Formation : les trois premiers jardiniers médiateurs et le premier DU

En prologue, une annonce. 

Demain, mardi 5 octobre, se tiendra en ligne une table ronde organisée par Jardins & Santé : « Un jardin à visée thérapeutique pour toutes les générations et pour tous les publics ». C’est de 19h à 20h30. J’animerai cette table ronde avec quatre invités :

  • Stéphanie Personne, conceptrice du Jardin des Possibles à l’Abbaye de Maubuisson (Val d’Oise)
  • Viviane Cronier, animatrice aux Jardins de l’Espérance à la Ciotat (Bouches du Rhône)
  • Bernard Pical, directeur du Parc des Camélias à Alès (Gard)
  • Pomme Jouffroy, médecin chef de service, initiatrice du jardin potager de l’Hôpital Saint-Joseph (Paris)

Inscrivez-vous ici 

Mélanie, Thomas et Stéphane : les pionniers des jardiniers médiateurs

Et maintenant, je vous invite à rencontrer Mélanie, Thomas et Stéphane, les trois premiers diplômés de la formation Jardinier Médiateur, une Spécialité d’Initiative Locale (SIL) du CDFAA de la Corrèze Brive-Voutezac. Ou comme elle est connue de tous, la formation créée par Emmanuel Coulombs, un enseignant passionné qui a soulevé des montagnes pour former des jardiniers avec une fibre sociale et thérapeutique.

Les stagiaires chez Gilles Clément

Mélanie : « J’ai envie de monter un tiers lieu autour du jardin »

Mélanie Grenaille est arrivée dans le groupe avec un parcours très riche dans le monde culturel et social. Après une licence en histoire de l’art, elle rencontre le public malentendant en travaillant dans une association de théâtre. Une licence professionnelle de médiatrice culturelle lui apprend les rouages du montage de projet et de la recherche de financements pour des projets aux frontières de la culture et de la santé. En 2016, elle obtient également le CAFERUIS (Certificat d’Aptitudes aux Fonctions d’Encadrement et de Responsable d’Unité d’Intervention Sociale), sésame pour gérer des structures médico-sociales.

La vie aussi est riche d’enseignements : une proche touchée par un cancer, un passage professionnel difficile lui donnent envie d’autre chose. C’est sur un Forum de l’Emploi qu’elle rencontre ce qu’elle cherchait en croisant Emmanuel Coulombs. « Ce qui me fait du bien à moi peut faire du bien à l’autre. Pour moi, c’est la nature, le jardin, observer les évolutions. Je suis petite fille de paysan, j’ai grandi à la campagne », raconte Mélanie. « Pour la formation, j’ai fait un contrat en alternance avec les Jardins de Colette, un parc floral dédié à l’écrivaine, près de chez moi en Corrèze. Mon projet a consisté à faire un diagnostic pour faire d’un endroit aujourd’hui peu utilisé un jardin de soin pour des femmes en oncologie. »

Quelques mois après la fin de la formation, que retient-elle de cette expérience ? « Je prends les formations comme des opportunités. La méthodologie de projet, je l’ai déjà. Avec cette formation, je suis entrée en contact avec des réseaux que je ne connaissais pas. Nous avions tous des attentes différentes et nous avons pioché des connaissances différentes. »

« Ma grossesse a modifié le curseur de mes ambitions ! J’ai toujours envie de monter un tiers lieu autour du jardin en incorporant tout ce que j’ai fait avant : l’insertion professionnelle, mes premiers amours avec la culture, l’écriture, des ateliers pour sortir des personnes du cadre médical. Aujourd’hui, cela me semble un peu vertigineux. » Pour l’instant, elle aimerait s’impliquer dans les Jardins du Cœur, un jardin d’insertion des Restos du Cœur.

Mélanie en action

Thomas : « Nous avons échangé avec beaucoup de belles personnes »

Thomas Boisseau et la discipline scolaire, ça fait deux. Il lui faut du sens. « Après un Bac Pro de géographe-géomètre, j’ai commencé un BTS dans ce domaine, puis j’ai travaillé à la SPA. J’ai eu envie de faire un BTS Aménagements Paysagers, mais je n’étais pas d’accord avec l’ensemble des profs qui disaient en gros « On fait comme ça parce qu’on a toujours fait comme ça ». Pour moi, une bâche plastique, des cailloux et trois plantes qui se battent en duel, ce n’est pas ça, un jardin. On fait beaucoup de mal, on empêche le vivant de s’installer. » Pour lui qui a grandi à la campagne et affectionne les balades en forêt, notre appartenance à la nature est une évidence.

Sur son chemin, il rencontre aussi des profs qui le passionnent. L’un d’eux l’introduit à Claude Bourguignon, agronome et grand spécialiste des sols. Un autre, « une personne géniale, un prof à l’affut », l’ouvre à l’idée de mêler nature et humain. « Toi, je te verrai bien jardinier médiateur », lui lance-t-il. L’idée parle à Thomas. « J’ai toujours eu un bon contact avec les gens, les enfants, les personnes âgées, des personnes en situation de handicap. Si on peut échanger, on peut apporter quelque chose. »

Il se lance dans la formation. Il prend comme lieu de stage le Relais Nature de la Moulinette près de La Rochelle où il vit depuis plusieurs années. Cette structure d’accueil propose une éducation à l’environnement et à l’écologie pour les enfants de la ville, mais aussi pour des personnes âgées et des promeneurs. Thomas y propose notamment des ateliers pour les classes en collaboration avec l’enseignant. De la formation, il retient les rencontres et les échanges. « On a beaucoup bougé dans toute la France. Nous avons échangé avec beaucoup de belles personnes, pas prétentieuses malgré toutes leurs connaissances. »

Depuis la fin de la formation, il n’a pas chômé et les propositions se bousculent. Il a travaillé un temps avec les Jardins du Cœur, avec la mission d’ouvrir vers l’extérieur un groupe d’une vingtaine de personnes en insertion avec des parcours très variés dans le maraichage. Actuellement, il a rejoint Adhoma, une société de services à la personne, pour proposer de l’éco-jardinage. « On veut utiliser mes compétences. Cette formation fait que je suis très demandé. »

Pendant la formation, un atelier au Jardin de la Passerelle avec l’association Hortiphonie

Stéphane : « Le jardin est un prétexte pour briser les inégalités » 

Après un BTS Aménagements Paysagers et une licence Géographie et Environnement obtenus au début des années 2000, Stéphane Locoche avait déjà une solide expérience en tant que jardinier au sein de la ville d’Albi avant de commencer la formation. Sans compter une expérience pendant deux ans à Québec. A son retour en France, il se rend compte que le service des parcs et jardins d’Albi a pris à bras le corps l’auto suffisance alimentaire et l’agriculture urbaine. Du coup, il exerce depuis début 2020 la fonction de jardinier médiateur. Sa mission est de faire le lien entre les projets qui se développent dans les quartiers – jardins partagés et jardins familiaux très demandés – et les élus.

« Ce qui m’a attiré dans la formation, c’est l’aspect social. Le jardin est un prétexte pour briser les inégalités et travailler sur le bien-être de tous, pour aller à la rencontre des habitants, dont certains ont des parcours difficiles ou des troubles du comportement », explique Stéphane. « La technique, je l’ai après 20 ans d’expérience. Mais pour le lien social, je me sentais moins légitime, moins en confiance. J’avais cette fibre sociale. J’avais besoin d’apprendre à me positionner, à aborder les personnes. »

Quels souvenirs garde-t-il de la formation ? Comme Thomas, il a été enchanté par les rencontres. « Nous avons passé dix jours à Chaumont-sur-Loire, Marion Mousset m’a beaucoup apporté. » Et puis il y a Emmanuel Coulombs ! « Manu est riche de pleins de valeurs, d’humanité et d’énergie. Il nous a transmis beaucoup. » De retour à Albi, Stéphane applique ces enseignements dans ses projets dans cette ville et ce service dynamiques. « J’anime des ateliers dans des jardins avec des habitants qui ont signé une charte du jardin et s’engagent à une certaine régularité. En arrivant toutes les semaines, on boit le café en se racontant les soucis et les joies. Puis on se lance dans le travail d’entretien, de plantation, de récolte, d’arrosage….Dans un quartier, j’interviens avec l’association Les mains sur terre. Dans un autre quartier, nous avons fait un jardin éphémère dans le cadre d’une rénovation et maintenant nous préparons le nouveau jardin. Nous avons un noyau dur de jardiniers. »

Trois stagiaires, trois parcours, trois trajectoires. Il ne fait aucun doute que cette formation les a marqués tous les trois. « La prochaine promo doit démarrer le 3 janvier », confirme Emmanuel Coulombs. « Il y a déjà pas mal de candidats, en fait presqu’uniquement des candidates ». Pour tout renseignement sur la formation de jardinier médiateur, contactez Emmanuel Coulombs : emmanuel.coulombs (at) educagri.fr ou 06 13 29 26 03. Voici la présentation du programme.

Stagiaires emmitouflés

DU Santé et Jardins

Quand je vous disais en mars 2021 que c’était l’année de la formation ! Jamais deux sans trois. Voici une nouvelle formation qui vient couronner cette année exceptionnelle.

Un DU tant attendu…Je me souviens en octobre 2012, à Chaumont-sur-Loire, entendre parler pour la première fois de cet espoir de créer un DU. Presque 10 ans plus tard, on y est.

Dans les mots de ces créateurs : « Réintroduire les espaces végétalisés dans les lieux de soin est aujourd’hui une démarche de santé publique reconnue au niveau international. Inspirés des effets documentés du végétal sur la santé, conçus et aménagés selon des critères fondés sur les preuves, les jardins de soin régulent le niveau de stress et le niveau d’attention. Ils développent les capacités cognitives et la relation sociale. Ils prennent soin des soignés aussi bien que des soignants. Véritables lieux de ressourcement, ils sont un levier de promotion de la santé au travail. Ils représentent une clé du management dans le champ du sanitaire et du médico-social au service de la performance du soin. Ils contribuent à la structuration de nouveaux parcours de soin.

On peut aussi noter que les politiques publiques prennent le tournant de l’écologie et s’inscrivent dans une démarche environnementale globale à l’échelle nationale. Elles invitent les établissements de santé à être acteurs dans ce domaine.

Ce nouveau diplôme universitaire est porté par le Jardin des Mélisses, l’association DanaeCare qui coordonne le Réseau Loire des Jardins de Santé – Délégation locale (42) de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé ( FFJNS ) et l’association Poisson Mécanique et en partenariat avec le Centre Référent de Réhabilitation Psychosociale ( piloté par le Groupement de Coopération Social et Médico-Social Rehacoor42 ) »

Pour tout renseignement et inscription (date butoir : 15 novembre 2021 pour une formation de janvier à juin 2022), voir la page de l’Université de Saint-Etienne

Deux nouvelles formations aux jardins qui soignent

2021, une année à marquer d’une pierre blanche pour celles et ceux qui veulent se former à la conception et à l’animation de jardins de soin, de jardins thérapeutiques ou de jardins à visée thérapeutique, ces trois termes étant tous utilisés pour suggérer les bienfaits du jardin pour des personnes fragilisées (sans marcher sur les platebandes des thérapeutes patentés).

Deux nouvelles formations, plus longues et mieux reconnues que les formations existantes, ont vu le jour cette année et accueillent leur première promotion. Une bonne nouvelle pour ces pionniers et les suivants, pour les établissements médico-sociaux et pour les futurs jardiniers qui pourront être toujours mieux accompagnés dans leur parcours de soin grâce à la nature.

Deux nouvelles formations qui nous montrent que les avancées se font sur des temps longs et sur des bases existantes bien enracinées. On parle de jardins, la patience est donc une vertu essentielle. Cette nouvelle étape est énorme et devra être suivie d’autres initiatives dans les années à venir. 

Pour l’instant, savourons notre plaisir et bravo aux deux initiateurs, Emmanuel Coulombs et Audrey Gueit, qui ont déployé tant d’énergie pour que ces deux formations voient le jour.

En Corrèze, une formation de Jardinier Médiateur

Emmanuel Coulombs, enseignant au lycée de l’horticulture et du paysage de Brive-Voutezac et membre fondateur de la Fédération Française Jardins Nature et Santé, portait le projet depuis un bon moment. Comme il le précise, « depuis près de 10 ans le lycée de l’horticulture et du paysage de Brive-Voutezac transmet aux étudiants en Aménagement Paysager l’importance de la nature et des jardins en particulier pour la Santé Humaine et la Cohésion Sociale. Après bien des rencontres et des visites de jardins de soins, de jardins partagés, de jardins d’insertion et de jardins pédagogiques, l’établissement a décidé de soutenir tous ces jardiniers incroyables en créant la spécialisation Jardinier Médiateur. »

La SIL (spécialité d’initiative locale) Jardinier Médiateur a ouvert ses portes il y a quelques semaines et accueille ses trois premiers stagiaires venus d’univers différents : un parc floral à vocation touristique, une collectivité territoriale et une ferme pédagogique. J’ai prévu de vous les présenter plus en détails quand ils auront terminé la formation et pourront nous en faire un retour avec un peu de recul.

Que couvre cette formation continue ? Ce titre professionnel est basé sur l’acquisition de quatre principales capacités : concevoir, créer, gérer et animer des aménagements paysagers et comestibles à visées sociales et/ou thérapeutiques. « L’Agroécologie et la Solidarité entre les formes du Vivant constituent le socle du référentiel professionnel de ces passeurs de biodiversité, ces « fournisseurs d’accès » aux bienfaits de la Nature », explique encore Emmanuel Coulombs. Vous l’avez compris le focus n’est pas uniquement sur les jardins à visée thérapeutique, mais aussi sur ceux dont la visée est sociale. Il semble intéressant en effet d’élargir les compétences de ce nouveau métier de « jardinier médiateur ». A noter que les stagiaires font un passage par le centre de formation du Domaine de Chaumont-sur-Loire, pionnier dans la formation aux jardins de soin en France depuis 2012.

Programme, référentiel, habilitation officielle, tous les détails sont ici et là. Pour tout renseignement complémentaire sur la formation et sur les prochaines sessions, n’hésitez pas à contacter Emmanuel Coulombs : emmanuel.coulombs (at) educagri.frou 06 13 29 26 03

Dans la Drôme, une formation « Conduire un jardin à visée thérapeutique, pour créer un lieu de bien être et d’activité » 

A Audrey Gueit aussi, il a fallu deux ou trois ans, pour faire émerger cette nouvelle formation. Mais là aussi, les racines sont bien plus profondes. Depuis près de 10 ans, le CFPPA Terre d’horizon de Romans-sur-Isère travaille en partenariat avec l’ADAPEI Drôme avec un objectif d’intégration et de partage entre le monde médico-social et le monde dit ordinaire. C’est tout naturellement par le biais du jardin, du jardinage et de la passion des végétaux que le CFPPA a créé des liens, des projets de jardins de soin dans plusieurs établissements et des classes intégrées en son sein.

Riche de ses compétences en jardins et de ses connaissances du monde médico-social, le CFPPA a décidé de créer la formation « Conduire un jardin à visée thérapeutique, pour créer un lieu de bien être et d’activité ». Cette certification de niveau Licence est une spécialisation reconnue par France Compétence, inscrite au Registre spécifique. Elle est répertoriée au CPF (compte personnel de formation) depuis janvier 2021. La formation comprend un total de 250 heures étalées sur 7 mois. Les principales capacités sont la conception et la gestion de jardin de soin ainsi que la création et l’animation d’activité au jardin auprès de personnes vulnérables. A noter que plusieurs membres de la Fédération Française Jardins Nature et Santé sont intervenant(e)s dans cette formation.

Elle ouvrira ces portes en avril 2021. Pour plus d’information, le site du CFPPA Terre d’horizon. Ou bien contactez Audrey Gueit au 04.75.71.25.10 ou audrey.gueit@educagri.fr

Et toujours….

Si vous cherchez une formation dans ce domaine, une source incontournable est le site de la Fédération Françaises Jardins Nature et Santé (rubrique Formations) qui en recense une douzaine, plus courtes que ces nouvelles venues et réparties dans toute la France.

Si vous cherchez une formation là, maintenant, tout de suite, je vous conseille la formation animée par Dr. France Criou-Pringuey du 24 au 26 mars au CFPPA de Carpentras, « Jardins thérapeutiques, des fondements scientifiques à la réalisation »

Si vous avez besoin de plus de bonnes nouvelles…

Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous cette information qui nous vient du Canada via Jeannine Lafrenière. Au Canada, des professionnels de santé peuvent désormais prescrire des moments dans la nature, « une cure de nature ». Cette pratique basée sur les preuves scientifiques est reconnue très officiellement. En Ontario depuis cette semaine comme le décrit cet article, mais aussi en Colombie Britannique depuis décembre 2020. Yes !

« Nous avons eu un intérêt incroyable pour le PaRx (Park Prescriptions), avec près de 500 prescripteurs inscrits de neuf provinces et territoires depuis son lancement il y a moins de trois mois », explique Melissa Lem, médecin de famille en Colombie Britannique et directrice de Park Prescriptions. « La plupart des prescripteurs inscrits sont des médecins de famille, suivis par des oncologues, des médecins d’urgence, des psychiatres et des infirmières. Nous avons également des psychologues, des physiothérapeutes, des pharmaciens, des ergothérapeutes, des chiropracteurs et des naturopathes inscrits ». Une initiative inspirée d’un programme similaire en Californie…et qui devrait inspirer à son tour d’autres pays…