Sabrina Serres : une soif d’apprentissages et de partages

Sabrina Serres

Les lecteurs historiques et attentifs du Bonheur est dans le jardin connaissent déjà Sabrina Serres. En 2017, elle avait partagé avec nous son mémoire « L’hortithérapie, pratique thérapeutique non médicamenteuse, humaniste et innovante »écrit dans le cadre de la licence ABCD qu’elle venait de terminer (Conseil et développement en agriculture biologique). Je l’avais rencontrée quelques mois plus tôt à l’occasion de la 3e édition du concours « Projet d’avenir » de la Fondation Truffaut dont elle avait été lauréate avec un projet de jardin thérapeutique pour le PASA (pôle d’activités et des soins adaptés) d’une maison de retraite dans le Tarn.

Approfondir ses connaissances, élargir son horizon et partager ses réflexions sont des valeurs fortes pour Sabrina. Nous la retrouvons aujourd’hui alors qu’elle vient de terminer un nouveau diplôme, un nouveau jalon dans son parcours. Mais pour mieux comprendre ce parcours, je vous propose un retour en arrière.

Sabrina, peux-tu nous expliquer ton parcours jusqu’à aujourd’hui ? Comment les différentes étapes s’imbriquent-elles ? Quel est le fil conducteur ? 

Le fin conducteur est mon besoin d’être au service de l’autre, d’apporter le soin, de pratiquer le care toujours dans l’échange et le partage. En tant qu’orthoprothésiste pendant 16 ans, je fabriquais des appareillages en concertation avec les kinés, les ergothérapeutes, les médecins, les équipes en atelier. Je me suis rendue compte que le care pouvait être encore plus fort en intégrant le végétal.

Cette prise de conscience est venue d’une remise en question à la naissance de mon premier fils. Je me suis demandée ce que j’avais envie de donner au monde. A ce moment-là, je suis passée par le rapport à l’assiette et à l’alimentation avec une imbrication de ma vie personnelle et de ma vie professionnelle. Je me suis demandée comment je pouvais produire quelque chose de beau et de bon. C’est ainsi que j’ai validé en 2016 un Brevet de technicien Responsable Exploitation Agricole (REA) en maraîchage biologique. Puis j’ai obtenu une licence ABCD (Conseil et développement en agriculture biologique) en co-habilitation avec l’Université Blaise Pascal d’Aubière, VetAgroSUp et l’établissement Inéopole Formation.

Mais cela ne me semblait pas suffisant. J’avais envie de développer la conception et l’animation de jardins thérapeutiques adaptés aux personnes en situation de handicap, personnes âgées et personnes fragilisées. Je me suis lancée dans une formation sur la conception des espaces à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, une formation en deux ans.

Parle-nous de ce diplôme de concepteur et créateur de jardins que tu viens tout juste de terminer à l’ENSP de Versailles ?

J’avais besoin de comprendre les espaces et comment ils impactent l’état de santé, par la lumière par exemple ou en répondant au besoin de protection. J’avais aussi besoin de nourritures intellectuelles pour comprendre comment les choses se créent. Ce diplôme m’a permis d’améliorer ma réflexion, de me donner les moyens. Mon but maintenant est d’être un maillon de la chaine pour agir sur les espaces.

La formation à Versailles m’a appris à être dans un temps de rendu et de travail dense car, pendant deux ans, cette formation m’a permis une remise en question perpétuelle. Je peux voir comment j’ai évolué dans ma relation à l’autre et ma vision du jardin de soin qui, pour moi, dépasse l’hôpital et l’institution. J’ai envie d’apporter cette énergie au plus grand nombre, en bas des immeubles par exemple et jusqu’à la fin de vie.

Dans l’esprit de partage qui est le sien depuis que je l’ai rencontrée, Sabrina partage son nouveau travail, ce mémento qui est le point d’orgue de sa formation à l’ENSP sur « L’art des jardins au service de la santé ». Après un historique très complet, le mémento déploie des réflexions sur l’habitat refuge, la scénographie propre à stimuler la curiosité, la sensorialité, le jeu de l’ombre et des lumières ou encore les synusies (l’ensemble des organismes vivants, et donc des plantes, suffisamment proches par leur espace vital, leur comportement écologique et leur périodicité pour partager à un moment donné un même milieu). Elle partage également une proposition de synthèse de la pyramide des besoins de Maslow et des travaux de Nigel Dunett applicable aux jardins de soins. Enfin, elle nous rappelle très à propos que « le Plan National Santé Environnement 4 (PNSE 4) « Mon environnement, ma santé » (2020-2024) renforce l’action globale d’amélioration de la santé dans son environnement. Ce plan dépasse les frontières des établissements et s’étend à l’ensemble de l’espace urbain »….Ces oasis de biodiversité deviennent des lieux, apportent le cadre, nécessaires à une santé préventive individuelle et collective, sur l’ensemble du territoire. »

Quels sont maintenant tes projets en t’appuyant sur l’ensemble de tes formations ? 

J’espère pouvoir œuvrer maintenant sur cette thématique des jardins de soin enrichie de cette expérience auprès de l’école de Versailles. J’ai commencé mon activité en créant ma structure, Atelier Paysages et Ressources, et intégrant une coopérative d’emploi qui répondait à mes valeurs sur le développement durable et l’écologie.

Dans un premier temps, je vais faire une présentation début novembre à l’ancienne structure pour laquelle je travaillais en tant qu’orthoprothésiste, l’ASEI (« L’ASEI a pour objet, l’accompagnement, l’éducation, l’insertion des personnes en situation de handicap et des personnes dépendantes et fragilisées. L’association gère 114 établissements et services sanitaires et médico-sociaux » ). Je voudrais partir des besoins des établissements de l’ASEI. Ce serait une évolution naturelle. Puis dans un second temps, j’envisage de contacter d’autres établissements.

J’entends que ce n’est pas évident de vivre de cette activité de conception de parcs et jardins et de prises en charge autour du végétal, c’est-à-dire d’hortithérapie, dans les jardins que je créerai. C’est ce que je veux faire et je vais le faire corps et âme. Je suis dans le Tarn en Occitanie, mais je peux intervenir là où le vent me porte. Par exemple, j’ai fait un stage chez Audrey Hennequin de Courant d’Air en Nouvelle Aquitaine. Ces échanges me nourrissent intellectuellement et émotionnellement.

Je crois que tu as déjà un projet en route ?

Oui, j’anime depuis peu des ateliers dans un Ehpad de Castres. Nous fixons des objectifs thérapeutiques pour chaque participant. Au bout de 10 ateliers, nous verrons si on constate une amélioration de l’état. Vendredi dernier, nous avons travaillé sur le toucher. Lors du prochain atelier, nous allons collaborer avec la psychomotricienne sur la fluence verbale, la verbalisation de ce qu’on voit et de ce qu’on fait. Pour l’instant, nous travaillons avec des jardinières de Verdurableavant d’évoluer vers un jardin. Je précise que c’est France Alzheimer Tarn qui subventionne mon intervention.

Pour contacter Sabrina Serres, voici son compte LinkedIn où elle explique sa démarche et son email : atelierpaysagesetressources (at) gmail.com

Pour lire le mémento issu de son travail à l’ENSP de Versailles

La hiérarchie des besoins de Maslow adapté à la conception des jardins en lien avec la santé, inspirée des travaux de Nigel Dunett pour un plan de plantation naturaliste
Inviter l’usager du site à se mouvoir dans un lieu resserré stimulant des notions comme la proprioception, l’éveil des sens par le frottement du corps, de la main sur le végétal propose des effet de surprise et de curiosité. Le rythme des carrés de bois structure l’espace et cadre la déambulation au milieu des aromatiques.
Une palette végétale goûteuse offrant au visiteur une proposition de mise en scène du goût par la plasticité des végétaux, leurs couleurs et le rythme des saisons.
Ce travail a été influencé par des ateliers de recherches sur la couleur réalisées à l’école national supérieurs de Paysage sur Versailles où j’ai pu appréhender l’impact chromatique visuel sur notre perception.
Cet extrait de conception proposé pour l’accueil de jour de l’hôpital de la Porte Verte de Versailles invite à accompagner le résident au-delà de l’entrée de la structure par ce couloir végétal. Cet espace, ce couloir est un lieu de transition entre un espace ouvert vers un espace fermé accompagne sereinement le résident vers l’établissement, mais aussi marque une limite entre les espaces accueil, l’établissement et le jardin de soin.

Florence Gottiniaux : paysagiste convaincue du lien jardin-santé

Je connais Florence depuis….belle lurette. L’envie de parler de son travail dans le monde des jardins de soins n’est pas nouvelle. Mais hier, dans des circonstances qui seraient un peu longues à expliquer, nous avons eu l’occasion de partager une tisane et de discuter devant une caméra.

Le 15 octobre, vous pourrez retrouver Florence lors du webinaire « Biodiversité : quels impacts de la nature sur la santé des citadins ? » organisé par le CIBI (Centre International Biodiversité et Immobilier) et Plante & Cité. Elle interviendra aux côtés de Gilles Galopin, enseignant-chercheur à Agrocampus Ouest Angers et de Bastien Vajou, psychologue et doctorant, Université d’Angers et Plante & Cité, dont la thèse en cours s’intéresse aux effets des espaces de nature urbains sur la santé mentale des citadins pour Plante & Cité. Pour s’inscrire gratuitement au webinaire (100 participants maximum), cliquez ici. L’échange promet d’être passionnant.

Croquis du jardin de soin que Florence Gottiniaux a conçu pour le domaine de Chaumont-sur-Loire en 2018

Quand une paysagiste s’éveille aux bienfaits du jardin

Combiner jardin et soin demande une nouvelle formation

Des projets de longue haleine

Pour plus d’information sur la réalisation du jardin de soin et de santé de Chaumont-sur-Loire, vous pouvez consulter ce billet de juin 2018.

Formatrice en inter et en intra à Chaumont-sur-Loire

Une prise de conscience encore timide en France

En conclusion, des signes d’espoir

Les jardins ne font pas la rentrée

Il y a quelques semaines au Jardin de Bonne

C’est la rentrée. Prenons une grande respiration pour calmer nos esprits déjà surchauffés. Oui, vraiment. Fermez les yeux si vous en avez envie et respirez profondément plusieurs fois. Pour vous reconnecter à votre corps, à ce moment. Pour arrêter la roue à hamster quelques instants. C’est un super pouvoir que nous avons toutes et tous.

Les jardins, on le sait, ne prennent pas de vacances. Ils poussent, avec ou sans nous. Pour celles et ceux qui s’occupent de jardins dans des lieux de soin, j’espère que vos jardins ont bien passé le cap de l’été et des vagues de chaleur. J’espère aussi que, pendant ces deux derniers mois, vous avez eu « votre dose » de nature, que vous avez profité de moments d’émerveillement dans un minuscule jardin urbain ou une immense forêt millénaire, que vous avez fait des découvertes étonnantes tous vos sens en éveil, que vous avez rencontré vos proches et vos amis différemment entourés de nature en promenade ou en pique-nique ou bien encore que vous avez fait une sieste dehors bercés par le chant des oiseaux. 

La nature, ce n’est pas que pendant les vacances. Rappelez-vous qu’elle est là autour de vous à tout moment, même pour les ultra-urbains. Pendant le confinement, on l’a vue se manifester plus librement et beaucoup de gens ont ressenti une attirance nouvelle pour la nature et son pouvoir ressourçant. J’en avais parlé en avril, en mai, en juin et vous avez sans doute lu pas mal d’articles un peu partout à ce sujet. Ne l’oublions pas.

Psychothérapie à l’air libre

C’est sur la force de ce constat et en me basant sur mon engagement depuis 2012 autour de la nature et de la santé que j’ai pris une décision toute naturelle. En parallèle de mon travail de psychologue à temps plein auprès de personnes âgées qui vivent chez elles, je souhaitais lancer une activité de psychothérapeute – forcément réduite en termes d’heures par semaine – auprès d’adolescents ou d’adultes. Cette activité se déroulera exclusivement dans des jardins à Paris. Il existe des jardins assez grands et procurant assez d’espaces privés pour servir de cadre à des séances qui respectent la nécessité de confidentialité. Assis ou en marche, nous utiliserons l’approche des thérapies comportementales, cognitives et émotionnelles (TCC ou TCCE) à laquelle je suis formée et qui a fait ses preuves pour les personnes souffrant de nombreux troubles comme la dépression et l’anxiété, les troubles obsessionnels compulsifs, le stress post-traumatique, la douleur, les troubles du sommeil et d’autres.

Je n’invente rien. Yann Desbrosses que je vous avais présenté au début de l’été pratique en plein air et considère même que « les séances en pleine nature sont une alternative sanitaire » dans la période actuelle. Il y a deux ans, je vous avais aussi parlé de Beth Collier, une psychologue anglaise qui reçoit dans les bois. Si cette pratique n’est pas nouvelle, elle n’est pas encore très répandue. Mais elle me semble s’imposer aujourd’hui comme une évidence. Il existe sans doute d’autres exemples, que j’aimerais découvrir. En tout cas, c’est l’envie qui me porte de mon côté et qui devra forcément correspondre à l’envie de mes futurs patients. 

Deux suggestions pour nourrir l’esprit

La reprise des activités diverses, les sollicitations en tout genre nous accaparent. Le temps nous semble compté. Je ne vais pas vous submerger. Voici juste deux propositions qui ont le mérite d’ouvrir nos horizons, de nourrir nos esprits.

Mon été a été marqué par une lecture recommandée par Florence Gottiniaux. Merci, Florence. Vous connaissez peut-être déjà ce livre. Il pose beaucoup de questions qui partent du jardin potager et maraicher et ont des ramifications globales. « Permaculture, guérir la Terre, nourrir les hommes », Perrine Hervé-Gruyer et Charles Hervé-Gruyer, Actes Sud, 2017.

Je vous suggère aussi cette master classe de Gilles Clément diffusée sur France Culture en 2019. On cite souvent Gilles Clément sans l’avoir lu ou sans bien le connaître. J’avoue que c’est mon cas. Voici l’occasion en une heure de l’écouter développer sa pensée. Rien à lire, juste à écouter. « La nature vient créer avec vous, elle continue quand vous n’êtes pas là ».

Mon chêne préféré dans le Poitou

Un weekend chez Rosa Bonheur et une vie anti-gaspi

Un billet d’été résolument égocentré dans lequel je vous raconte mon séjour chez Rosa Bonheur et la sortie – retardée par la Covid – de mon dernier livre chez Hatier.

Le bonheur est dans le jardin de Rosa Bonheur

Sauter dans un train pour échapper au train-train ! C’est l’aventure que nous avons vécue le weekend du 14 juillet. Comme beaucoup d’urbains éprouvés par des semaines de confinement et de mesures sanitaires, nous avions besoin d’un bol d’air frais, d’un cocon de nature, d’une immersion dans les bois. La solution fut de se lever samedi matin, de choisir une gare parisienne et de prendre le premier train en partance. Ce fut la Gare de Lyon et la ligne R en direction de Montargis, deux minutes avant le sifflet du départ.

A peine installés, nous nous sommes plongés dans notre guide des sorties en région parisienne sans voiture et nous avons eu une révélation. Thomery était une des destinations de notre train. Grâce à Servane H-M, j’ai pensé au Chasselas de Thomery et notre guide nous a parlé de « Thomery Bonheur », le lieu où la peintre animalière Rosa Bonheur a vécu pendant 40 ans et où elle est morte en 1899. Nous ne sommes pas insensibles aux peintures de Rosa depuis que nous l’avons découverte à l’occasion d’une exposition à Port-Royal des Champs en 2016. C’était décidé. Nous savions désormais où descendre.

Le marché aux chevaux dont la vente pour 40 000 francs a permis à Rosa Bonheur d’acheter sa propriété à Thomery

La marche dans les bois pour rejoindre le château de Rosa Bonheur depuis la petite gare de Thomery est un premier bonheur. Il fait frais dans le sous-bois, nous sommes seuls. Nous avons déjà trouvé ce que nous sommes venus chercher. A l’arrivée devant le portail du 12 rue Rosa Bonheur, nous allons de bonnes surprises en bonnes surprises. Notre guide, déjà vieux de 15 ans, ne nous avait pas préparés à la tornade Katherine Brault et filles. Elles se sont installées dans les lieux il y a trois ans avec passion, comme investies d’une mission de préservation et de redécouverte d’une artiste hors norme et du havre qu’elle s’était créé « loin » de Paris.

On découvre qu’on peut déjeuner d’une excellente salade composée dans le grand jardin avec vue sur un mur à chasselas de Thomery et sa verrière protectrice, sur le château bordé de rosiers Pierre de Ronsard et sur des bois mystérieux et bienveillants. On découvre que l’on peut visiter l’atelier de l’artiste et sa maison avec pour guide l’une des filles de Katherine Brault qui puise dans des tonnes de connaissances sorties des archives redécouvertes dans les greniers. On découvre qu’on peut y coucher – dans la chambre de Rosa Bonheur à deux pas de son atelier, plaisir dont on ne se privera pas. On découvre que ce soir-là, dans la cour du château, se joue L’Epreuve de Marivaux par la troupe dont fait partie une autre fille de la nouvelle propriétaire des lieux, troupe privée d’Avignon et heureuse de jouer en plein air devant un public finalement francilien. On découvre qu’on pourra diner, seuls dans le jardin, après le spectacle en posant toutes les questions qui affluent à la troisième fille de Katherine Brault.

Pour vous familiariser avec Rosa Bonheur, je vous renvoie au site de son château-muséeau livre de sa protégée et amie Anna Klumpke, à ce dossier de France Culture ou à cet article en anglais puisque c’est aux Etats-Unis et en Angleterre qu’elle devient une superstar de son vivant. Je retiens une femme libre et indépendante, originale et talentueuse, pleine de contradictions en plein 19e siècle. Il me semble que, 120 ans après sa mort, chacun de nous investit ce petit bout de femme formidable de toute une mythique personnelle.

Et pour revenir à nos moutons et aux siens – ainsi qu’à ses chevaux, bœufs et autres bisons, Rosa Bonheur m’a intéressée aussi à travers son rapport avec les animaux. Peintre animalière donc, elle privilégie l’animal par dessus le sujet humain dans ses tableaux souvent monumentaux. Vivant entourée d’animaux  à Thomery (plus de 200 animaux de 50 espèces différentes dont des lions et des sangliers, on a du mal à l’imaginer), elle est convaincue que les animaux ont une âme qu’elle cherche à rendre dans sa peinture. Et c’est peut-être là le secret de son succès dans les pays anglo-saxons si on adhère à la thèse défendue par Valérie Chansigaud dans son livre Les Français et la nature, pourquoi si peu d’amour que je vous avais recommandé comme lecture de confinement. Il me semble en tout cas que l’historienne défend ce point de vue : lil existe chez les Anglo-saxons un rapport plus sensible au monde naturel et aux animaux, un intérêt plus vif pour la contemplation plutôt que pour la maitrise et la domination de la nature par l’homme. 

La fascination pour la nature et les animaux vient tôt à Rosa (ou Rosalie comme on l’appelle dans son enfance). A 10 ans, « visitant les berges et les lisières, elle faisait d’énormes bouquets de marguerites et de boutons d’or, ou bien elle s’enfonçait au milieu des taillis, se couchant sur l’herbe, passant des heures entières à écouter le chant des fauvettes, à observer les magnifiques effets du rayon de soleil qui filtre sous les rameaux, ou à contempler, rêveuse, les grands nuages blancs et roses que le couchant sème dans l’azur », écrit lyriquement son amie et biographe. Tout à fait le genre d’enfance dont Richard Louv pleure la disparition ces dernières années…

Avec sa grande amie Nathalie Micas, elle voyage un peu partout en France, elle pour dessiner des études qui alimenteront ses peintures et Nathalie pour consolider sa santé fragile. Un de leurs voyages mémorables les emmène en Angleterre et en Ecosse où Rosa s’immerge pleinement dans la nature locale, est reçue comme une héroïne par les artistes et de riches amateurs d’art, crée une émeute presque digne des Beatles lorsqu’elle visite le marché à bestiaux de Falkirk pour y acheter moutons et bœufs qu’elle ne pourra finalement pas ramener en France pour de mesquines histoires de douanes.

« C’est pour fuir cette obsession constante (quand elle devient célèbre, tout le monde accourt dans son atelier rue d’Assas) autant que pour me rapprocher de la nature, que j’ai pris la résolution de m’en « aller aux oiseaux » comme dit Aristophane, c’est-à-dire de me réfugier dans la solitude et de vivre loin du monde », lit-on encore dans sa biographie.

Je note toujours à la lecture de Rosa Bonheur, sa vie, son œuvre d’Anna Klumpke que l’artiste faisait des promenades journalières dans la forêt aux alentours de Thomery où elle s’installait parfois pour peindre, comme beaucoup d’autres peintres l’ont fait dans cette région. En tout cas, toute mondaine qu’elle pouvait être (l’impératrice Eugénie vient lui remettre « à l’improviste » la légion d’honneur à Thomery avec une invitation au château de Fontainebleau où la peintre déjeunera aux côtés de Napoléon III), Rosa Bonheur a entretenu un lien profond, central à son art, avec la nature et les animaux.

Réduire les déchets au quotidien : une intention plus qu’une injonction

Et sans transition, on passe à un moment d’auto-promotion. A la demande de Caroline Terral, « mon » éditrice chez Hatier avec qui j’avais beaucoup aimé travailler sur un premier livre consacré à la reconnexion des enfants à la nature, j’ai récidivé. Le thème cette fois : donner des pistes aux familles pour adopter des habitudes quotidiennes de réduction des déchets et les inciter à repenser notre consommation qui est trop souvent en mode automatique. Oui, le sujet est dans l’air du temps. Ce livre est court, pratique, issu pour beaucoup de mon expérience familiale et personnelle. J’insiste ici sur ce point : ma frugalité, certes imparfaite car je ne suis pas une sainte, me vient tout droit de mes parents qui sont nés dans les années 1930-1940 dans des familles modestes. Grandir dans une ferme pendant une guerre forge un certain caractère même si on pourrait prendre ensuite plusieurs chemins dans sa vie adulte. En tout cas, je remarque que cette frugalité, née de la nécessité quand ma mère était enfant, revient à la mode. Finalement toujours par nécessité, cette fois plus urgente et globale.

Mon espoir avec ce livre est simplement de susciter une réflexion, loin de la culpabilisation. Signe qui m’a fait plaisir, Caroline a convaincu Hatier de distribuer le livre à ses collaborateurs. Si vous voulez adhérez à la logique anti-gaspi proné par le bouquin, vous devrez dégoter un exemplaire d’occasion, le faire passer parmi vos amis et ensuite le déposer dans une boite de troc de livres. Au minimum !

Pour vous renseigner, voici deux liens utiles.

Une vidéo de présentation (d’après ma copine Nathalie, c’est pas mal, mais je devrais être plus souriante. A vous de juger.)

La page de Hatier pour commander le livre

Réduire les déchets au quotidien : mode d’emploi pour lutter contre le gaspillage, 2020, Hatier.

Sur ce, très bel fin d’été, beaucoup de douceur et de rêverie, de petits et de grands moments dans la nature et le jardin.

Paule Lebay : « Croyez en vous, en vos rêves, en votre pouvoir d’action! »

Paule Lebay ! Stagiaires ensemble dans l’une de toutes premières formations aux jardins de soin dispensées par le Domaine de Chaumont, nous nous connaissons depuis 2012. « We go way back ! », comme on dit en anglais, une langue que Paule s’est mise à pratiquer pour lire la littérature existante sur les jardins qui soignent et pour communiquer avec des interlocutrices internationales. Vous verrez que la curiosité et l’envie d’apprendre sont essentielles pour elle.

Car cet été, nous avons décidé de nous donner mutuellement la parole sur nos blogs respectifs. Ici, vous lirez l’auto-portrait de Paule et là vous lirez le mien sur son blog.

Sur Le bonheur est dans le jardin, j’ai déjà parlé plusieurs fois avec Paule au fil des années pour marquer des moments forts: la création d’un jardin de soin à la maison de retraite d’Onzainle prix remis par la Fondation Truffaut ou des conseils sur le financement d’un jardin de soin (déjà le partage d’information était au cœur de sa démarche). Nous avions aussi fait une visite guidée en vidéo ensemble

Aujourd’hui, la vidéo a d’ailleurs pris une place importante dans le travail de Paule et sur son blog Plus de Vert Less Béton (malin ce nom, je l’aime beaucoup). Elle vient de se lancer un défi vidéo qu’elle vous invite à suivre sur la chaine YouTube de son blog ainsi que sur sa page Facebook. Paule, elle se démène pour amener aux initiateurs de jardins thérapeutiques des informations concrètes, des conseils, des pistes.

Comment es-tu tombée dans la marmite des jardins de soin? Quel est ton plus ancien souvenir qui t’a convaincue que le jardin avait des pouvoirs thérapeutiques?

Je ne suis pas tombée dans la marmite des jardins de soins! Cela a véritablement été un choix de ma part. Tout a commencé par un besoin récurrent dans l’établissement où je travaillais. Chaque année, les soignants, certains résidents et famille demandaient à la direction de l’établissement s’il était possible d’avoir quelques jardinières avec des pieds de tomates, des aromatiques, des fleurs, et si les chemins extérieurs pouvaient être remis en état afin qu’ils soient circulables pour les personnes en fauteuils roulants et a fortiori par des piétons. Chaque année, au printemps, cela revenait sur le tapis. Chaque année, des histoires de budget restreints faisaient que le moindre achat devenait un vrai casse-tête. Comment justifier comptablement que les personnes ressentaient le besoin de Nature et que, oui, cela nécessiterait un investissement financier ? 

Lorsqu’on m’a proposé le poste de coordinatrice en accueil de jour spécialisé, pour les personnes souffrant de troubles cognitifs de type Alzheimer ou apparentés, j’ai vu une occasion et j’ai foncé. Il était plus simple pour moi de pouvoir peser dans la balance grâce à mes nouvelles fonctions. Très vite, j’ai donc proposé en réunion de direction le fait qu’il serait sans doute bon de créer un jardin, un espace adapté où des activités à visées thérapeutiques pourraient être conduites par des soignants (en l’occurrence mes deux collègues et moi, de l’accueil de jour) et d’en faire par la même occasion profiter les patients de l’unité « Alzheimer » qui jouxtait l’espace envisagé pour le projet. 

Quant au moment où j’ai pris conscience du potentiel du jardin dans l’aide à la thérapie, cela s’est fait en deux temps :

Le premier correspond à une intuition profonde 

Le deuxième, lorsque j’ai commencé avec mes collègues à mettre en place des ateliers autour du Vivant. Nous avons très vite remarqué le potentiel incroyable du jardin comme médium à la thérapie. Tout cela a été par la suite confirmé dans le temps, par la formation, mes rencontres et l’expérience terrain auprès des patients lors de séances d’hortithérapie. 

Comment as-tu évolué dans ta vision des jardins de soin depuis la formation que nous avons suivie ensemble en 2012 ?

Comme je l’expliquais juste avant, le temps, les expériences, les rencontres, mes nombreuses lectures et autres m’ont petit à petit conduit à avoir une vision de plus en plus précise du potentiel du jardin dans l’aide à la thérapie et le bien-être de tous les bénéficiaires, qu’ils soient professionnels, patients ou familles. Cela fait quelques années que je pense qu’il y a un travail immense encore à mener. Il faut selon moi moderniser, souffler un vent nouveau sans pour autant mettre un voile sur tout le travail déjà accompli. Cette modernité doit selon moi passer par l’innovation dans les outils proposés aux professionnels, aux patients, dans la coordination, dans la coopération entre pays, entre experts et dans l’utilisation des moyens actuels de communication.

Attention l’expert ne se limite pas pour moi aux professionnels bien au contraire, le rôle du patient en tant qu’expert est à mettre de plus en plus en avant. Et dans outils, je ne parle pas simplement d’outils de jardinage ! Mais plutôt de mettre à disposition ce dont a réellement besoin chaque co-créateur du domaine des jardins de soins. Le principe est simple en théorie. Posons-nous les questions suivantes : De quoi ont réellement besoin les porteurs de projet ? De quoi ont réellement besoin les professionnels du paysage ? les professionnels soignants ? Les familles, les patients ? Identifier les besoins et se donner les moyens d’y répondre, voilà ma vision pour l’avenir dans les jardins de soins. 

Parle-nous du livre que tu es en train d’écrire pour Terre Vivante à paraitre en 2021. Quelle approche as-tu choisie? Quelles leçons tires-tu de cette expérience nouvelle?

Ça fait plusieurs années déjà que j’avais en tête un jour d’écrire un livre sur les jardins de soins. Seulement j’ai longtemps cru que je n’avais aucune légitimité à le faire. Cette idée a fait son chemin et les retours que j’avais de certaines personnes qui venaient me poser des questions, me rencontrer m’ont petit à petit, doucement, convaincue que j’avais peut-être finalement des choses à transmettre. Bien entendu je doute chaque jour encore de cette légitimité. Mais là encore, les retours très positifs que j’obtiens, les mots encourageants que j’ai régulièrement, m’aident à casser cette image d’imposture que j’ai ou peut être devrais-je dire que j’avais ? Un jour alors que je travaillais encore pour le Centre de formation du Domaine de Chaumont sur Loire, j’ai sur un coup de tête, sauter dans le grand bain. Qu’avais-je à perdre ? Un mail a suffi à avoir un rendez-vous avec mon éditrice actuelle. Dans ma tête je devais faire ce livre et mettre en avant mon travail au sein du Domaine de Chaumont sur Loire. Les choses ont pris une tournure différente, lorsque je suis partie de mon poste. Le jour même où je venais de signer ma rupture de contrat, soit une heure précisément après, je terminais mon entretien avec mon éditrice qui venait de me dire banco ! En une heure de temps je suis passée de « les jardins de soins c’est fini pour moi » à « je vais écrire un livre sur les jardins de soins ». 

Mon approche pour ce livre à tout de suite était claire et je l’ai de suite défendue auprès de ma maison d’édition : je souhaitais créer le livre que j’aurais aimé avoir lorsque j’ai moi-même monté le projet d’Onzain, à mes tous débuts. Un pas à pas basé sur l’expérience et non pas simplement sur des théories certes intéressantes, mais pas toujours parlantes lorsqu’il s’agit de leur donner forme très concrètement, là, physiquement au projet que l’on porte. Ce livre correspond à MON expérience. Je ne prétends pas détenir LA vérité absolue. Je dis juste : voilà ce qui a marché pour moi, ce qui n’a pas marché, ce que mon expérience dans sa globalité m’a apporté et voilà ce que je vous conseille de faire. Libre à vous de suivre ou non ces conseils. Dans ce livre il y a mon expérience, mais aussi celles des centaines de stagiaires que j’ai pu former, celles des gens que j’ai pu rencontrer, conseiller aussi. Enfin, j’ai voulu intégrer dans ce livre le témoignage de personnes qui comptent dans le domaine comme Rebecca Haller qui a de suite répondu favorablement à ma demande ou encore une porteuse de projet, Emmanuelle du jardin de Vezenne, que j’ai formée avec mes anciens collègues, puis avec qui j’ai pu échanger de nombreuses fois. 

Je ne pourrai pas tout mettre dans ce livre, c’est l’une des raisons qui m’a conduite à créer le site Plus de Vert Less Béton

Et le blogging? Raconte-nous comment l’idée est née et quels sont tes objectifs aujourd’hui?

Le blogging est arrivé dans ma vie, grâce à ma curiosité insatiable et mon désir d’apprendre de nouvelles choses constamment. Ensuite, je me demande toujours : 

Qu’est-ce que j’aimerais apprendre ? Qu’est ce qui m’apporterait vraiment du plaisir ? 

Une fois la chose identifiée, je me dis : 

Ok maintenant comment cette chose, pourrait être utile dans mon chemin de vie ? Comment je pourrais optimiser ce nouveau savoir, qui me procure par là même du plaisir, dans ma vie ? Comment cela va servir MA cause ? Comment cela va m’être utile dans le chemin que je souhaite prendre ?  

Certains vont penser que je suis égoïste, ils auront sans doute raison quelque part. Je pense que si plus de personnes agissaient en conscience, en faisant des choses selon leurs propres désirs, le monde ne s’en porterait que mieux. Faire ce que l’on aime vraiment, faire de son travail un plaisir au quotidien permet d’avoir des gens passionnés, investis, qui diffusent tellement plus autour d’eux que celles et ceux qui subissent leur vie, qui font parce que la société est comme ci ou que le monde va comme ça, les conventions, les biens pensants… Je ne souhaite pas vivre la vie des autres mais bel et bien la mienne. Après, cela ne signifie pas que le chemin sera tout rose et la route pavée de fleurs ! Les gamelles, les difficultés, les échecs font partie du jeu. Mais on les encaisse mieux à partir du moment où on les a choisis et où on sait qu’ils feront partie de l’équation.

J’ai donc choisi de m’intéresser au blogging dans un premier temps par curiosité et par volonté d’apprendre d’un domaine auquel je ne connaissais absolument rien. C’est tellement exaltant d’apprendre quelque chose qui vous est totalement inconnu ! C’est comme redevenir cet enfant qui d’un coup se met à marcher et pour qui un nouveau monde, le même pourtant qu’il pensait connaître avant, se révèle totalement nouveau avec un nouveau champ des possibles. J’ai créé un premier blog, Les jardins de Paule, qui m’a permis de me faire les dents, qui aujourd’hui est davantage délaissé au profit de Plus de Vert Less Béton. Comme je l’expliquais, après le désir, l’envie, le plaisir, c’est se demander en quoi je peux ensuite mettre à profit ces nouvelles compétences dans ma vie ? Développer Plus de Vert less Béton me permet de faire cela. Et d’un, ce site me permet de mettre par écrit tout ce que je n’ai pas mis dans mon livre. Et de deux, de poursuivre le chemin que j’ai choisi dans un domaine qui me passionne toujours autant, que sont les jardins de soins, en créant, innovant, bousculant les codes parfois, créant de la valeur pour celles et ceux qui s’intéressent à cette thématique.

Parfois on ne trouve pas toujours la raison de nos choix, pourquoi nous sommes attirés par telle compétence ou autre. C’est là qu’entre en jeu ce qu’on appelle l’intuition. Parfois on fait par plaisir et intuition sans savoir où cela va nous mener et pourtant je suis convaincue qu’il y a une bonne raison pour que suivions celle-ci, pour que nous vivions telle expérience. Je vais donner l’exemple de Steve Jobs : celui-ci a fait lors de ses années universitaires de la calligraphie. Il éprouvait un immense plaisir à la pratiquer. Il ignorait comme tout son entourage à l’époque à quoi pourrait bien lui servir cette nouvelle passion dans notre société d’aujourd’hui où la calligraphie pourrait paraître désuète pour une bonne majorité des gens ! Eh bien, il a poursuivi et finalement bien des années plus tard, la calligraphie lui a permis de mettre au point cette idée de déroulant que l’on retrouve sur chaque ordi à présent vous proposant plusieurs centaines de styles d’écritures. Cette compétence acquise en suivant ses envies, son plaisir et son intuition des années auparavant lui a permis de révolutionner le monde informatique. 

Je ne sais pas encore où le blogging va me mener, mais j’y trouve du plaisir et même si je ne révolutionnerai peut-être rien, mon intuition me dit que cela me sera utile dans mon parcours.

Que voudrais-tu qu’on sache sur toi que peu de monde sait?

Je voudrais dire aux gens que je suis dans une situation très précaire financièrement, que je vis depuis plusieurs années seule avec mes enfants et que cela ne m’a pas fait renoncer à mes rêves ou à mes valeurs profondes de liberté, à mon désir d’être en perpétuelle évolution de mon être, à ma volonté de faire avancer le monde de manière positive. L’argent ne fait pas le bonheur. Certes il y contribue, mais je peux vous assurer que je préfère mille fois être à ma place ici, à m’éclater dans ce que je fais plutôt que d’être sous le joug d’un patron par exemple, le postérieur dans un bureau ou à courir dans un service en perdant de vue MON essentiel, ce que je suis réellement, le sens de mes actions, MON pourquoi. La vie est courte et chaque jour est comme une urgence pour moi à la vivre pleinement. Qui sait peut-être que ma passion et mon engouement à la tâche me permettront un jour d’en vivre ! Ce sera la cerise sur le gâteau, mais je peux vous dire que le gâteau aura été déjà énorme et délicieux auparavant. 

Je ne pose pas en moralisatrice, chacun est libre de faire comme il l’entend et je comprends que certaines ou certains éprouvent du plaisir à être dans un bureau, ou à suivre les directives de leur patron, ou encore puissent s’épanouir dans les services. C’est d’ailleurs très bien ainsi. Si tout le monde était pareil, le monde serait bien fade ! Maintenant j’expose juste mon point de vue sans prosélytisme aucun.  

Qu’est-ce qui te manque et qu’est-ce qui ne te manque pas de ton métier d’infirmière?

Ce qui me manque sans hésitation aucune, ce sont les patients. La relation d’aide que j’avais avec eux, les échanges toujours riches d’instruction pour moi me manquent. Je grandissais aussi à leur contact. Je garde cette volonté de venir en aide, d’être attentive aux besoins des gens mais je le fais différemment à présent. Le livre sera ma façon d’aider les porteurs de projets, afin qu’ils se lancent et que de nouveaux jardins voient le jour. Paf ! Un jardin, une aide de plus aux patients, aux familles… La création d’outils pour les pros, les patients… Paf ! une nouvelle aide, un nouveau soutien. Inspirer, motiver, former et informer, guider… tout cela est une façon pour moi de vivre mon métier de soignante. Le prendre soin ne se limite pas aux actes techniques, Dieu merci. A chacun d’inventer sa manière de contribuer au monde. 

Que t’a appris la vie à travers le jardin depuis 8-10 ans?

La Nature nous apprend deux choses : 

Un, que nous ne sommes pas grand-chose, que le temps nous est compté et qu’il faut vivre sa vie pleinement, ne pas se contenter de la voir passer en reportant ses désirs au moment de la retraite. 

Deux, que nous avons inversement un potentiel extraordinaire en nous, mais qu’il étouffe sous nos peurs et celles des autres. Croyez en vous, en vos rêves, en votre pouvoir d’action ! Vous valez tellement plus que ce qu’on vous a fait croire, tellement plus que ce que finalement vous avez fini par croire vous-même ! Cassez ça et foncez pour n’avoir aucun regret. La Nature nous a tous offert ce potentiel, nous appartenons à un grand tout, aux pouvoirs incroyables. 

En conclusion, la Nature m’a appris que je ne suis rien dans ce vaste tout, mais que j’ai en moi des capacités insoupçonnées qui ne demandent qu’à s’exprimer, sinon pourquoi serions-nous là finalement ? 

Dans les jardins et la nature, les activités thérapeutiques continuent leur grand retour

Au Centre Hospitalier Théophile Roussel de Montesson dans les Yvelines, les ateliers d’hortithérapie redémarrent officiellement ces jours-ci au Jardin des Tisanes après trois mois de confinement. Du côté de l’ESPM Georges Daumezon à Orléans, l’autorisation de proposer des activités au jardin de soins partagé date déjà de quelques semaines. Art-thérapeute et animatrice nature entre autres casquettes, Juliette Cheriki-Nort explique reprendre doucement ses activités dans les Ardennes où elle propose tout particulièrement en ce moment des activités en forêt pour prendre l’air et limiter les risques. Les exemples se multiplient. Après ceux de début juin, voici quatre nouveaux témoignages de reprise ou de lancement d’activités qui donnent de l’espoir.

Thibaut Pinsard, Les Décliques : les enfants dehors

Avec le déconfinement et les difficultés de distanciation physique dans les classes, le sujet de l’école dehors débarque sur le devant de la scène, ici dans la Drôme et là dans les Deux-Sèvres ou encore dans cette émission sur France Culture. Une piste de réflexion intéressante qui, espérons-le, va prendre de l’ampleur en France.

La nature, c’est aussi le reste du temps que les enfants en ont besoin. En début d’année, j’avais parlé avec les créateurs des Décliques qui proposent aux petits Franciliens des « Escapades » dans la nature. Pour eux aussi, enfants et animateurs, le confinement a marqué un coup d’arrêt brutal. Mais les activités sont en train de repartir avec deux stages d’étéprogrammés pour le mois de juillet dans le quartier des Groues à Nanterre à deux pas de La Défense. Avec deux thèmes : Champions de l’écologie et Explorateurs de la biodiversité.

« Les stages sont pour le moment limités à 10 enfants. Et on prendra bien sûr toutes les mesures sanitaires nécessaires : gestes barrière, masques pour les adultes, gels hydroalcooliques, lavages de mains fréquents,… », explique Thibaut Pinsard des Décliques. « On a remarqué que beaucoup de partenaires ne pouvaient pas se projeter dans le futur et restaient dans l’expectative, ce qui est particulièrement freinant pour avancer. » Cette année, les colonies de vacances, déjà en perte de vitesse comme l’expliquait Thibaut en mars, ne vont pas toutes ouvrir leurs portes à cause des conditions difficiles à respecter…Quel dommage !

Un coin de nature à l’ombre de La Défense en région parisienne

Isabelle Launet (hôpital pédiatrique et résidence autonomie) : « Mon rêve est que le personnel soignant voit ce qui se passe au jardin »

A l’hôpital Robert Debré, Isabelle Launet anime le jardin de la Maison de l’Enfant depuis quelque temps déjà. Comme on peut bien l’imaginer, les activités avaient complètement cessé. Isabelle est parmi les premières intervenantes extérieures à revenir à partir du 17 juin. « Cela a été validé puisque nous travaillons à l’extérieur. Il y aura entre deux et quatre enfants installés à des tables séparées. Si un enfant accroche, l’intérêt est de pouvoir revenir pour un travail de suivi », explique Isabelle qui espère une articulation de plus en plus grande avec les soignants. « Mon rêve est que le personnel soignant accompagne les enfants pour qu’ils voient ce qui se passe au jardin. D’ailleurs, j’ai rencontré un kiné qui vient avec un enfant au jardin pour pratiquer la marche sur un sol inégal. Le jardin est utilisé comme une autre pièce à l’extérieur ! »

Isabelle vient de débuter des ateliers dans une résidence autonomie du Pré-Saint-Gervais dont Terr’Happy a conçu le jardin. « Les ateliers devaient commencer le 21 mars…ils ont démarré début juin avec l’aval de l’ARS et du CCAS dans cette résidence qui n’a connu aucune contamination pendant la crise sanitaire », rapporte Isabelle. « Nous avons réduit le nombre de participants à 5 ou 6 et nous respectons toutes les consignes habituelles. Nous avons dû supprimer le rituel de la tisane. La directrice nous dit ressentir un effet confinement : il y a une réticence à sortir, à être dehors, une peur à s’exposer aux éléments, au vent et au froid. »

Christelle Forestier Jouve, Les petites bulles vertes : « Le jardin de soin peut apporter une réponse à ce que nous vivons en plus de ce qu’il apportait déjà »

Christelle Forestier Jouve dans son « laboratoire »

« Je viens de recevoir un mail de la préfecture qui valide la création de mon association! Je suis hyper heureuse! ». Depuis le mois d’avril, Christelle Forestier Jouve et moi échangeons des messages sur le lancement de sa nouvelle activité initialement prévu pour début juin. Il y a quelques jours, son dernier message était jubilatoire. Les petites bulles vertes, c’est parti. Finalement la crise sanitaire aura à peine retardé le projet. « Plus que jamais, les évènements que nous traversons nous montrent les principes de biophilie et les relations indispensables au bon fonctionnement de l’humain: l’humain relié à d’autres humains (le lien social) et l’humain relié à la nature. L’Homme coupé de ces éléments, nous observons une augmentation de la violence, des dépressions (à voir ce qui se passe dans les ehpad actuellement entre autres), des troubles anxieux. »

Soignante de profession (manipulatrice en électroradiologie médicale puis cadre de santé hospitalier dans différents services), Christelle avait commencé à rencontrer des directeurs d’Ehpad ainsi que l’association locale France Alzheimer juste avant le confinement. Pendant la crise sanitaire, elle dépose en ligne le dossier de création de son association. Pour compléter ses compétences de soignante, elle a déjà suivi une formation sur l’aménagement des jardin de soin auprès de Sonia Trinquier/Mosaïque et elle est inscrite dans une formation à Chaumont-sur-Loire reportée de mars à novembre 2020. En novembre toujours, elle suivra une formation de France Alzheimer destinée aux aidants.

« J’ai pu constater que beaucoup d’Ehpad obtiennent des fonds pour installer des jardins dits thérapeutiques alors qu’aucun travail préalable n’a été fait avec les équipes soignantes. Les jardins n’ont alors pas de fonction thérapeutique – ils sont plus objets de décoration; pour autant, ce qui m’interroge est que les établissements ont toutefois obtenu des financements », s’étonne-t-elle.

Autre bonne nouvelle, la soignante a « très envie (et cela me tient à cœur) de publier des articles scientifiques et m’associer dans ma démarche à des scientifiques (gériatres, autres médecins, sociologues et bien d’autres pour croiser les expertises). Évidemment, tout cela ne pourra se faire que lorsque j’aurai pu animer des ateliers jardins de soin! Cela fait partie de mon projet à long terme. »

Quel est son plan d’action dans les semaines à venir ? « Reprendre contact avec les Ephad que j’ai approchés et un centre social sur des ateliers à visée des séniors, rencontrer des médecins généralistes qui sont prescripteurs en Ephad…….tout cela va se faire cet été entre juillet et septembre. Et j’aimerais répondre à un appel à projet du CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), pour cela j’ai besoin de bosser pas mal ! Et tant d’autres choses : créer une visibilité internet, poursuivre la création de mon réseau et mettre les mains dans la terre avec un public en respectant les gestes barrières… »

« Mon jardin locatif « ouvrier » est mon « laboratoire » sur ce qu’il est possible de tenter …ou pas! Je fais mes semis dans le salon de notre appartement. J’ai toujours jardiné. Au départ (c’est assez classique, je sais) avec ma grand mère, puis sur mon balcon et partout où je pouvais. Ma passion pour l’Humain et la Nature converge enfin! J’ai hâte de pouvoir animer un premier atelier. Pour l’heure, mes tests sont mes enfants. Et lorsque mon époux qui n’est pas jardinier découvre que le poireau peut fleurir…je suis super contente et je me rends compte que le pouvoir d’attraction du jardin est grand. »

Pour joindre Christelle Forestier Jouve à Cognin en Savoie : lespetitesbullesvertes@gmail.com

Yann Desbrosses : « Les séances en pleine nature sont une alternative sanitaire » 

Yann Desbrosses n’a pas découvert l’intérêt de la nature dans sa pratique de psychothérapeute pendant la crise sanitaire, mais il la voit sans doute sous un angle supplémentaire. Implanté en région parisienne, Yann Desbrosses propose des psychothérapies en s’appuyant sur les approches de l’analyse psycho-organique et de l’EMDR (son site regorge de vidéos et de textes intéressants). Sa longue expérience de danseur acrobate, notamment dans des spectacles où le public découvrait les chorégraphies en déambulant dans la nature, entre pour beaucoup dans sa conception de la psychothérapie en pleine nature. Il propose en effet d’explorer ses sensations corporelles et émotionnelles au contact des éléments naturels lors de séances individuelles ou en groupe. Lorsque je lui ai parlé il y a deux semaines, il venait de reprendre les séances dehors avec son groupe continu « Ma Nature » qu’il co-anime un samedi par mois avec une psychologue, Julia Boyer, en forêt et en bords de Marne.

Fin mai, première séance en pleine nature après le confinement

« Les participants avaient l’impression de respirer, ressentaient un soulagement et une joie. C’est comme s’ils avaient vécu en apnée pendant deux mois. Comme certains qui vivent seuls avaient manqué de contact, nous avons proposé un jeu de contact avec les hautes herbes, un jeu de caresses et de chatouilles qui leur ont apporté des ressentis de rire et d’érotisme. « Qu’est-ce que cela nous a fait du bien que vous ayez trouvé une façon de rentrer en contact ! », nous ont-il dit à la fin de la séance. » A 25 kilomètres de Paris, dans une forêt domaniale où l’on rencontre peu de monde et où la biodiversité explose, Yann trouve un cadre idéal pour renouer le lien avec le végétal et le lien humain. Et dans le cadre actuel pour combler un manque laissé par le confinement. 

Il partage sa pratique entre un cabinet à Champs-sur-Marne (77) et un autre dans le 12e arrondissement de Paris à deux pas du Bois de Vincennes. « En 10 minutes de marche, on se sent loin, hors des routes bitumées, dans des zones diversifiées avec des sentiers tortueux, des clairières, des zones sèches », décrit-il. Certaines nouvelles demandes qu’il reçoit comportent cette demande explicite « je veux aller faire les séances en forêt ». Pas étonnant pour le thérapeute qui fait un lien direct entre les angoisses personnelles et l’angoisse générée par la crise environnementale.

 « Les gens transformés par l’expérience du confinement restent cependant une minorité, environ 10%. J’en suis étonné car on aurait pu s’attendre à une vague de transformations. Je constate par contre que plusieurs patients se sont bien habitués à la visioconférence et ne souhaitent plus venir en séance en présence, ce qui va dans le sens d’un glissement vers des relations à distance suite au confinement. C’est un gain de temps pour eux et ils se sentent bien dans ces séances à distance. J’espère pourtant que l’on ne va pas vers une généralisation des relations par Skype ou Zoom. »

Si un meilleur respect des conditions d’hygiène est bien réel en forêt, ce n’est pas l’argument que Yann a choisi de mettre en avant lors de la reprise post-confinement. « J’ai plutôt mis en avant le vivant pendant la saison du printemps avec l’éclosion et l’émergence qui font écho aux éclosions en soi. » En tout cas, comme beaucoup, il n’a pas compris l’interdiction générale de se promener en forêt pendant cette période ! Une aberration.

Outre les séances en région parisienne, un stage d’été prévu pour le mois d’août en Bourgogne est confirmé et sera coanimé avec Célestine Masquelier, « quatre jours dans un très beau domaine bourguignon, calme, éco lieu dessiné selon les principes de la Permaculture, au bord d’une rivière où nous pourrons nous baigner ». Il s’agira de « trouver une place dans ce monde, trouver sa place, retrouver le contact avec sa dynamique vitale, c’est aussi puiser dans un lien vivant avec la nature: source d’apaisement, d’inspiration, et pourquoi pas de sens. » De plus, une formation destinée aux professionnels initialement prévue pour juin est remise à octobre et se déroulera dans la forêt de Malvoisine en Seine-et-Marne.

« Après deux mois de confinemant qui ont marqué une pause, l’activité reprend avec plus de demandes en écothérapie. J’ai pris conscience que, s’il devait y avoir de nouveau une période de confinement, les séances dans la nature seraient une alternative sanitaire », conclut Yann Desbrosses. 

Dans les jardins et la nature, les activités thérapeutiques reprennent de plus belle

Deux papillons blancs dansent dans l’air sur une chorégraphie de l’instant présent. Le soleil joue à travers les feuilles des arbres dont le vert tendre au-dessus de nos têtes, ondulant légèrement dans le vent, gonfle mon cœur de joie et de reconnaissance. Sur le sol du sous-bois, le soleil projette des ombres changeantes. Elles me fascinent un bon moment avant que je m’en arrache pour continuer à explorer un peu plus cet univers ordinaire et mystérieux en compagnie de notre petit groupe de six personnes sous la houlette bienveillante de Christopher Le Coq, guide de bains de forêt, en ce magnifique samedi matin. Pas n’importe quel samedi, le dernier du mois de mai 2020 qui marque une nouvelle étape dans le déconfinement et un printemps qui vit sa vie sans s’occuper de nous.

Assis en cercle dans une petite clairière ou marchant à notre rythme propre dans le bois de Boulogne, nous faisons à la fois partie de la communauté des déconfinés avides de nature et de liens humains qui courent, font du vélo en famille ou marchent en petits groupes de copines dans le bois et à la fois nous sommes à part. Dans un mouvement plus conscient, une observation plus fine de notre environnement, une écoute intime de nos sensations et un moment exceptionnel de pause hors du langage. Avec des temps de partage ponctuels qui redonnent du coup plus de sens aux mots et aux échanges entre les inconnus, frères et sœurs humains, que nous sommes les uns pour les autres. 

Christopher Le Coq, guide de bains de forêt : « Le Shinrin-Yoku est une vraie co-création avec le groupe »

Wow !  24 heures plus tard, m’installant pour écrire dans le jardin partagé dont je vous ai parlé le mois dernier avec le chant des oiseaux et le lever du jour pour compagnons, je suis encore toute charmée par cette expérience, toute apaisée et toute rééchantée. Ce moment que j’anticipais et qui était à la fois un cadeau à mon mari qui fêtait son anniversaire ce weekend, à moi et à nous – ce moment résonne encore. Sûr que nous recommencerons et que nous voudrons étendre l’expérience à une pleine journée comme Christopher en propose en forêt de Fontainebleau

Après une période en pointillé dans son activité de guide de bains de forêt pour les raisons que nous connaissons bien et aussi pour un voyage au Japon à la rencontre des maitres du Shinrin-Yoku à l’automne dernier, il reprend de plus belle tout en approfondissant sa formation auprès de Bernadette Rey. Ce qui me semble un des signes prometteurs que les activités autour de la nature reprennent, portées par une envie de nature qui s’est révélée trop forte pour retomber comme un soufflé. Christopher y croit, j’y crois, nous sommes nombreux à y croire.

Comme je l’avais annoncé, mon envie ce mois-ci est justement de laisser la parole à ces hortithérapeutes ou autres professionnels qui nous relient à la nature pour qu’ils nous racontent comment leur travail reprend après le confinement. Je commence aujourd’hui et exceptionnellement, je continuerai sur ce thème le 2e lundi du mois de juin. Il a tant à dire.

Comme vous pouvez l’imaginez, la distanciation physique pendant un bain de forêt est facile. Et dans le jardin thérapeutique d’une maison de retraite ou dans un groupe d’enfants ? Un peu moins. Comme nous l’avait déjà démontré Sally Cobb le mois dernier, les ressources, la créativité et la détermination ne manquent pas.

Patricia Espi, Bourgeons et Sens : « J’ai bon espoir »

La détermination et la patience, Patricia Espi en a des stocks. En mai, elle a repris contact avec les différents établissements dans lesquels elle intervient même si elle se trouvait alors en « zone rouge » puisqu’elle est à Reims.

Le jardin de la résidence autonomie Les Gobelins. A la mi-juin, les ateliers de jardinage thérapeutique de Patricia dans cette résidence ARFo, l’association de Résidences-Foyers à Reims, doivent reprendre. Après le confinement strict, certaines activités redémarrent doucement – coiffure, pédicure – dans cette résidence qui a été épargnée par le Coronavirus, toujours avec un protocole précis pour assurer la sécurité. Encouragés par la directrice et l’hôtesse qui vivent sur place dans la résidence, les ateliers de Patricia ont lieu environ tous les 15 jours. Depuis le début, ils donnent lieu à la visite des enfants de CP d’une école voisine à la demande de la maitresse et à de beaux échanges de connaissances sur les légumes anciens par exemple entre les enfants et les personnes âgées. Les résidents des autres foyers ARFo peuvent aussi s’y joindre s’ils le souhaitent. A la fin de la séance, Patricia pratique des petits jeux et devinettes que des neuropsychologues appelleraient techniquement de la stimulation cognitive. Cette année, la saison au jardin aura été décalée, mais elle arrive.

La prison de Châlons-en-Champagne. Pour connaître la genèse de ce beau projet, je vous invite à faire un tour sur le blog Plus de vert Less béton de Paule Lebay. « Notre dernier atelier date de février, juste avant le confinement. On avait désherbé, mis de l’engrais, arrosé et nous devions nous revoir », explique Patricia qui échange depuis quelques semaines avec le personnel de la prison pour la reprise. « Quand on sème nos graines, ça ne coûte rien. Mais nous allons devoir acheter des plantes. Et qui va financer le gel, les gants, les masques ? L’atelier a un petit budget. On parle d’un outil par personne, désinfecté avant et après l’activité. Peut-être d’une étiquette avec le nom sur chaque outil pour éviter la contamination. »

Le jardin partagé de Bezannes. En 2016, découvrant le projet immobilier Konekti de 60 logements de trois types différents, Patricia avait contacté les porteurs du projet pour y proposer un jardin pour les habitants. Recontactée un an plus tard, elle a conçu le jardin, travaillé avec une paysagiste pour le choix des végétaux et un artisan local pour le mobilier. Le confinement est passé par là et a retardé les plantations. Roulement de tambour pour annoncer que, le 19 juillet 2020, le jardin partagé sera bel et bien inauguré et présenté aux habitants. Par groupes de 10 personnes à la fois, gestes barrière obligent. Pendant le confinement, Patricia a finalisé le planning d’ateliers du samedi matin jusqu’à fin juin 2021. Quand on dit que le jardin s’inscrit dans le temps…

« Les samedis matins, nous serons au jardin d’environ 10h00 à midi avec un temps d’accueil autour d’un café et un atelier sur un thème. Une salle de convivialité est disponible en cas de mauvais temps. Ca me fait plaisir d’avoir créé ce jardin partagé du début à la fin. J’ai bon espoir. » D’autant qu’un autre projet se profile autour du nouvel écoquartier Réma Vert où Patricia est sollicitée…Une nouvelle raison d’espoir avec cet engrenage positif qui semble en mouvement.

Romane Glotain, Le jardin des Maux’passants : « Le jardin confiné pour être seul et le jardin déconfiné pour retrouver le groupe »

Romane est également une habituée du Bonheur est dans le jardin depuis 2016, année où elle avait brillé dans la catégorie Excellence du Concours d’Avenir de la Fondation Truffaut. Il y a quelque temps, elle a créé Le jardin des Maux’passants, pour « accompagner des publics en situation de vulnérabilité sociale, psychologique, physique résidant ou non en structure médico-sociale en utilisant le jardin, le jardinage et le végétal comme support ». Alors que le confinement s’achevait, elle reprenait un remplacement d’éducatrice technique spécialisée en horticulture dans un IME (Institut Médico-Educatif) où la création d’un jardin partagé est toujours à l’étude. Sa participation au Salon du Végétal d’Angers, événement initialement prévu pour septembre 2020, pour sensibiliser les visiteurs à l’hortithérapie est en suspens.

« Justement je pense que cette période de confinement a appuyé sur l’indispensable accès à la nature que l’Homme doit pouvoir avoir au quotidien pour son bien-être global et surtout psychologique. Ceux qui avaient des jardins se sont réjouis d’en avoir pour s’occuper, s’aérer, se recentrer, se détendre, profiter des premiers rayons du soleil printanier, prendre le temps d’observer, d’écouter. A contrario, ceux qui n’avaient pas le moindre petit carré de jardin, se sont plaints d’étouffer, de ne pas profiter de la nature », constate Romane. « Personnellement, j’ai vécu dans mon appartement deux mois, j’ai des plantes en intérieur et sur mon balcon. Elles ont été vitales vraiment et je les ai observées beaucoup plus que d’habitude. J’en ai pris soin tout simplement! Et lors de mes promenades, j’ai observé avec beaucoup plus d’émerveillement les arbres qui ouvraient leurs premières feuilles, les fleurs, à travers les jardins des habitants du quartier. Sans oublier de jeter un œil sur la mer que je trouvais plus belle que d’habitude quand le large était découvert, juste en écoutant le chant des mouettes! »

Les semaines de post-confinement ont été un temps de rencontres avec des personnes qui l’avaient contactée pour en savoir plus sur les jardins de soins. Membre de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé, elle s’est aussi activée pour lancer une antenne régionale en Pays de la Loire. « Pour mes futures actions, le confinement m’a appris à réaliser le côté communication en testant la vidéo notamment et le travail à distance. Je pense que les directives qu’a prises l’état pour le déconfinement ont été un moyen pour ceux qui ont des jardins (particuliers, institutions) de se recentrer et de profiter (en autonomie, seul) des atouts et du bien-être que peut nous procurer la nature. Car les espaces végétalisés servent aussi à se retrouver seul pour x raisons. Pour ensuite, quand le temps sera venu, s’associer et continuer les partages, expériences, échanges au sein d’un jardin qui restera indéfiniment vecteur de rencontres positives! »

Emmanuelle Lutton, Jardin de Vezenne : « Les premières séances reprennent jeudi »

Pour une présentation du Jardin de Vezenne, je vous renvoie à ce billet de juillet 2019 et au site du jardin. Qu’en est-il un an plus tard ? La crise sanitaire n’a pas été simple pour les créateurs de ce beau projet de jardin thérapeutique encore tout jeune.

Voici ce que me dit Emmanuelle ce matin même, premier jour du mois de juin : « Je reprends les séances au jardin dès cette semaine. Même si toutes les institutions ne reprennent pas les séances prévues dès ce mois-ci, on peut dire que la reprise est amorcée! Nous mettons en place les gestes protecteurs: désinfection des mains à l’arrivée et au départ du jardin, aménagement des espaces en respectant les distances de sécurité, port du masque (quand c’est possible, en fonction des publics) et désinfection des locaux entre deux groupes »

On sent que la dynamique reprend. « Nous allons également pouvoir relancer les travaux d’aménagement du jardin de soin avec la construction d’une terrasse sur pilotis sur la mare et l’implantation d’un jardin aquatique. » Et pourtant on revient de loin avec l’annulation de tous les ateliers au début du confinement, soit environ 55 ateliers entre mars et mi mai ! Toutes les structures qui viennent au jardin de Vézennes (maison de retraite, foyer résidentiel seniors, MAS, FAM) avaient annulé les sorties extérieures ainsi que les interventions des partenaires extérieurs chez elles. Seule une structure hébergeant des jeunes a bénéficié d’une dérogation pour venir au jardin pour trois ateliers avec un « protocole » à respecter. 

Les difficultés ne manquent pas comme l’ont montré ces trois ateliers pionniers. « Le port du masque s’avère parfois bien compliqué. Les masques en tissu très épais étouffent le son de la voix, empêchent la lecture labiale et causent des difficultés de compréhension et d’échanges. La mise en place de la distance physique s’avère également compliquée à respecter pour montrer, se passer une plante, câliner un chevreau, observer un poussin… »

« De plus, l’entrée en relation, avant d’être verbale, est bien souvent physique. La mise à distance entrave cette entrée en relation, essentielle avec la plupart de notre public », explique Emmanuelle. Les difficultés ne manquent pas, mais les accepter et les digérer peut faire partie des nouvelles leçons du jardin dans cette nouvelle phase du « monde d’après ».

A dans 15 jours pour de nouveaux exemples de résilience en pleine nature. D’ici là, portez-vous bien et ouvrez vos sens.

Quand les confinés redécouvrent la nature, la biophilie explose

Sous les pavés, le jardin urbain

Un mois plus tard, nous sommes toujours en mode #restezchezvous. Confinés à la maison à plein temps ou confinés chez nous après des expéditions à l’extérieur pour aller travailler. Certains se sont adaptés à ce rythme étonnant et y trouvent même des avantages (« Nous avons récupéré beaucoup plus de sérénité en famille et une vraie vie collective », m’explique une connaissance qui télétravaille et dont le mari s’occupe à 100% des enfants en ce moment). D’autres sont sans doute en train de cocher les jours sur le calendrier comme les prisonniers dans les films ou pire de péter les plombs en attendant la date du 11 mai qui ne sera pas magique. 

Ca dépend de beaucoup de facteurs, n’est-ce pas ? Je ne passerai pas en revue toutes les conditions psycho-sociales qui font que cette crise et ce confinement représentent une période plus ou moins agréable, plus ou moins supportable, plus ou moins déstabilisante, plus ou moins anxiogène. Ce serait impossible car nous sommes toutes et tous dans des situations particulières.

Mais je me rends compte que dans mon cercle familial, amical et professionnel, il y a un truc qui se passe. Pour celles et ceux qui ont la chance de pouvoir s’immerger dans la nature – d’une manière ou d’une autre – la rencontre est intensifiée, renouvelée. Comme si nous redécouvrions la simple joie d’être en contact avec le vivant avec une force neuve lorsque nous sommes moins distraits par tout le « bruit » habituel.

Fascination biophilique

Pour me rendre à mon job actuel, je fais à la louche 5 minutes de marche, puis 20 minutes de RER et encore 15 minutes de marche agréable le long d’une rue tranquille bordée de glycines, de lilas et de roses. Depuis presque deux ans que j’emprunte ce chemin, j’apprécie cette nature urbaine sur fond de chants d’oiseaux. Il m’arrive même de faire un exercice de pleine conscience, en me concentrant sur un de mes sens par exemple. Mais alors là en ce moment, c’est carrément une explosion de sensations. Au début et à la fin de mes journées intenses, j’anticipe avec délice cette marche. 

En sortant de chez moi, dans la fraicheur du matin, je regarde mon quartier avec un œil nouveau et je lève les yeux comme jamais. C’est plus facile car il y a très peu de monde et on ne risque pas de percuter un autre passant. Je découvre des balcons fleuris que je n’avais jamais remarqués. L’air est frais. Les oiseaux chantent et c’est un mystère de savoir où ils sont perchés. A ma destination, même expérience jubilatoire. Et à la fin de la journée, les glycines en fleur m’ont donné tellement de plaisir que c’est presque indécent. Je traversais la rue pour profiter du parfum de chaque treille et les laisser frôler mon visage. Las, leurs pétales séchés commencent à joncher le sol et leur vie fleurie s’achève. Mais les roses prennent le relais. Et les oiseaux ! Mais ils sont dingues de joie. OK, j’anthropomorphise beaucoup. Peut-être devrais-je dire plutôt que leurs chants me remplissent de joie.

Sur mon balcon, jamais mes radis et mes autres semis n’ont reçu autant d’attention. Je guette la pousse comme un miracle. Parce que le temps ralenti permet cette attention ? Parce que les voir sortir de terre donne comme une injection d’espoir ? Même chose dans le minuscule jardin partagé dans notre rue dont nous prenons un soin assez léger à tour de rôle. Son petit côté sauvage me plait de plus en plus. Le géranium herbe à Robert prend ses aises. La sauge et la monnaie du pape commencent à s’entremêler joyeusement. La promesse des fraises parisiennes et des framboises poitevines est déjà visible. Les hortensias exhibent un feuillage si vigoureux et des futures fleurs si prometteuses elles aussi. Le jardin fait sa vie. Les passants sont moins nombreux en ce moment, mais je les observe alors qu’ils reçoivent aussi en plein cœur ce message du vivant. Beaucoup d’entre eux sont attirés par le jardin comme « comme des phalènes vers une lampe » selon l’expression de E. O. Wilson.

D’ailleurs, c’est comme si, après avoir lu E.O. Wilson dans la théorie, je passais à la pratique en immersion. Tiens, ce billet avait été écrit après l’attentat du 13 novembre 2015 : je remarque en passant que tous les bouleversements potentiellement traumatiques ramènent certains, dont moi, à la nature. Un peu comme un enfant qui revient à sa figure d’attachement comme l’a décrit John Bolwby

« Je définirais la “biophilie” comme la tendance innée à se concentrer sur la vie et les processus biologiques. Depuis notre prime enfance, nous nous préoccupons avec bonheur de nous-mêmes et des autres organismes. Nous apprenons à faire le départ entre le vivant et l’inanimé et nous nous dirigeons vers le premier comme des phalènes vers une lampe. » E. O. Wilson

Une nouvelle connexion plus profonde

« Au début, j’ai fait du jardinage », m’explique une amie qui, aujourd’hui plus que jamais, éprouve une grande gratitude pour son jardin urbain. Et puis elle a fait une expérience qui l’a bouleversée : elle s’est sentie attirée par les plantes de son jardin d’une manière tout à fait différente de l’utilitaire et de l’habituel. Elle a pratiqué une observation détaillée, une immersion et vécu des moments de fascination qu’elle avait oubliées et qui lui ont rappelé des expériences d’enfance. D’ailleurs devant un iris venu de son jardin d’enfance et qui est en train de fleurir pour la première fois depuis longtemps, elle a ressenti des émotions intenses qu’elle a eu envie de partager.

Le mois dernier, j’ai parlé de Philippe Walch qui vient de publier le très beau et utile Et au milieu de l’hôpital fleurit un jardin. Si vous suivez Philippe sur les réseaux sociaux, vous savez qu’il aime partager des vidéos de jardins et de plantes. Avant le confinement, je les regardais déjà. Mais là, ses vidéos prennent une autre dimension. Son jardin après la pluie, un nid d’oiseau, un rosier absolument extraordinaire, ses vidéos nous plongent dans une sorte de ravissement. Voici une de ses vidéos. Merci à lui pour ce partage.

Beaucoup de gens à qui je parle en ce moment mentionnent la vue depuis leur domicile, leurs chères plantes d’intérieur qui absorbent les rayons du soleil ou bien leur bonheur d’avoir un jardin où ils peuvent se promener parmi les roses qui donnent aussi du plaisir aux passants ou bien pour certains jardiner, être actif, bouger leur corps. 

Dans toute situation stressante, nous nous appuyons sur les ressources à notre disposition en nous et dans notre environnement pour faire face. Aux ressources et comportements dysfonctionnels (violence, auto-agressivité, substances,…) peuvent répondre des ressources hyper adaptées comme la connexion au vivant. Au lieu de deux heures sur BFM, prescrivons-nous à nous-mêmes une petite dose de nature dans la mesure du possible, avec un esprit aussi ouvert que possible. Et observons avec curiosité ce qui se passe en nous (peut-être rien d’ailleurs). 

Les hortithérapeutes ne sont pas des Belles au bois dormant… 

Pendant le confinement, ceux et celles qui pratiquent l’hortithérapie ou l’écothérapie professionnellement continuent, dans le meilleur des cas, à prendre soin de leurs jardins même si les activités sont suspendues à cause des mesures actuelles. Un crève-cœur en plein printemps et à un moment où le besoin de nature et de dehors peut se révéler très fort comme on vient de le voir.

Les lecteurs très réguliers du Bonheur est dans le jardin se souviennent peut-être de Sally Cobb, une hortithérapeute américaine qui travaille dans le domaine de la fin de vie et des soins palliatifs (un lieu d’hospitalisation et l’accompagnement de patients à domicile à Greensboro, Caroline du nord). A 68 ans, elle déclare ne pas avoir l’intention de prendre la retraite tout en préparant sa relève. Elle s’occupe activement  des « healing gardens », l’espace autour de l’établissement hospitalier de 14 lits et d’un magnifique Children’s Garden, ainsi que de nombreux pots et conteneurs. Nous bavardons depuis quelques jours et je vous rapporte, avec sa permission, comment elle vit cette période de confinement dans l’état de la Caroline du nord. 

« Travaillant en extérieur, je peux continuer à venir travailler avec les restrictions liées au COVID-19! J’ai aussi appelé les patients que je visitais avant que cela n’arrive, et j’ai proposé d’apporter des fleurs fraîches coupées à laisser sur leur porche – les sept ont accepté. Je le fais une fois par mois parce que leurs maisons sont éparpillées dans toute la ville ! Je fais également attention aux patients ici sur notre terrain, en remplissant les mangeoires à oiseaux à l’extérieur de leurs chambres, et en m’assurant qu’ils ont des fleurs – pas de contact face à face en ce moment. »

« Je vous envoie des photos de Pâques. Pour les patients ici pour qui Pâques avait un sens – leurs familles ne pouvaient pas leur rendre visite, alors j’ai pensé que ce serait bien d’avoir le symbole des fleurs sur la croix. »

Le mois prochain, je vous parlerai d’autres hortithérapeutes qui nous raconteront comment ils se préparent au « monde d’après ». D’ici là, j’espère que vous aurez l’occasion de sentir les roses ou d’observer un ballet d’oiseaux dans le ciel…

Vue depuis une chambre d’AuthoraCare – Hospice &Palliative Care
Dans le jardin des enfants, la très touchante sculpture « Come take my hand ».

Confinés dans nos corps, pas dans nos têtes

News update : voici un texte que nous venons de publier sur le site de la Fédération Française Jardins Nature et Santé. Confinement : la nature nous fait du bien…même en photo.

Wow ! Que de bouleversements en un mois ! Depuis le 17 mars, nous voici confinés par le coronavirus qui, comme un rouleau compresseur, a chamboulé nos vies, notre santé, notre capacité à être au jardin ou dans la nature et bien plus encore. 

Sans compter que certaines personnes à qui s’adressent en premier lieu les jardins thérapeutiques sont parmi les plus touchées par cette pandémie : les personnes âgées particulièrement vulnérables, les personnes souffrant de maladies mentales malmenées par l’incertitude actuelle, les malades chroniques eux aussi mis à mal. 

Les personnels soignants qui, en réalité, font vivre les jardins thérapeutiques tous les jours dans leurs établissements sont aujourd’hui accaparés et en première ligne pour contenir le coronavirus. Le jardin est sans doute le cadet de leurs soucis en ce moment. Et pourtant les jardins se tiennent prêts à accueillir tout l’épuisement, le mal-être et la douleur qu’ils auront besoin de déposer un jour.

Je vous le dis parce que j’en suis convaincue : nos corps sont confinés, mais nos pensées et nos esprits sont libres. Libres d’imaginer, de rêver, d’anticiper, d’inventer mille façons d’être solidaires. Comme cette initiative qui m’a particulièrement touchée : 1lettre 1 sourire est une plateforme pour envoyer très facilement une lettre à une personne âgée vivant dans une maison de retraite. En quelques minutes, avec votre compassion, votre humour, votre gentillesse, vous pouvez égayer la journée d’une personne âgée confinée sans possibilité de recevoir de visite « jusqu’à nouvel ordre ». 

Des mots

Nous ne pouvons plus courir à droite et à gauche comme des dératés. Il s’en suit que nous avons normalement plus de temps libre. Du temps par exemple pour plonger dans de délicieuses lectures. Voici mes recommandations, les livres que j’aime lire et relire. N’hésitez à rajouter les vôtres dans les commentaires…

Un petit monde, un monde parfait de Marco Martella

Les Français et la nature, pourquoi si peu d’amour de Valérie Chansigaud

Une enfance en liberté, protégeons nos enfants du syndrome de manque de nature de Richard Louv qui a écrit il y a quelques jours un texte passionnant sur la connexion à la nature en temps de pandémie

Natura de Pascale d’Erm

Le Shinrin-Yoku en famille d’Isabelle Boucq (oui, j’ose cette auto-promo car je suis persuadée que c’est le moment de donner envie aux familles de se retrouver dans la nature quand le confinement sera terminé)

Et je suis en train de lire un nouveau livre publié très récemment par Philippe Walch, paysagiste et membre de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé : Et au milieu de l’hôpital fleurit un jardin. De sa très belle plume, il nous raconte sa métamorphose de paysagiste « classique » qui décide de mettre ses compétences au service des jardins en milieu de soin. « On ne répètera jamais assez que le jardin de soin est d’abord un jardin de vie. Le soin vient vers la vie et non le contraire. Le jardin de soin est un jardin où la vie est présente sous toutes ses formes, et dans lequel le soin s’invite de lui-même pour faire son œuvre de réparation psychique, physique et mentale. » Philippe passe en revue les théories scientifiques qui sous-tendent les jardins de soin et les étapes de la conception en illustrant d’exemples, d’histoires vécues et de photos. Un beau livre et le premier à ma connaissance écrit du point de vue d’un paysagiste. Pour se le procurer, contactez Philippe : phwalch (at) lesjardinsavie.com ou06 61 23 87 33 (20 € + 5 euros de frais d’envoi) et retrouvez-le sur son site : www.lesjardinsavie.com

Des images

On sait que la nature nous fait du bien. Et même que la vue de la nature nous fait du bien. Et même que des images de la nature nous font du bien. C’est dans cet esprit que je partage ces photos de mon album de famille qui me font du bien. Certes s’y attachent pour moi des souvenirs, des ressentis, des sensations, des odeurs. Mais j’espère qu’à vous aussi, ces photos où la nature est toujours présente, seule ou comme écrin, vous apporteront de l’apaisement et de l’émerveillement.

Les Décliques : enfants en ville recherchent contact avec la nature

Une Escapade organisée par Les Décliques

Etudiant à HEC, Thibaut Pinsard cherchait avec une amie de promo, Camille Renard, une idée entrepreneuriale à développer. Avec son passé de scout à lui et son expérience de colonies de vacances à elle, l’idée leur est venue de proposer des colonies de vacances qui auraient plus de sens. « Actuellement, les colonies reçoivent moins de subventions des mairies, elles ne sont plus ces lieux de mixité sociale. Les colonies se sont spécialisées sur une activité, le foot, le surf ou la danse par exemple, et ne mélangent plus les enfants. De plus, les normes de sécurité ont rendu les choses compliquées. » Certes, mais mettre en place une nouvelle forme de colonies de vacances semblait ardu.

Les deux futurs entrepreneurs continuent à réfléchir. « Notre génération est touchée par le manque de contact avec la nature. Même si nous deux avons eu cette chance, on voit que cela empire. Les enfants sont déconnectés de la nature, ils ne jouent plus dehors », constatent alors les deux étudiants. « Les meilleurs moments de ma vie, je les ai passés avec mes copains scouts dans la forêt. Qu’est-ce qui me rendait si heureux ? Vivre dans la nature 24h/24, être dans le moment présent. On ne l’analyse pas comme cela lorsqu’on est enfant. Puis je me suis documenté, j’ai lu des études qui ont confirmé mon ressenti que la nature avait participé à mon épanouissement », détaille Thibaut qui est né à Paris et a grandi à Meudon. 

Résultat, le projet se forme autour de l’idée de reconnecter les petits citadins à la nature. « Nous avons décidé de proposer des activités extrascolaires en plein air, dans la nature. » En mai 2019, ils proposent leurs premiers ateliers pour tester les eaux. Puis en juillet 2019, ils créent Les Décliques, une structure ancrée dans l’économie sociale et solidaire (ESS). 

Des Escapades structurées et libres 

Toute fin août, ils lancent officiellement leurs trois premières journées d’activités dans le bois de Vincennes et le bois de Boulogne. A la Toussaint, ils ajoutent des stages de 5 jours, sans hébergement, qui ont lieu à Nanterre dans le quartier des Groues. « Pour les parents qui travaillent à La Défense, c’est pratique de nous confier leurs enfants. » C’est qu’ils appellent les Escapades. A Pâques, ils remettront ça avec des groupes d’enfants de 6-10 ans et de 10-14 ans. Et en été aussi.

En 2 ½ heures, les Escapades s’articulent en quatre temps. Une activité sur l’intelligence émotionnelle est l’occasion d’apprendre à identifier et à gérer ses émotions. Ensuite, le cœur du sujet est un jeu collaboratif sur un thème comme la biodiversité ou la consommation responsable. Troisième temps, du jeu libre prôné par tous les spécialistes pour encourager la confiance en soi, la créativité et la responsabilité. Thibaut constate d’ailleurs que les enfants sont très friands de ce temps d’exploration. Enfin, un temps d’échange conclut l’activité pour exprimer ce que l’on a aimé ou pas et aussi pour apprendre à écouter les autres.

Les animateurs sont des jeunes, souvent étudiants, avec un mix de parcours : BAFA ou pas, mais expériences avec les enfants et passion pour l’éducation. Les Décliques ont identifié plusieurs dizaines de jeunes animateurs et espèrent pouvoir faire appel à eux au fur et à mesure que les enfants affluent. A noter que les animateurs ont le statut d’auto-entrepreneurs et sont rémunérés 15 euros de l’heure.

Créer des cliques

Habituellement, on se méfie des cliques, non ? Pour les créateurs des Décliques, l’objectif est d’en créer le plus possible ! Une clique est un groupe d’environ six enfants dans un quartier, encadré par un animateur, qui se réunissent localement dans la nature, c’est-à-dire une forêt avoisinante ou un parc. « Pour l’instant, les parents viennent de toute l’Ile de France avec des lieux de prises en charge dans Paris. Nous voulons créer des activités hyper locales et récurrentes. » Des cliques existent déjà dans les 14e, 15e, 16e, 17 et 19earrondissements où les enfants se rencontrent une fois par mois respectivement au parc Montouris, au parc André-Citroën, dans la forêt de Boulogne, au parc des Batignolles et au parc des Buttes-Chaumont. Les parents sont encouragés à former des cliques dans leur quartier…Après le rythme mensuel, l’espoir est de lancer des rencontres hebdomadaires à partir de la rentrée 2020.

« Les retours des parents sont positifs, ils sont heureux de nous avoir découverts car ils ne connaissaient rien de semblable. Ils sont particulièrement contents que leurs enfants découvrent des problèmes de société en jouant. Nous accueillons principalement des enfants de 6-10 ans », explique Thibaut qui constate que les familles séduites par Les Décliques sont déjà sensibles à la nature. « Nous voudrions toucher plus d’enfants dans des familles moins sensibilisées aux bienfaits de la nature. » Et les enfants dans tout cela ? « Ils nous demandent s’ils peuvent revenir demain ou la semaine prochaine. » Pour l’instant, une centaine d’enfants ont participé à ces Escapades.

Il est un peu tôt pour faire un bilan, mais je demande tout de même à Thibaut de se prêter à cet exercice. « Pour l’instant, nous ne vivons pas du tout de cette activité. Mais nous sommes très contents de ce que nous avons accompli et heureux d’avoir choisi cette voie. Ce n’est pas facile de gagner la confiance des parents pour nous confier leurs enfants. Nous sommes peut-être arrivés un peu trop tôt en France. En Allemagne, il y a 2000 écoles forestières contre moins de cinq en France. On est en retard ici. »

La librairie se remplit

Le dernier livre de chevet de Thibaut ? L’enfant dans la nature : pour une révolution verte de l’éducation de Moïna Fauchier-Delavigne et Matthieu Chéreau paru en septembre 2019 (Fayard). Les auteurs ont d’ailleurs un site intéressant où ils déclinent concrètement leurs idées. 

Dans la rubrique livres, on peut aussi se réjouir de la publication en français du livre culte de Richard Louv sur le syndrome du manque de nature (Last Child in the Woods, Saving our children from nature-deficit disorder, 2008). En français, il s’appelle Une enfance en liberté, protégeons nos enfants du syndrome de manque de nature. Toutes les infos sur le site de l’éditeur. Et je ne n’hésite pas à faire mon auto-promo en vous renvoyant vers le billet sur mon livre Le Shinrin-yoku en famille paru en 2019.