handicap, l’année scolaire, le nombre de participants et d’autres facteurs.
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Réduction du stress et de la dépression post-traumatique
Kotozaki, Y. (2013). The psychological changes of horticultural therapy intervention for elderly women of earthquake-related areas. Journal of Trauma Treat, 3(1), 1-6.
Conclusion. Cette étude suggère que l’hortithérapie améliore le stress lié au tremblement de terre, comme la dépression, chez les femmes âgées qui vivent dans la zone sinistrée du tremblement de terre du Grand Est du Japon et que les effets psychologiques de l’hortithérapie sont durables. Nous pensons que l’hortithérapie peut être en mesure de suggérer la possibilité est l’une des interventions efficaces pour le stress lié au tremblement de terre. Nous espérons que l’hortithérapie se répandra en tant que soutien psychologique à moyen et long terme dans les zones de catastrophe naturelle.
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Conception de jardins et personnes âgées atteintes de troubles cognitifs
Charras, K., Laulier, V., Varcin, A., & Aquino, J. P. (2017). Conception de jardins à l’usage des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs: revue de la littérature et cadre conceptuel fondé sur la preuve. Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement, 15(4), 417-424.
Résumé. L’exploitation des jardins en tant que lieu de convivialité, d’activité et de ressourcement, rencontre de plus en plus de succès dans les établissements sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs. Cependant, les publications scientifiques sur les bénéfices des jardins sur les personnes âgées atteintes de troubles cognitifs sont rares. Cette revue de la littérature a pour objectif de dégager les principales données scientifiques relatives aux aménagements, aux usages et aux vertus thérapeutiques des jardins pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. À partir des composantes tirées des principaux modèles de conception de jardins théra- peutiques, une démarche de design fondé sur la preuve a été adoptée afin de déterminer l’impact sur le bien-être et le comportement des personnes malades. Vingt-deux articles ont été sélectionnés pour les besoins de cette étude avec un niveau de preuve faible en regard aux standards scientifiques. Les résultats de cette revue de la littérature font ressortir six dimensions de conception paysagère. Ces six dimensions sont regroupées dans un cadre conceptuel et discutées en termes de conception paysagère et d’impact sur les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
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Méta-analyse sur l’amélioration des fonctions cognitives
Tu, H. M., & Chiu, P. Y. (2020). Meta-analysis of controlled trials testing horticultural therapy for the improvement of cognitive function. Scientific reports, 10(1), 1-10.
Résumé. L’amélioration de la fonction cognitive est l’un des problèmes mondiaux les plus difficiles à résoudre pour la population souffrant de troubles cognitifs. L’hortithérapie fait appel à l’expertise d’un hortihérapeute qui établit un plan de traitement pour des activités horticoles visant à obtenir des changements cognitifs et à améliorer ainsi la qualité de vie liée à la santé. Cependant, des preuves plus convaincantes démontrant l’effet de l’hortithérapie sur la fonction cognitive sont essentielles. L’objectif de cette étude était de réaliser une méta-analyse d’essais contrôlés testant l’effet de l’hortithérapie sur la fonction cognitive. Les résultats indiquent que les programmes d’hortithérapie améliorent significativement la fonction cognitive. L’ampleur de l’effet du programme d’horticulture thérapeutique était importante. Les résultats de cette méta-analyse ont des implications importantes pour la pratique et les politiques. Les systèmes de santé contemporains devraient considérer l’hortithérapie comme une intervention importante pour améliorer la fonction cognitive des patients. Les gouvernements et les décideurs politiques devraient considérer l’horticulture thérapeutique comme un outil important pour prévenir le déclin de la fonction cognitive chez les personnes atteintes de troubles cognitifs.
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Activité horticole à l’école primaire et réduction du stress
Shao, Y., Elsadek, M., & Liu, B. (2020). Horticultural activity: Its contribution to stress recovery and wellbeing for children. International Journal of Environmental Research and Public Health, 17(4), 1229.
Conclusion. La présente étude a apporté un soutien scientifique aux impacts physiologiques et psychologiques de l’activité horticole sur les élèves de l’école primaire. L’activité horticole pendant 5 minutes a amélioré la relaxation physiologique des enfants en supprimant l’activité du système nerveux sympathique et la conductance de la peau par rapport à l’utilisation du téléphone portable. En outre, l’activité horticole a eu tendance à soulager les niveaux d’anxiété et à apporter plusieurs avantages pour la santé tels que le confort, la relaxation, la gaieté et les émotions naturelles des enfants. Il a été démontré de manière décisive que les enfants pouvaient grandement bénéficier physiologiquement et psychologiquement de l’activité horticole. En général, les résultats ont des applications importantes et un grand potentiel pour être intégrés comme programme quotidien pour les élèves dans les écoles.
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Hortithérapie et réduction du risque suicidaire chez des vétérans
Meore, A., Sun, S., Byma, L., Alter, S., Vitale, A., Podolak, E., … & Haghighi, F. (2021). Pilot evaluation of horticultural therapy in improving overall wellness in veterans with history of suicidality. Complementary therapies in medicine, 59, 102728.
Conclusion. Cette évaluation d’un programme pilote fournit des preuves préliminaires que les interventions d’hortithérapie réduisent les symptômes des syndromes cliniques qui ont été associés au risque de suicide. Compte tenu des avantages potentiels pour nos vétérans qui présentent un risque de suicide beaucoup plus élevé, l’intervention d’hortithérapie peut être une intervention thérapeutique prometteuse pour promouvoir la résilience et améliorer le bien-être général des populations de vétérans à risque.
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Un programme d’Éducation Thérapeutique du Patient, jardin et art-thérapie pour des patientes obèses
Sittarame, F., Lanier-Pazziani, M., Chambouleyron, M., & Golay, A. (2021). ETP/TPE.
Conclusion. Le programme « Jardin et art-thérapie » pour les patientes souffrant d’obésité propose un nouveau terrain de travail en éducation thérapeutique du patient. Cet espace thérapeutique situé entre nature maîtrisée et création offre un cadre aux patientes pour penser, projeter et transformer leur rapport à leur corps, à leur maladie et plus largement à leur vie.
Un temps éducatif et réflexif permet de révéler les prises de conscience, les liens entre ce qui est fait dans le jardin extérieur et ce qui est mobilisé dans le « jardin intérieur ».
Un cadre thérapeutique solide est nécessaire pour accueillir le rapport intime des patientes à leur corps, leur histoire et leurs émotions. L’association du travail au jardin et de l’art-thérapie dans un programme d’éducation thérapeutique semble être pertinente et pourrait être transposable à d’autres maladies chroniques.
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Au delà de l’hortithérapie, les interventions basées sur la nature
Coventry, P. A., Brown, J. E., Pervin, J., Brabyn, S., Pateman, R., Breedvelt, J., … & White, P. L. (2021). Nature-based outdoor activities for mental and physical health: Systematic review and meta-analysis. SSM-population health, 16, 100934.
Conclusion. Cette revue systématique large et inclusive visait à identifier et à synthétiser les preuves provenant d’études contrôlées et non contrôlées sur l’efficacité des interventions basées sur la nature pour la santé mentale et physique parmi les populations adultes de la communauté. Notre revue montre que les interventions en plein air basées sur la nature améliorent les résultats en matière de santé mentale chez les populations adultes dans la communauté, y compris celles souffrant de problèmes de santé mentale courants, de problèmes de santé mentale graves et d’affections de longue durée. Les thérapies fondées sur la nature, telles que les bains de forêt, se sont avérées efficaces de manière constante pour tous les résultats en matière de santé mentale, bien que les preuves issues d’essais cliniques randomisés soient limitées. Les interventions de jardinage de groupe et d’exercices verts sont également efficaces pour améliorer les résultats en matière de santé mentale, bien que les effets soient moins forts pour l’affect négatif, en particulier chez les populations souffrant de maladie mentale grave. Nous avons trouvé moins de preuves que les interventions basées sur la nature amélioraient la santé physique, mais il existe un potentiel pour que les exercices verts et le jardinage augmentent l’activité physique.
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Hortithérapie et santé générale chez les personnes âgées
Wang, Z., Zhang, Y., Lu, S., Tan, L., Guo, W., Lown, M., … & Liu, J. (2022). Horticultural therapy for general health in the older adults: A systematic review and meta-analysis. PloS one, 17(2), e0263598.
Conclusion. L’hortithérapie peut améliorer la fonction physique et la qualité de vie des personnes âgées, réduire l’IMC et améliorer l’humeur positive. Une durée appropriée d’hortithérapie peut être de 60 à 120 minutes par semaine pendant 1,5 à 12 mois. Cependant, on ne sait toujours pas ce qui constitue une recommandation optimale.
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Hortithérapie, anxiété et dépression
Lasater, C. (2022). A Systematic Review of Studies Evaluating the Effectiveness of Horticultural Therapy for Increasing Well-Being and Decreasing Anxiety and Depression.
Conclusion. De nombreuses études ont démontré des corrélations entre le manque de contact avec la nature (ou le temps passé à l’intérieur) et des conséquences négatives sur de nombreuses variables. Ces variables comprennent les variables de santé mentale, les variables de santé physique et le bien-être social et spirituel. Une revue des revues systématiques et des méta-analyses a indiqué que l’horticulture thérapeutique est une intervention efficace pour de nombreuses populations sur un large éventail de variables de résultats. La revue systématique et la méta-analyse suivantes s’appuient sur les connaissances existantes en étudiant l’efficacité de l’horticulture thérapeutique et son utilité potentielle en tant qu’intervention en travail social.
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