L’horticulture thérapeutique se fédère en Europe : Fiona Thackeray et Leila Alcalde font le point

Ce tout dernier article est porteur d’un grand espoir. Depuis quelque temps, se tiennent des réunions réunissant des individus et des associations de toute l’Europe : Royaume-Uni, Espagne, Italie, Allemagne, Suisse, Autriche, Belgique, France, Portugal, République Tchèque et la porte reste ouverte…

Une partie du groupe lors d’une réunion en Allemagne

« Nous nous sommes réunis parce que nous voulions partager nos idées, nos connaissances et nos bonnes pratiques. Nous avons compris qu’en travaillant ensemble, nous pouvions obtenir bien plus que ce que nous aurions pu faire individuellement en travaillant de manière isolée », explique Fiona Thackeray qui a contribué à lancer le mouvement.

Les fidèles de ce blog ont fait la connaissance de Fiona Thackeray pour la première fois en 2015, puis l’ont retrouvée lorsque Trellis, l’association qu’elle dirige en Ecosse, a lancé les Trellis Seminar Series. Cette conférence en ligne rassemble pendant trois jours en mars des hortithérapeutes du monde entier. Déjà cette envie de rassembler qui s’est aussi incarnée dans l’organisation depuis deux ans du World Therapeutic Horticulture Day (WTHD).

Pour cette double interview, Fiona était en compagnie de Leila Alcalde Banet que j’avais décrite en 2022 comme la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine. Formée et exerceant en Angleterre, Leila a cofondé l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica).

Si vous êtes très pressée, tout est dit dans cette vidéo commune créée à l’occasion des 50 ans de l’AHTA en 2023 et décrivant la coopération européenne dans le champ de l’hortithérapie. Si vous avez un petit moment et que vous voulez savoir comment le projet a évolué depuis un an, écoutez Fiona et Leila en parler. Quel plaisir de terminer cette aventure de 12 ans avec un entretien avec ces deux femmes extraordinaires et inspirantes.

Fiona et Leila, d’où est venue cette envie de se rassembler ?

Fiona. C’est un problème universel dans notre domaine : l’isolement des professionnels entrave leur développement. Trellis s’est toujours vue comme une organisation professionnelle de substitution parce que c’est beaucoup plus facile pour les professions organisées comme les médecins, les infirmières ou les enseignants qui peuvent se rencontrer entre pairs. Ils peuvent se féliciter de leurs succès, se plaindre des difficultés et partager entre eux. Mais dans notre profession, être isolée au sein de l’hôpital ou de l’institution peut retarder le développement.

Pendant le Covid, quand nous avons remplacé notre conférence traditionnelle par des séminaires en ligne, nous avons vu à quel point les participants et les participantes apprenaient dans les présentations. Cela leur montre combien ils ont en commun. Nous faisons partie du même mouvement, nous faisons les mêmes choses ici qu’en Islande ou dans les Caraïbes. Mais aussi « Wow, vous faites ça, je n’y aurais jamais pensé, j’ai appris quelque chose de nouveau ». C’est fondamental et inspirant.

Naturellement nous avions plus de contacts en Europe et nous sommes restés en contact après la première année de séminaires en ligne. Et puis nous nous sommes rendues à un évènement organisé par IGGT (Internationale Gesellschaft Gartentherapie) en Allemagne. C’est là que l’idée de formaliser ce groupe est arrivée, même si c’était déjà en cours car Andreas (Niepel, président de IGGT) gérait déjà un groupe informel. C’est le Covid et la capacité de se rencontrer en ligne sur Zoom qui a permis de formaliser les choses.

Je me suis éloignée de la question. Essentiellement, c’est l’isolement des professionnels qui est au cœur de notre démarche !

Leila. Dans mon cas comme je suis Espagnole et que je vis au Royaume-Uni, je peux ressentir l’isolement. Avec l’association espagnole, c’est ce que je voulais faire. Par exemple, nous avons une réunion mensuelle pour rester en contact. Et par ailleurs, je voulais me mettre en contact avec des gens dans d’autres pays pour apprendre d’eux. Nous avons l’impression que les Etats-Unis sont une sorte de modèle que nous essayons de suivre et en fait on se rend compte qu’eux aussi se battent toujours pour se réunir.

D’où l’idée de commencer ce groupe européen. Nous savons que c’est difficile car nous voulons faire tant de choses. La volonté est là, mais ce sera long. C’est important de se rassembler, d’avoir un organisme et de contribuer au développement des compétences. Le modèle américain ne sera peut-être pas pertinent pour nous en Europe.

Fiona. Si je peux ajouter quelque chose, nous voyons beaucoup de recherche sur les interventions basées sur la nature et le « green care », avec une popularité croissante depuis que tout le monde a passé du temps confiné à l’intérieur pendant le Covid. Cela a ajouté une urgence à notre inquiétude qu’il n’y ait aucun standard de qualité. Nous y travaillons depuis un moment et nous aurons bientôt une qualification professionnelle approuvée en Ecosse. Cela fait bientôt deux décennies que nous souhaitons avoir une organisation professionnelle ! Malgré tout, il y a encore des gens qui n’ont jamais entendu parler de nous. Le jardin thérapeutique reste une intervention de niche que peu de gens connaissent. Le manque de reconnaissance, comme l’isolement, font obstacle aux financements, au développement professionnel et à l’échange des pratiques.

En parallèle d’établir un organisme professionnel et des standards de qualité en Ecosse et au Royaume-Uni en général car nous travaillons avec Thrive, nous avons vu que si nous pouvions établir des standards au niveau de l’Europe, de manière souple, ce serait une façon de gérer ces gens qui prétendent faire de la thérapie sans aucune formation. C’est inquiétant. Nous pensons que c’est bénéfique d’avoir ce mouvement européen avec des standards communs. Ce sera d’une grande puissance.

Quelles sont vos priorités ?

Fiona. La priorité, ce sont les connexions, l’échange, apprendre les unes des autres. Mais nous avons beaucoup travaillé pour nous mettre d’accord sur les compétences essentielles, les core competencies. C’est le travail que Leila a pris à bras le corps depuis un an. Je vais la laisser en parler.

Leila. Quand nous nous sommes rencontrées l’an dernier, nous avons décidé de nous focaliser sur quelques points pour commencer à avancer. Les compétences essentielles étaient le point important. Cela nous a pris presqu’une année. Nous avons partagé les compétences couvertes dans nos différentes formations et nous avons identifié celles qui étaient communes dans tous les pays. A partir de cette liste, nous les avons réduites à cinq grandes compétences pour simplifier. Nous en sommes maintenant à déterminer le nombre minimum d’heures de formation nécessaires pour acquérir ces compétences et être reconnue comme une professionnelle dans chaque pays.

Si quelqu’un se forme en France par exemple et déménage en Allemagne, nous voulons que la formation soit reconnue. C’est un point qui nous semble important et utile pour la profession.

Pour l’instant, les cinq domaines fixés entre les participantes aux réunions sont : santé humaine et bien-être, connexion à la nature et horticulture thérapeutique, connaissances de base en horticulture et jardinage, gestion d’un groupe thérapeutique, programmation des activités.

Fiona. En Ecosse, nous avons développé une liste de compétences car nous voulions voir ce que faisaient déjà les différentes formations existantes. Nous voulions voir où étaient les lacunes et ensuite nous avons écrit de nouveaux modules. Nous avons partagé ce travail avec le groupe européen pour en faire un point de départ. Nous avions trois domaines : l’horticulture, la santé et le soin et l’horticulture thérapeutique. Avec les différentes perspectives dans le groupe européen, nous en sommes arrivés à cinq compétences. C’est un énorme travail de triangulation qu’ont fait Leila et Ania (Balducci).

A notre réunion en mars, nous avons aussi discuté du vaste panel de formations en Europe. En Italie, il y a un master et uniquement un master (à l’Université de Bologne, ndlr). Ailleurs, ce sont des diplômes de techniciens. Nous avons décidé de nous concentrer sur les compétences de base, plutôt au niveau technique.

Leila. Oui, c’est cela. Par exemple, en Espagne, la formation n’est pas reconnue. Nous ne formons pas les gens pour devenir des praticiens. C’est encore nouveau. Nous voulons simplement partager une compréhension du domaine. Nous formons principalement des professionnels, des psychologues, des ergothérapeutes par exemple. Nous voulons avoir des formations au niveau universitaire et ce travail nous donne un modèle.

La question des niveaux de formation est importante. Nous sommes d’accord que les « praticiens » sont un niveau intermédiaire.  Au-dessus, il y a les formations au niveau master pour former des experts. Certains pays ont des formations de 200 heures et d’autres de 80 heures. Nous voulons aussi avoir une idée claire des pays qui ont des formations reconnues officiellement.

Fiona. Le travail de notre groupe permet d’alimenter ces discussions sur les définitions et le besoin d’organisations professionnelles. C’est un bon échange, c’est productif.

Leila. A la dernière réunion, nous avons commencé à voir la lumière au bout du tunnel. Nous avions commencé avec une idée et là on commence à y voir plus clair.

Fiona. C’est un énorme travail qu’a fait Leila. Elle a tout mis dans un grand tableau.

Leila. Oui, j’ai rentré toutes les compétences par pays en surlignant celles qui étaient le plus souvent présentes. Quelqu’un a suggéré qu’on regarde les cinq principales. On a bien avancé. En résumé, nous voulons définir des exigences minimales pour se définir comme professionnelles quelque soit le mot utilisé dans chaque pays. Par exemple, au Royaume-Uni, on parle de « practioniers » et ailleurs il y a d’autres mots. Nous voulons savoir que, quelque soit le nom, on est au même niveau de compétences, qu’on a étudié les mêmes sujets.

Fiona. Oui, nous avons essayé de ne pas nous enliser dans la sémantique et nous y sommes parvenues. Nous voulons savoir ce que nous faisons qui est commun.

En lançant ce mouvement européen, il est aussi utile de regarder comment évolue le modèle américain qui, bien que plus ancien, connaît ses propres difficultés.

Fiona. Oui, j’ai lu un article qui parlait de l’avancement de l’horticulture thérapeutique aux Etats-Unis. Dans l’article de Derrick Stowell et al. qui est une enquête des membres d’AHTA (voir ci-dessous), ces derniers se plaignaient beaucoup et cela peut nous aider. Ils se plaignaient que l’AHTA faisait les choses d’une manière qui leur rendait la vie plus difficile et aussi ils attendaient des choses que l’AHTA ne faisait pas et que nous sommes déjà en train de faire. C’est bon de savoir que les praticiens partout dans le monde veulent ces mêmes choses.

Les membres étaient frustrés que la profession ne se soit pas développée autant que d’autres professions qui ont commencé en même temps ou même plus récemment (comme la recreational therapy). Parce que les Etats-Unis sont si grands, c’est difficile de se déplacer pour les formations même si maintenant il y a plus de formations en ligne. Donc les membres étaient frustrés que la profession ne soit pas plus reconnue, que la rémunération soit si basse. Il y avait une frustration de ne pas plus échanger entre professionnels, de ne pas plus se réunir. Et là, en Europe, nous faisons les choses correctement !

Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, nous n’avons pas d’association professionnelle, toutes les formations. Mais  nous notons qu’un pays qui a une association professionnelle a aussi des difficultés. Nous avons déjà prévu d’éviter certains problèmes en mettant en place certaines structures/politiques réclamées par les membres américains, et nous devrons en éviter d’autres en tirant les leçons de leur expérience. Mais nous avons tellement de choses en commun que c’était très instructif.

(Dans son intervention au IPPS (International People Plant Symposium) à Reading en juillet 2024, Fiona a donné une présentation intitulée « Growing a global network to help therapeutic horticulture groups flourish » où elle a présenté les avancées du WTHD. Dans sa présentation, elle s’appuie sur deux articles que voici avec un accès au texte complet. Et un constat : d’autres professions se sont structurées et « imposées » plus rapidement que l’hortithérapie ou horticulture thérapeutique.

Wood, C., Bragg, R. and Morton, G., (2024). A qualitative study of the barriers to commissioning social and therapeutic horticulture in mental health care. BMC Public Health. 24 (1), 1197-

Stowell, D.R., Mark Fly J., Klingeman, William E., Beyl, C.A., Wozencroft, A.J., Airhart, D.L., and Snodgrass, P.J. (2021). Current State of the Horticultural Therapy Profession in the United States. Hortechnology. )

Mais au fait, comment s’appelle cette nouvelle organisation, ce mouvement ?

Fiona. Nous avons évolué à partir d’une initiative d’IGGT. Il faut maintenant trouver un nom pour ce « réseau européen ».

Leila. J’ai suggéré la coalition des praticiens ou des entités européennes. Sans doute quelque chose avec le mot « network » ou « coalition ».

Pour revenir à la sémantique un instant, on sent qu’on s’éloigne du terme « horticultural therapy » dans le monde en ce moment et que le terme « therapeutic horticulture » est plus en vogue. A quoi correspond ce changement ?

Fiona. En effet, nous utilisons intentionnellement le terme « therapeutic horticulture ». Car il y avait des formations qui utilisaient « hortitherapy », mais il n’y avait aucun apport sur la thérapie dans leur programme. « Therapist » est un terme qui est légalement protégé et il y a des organismes qui accréditent ces thérapeutes. Ils ont fait ce que nous cherchons à faire : créer un standard qui rassure les gens qui cherchent leur aide que ce sont des professionnels qui ont la formation appropriée. Nous ne recherchons pas une régulation légale dans notre cas, mais nous cherchons à avoir une accréditation qui garantie un certain niveau de formation. Nous évitons les termes « therapy » et « therapist » qui impliquent un niveau master. C’est au-delà de ce que nous proposons de créer et nous ne voulons pas suggérer que c’est équivalent. Ce serait une affirmation dangereuse.

Leila. C’est la même chose en Espagne, on ne peut pas utiliser le mot « therapy » sans un diplôme universitaire d’un certain niveau. C’est un soulagement car autrement cela introduit de la confusion.

Fiona. C’est un compromis. « therapeutic horticulture » est un terme long, que les gens ne connaissent pas. Mais au moins, nous ne faisons pas de fausses affirmations. La représentante belge dans notre dernière réunion exprimait sa frustration car maintenant on forme en Belgique des « hortitherapists » avec des formations courtes et, en tant qu’ergothérapeutes, elle n’est pas d’accord. L’idée est d’avoir un niveau commun de compétences qui est sûr, pour « ne pas faire de mal ».

En plus du grand chantier de la formation, quels autre projets avez-vous envie de lancer ?

Leila. Nous sommes vraiment concentrés sur le projet des compétences essentielles. Pour le reste, nous verrons après. Mais nous utilisons déjà nos réunions pour partager ce qui se passe dans chaque pays. Ania Balducci par exemple a invité un universitaire du département de l’agriculture de Milan. C’est un paysagiste qui a fait des études sur les éléments thérapeutiques du jardin.

Car c’est un autre aspect dont nous avions parlé lors de notre rencontre en Allemagne : labelliser les jardins thérapeutiques. Un jardin pourrait être bénéfique, mais pas thérapeutique. En Espagne, nous disons qu’un jardin thérapeutique est là où a lieu la thérapie. Pour l’instant nous avons mis ce sujet de côté. C’est un des sujets potentiels.

En parlant d’Europe, j’avais envie qu’on revienne sur le master créé cette année en Ukraine qui a été présenté pendant le Trellis Seminar Series 2024.

« Le premier programme éducatif et scientifique interdisciplinaire « Garden Therapy » en Ukraine » est le titre de l’intervention d’Olesia Prokofieva, qui dirige le département de psychologie à la Bogdan Khmelnitsky Melitopol State Pedagogical University et qui est l’une des créatrices du premier master « Garden Therapy » en Ukraine. Je vous invite à écouter son intervention enregistrée en mars 2024. En 2023, ce master n’était encore qu’un projet, aujourd’hui c’est une réalité. Si réel que vous pouvez lire les retours de la première promo dans le document Sowing the Seeds disponible sur le site de Trellis. Sept femmes aux parcours variés – enseignantes, médecin, psychologues, guide touristique,…- qui racontent leur envie de se former à l’horticulture thérapeutique. Fiona explique qu’une chaine de solidarité internationale s’est mise en place pour aider les créatrices du master ukrainien avec des coups de pouce, de l’Autriche à l’Allemagne, de l’Ecosse aux Etats-Unis.

On peut retrouver toutes les vidéos du Trellis Seminar Series 2024 en ligne.

Au-delà de l’Europe, le World Therapeutic Horticulture Day est en train de devenir le jour où on parle du sujet sous toutes ses formes partout dans le monde.

Fiona. Il n’y a pas de reconnaissance sans prise de conscience. Aux Etats-Unis, on a essayé il y a quelques années d’obtenir la reconnaissance, en Ukraine également. Cela n’a pas marché. Aux Etats-Unis, la raison du refus était qu’ils ne pouvaient pas dire combien il y avait de professionnels dans le domaine !

Mais plus on en parlera et plus les gens en auront connaissance, rechercheront cette intervention, la financeront…Et ils ne diront plus « quoi ? » quand ils en entendront parler la prochaine fois. C’est l’intention derrière le WTHD. Et c’est aussi devenu un réseau de connexions, des gens qui se mettent à se parler alors qu’ils ne seraient jamais rencontrés sans cela. La carte du monde se remplit des nations en vert qui participent. Il y aura un WTHD en 2025.

Leila. Nous utilisons cette journée pour organiser des rencontres en ligne. Il y a des pays où les praticiens sont encore plus isolés. C’est une idée géniale. Cette année, c’est devenu encore plus important et ça va continuer à grandir.

Je vous renvoie à une vidéo présentant la journée, le 18 mai de chaque année désormais.

Vous étiez toutes les deux à IPPS en Angleterre ?

Fiona a parlé des retombées du WTHD lors de sa présentation au IPPS (International People Plant Symposium) à Reading en juillet 2024 et voici la trame de sa présentation.

Leila. Je pense que le sentiment a été très positif parce que ce genre de réunions n’existait pas en Europe. Nous avons la chance d’avoir des gens qui sont venus de Corée du Sud, du Canada, des États-Unis ou du Pérou, ainsi que des pays européens. Par ailleurs, le secteur suscite de plus en plus d’intérêt, je pense donc qu’il s’agit d’une combinaison des deux.

Une étude française de premier plan

Je ne peux pas conclure sans un mot sur une étude française, qui était présente à IPPS 2024, une étude randomisée qui vient confirmer l’impact positif d’ateliers d’hortithérapie sur l’anxiété pendant une hospitalisation en psychiatrie. Les résultats de l’étude “plaident en faveur de l’intégration de l’hortithérapie dans les pratiques infirmières psychiatriques”.

“ Impact of horticultural therapy on patients admitted to psychiatric wards, a randomised, controlled and open trial” est une étude lancée dès 2015 à la création du Jardin des Mélisses au CHU de Saint-Etienne. Bravo à toute l’équipe pour ce travail de longue haleine.

Yes !

Kirk Hines : motivé comme au premier jour après 30 ans d’expérience

Si vous lisez ce blog depuis ses débuts – c’est-à-dire depuis 2012, le nom de Kirk Hines devrait vous dire quelque chose. En juillet 2012, il nous avait parlé de son travail à Wesley Woods Hospital dans la ville d’Atlanta aux Etats-Unis. Il y avait créé dès 1993 un programme d’hortithérapie, intégré dans le département de rééducation et adapté aux quatre unités de cet hôpital accueillant des personnes de plus de 65 ans (médical, psychiatrie, neuropsychiatrie et soins intensifs de longue durée). Deux ans plus tard, nous l’avions retrouvé dans une nouvelle institution, A. G. Rhodes, où il était en train de développer un nouveau programme d’hortithérapie toujours au service de personnes âgées.

Alors qu’A. G. Rhodes, une institution à but non lucratif, s’apprête à fêter ses 120 ans cette année, Hirk peut, quant à lui, faire le bilan de 30 ans d’activité en tant qu’hortithérapeute. Pourtant loin d’être tournée vers le passé, notre conversation a surtout porté sur un nouveau projet enthousiasmant que je laisse Kirk, directeur de l’hortithérapie à A. G. Rhodes, vous dévoiler.

« Change is the only constant », annonce-t-il d’emblée. Il est installé dans une serre qu’il utilise pour ses activités sur l’un des trois sites que compte actuellement A. G. Rhodes (un site à Atlanta où il passe deux jours par semaine, un autre à Wesley Woods qui bénéficie aussi de sa présence deux jours et enfin un site dans le comté de Cobb où il pratique un jour par semaine). Je viens de lui demander de résumer la décennie depuis notre dernière conversation. « Lorsque que j’ai quitté mon ancien établissement après 21 ans car il se recentrait sur la psychiatrie adulte, j’ai eu la chance que mon ancien employeur et le nouveau aient de bonnes relations. Cela m’a permis de récupérer mes serres, mes plantes, mon équipement et les fonds que nous avions collectés. »

Kirk Hines (debout) avec un patient sur le site A.G. Rhodes d’Atlanta

Un hortithérapeute en temps de Covid

A son arrivée sur les trois sites, Kirk a commencé à installer des jardins thérapeutiques, mais aussi à améliorer l’environnement extérieur pour le rendre plus accueillant, plus chaleureux pour les personnes hospitalisées, leurs proches et le personnel. Cet investissement s’est révélé particulièrement utile pendant la période du Covid. « Pendant les périodes de confinement où les familles ne pouvaient pas entrer dans l’établissement, des rencontres ont eu lieu dans les jardins. Pendant cette période, j’ai aussi pratiqué ce que nous avons appelé « doorway therapy », la thérapie à la porte. Je m’installais, masqué et équipé dans le couloir, et nous faisions une séance d’hortithérapie avec le patient dans sa chambre ». Pour rappel, Kirk pratique de longue date des séances au chevet du patient.

Le Covid n’est pas uniquement un lointain souvenir. « Quand le nombre de cas augmente, nous nous adaptons. Parfois nous pouvons refaire des groupes et d’autres fois seulement des activités individuelles. Ou bien un entre deux où nous pratiquons la bonne distanciation sociale. Heureusement aujourd’hui les gens sont vaccinés. »

Il est seul à porter le programme avec quelques bénévoles. « Mais le Covid a impacté la participation des bénévoles. Je dois donc concevoir les espaces qui demandent le moins d’entretien possible. Oui, j’aimerais avoir des internes. Mais ce n’est pas facile quand on se déplace sur tout un territoire. » Ajoutez à cela de nombreuses conférences sur l’hortithérapie et le travail sur un nouveau projet depuis trois ans, on comprend que Kirk est bien occupé.

Atelier avec des fleurs coupées

Des bienfaits reconnus par l’institution

Avec son collègue musicothérapeute, Kirk collabore depuis 30 ans. Vous pouvez lire ici comment A. G. Rhodes présente ces deux interventions non médicamenteuses. « L’hortithérapie comprend des activités horticoles animées par un thérapeute agréé pour atteindre des objectifs de traitement spécifiques et documentés. Par exemple, la plantation d’herbes aromatiques aide à augmenter la stimulation sensorielle, l’arrosage aide à améliorer les capacités motrices et le jardinage en groupe aide à réduire l’isolement et la dépression », explique l’institution. Les bienfaits de l’hortithérapie sont détaillés ici et comprennent les impacts positifs bien connus sur les sphères cognitives, sociales, physiques et psychologiques. Quant aux collègues que côtoie quotidiennement Kirk, ils ont pris l’habitude de le voir en pleine activité avec les participants. Dans cette institution, les soignants restent longtemps. Certes, il faut toujours faire des efforts pour parler de l’activité et « éduquer » les équipes. Mais l’hortithérapie a trouvé sa place auprès des autres interventions thérapeutiques. Elle attire aussi l’attention des média locaux, en voici un exemple.

Un nouveau bâtiment et ses deux jardins sortent de terre

Convaincu par l’importance de l’hortithérapie, A. G. Rhodes a intégré cette thérapie au cœur d’un nouveau bâtiment qui sera inauguré cette année sur le site du comté de Cobb. « Notre nouveau bâtiment est un projet en réflexion depuis 10 ans. Son architecture est spécialement conçue pour accueillir des personnes qui ont des troubles cognitifs, ce que nous appelons « memory care ». Notre équipe s’est rendue en Hollande pour étudier les pratiques là-bas. L’idée est de créer une communauté plutôt qu’un hôpital », explique Kirk. Voici trois ans que la conception des jardins a commencé avec une équipe composée d’un architecte paysagiste et de paysagistes extérieurs. « Avec cette équipe créative, nous avons conçu l’aménagement paysager et deux nouveaux jardins thérapeutiques spécifiques, un pour la rééducation et l’autre pour les troubles cognitifs. »

Kirk rentre dans les détails. « Un jardin est dédié à la rééducation physique où travailleront des ergothérapeutes, des kinés, des orthophonistes et bien sûr l’hortithérapeute. Ce jardin est conçu pour être utilisé de manière active ou passive. Son point central est une pièce d’eau. Nous avons aussi pris soin de laisser beaucoup d’espace. Ce n’est pas seulement l’accessibilité aux fauteuils roulants, mais aussi le fait que lorsque nous organisons des évènements, c’est parfois trop bondé. Comme l’espace est conçu pour accueillir plusieurs activités (un espace pour un terrain de bocce, un jeu de horseshoe et de lancer de bean bags pour travailler l’amplitude des mouvements et l’équilibre dynamique), il faut avoir de l’espace. Des surfaces de plusieurs sortes permettront de faire de la rééducation dans les conditions qu’ils retrouveront à l’extérieur : pierres, asphalte, briques, ciment,… Nous aurons aussi des chaises et des espaces pour s’asseoir, des parasols et bien sûr des jardinières à hauteur. L’idée est de solliciter tous les sens. Ce sera un jardin très fonctionnel pour que les thérapeutes s’en servent avec les patients, mais aussi un jardin dont on pourra simplement profiter en s’y posant. »

Les personnes accueillies seront en soins « subacute ». « En « acute care », les personnes doivent pouvoir supporter trois heures de thérapie par jour. C’est souvent trop pour des personnes âgées. En « subacute care », ils arrivent de l’hôpital et font de la rééducation pour ensuite retourner vivre chez eux ou bien dans un établissement moins intensif ». En ce moment, les abords du nouveau bâtiment sont en ébullition : on plante des arbres, on s’affaire sur la finition de la pièce d’eau et l’irrigation est en cours d’installation (rappelons-nous que Kirk doit gérer seul l’entretien – sur les sites existants, il a installé après coup des systèmes d’irrigation intégrés).

Un nouveau jardin dédié au memory care

Et puis il y a le jardin dédié au « memory care » (un accompagnement plus approprié pour procurer un environnement sécurisé à des personnes touchées par des troubles cognitifs importants). A savoir que les deux jardins sont justement « sécurisés » grâce à des clôtures invisibles car elles sont entourées de plantes des deux côtés. Dans ce nouveau service de « memory care », on accueillera des résidents à long terme à partir de 65 ans, mais plus typiquement entre 80 et 90 ans.

« Les allées ramènent toujours au point de départ. Les espaces ont du sens et on ne peut pas s’y perdre. Nous avons conçu des espaces pour s’asseoir, choisi des plantes stimulantes, installé un pavillon de jardin, un cabanon pour les outils, des jardinières adaptées. Et aussi un système son pour mon collègue musicothérapeute. Nous cherchons d’ailleurs des éléments appropriés pour faire de la musique au jardin. Une pièce d’eau apporte aussi une stimulation sonore », détaille Kirk. Par ailleurs, chaque « communauté », des unités de 12 personnes, aura accès à un balcon sécurisé avec des jardinières et à un solarium.

Le nouveau bâtiment représente un coût de 32 millions de dollars, financé notamment grâce au soutien de la communauté et à des membres du conseil d’administration très connectés. Le volet « hortithérapie » du projet a bénéficié de sa propre campagne de levée de fonds, « Seeds for Seniors ». Rien ne vous empêche d’y contribuer d’ailleurs ! Dans une pratique assez répandue aux Etats-Unis, il est possible de voir sa contribution concrétisée dans une brique estampillée « In memory of…. » or « In honor of…. ».

« Nous avons aussi profité de Giving Tuesday. C’est une journée après Thanksgiving en novembre, en réaction au consumérisme du Black Friday. Les associations à but non lucratif parlent de leurs besoins et reçoivent des dons. Une autre forme d’aide me vient de Trader Joe’s, une chaine de supermarchés, qui me donne des fleurs coupées et des plantes. Les patients adorent. » Ci-dessous, le jardin de « memory care » à l’heure actuelle.

30 ans de recul sur le monde de l’hortithérapie

« Un défi pour moi à A. G. Rhodes a été de travailler avec les mêmes patients pendant 10 ans alors qu’en « acute care », j’étais habitué à les prendre en soin pendant deux semaines. D’une part, on bâtit une relation plus personnelle. D’autre part, il faut apporter de la nouveauté et garder de la fraicheur aux activités. Je m’inspire de visites dans des jardins botaniques et des pépinières et bien sûr de lectures en ligne pour trouver de nouvelles plantes et de nouvelles idées », explique Kirk.

Plus globalement sur l’état de l’hortithérapie, le bilan est cependant mitigé. « Une tendance est qu’il y a moins de programmes de formation dans les universités que quand j’ai commencé il y a 30 ans. On voit plutôt des programmes de formation accrédités par des universités ou par l’AHTA. » Pour sa part, il a obtenu une licence en horticulture ornementale (avec une concentration en hortithérapie) au Berry College en Géorgie en 1992 et a effectué son stage en hortithérapie à l’hôpital régional de Géorgie du Nord-Ouest avant de rejoindre Wesley Woods Hospital of Emory Healthcare pour y créer son premier programme en 1993. Il a été membre du conseil d’administration national de l’AHTA, membre fondateur du conseil d’administration du chapitre Géorgie-Alabama de l’AHTA et président de 1999 à 2002.

« Quand j’étais un « bébé thérapeute », je pensais que l’hortithérapie allait continuer à se développer et gagner en reconnaissance. Malgré la masse critique de recherche, ce n’est pas tout à fait le cas. Je comprends que ce soit dur pour des universités de proposer des formations quand il y a si peu de débouchés sur le marché du travail. L’autre sujet est que d’autres thérapies comme l’ergothérapie, la kiné et l’orthophonie sont remboursées. Mais ce n’est toujours pas le cas pour l’hortithérapie, la musicothérapie ou la thérapie récréative. Du coup, les hôpitaux ne les proposent pas puisque ce n’est pas rentable. »

Kirk continue à pousser une idée qui était déjà importante pour lui il y a 10 ans. « J’ai toujours expliqué à A. G. Rhodes que le remboursement n’est pas la seule manière d’impacter le résultat financier. Avoir de bons résultats pour les patients, contribuer à la satisfaction des familles, améliorer notre attractivité est aussi très important. » Clairement, il a été écouté puisque ce nouveau bâtiment sera doté de jardins et d’aménagements paysagers réfléchis contribuant à l’environnement thérapeutique et au plaisir.

Une autre tendance, qu’il repère dans des discussions ici et là, est l’importance grandissante de la qualité de vie et de l’approche centrée sur la personne. Il s’explique. « Les autorités de l’état de Géorgie qui nous régulent accordent de plus en plus d’importance à la qualité de vie des patients. Ce ne sera pas un changement rapide, mais il y aura une évolution dans le futur. D’autre part, je vois aussi un intérêt grandissant pour le soin centré sur la personne : choisir ses repas et son rythme ou avoir son animal de compagnie par exemple. A. G. Rhodes avance déjà dans ce sens. Notre personnel est formé et nous sommes certifiés par The Eden Alternative (leur credo est le « bien-être est un droit humain »). On s’éloigne d’un environnement clinique, stérile et on parle de vivre sa vie pleinement, de continuer à s’épanouir (thrive, en anglais, en écho à l’association anglaise, NDLR). »

Un bilan en demie teinte qui apporte cependant une note d’espoir. Rendez-vous dans 10 ans pour en discuter ?

Activités sur le site d’A.G. Rhodes Atlanta

Activités sur le site d’A.G. Rhodes dans le comté de Cobb (dont une séance de « doorway » therapy »)

Activités sur le site de Wesley Woods

Se former à l’hortithérapie aux quatre coins du monde

La formation est au cœur de la reconnaissance de toute pratique et donc bien sûr de l’hortithérapie. Une matière qu’on n’enseigne nulle part – même officieusement, même hors des canaux traditionnels de l’enseignement – peut-elle vraiment exister ? Comment peut-elle avoir une place officielle, se transmettre, évoluer ? La formation est une condition nécessaire même si elle n’est pas suffisante.

En France, nous avons franchi une étape avec la création récente du Diplôme Universitaire (DU) Santé et Jardins à la Faculté de Médecine de l’Université de Saint-Etienne. Plus globalement, je vous renvoie à la rubrique Formations du site de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé qui répertorie les formations courtes disponibles en France. Soit une bonne douzaine de formations dont certaines ont été créées il y a plus de 10 ans. Cependant, il n’existe toujours pas de diplôme d’hortithérapie en France.

Alors est-ce que se former ailleurs dans le monde est une option ? Il y a évidemment certains obstacles non négligeables (la langue, le financement, le visa,…), mais c’est une possibilité. Pour savoir ce qui existe hors de nos frontières, une première étape serait de se référer à un article que j’ai publié en mars 2023 sur les 14 associations qui font bouger l’hortithérapie dans le monde. Elles listent à coup sûr les ressources en formation dans leurs pays respectifs.

Voici quelques pistes en Europe (Royaume-Uni, Autriche, Suède, Espagne et en Italie), aux Etats-Unis, au Japon ou en Australie.

Se former au Royaume-Uni

Une option, géographiquement proche, est le Royaume-Uni où existent au minimum deux bonnes options : Thrive et Trellis.

Pour Thrive, le point de départ est cette page où l’on peut faire une recherche selon plusieurs critères : le format (en ligne, en classe à Londres, Reading, Bristol ou Birmingham ou en hybride), le niveau (introduction à enseignement supérieur) ou la spécialisation (santé mentale, troubles de l’apprentissage, enfants, seniors,…). La formation la plus aboutie et approfondie est le Diploma in Social and Therapeutic Horticulture. En effet, cette formation de niveau 5 se prépare en deux ans, chaque année étant composée de 60 crédits, soit 600 heures d’enseignement. A noter que la formation n’est pas certifiée par l’OFQUAL.

Du côté de Trellis, vous trouverez des ateliers disponibles en ligne qui s’apparentent plutôt à des formations continues courtes qu’à des formations initiales. Voici la liste de ces opportunités, surtout les LIVE Demonstration et les sessions en ligne GROWING SERIES.

Il est intéressant de voir comment un site gouvernemental anglais comparable à l’Onisep décrit la profession de « horticultural therapist ».

Une partie des formations proposées par Thrive en Angleterre

Se former en Autriche

La Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik (Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale) à Vienne propose un programme « expert académique en thérapie par le jardinage » et un Master Green Care. Birgit Steininger, chargée de cours et rattachée à la direction de la formation de l’école viennoise, nous en avait expliqué le principe en 2022.

« Nous sommes un collège universitaire qui forme des enseignants. Ce que nous avons créé au sein du Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale, et en collaboration avec la faculté de médecine, est un certificat « expert académique en thérapie par le jardinage » (« academic expert in garden therapy »). Nous pensons que c’est un atout d’avoir de nombreux professionnels différents dans ce domaine. Dès la formation, cela suscite des échanges intéressants entre étudiants. C’est donc une formation continue en deux ans, soit 16 weekends de cours et deux stages. »

« Effectivement, nous sentions qu’il y avait une demande pour un diplôme d’enseignement supérieur. En 2012, nous avons créé le Master Green Green, qui comprend aussi la thérapie avec les animaux. Le critère d’entrée est d’avoir une licence. Nous attirons des travailleurs sociaux, des enseignants, des ergothérapeutes, etc…Que ce soit pour le certificat ou le master, je leur dis qu’ils ne deviendront pas des thérapeutes. C’est plutôt un outil à ajouter à leur pratique qu’une nouvelle profession. Nous organisons aussi des conférences chaque année. »

La Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik publie aussi un magazine baptisé Green Care, une ressource intéressante pour les germanophones

Se former en Suède

La Suède se distingue par un programme d’hortithérapie et d’écothérapie exceptionnel, le Alnarp Rehabilitation Garden que vous pouvez découvrir dans cette présentation d’Anna María Pálsdóttir. Maître de conférences en psychologie environnementale à l’Université suédoise des sciences agricoles (SLU), au département « People and Society », elle est horticultrice professionnelle et titulaire d’une licence en biologie et sciences horticoles, ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en aménagement du paysage et psychologie environnementale. Elle est l’une des fondatrices du Master Outdoor Environments for Health and Wellbeing (OWH).

« Ce programme s’adresse aux étudiants issus de différents domaines académiques ou professionnels. Il fournit des perspectives et des concepts scientifiques dans les matières concernées, dans un contexte interdisciplinaire, qui peuvent être utilisés à la fois pour comprendre et expliquer les interactions entre les personnes et l’environnement physique extérieur, et pour appliquer les connaissances acquises dans différents contextes sociétaux.

Parmi les exemples de sujets interdisciplinaires figurent la thérapie assistée par la nature et la promotion de la santé, ainsi que le rôle des environnements extérieurs dans l’apprentissage et le développement, par exemple l’éducation et la réhabilitation en plein air. Il s’agit également de perspectives plus larges telles que l’aménagement de l’espace ou la conception du paysage, qui s’appuient sur la psychologie de l’environnement. Une attention particulière est accordée à l’importance des environnements extérieurs pour le développement individuel, la qualité de vie, le bien-être et la santé. »

Ce master, enseigné en anglais et à distance, vaut sans doute le détour. La prochaine promotion débutera à l’automne 2024 et les étudiants internationaux ont jusqu’au 15 janvier 2024 pour envoyer leur candidature…

Se former en Espagne ou en Amérique latine

Pour les hispanophones, il y a des opportunités très intéressantes et pour tous les niveaux offertes par l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica), fondée par Leila Alcalde Banet et Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi. Leur offre de formation est décrite ici.

En Amérique latine, le Pérou dispose de l’Instituto de Horticultura Terapéutica y Social (IHTS-PE), dirigé par Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, qui offre un programme complet de formation hybride en HT pour les professionnels hispanophones du monde entier, depuis 2014. Mentionnons aussi l’Association péruvienne d’horticulture thérapeutique et sociale (APHTS) actuellement impliquée dans le projet NATURELAB EU PROJECT, un projet de recherche financé par Horizon Europe qui vise à démontrer que les interventions basées sur la nature sont efficaces et devraient être prescrites.

Se former en Italie

Pour compléter notre tour d’Europe, n’oublions pas l’Italie. Quand elle s’est intéressée à l’hortithérapie, Ania Balducci a dû quitter Florence pour aller se former aux Etats-Unis (Horticultural Therapy Institute) et en Angleterre (Thrive). Cet exil lui a donné la motivation pour créer un programme à l’Université de Bologne. En 2021, une première formation courte et hybride, moitié en ligne et moitié en face à face, a eu lieu. Puis le master est lancé en 2022 avec plusieurs formateurs et un terrain d’application dans un parc proche.

Se former aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, l’hortithérapie (horticultural therapy) a gagné une légitimité – bien qu’elle ne soit pas encore suffisamment reconnue et développée – grâce aux formations universitaires. Le premier master d’hortithérapie est proposé en 1955 à la Michigan State University sous l’influence d’Alice Burlingame. Cette pionnière est aussi l’auteur avec Donald Watson d’un premier manuel, Therapy through Horticulture, qui paraît en 1960 et qui est toujours disponible. A partir des années 70, plusieurs universités développent des licences (Bachelor’s or B.S.) et des masters dans cette spécialité. En 1981, on en comptait huit.

Pour en savoir plus sur l’offre actuelle de formations universitaires, voici la page de l’AHTA. En résumé,

  • Colorado State University offre un B.S. in Horticulture with a concentration in Horticultural Therapy
  • Delaware Valley University, un B.S. in Horticulture with Option in Horticultural Therapy
  • University of Florida, unB.S. in Horticultural Science with a specialization in Horticultural Therapy
  • Oregon State University, un B.S. in Horticulture with a concentration in Therapeutic Horticulture
  • Rutgers, the State University of New Jersey, unB.S. in Plant Biology with a specialization in Horticultural Therapy
  • Tennessee Tech University, un B.S. in Agriculture with a concentration in horticulture, with independent study in horticultural therapy
  • University of Tennessee, Knoxville, unB.S. in Plant Sciences, with independent study in horticultural therapy
  • Temple University en Pennsylvanie, un B.S. in Horticulture with option in Horticultural Therapy

Autre voie, les certificats accrédités par l’AHTA et les parcours individuels de formation à l’hortithérapie, listés ici. La référence pour moi dans ce domaine reste le Horticultural Therapy Institute (HTI) où j’ai suivi une formation, non diplômante, dans les années 2010. A savoir que HTI a l’habitude de recevoir des étudiants étrangers (voir l’expérience de Daniela ou d’Ania) et propose par ailleurs des cours en ligne.

Pour comprendre les procédures d’inscription professionnelle de l’AHTA et la liste des connaissances exigées, voici le lien indispensable : « L’AHTA reconnaît et enregistre les hortithérapeutes par le biais d’un programme d’enregistrement professionnel volontaire. La désignation Horticultural Therapist-Registered (HTR) garantit que les compétences professionnelles ont été acquises sur la base d’exigences académiques normalisées et d’une formation professionnelle. »

Sans doute le premier manuel d’hortithérapie au monde à sa publication en 1960
Jay Rice, enseignant au HTI depuis ses débuts, et des stagiaires pendant un cours

Se former au Japon

En 2015, j’avais échangé avec l’universitaire Masahiro Toyoda, considéré comme l’un des principaux experts de l’hortithérapie au Japon. Professeur à l’université de Hyogo, il est lui-même hortithérapeute et chercheur dans ce domaine. Il semble qu’il enseigne toujours actuellement au sein d’un programme de certification en hortithérapie à la Awaji Landscape Planning and Horticulture Academy (ALPHA), unique établissement formant des hortithérapeutes au Japon à être accrédité par un gouverneur de préfecture. Le programme est né en 2002 peu après le tremblement de terre de Hanshin-Awaji de 1995.

Se former en Australie

Je mentionne l’Australie parce que c’est une terre d’aventure pour de nombreux jeunes Français. La Therapeutic Horticulture Association avertit que « En 2022, il n’existe pas de programmes d’enseignement et de formation accrédités dans le domaine de l’horticulture thérapeutique en Australie (selon le cadre de qualification australien). Toutefois, il existe plusieurs ateliers d’introduction et programmes de cours de courte durée proposés par différents établissements d’enseignement publics et privés. Il s’agit par exemple des programmes proposés par des groupes d’État tels que CERES (Vic), Kevin Heinz GROW (Vic) et ACS Distance Education (en ligne).  Une seule matière est proposée sous la forme d’un cours intensif d’une semaine à l’université de Melbourne en septembre (HORT90011 Therapeutic Landscapes).

Voici les liens vers ces formations cités par THA : CERES (Victoria), Kevin Heinz GROW (Victoria), ACS Distance Education et le cours Therapeutic Landscapes de l’université de Melbourne.

Une des formations citées par la THA en Australie

Le chantier européen de Hortus Medicus

Une autre piste de formation à l’hortithérapie, encore en chantier, est le projet européen Hortus Medicus qui rassemble des institutions en Hongrie, en Autriche, en Italie et en Roumanie. « L’objectif du projet Hortus Medicus est de développer un programme complet de formation à la thérapie horticole de 120 heures, comprenant du matériel pédagogique et un contenu d’apprentissage en ligne. Le programme de formation comprend un curriculum et un manuel. Ces deux ressources éducatives fusionneront les philosophies et pratiques existantes et nouvelles dans le domaine de la thérapie horticole. Nous voulons créer une formation innovante qui peut être dispensée de manière traditionnelle, sous la forme d’un enseignement par contact, mais aussi sous la forme d’un apprentissage mixte, avec des parties théoriques en e-learning. » A suivre…

Leila Alcalde Banet : la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine

Leila Alcalde Banet, hortithérapeute espagnole formée et active en Angleterre, travaille à fédérer la communauté des hortithérapeutes hispanophones depuis plusieurs années.

« J’ai de la chance », annonce Leila Alcalde Banet dès le début de notre conversation par écran interposé. « Depuis septembre 2020, je travaille pour Share Community, une association caritative anglaise qui accompagne des adultes souffrant de troubles de l’apprentissage, d’autisme, de handicaps physiques et de problèmes de santé mentale. Nous disposons d’un hectare avec une serre, des tunnels pour faire pousser les légumes, une mare,…» 

Présent dans plusieurs quartiers de Londres depuis 1972, Share Community se concentre « sur ce que les gens peuvent faire, et non sur ce qui les empêchent. Et nous pensons que chacun a quelque chose à offrir à sa communauté, que ce soit en matière d’emploi ou en tant que membre actif de notre société. » 

En tant qu’hortithérapeute, « selon les besoins de l’étudiant, je me concentre sur des objectifs thérapeutiques (interaction sociale, estime de soi, mémoire, capacité d’attention, etc.) ou de formation, certains étudiants ayant le potentiel d’obtenir une qualification et de trouver un emploi. Je propose une approche holistique en tenant compte de leurs capacités, de ce qu’ils aiment et n’aiment pas afin de proposer des activités qui ont du sens. J’encourage également le maintien ou le développement d’autres compétences liées à la lecture, l’écriture et le calcul, l’indépendance et un mode de vie sain ».

Avant de rejoindre Share Community, Leila avait travaillé auprès de groupes de personnes âgées aux premiers stades de maladies neurodégénératives ainsi que de personnes en risque d’exclusion sociale. Ainsi, elle a participé pendant neuf mois à Hambourg en Allemagne au projet « Garten der Nationen » (Jardin des Nations) qui lutte contre l’exclusion des réfugiés. En Angleterre, elle a apporté ses compétences d’hortithérapeutes à plusieurs institutions avant Share.

C’est d’ailleurs en Angleterre que cette Espagnole, ingénieure agricole et horticole de formation, a obtenu un diplôme en « horticulture sociale et thérapeutique » à l’université de Coventry en 2016. Son projet de fin d’étude, reconnu pour son excellence par l’association Thrive, s’est déroulé auprès de « Make me Green », un programme en Espagne qui permet aux personnes souffrant de troubles de l’apprentissage d’accéder à l’emploi, en l’occurrence grâce à une année de travail dans une ferme.

Share et toutes ses riches expériences depuis 2015, c’est le travail de terrain et le travail de jour de Leila. En ligne, elle est une des hortithérapeutes de langue espagnole les plus reconnues et son engagement a contribué à fédérer ses consœurs et confrères sur deux continents.

AEHJST : fédérer les hortithérapeutes hispanophones

Très active sur les réseaux sociaux, elle commence à contacter des personnes pratiquant en Espagne et en Amérique latine. « Par curiosité, je voulais savoir quelles formations ces personnes avaient faites, quels défis elles rencontraient dans leurs pays respectifs, au Chili, en Argentine, au Pérou, à Puerto Rico,…». 

« On voyait qu’il y avait des initiatives dans de nombreux pays. Au Chili, un projet existe depuis plus de 20 ans et pourtant il n’y a pas d’association nationale dans ce pays. Il y avait des projets en Colombie, au Mexique, au Costa Rica. C’est Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi (une hortithérapeute péruvienne formée au Horticultural Therapy Institute aux Etats-Unis) qui a suggéré une association globale pour nous rassembler. »

En 2018, elles décident de co-fonder l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica). Tiens, la même année que se lance aussi la Fédération Française Jardins Nature et Santé…Une prise de conscience, une maturité des pratiques, un besoin de connexion entre professionnels bouillonnait dans les pays hispanophones comme en France.

« Nous sommes une association sans but lucratif formée par des professionnels et des collaborateurs dans le but de promouvoir l’horticulture et le jardinage comme outils thérapeutiques et de socialisation », peut-on lire sur le site de l’association. Leila ajoute que l’association a pour objectif « de faire connaître cette voie professionnelle. En outre, elle est axée sur la formation d’autres professionnels et le développement de la recherche dans ce domaine en langue espagnole, ce qui permettra de consolider les hypothèses sur les avantages de l’utilisation de l’horticulture comme thérapie. » 

Quant au rôle personnel de Leila, il est vaste. « Mon rôle est celui de trésorière. En outre, dans le cadre de mes tâches, je dispense des formations à d’autres professionnels et leur offre des conseils sur la manière d’utiliser l’horticulture comme thérapie. » En effet, le site collecte et répond à des demandes de conseils.

La variété des associations d’hortithérapie dans le monde hispanophone – Savias Conexiones

Une histoire de définitions : de quoi parle-t-on ?

« Qu’est-ce qui constitue un jardin thérapeutique dans chaque pays ? Cette question est bien centrale puisque l’AHTA y a consacré un symposium en octobre dernier », explique Leila. En effet, la question anime à peu près toutes les conversations dès que vous rassemblez plus de deux ou trois personnes avec une pratique dans ce domaine. Et avec des débats parfois très vifs! Arrêtons-nous un instant sur les définitions et positions proposées par l’AEHJST. Je me permets de vous donner ici une traduction des définitions intégrales exposées sur le site de l’association et je vous invite à les mettre en regard des définitions proposées par l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) dont elles me semblent proches. 

Voici les définitions de l’AEHJST :

Horticulture et jardinage sociaux et thérapeutiques

Elle englobe toutes les utilisations de l’horticulture et/ou du jardinage pour les approches suivantes : professionnelle, sociale et thérapeutique. En outre, l’utilisation des deux termes, horticulture et jardinage, facilite la compréhension de la portée de cette association et du travail de ses membres professionnels.

Les différentes approches dans le domaine de l’horticulture et du jardinage sociaux et thérapeutiques sont décrites ci-dessous :

Thérapeutique. Également connue sous le nom de « thérapie horticole ». Il s’agit d’un processus formel par lequel le thérapeute évalue et convient d’une série d’objectifs avec l’utilisateur participant. Le thérapeute, utilisant l’horticulture et le jardinage comme support, conçoit un programme individualisé et accompagne le client dans la réalisation de ces objectifs. Les interventions peuvent avoir lieu tant au niveau individuel que collectif, mais toujours en respectant les objectifs de chaque participant. Ce type d’intervention est plus courant dans les milieux cliniques, où le thérapeute travaille au sein d’une équipe multidisciplinaire en collaboration avec d’autres professionnels tels que des travailleurs sociaux, des ergothérapeutes, des infirmiers et des psychologues.

Social ou récréatif. Également connue sous le nom d' »horticulture thérapeutique ». Il s’agit d’un processus informel dans lequel le thérapeute ne convient pas d’objectifs spécifiques avec le client, bien qu’il puisse le faire s’il le juge approprié. Le client participe dans le contexte des objectifs du programme de manière active ou passive. Ce type de programmes se concentre généralement sur l’inclusion sociale, l’occupation et le bien-être général. Ils sont généralement développés dans des centres de jour, des centres pour personnes âgées, des jardins scolaires, des jardins urbains, des centres pénitentiaires, des projets associatifs, etc.

Travail. Le thérapeute est chargé de préparer l’usager à sa future intégration sur le marché du travail. Il est chargé de la formation aux tâches liées à l’horticulture et/ou au jardinage, ainsi que de l’évaluation et du suivi de l’utilisateur dans le processus d’acquisition de compétences professionnelles. Des compétences qui lui permettront d’opter pour un emploi dans le secteur agricole, sans exclure d’autres secteurs dans lesquels l’utilisateur peut envisager son employabilité. Ce type de programme est généralement promu par des associations de personnes handicapées, malades et/ou en risque d’exclusion sociale

*Au sein d’une entité ou d’un programme, le champ social ou récréatif peut être combiné avec le champ thérapeutique ou de travail.

Mission n°1 : la formation

« En parlant avec des gens dans les différents pays, je me suis rendue compte que leur formation avait eu lieu aux Etats-Unis ou en Angleterre comme moi. Mais c’est une barrière pour beaucoup de monde, à cause de la langue et du coût. » C’est ainsi que l’AEHJST a commencé rapidement à proposer plusieurs formations, une différence avec la FFJNS qui n’est pas un organisme de formation, mais dont certains membres proposent des formations, une douzaine au total.

En Espagne, le pays de Leila, « nous travaillons avec deux universités. Avec l’université autonome de Barcelone (UAB) et son école d’infirmières et d’ergothérapeutes, nous sommes dans la 2e année d’un cours en ligne de 20 heures, une initiation ouverte à tous. C’est un cours de 20 étudiants maximum, enseigné par une équipe dont je fais partie. Avec l’université de Saragosse, c’est un cours pendant l’été, plus pratique, qui se déroule en partie dans un jardin ouvert à la communauté. » 

«  Quant au cours « Social and Therapeutic Horticulture » de 45 heures, il est enseigné par une équipe multidisciplinaire très riche : Perla Sofía Curbelo (HT à Puerto Rico), Eva Creus Gibert (HT), Daniela Silva-Rodríguez (HT), Andrea Costas Aranda (jardinier), Karin Palmlöf (conceptrice de jardins thérapeutiqeus), José María Salas (collaborateur de Karin), Ariana Smith Rodríguez (ergothérapeute, collaboratrice de Karin), Salvador Simó (consultant),  Albert Cervera (consultant) et moi-même. »

Pour découvrir l’offre de formation de l’AEHJST, c’est par ici.

Suivre Leila

En 2016, elle a lancé le blog Vitamina Verde en espagnol pour partager des informations autour de l’hortithérapie. Le blog est actuellement en pause par faute de temps. Il reste une ressource importante en espagnol.

Sur les réseaux sociaux, vous pouvez la suivre sur @VitaminaVerdeTH. De son côté, Leila suit assidument tout ce qui touche à la « hortoterapia ». Avec sa collègue péruvienne Daniella, elle est en train de développer un glossaire en espagnol. Les projets ne manquent pas.

Vous pouvez écouter cette conférence de Leila pendant le Trellis Seminar Series de 2021

Autre ressource, Savias Conexiones, un lieu d’échange entre hortithérapeutes de langue espagnole, une série de causeries qui ont débuté pendant la pandémie et qu’on peut retrouver en ligne (2020) sur Facebook ou sur Instagram. Leila y a apporté sa contribution. 

Quand Le Bonheur se baladait dans le monde

Pour mesurer le temps, je peux utiliser celui qui s’écoule entre deux publications sur ce blog. Ce marqueur revient inexorablement tous les mois, tous les premiers lundis du mois précisément. Lorsque j’appuie sur le bouton « Publier » au début du mois, j’ai l’impression d’une longue plage de temps devant moi…Et puis pouf, il est temps de publier de nouveau.

Ce mois-ci, ce joli mois de mai, restons dans le thème de notre périple international de 2022. Si nous avons un besoin vital de nouveautés, il est aussi utile de prendre le temps d‘apprécier l’existant. Or, depuis 10 ans, je me suis déjà souvent promenée hors des frontières françaises. Voici un aperçu de ces voyages qui montrent la variété des jardins thérapeutiques, de l’hortithérapie et des écothérapies. Quelle énergie et quelle vision chez ces femmes et ces hommes rencontré.es depuis 10 ans !

Pour les mois qui viennent, je vous annonce quelques nouvelles destinations : l’Autriche et l’Allemagne, le Costa Rica et un bilan de l’hortithérapie dans les pays hispanophones. Et puis il va falloir aller explorer un peu plus en Asie, en Australie, en Afrique.

Sue Stuart-Smith, psychiatre et auteure de « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne » dans son jardin anglais (crédit photo gardenmuseum.org.uk)

EN EUROPE

ITALIE. En avril 2021, nous rencontrions Ania Balducci, hortithérapeute italienne formée en Angleterre et aux Etats-Unis, qui contribue à développer l’hortithérapie dans son pays à travers des projets et une formation universitaire. Pour compléter un lien pour se tenir au courant des actions de la Associazone Italiana Ortoterapia (ASSIOrt)

ANGLETERRE. Une autre rencontre, celle de Sue Stuart Smith. Elle est psychiatre et elle nous a offert en 2020 « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne ». Un des livres les plus inspirants sur les bienfaits de la nature et du jardin pour les personnes fragilisées. Sa sortie en pleine pandémie a fait beaucoup de bien. Il est devenu LE livre de jardinage de l’année pour le Sunday Times et un des 37 meilleurs livres de 2020 pour The Times. Autant dire qu’il aura rencontré un énorme écho en Angleterre et dans les nombreux pays où il a été publié.

ANGLETERRE. C’est grâce à Beth Collier que j’ai découvert l’écopsychothérapie. En 2018, elle nous expliquait comme elle pratique son travail de psychologue dans les parcs londoniens depuis plusieurs années. Elle prépare sur ce sujet un livre que j’ai hâte de découvrir. En attendant, merci à Beth de m’avoir inspirée car c’est en grande partie grâce à elle que je propose aujourd’hui des séances de psychothérapie dans la nature.

ECOSSE. Impossible de ne pas mentionner Trellis et Fiona Thackeray. Avec son équipe, elle organise depuis deux ans une série de séminaires internationaux dans l’âme. Dès 2015, cette ancienne de Thrive nous avait présenté Trellis, l’association écossaise d’hortithérapie.

SCANDINAVIE. En 2019, Philippe Walch, alors tout nouveau membre de la Fédération Française Jardins Nature et Santé et aujourd’hui actif dans son conseil d’administration, nous avait fait profiter d’un voyage personnel dans la Scandinavie biophilique avec une visite de Nacadia, le jardin thérapeutique initié par Ulrika Stigdotter et son équipe à de l’Université de Copenhague. Pour compléter ce tour dans le nord de l’Europe, regardez l’intervention d’Anna María Pálsdóttir au Trellis Seminar Series 2022. Elle y décrit l’expérience du jardin du Living Lab Alnarp Rehabilitation en Suède.

Salle de pause au jardin pour les infirmières d’un hôpital de Portland, Oregon (Etats-Unis), sujet d’une étude de Roger Ulrich.

EN AMERIQUE DU SUD ET DU NORD

PEROU. Je vous présente Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, hortithérapeute péruvienne également formée aux Etats-Unis. Depuis notre rencontre au Jardin du Luxembourg en 2019, Daniela a pratiqué, parlé, écrit. Voici quelques exemples de ses articles sur le blog du Horticultural Therapy Institute : auprès de personnes âgées en Argentine, pour des enfants en Equateur ou encore auprès d’enfants sur le spectre de l’autisme en Inde.

CANADA. Il s’en passe des trucs au Canada. Une de mes références est la Fondation Oublie pour un instant dont la fondatrice, Jeannine Lafrenière, est une personne que je croise régulièrement depuis plusieurs années. Sa mission : faire entrer la nature à l’intérieur des établissements de santé.

ETATS-UNIS. Choix difficile dans ce pays où j’ai passé le plus de temps, physiquement et à distance. J’attire simplement votre attention sur quelques personnes et programmes phares.

LIVRE « The Profession and Practice of Horticultural Therapy ». Le livre de Rebecca Haller, Christine Capra et Karen Kennedy, sorti en 2019, est incontournable si vous vous lisez l’anglais. Vous y retrouverez d’ailleurs quelques signatures françaises et européennes.

LIVRE « Therapeutic Landscapes ». Même chose pour le livre de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs, sorti en 2014. Indispensable, source d’inspiration, mise en contexte d’initiatives qui intègre la nature qui soigne dans les établissements de santé. Historiquement, ma première rencontre avec Clare Marcus Cooper il y a 10 ans.

« Une hortithérapeute californienne derrière les barreaux ». Je reste en contact avec Calliope Correia depuis notre rencontre dans une formation du HTI et je suis son implication intense dans son travail en prison. Une passionnée, une convaincue.

30 ans d’hortithérapie auprès des personnes âgéesKirk Hines a commencé sa carrière d’hortithérapeute depuis 1993 et il la poursuit auprès de personnes âgées dans la région d’Atlanta.

« Bénéficiaire » et témoinLe témoignage d’un homme pour qui le jardin thérapeutique d’un programme d’addictologie en Caroline du Nord a été salvateur.

Résilience et recherche. A New York, la résilience de Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur, épate. Retrouvez ses publications en tant que chercheur et professeur associé dans le département de Médecine de Réadaptation à la Faculté de Médecine de NYU.

A Chamchamal dans le Kurdistan irakien, le Fondation Jyian (« vie » en kurde) a formé les thérapeutes qui accompagnent des adultes et des enfants traumatisés par la guerre à l’hortithérapie.

DANS LE RESTE DU MONDE

Force est de constater que les autres parties du monde sont peu représentées sur mon blog. L’attraction est tellement plus forte là où on a déjà des contacts. A améliorer !

Au Japon, j’avais présenté en 2015 l’état de la formation en hortithérapie, très inspirée des Etats-Unis ainsi que le travail du chercheur Mashiro Toyoda. Il a continué à explorer le sujet, notamment avec la publication en 2020 d’une étude sur les effets d’une activité d’arrosage régulière sur l’activation du lobe pré frontal chez des personnes âgées bien portantes. Du jardinage comme outil de prévention du déclin cognitif.

Au Kurdistan, nous avions découvert un programme de formation pour des thérapeutes spécialistes du psychotraumatisme qui accompagnent des réfugiés, un effort qui a rassemblé des experts de plusieurs pays. Le programme a également été présenté lors du Seminar Series 2022 de Trellis

Au Bénin. Concluons sur l’intervention de Josette Coppe, psychologue clinicienne et art-thérapeute, qui anime des ateliers d’expression et des ateliers thérapeutiques avec les équipes SOS villages d’enfants au Bénin depuis 2010 à travers son association Résonances. Elle avait partagé son expérience lors d’une table ronde en ligne organisée par Jardins & Santé en novembre 2021. Vous trouverez son intervention à la minute 59 dans cette vidéo, avec les témoignages filmés de deux professionnels béninois.

Colleen Griffin : une hortithérapeute indépendante et impliquée

Dans l’état du Maine, aux Etats-Unis

Colleen Griffin a suivi la formation d’hortithérapeute du Horticultural Therapy Institute (HTI) de Rebecca Haller et Christine Capra, formation que j’ai moi aussi suivie en 2010-2011 sans aller jusqu’au titre de Horticultural Therapist Registered comme Colleen qui a été diplômée en 2018. Puis Colleen est devenue co-auteure du blog du HTI, pour lequel j’ai aussi écrit il y a plusieurs années. Pas étonnant que je ressente une sorte de camaraderie par association avec Colleen. Quand j’ai lu son dernier billet intitulé « Dormance : la réponse de la nature aux jours sombres de l’hiver », j’ai été très touchée par les idées qu’elle exprimait. J’ai eu envie de discuter avec Colleen et de lui consacrer ce premier billet dans mon voyage autour du monde de 2022.

Colleen Griffin

Il y a quelques jours, alors que l’état du Maine où elle vit se remettait d’une forte tempête de neige, nous avons passé un moment très cozy sur Zoom pour parler de son parcours et de ses projets dont celui qui l’occupe tout particulièrement pour les Dempsey Centers for Quality Cancer Care. Pour les fans de Grey’s Anatomy, le nom de Patrick Dempsey évoquera le personnage du Dr. Derek Shepherd. C’est en honneur de sa mère touchée par le cancer que l’acteur a fondé et reste très impliqué dans cette association caritative qui accueille et soutient les patients et leurs proches.

Quant à Colleen, voici comment elle résume son parcours. « Après une carrière de 25 ans dans le domaine de la santé, j’ai décidé qu’un changement était nécessaire. J’ai suivi mon cœur et me suis inscrite à des cours d’horticulture dans un community college local. C’est à partir de là que j’ai découvert l’hortithérapie et que j’ai suivi la formation du HTI dans le Colorado. J’ai obtenu mon HTR en 2018 et j’ai depuis travaillé avec des adultes et des enfants ayant des besoins spéciaux dans des programmes professionnels et développementaux/comportementaux. Depuis 4 ans, je suis affiliée aux Dempsey Centers for Quality Cancer Care, qui servent non seulement les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer, mais aussi leurs familles et leurs soignants. Mon travail avec Dempsey est axé sur la réduction du stress basée sur la pleine conscience. » 

Mais ce n’est pas tout. Colleen s’implique dans deux organisations professionnelles dédiées à l’hortithérapie ainsi que dans la formation.  « Je fais partie de l’équipe de programmation de la conférence de l’American Horticultural Therapy Association – AHTA (prochaine conférence 8-10 septembre à Kansas City). Je suis actuellement coordinatrice des membres du North East Horticultural Therapy Network (NEHTN) et j’organise le bulletin trimestriel de ce réseau. Récemment, j’ai commencé à enseigner dans le cadre du programme bénévole des maîtres jardiniers (master gardeners) de l’Université du Maine Cooperative Extension. »

Cancer, nutrition et pleine conscience

Depuis une dizaine d’années, le Dempsey Center cultive un jardin avec l’aide de master gardeners comme ceux formés par Colleen. La production sert à des cours de cuisine thérapeutique en plus d’être distribuée aux patients pour encourager une alimentation saine et équilibrée. Devant quitter son emplacement original, ce jardin a trouvé refuge dans un nouveau lieu appartement au YMCA d’Auburn l’année dernière. C’est à Colleen que le Dempsey Center confie alors la conception du jardin communautaire et d’un jardin thérapeutique attenant. Dans cette partie qu’elle rend accessible aux personnes à mobilité réduite, elle installe des bacs et une longue table de travail pour jardiner à hauteur. 

En 2021, ce sont les herbes aromatiques et un jardin sensoriel qui ont été le principal objectif. Grâce à une structure couverte et à six tables, les activités d’hortithérapie peuvent se poursuivre par tous les temps car le Maine a un climat assez rude et imprévisible. Colleen espère que cette année, le projet va continuer à mettre des racines, notamment avec un jardin d’herbes médicinales. « Mais Rome ne s’est pas construite en un jour, » rappelle-t-elle. D’ailleurs, un autre projet ambitieux est de transformer une partie du terrain en espace naturel avec des pollinisateurs et des plantes indigènes. « Cette partie restera plus sauvage et pas accessible en fauteuil. Mais ce sera un lieu pour les familles. »

Jardin thérapeutique en devenir, nivellement et préparation du terrain appartenant au YMCA.
Le jardin thérapeutique en cours d’installation au printemps 2021 dans le jardin communautaire qui l’entoure. Il contient deux lits surélevés et deux jardinières accessibles aux fauteuils roulants, fixées à une table de travail.

Le jardin thérapeutique du Dempsey Center s’adresse aussi aux soignants, pour une pause dans leur quotidien. Colleen reçoit également des enfants de personnes malades ou des enfants endeuillés. « Avec des groupes de 8 à 18 ans, ce n’est pas toujours facile ! En mai dernier, nous avons commencé avec des plantations d’haricots verts et de concombres. Les enfants peuvent venir au jardin quand ils veulent. »

Jardiner n’est pas toujours rattaché à un lieu partagé, la Covid nous a appris à être adaptable. Cet hiver, Colleen a participé à une « Cabin fever series », un programme de wébinaires associant quatre professionnelles, une diététicienne, une prof de pleine conscience, une prof d’exercice adapté et une hortithérapeute. « Pour des patients qui ne pouvaient pas se déplacer, les conférences en ligne représentaient un grand intérêt. Une femme a participé depuis l’hôpital pendant une chimiothérapie. Une mère malade et sa fille adolescente ont apprécié de ne pas parler de maladie le temps de cet échange. » 

Dans cette vidéo, Colleen vous invite à une visite du nouveau jardin et vous raconte l’histoire de sa création. 

Le jardin sensoriel se trouve dans une jardinière surélevée. Attachée à la jardinière, une activité de pleine conscience auto-guidée que les visiteurs peuvent pratique avec les plantes devant eux.
Le jardin thérapeutique du Dempsey Center sa première année

Les origines d’une vocation

C’est l’accident de la route de son fils et sa longue convalescence qui a ouvert les yeux de Colleen sur le pouvoir thérapeutique du jardin. « Le jardin est un endroit rassurant où on peut démêler ses émotions. La nature ne porte pas de jugement et vous accepte. On peut reprendre confiance. Guérir est une longue route pleine de virages. J’ai constaté qu’il y a une différence énorme entre ce que la communauté médicale appelle être guéri et le fait d’aller vraiment mieux », explique Colleen dans une émission du podcast « Ah ha moment ». Ce podcast présente le parcours de plusieurs hortithérapeutes et leur « ah ha moment », le moment où ils ont pris conscience de l’intérêt des jardins thérapeutiques et de l’hortithérapie. Je vous encourage à écouter d’autres épisodes pour découvrir les histoires de Christine Capra, Matt Wichrowski, Pam Catlin, John Murphy, Patty Cassidy et bien d’autres.

L’accident de son fils impulse une envie de changement. Le jardin l’attire naturellement car elle pressent son intérêt thérapeutique. Quand elle parle à un de ses enseignants d’horticulture de cette intuition, elle s’entend répondre : « Ce que tu décris, c’est l’hortithérapie ». Et une hortithérapeute est née.

Hortithérapeute, une profession toujours en devenir

« En 2018, nous étions deux hortithérapeutes dans le Maine, dont Kathy Perry qui a été ma superviseuse de stage pour devenir HTR. Aujourd’hui, nous sommes quatre et bientôt cinq. A mes débuts, j’ai frappé à de nombreuses portes sans succès. J’ai été très heureuse que le Dempsey Center me donne une chance. Je pense que de plus en plus d’organisations voient l’intérêt de l’hortithérapie pour les gens qu’elles accueillent »,  constate Colleen. « La pandémie a changé notre vision de ce qui est thérapeutique. J’aimerais que tous les jardins communautaires, comme ceux dans lesquels travaillent les master gardeners, aient un jardin sensoriel. Dans cette crise, nous avons tous subi des traumatismes, des deuils, des pertes et de l’isolement. Le jardin peut nous aider à traverser la pandémie. »

Depuis la France, nous pourrions avoir l’impression que les hortithérapeutes ont la belle vie aux Etats-Unis, que la pratique est acceptée à bras ouverts. Le parcours de Colleen démontre que rien n’est jamais acquis. « J’ai rencontré une hortithérapeute de Seattle sur la côte ouest des Etats-Unis. J’avais l’impression que là-bas, l’hortithérapie était bien plus avancée. Mais finalement, non. » D’ailleurs, n’est-ce pas peut-être dans cet esprit un peu rebelle et hors des clous, toujours en lutte tranquille, que l’hortithérapie se joue ? 

En tout cas, partout les hortithérapeutes cherchent à se rassembler. Aux Etats-Unis, cette envie a pris la forme de huit réseaux régionaux de l’AHTA il y a plusieurs années. Après une période où les réseaux sont devenus indépendants de l’AHTA, il y a actuellement un mouvement pour rassembler de nouveau les deux niveaux d’organisation, national et régional. Colleen fait partie de ces chevilles ouvrières du rapprochement. « C’est important d’avoir une organisation nationale plus forte sans perdre l’identité des réseaux régionaux », explique-t-elle. Colleen représente le nord-est des Etats-Unis auprès de l’AHTA tout en s’impliquant dans le North East Horticultural Therapy Network (NEHTN). « Je me suis engagée dans le NEHTN à un moment où beaucoup d’anciennes partaient. Cela m’apporte beaucoup car nous partageons les mêmes questionnements. Nous avons quatre réunions par an et de nombreux échanges. » Pour rappel, l’hortithérapie, c’est connecter les humains – dont les hortithérapeutes – et les plantes.

Le Bonheur est dans le jardin fête ses 10 ans

 

Où sont-elles passées, ces 10 années ? Je vous les raconte à travers quelques billets qui ont jalonné mes explorations aux Etats-Unis, en France et ailleurs à la recherche d’expériences de la nature qui soigne. 267 billets en 10 ans et une masse d’informations qui restent à votre disposition si vous aimez fouiller un peu. N’hésitez pas à utiliser l’outil de recherche et voyez ce qui se cache dans les profondeurs du Bonheur. 

En préparant cette rétrospective, je me rends compte de tous les échanges et les rencontres que le blog a générés pour moi et parfois entre les lecteurs. C’est à cela qu’il sert.

Suzanne Redell dans un oasis de verdure avec une patiente du Cordilleras Mental Health Center (Californie).

2012, les débuts dans l’enthousiasme

En mai 2012, j’explique dans le premier billet pourquoi je lance Le bonheur est dans le jardin. J’habitais alors à Berkeley en Californie, mais le retour à Paris était programmé pour l’automne. Mon objectif était de parler de projets d’hortithérapie, de partager des exemples, d’inspirer. Déjà, j’évoquais la soif de nature et de connexion avec la terre des citadins, thème qui a pris de l’ampleur depuis 2012 et encore plus depuis 2020.

Depuis la Californie, j’avais échangé avec Anne et Jean-Paul Ribes de Belles Plantes ainsi qu’avec Anne Chahine de Jardins & Santé. Lien entre la France et les Etats-Unis, j’avais aussi « recruté » Rebecca Haller, ancienne présidente de l’American Horticultural Therapy Institute, pour le Symposium de Jardins & Santé en novembre 2012. A travers le blog, commençait à se jouer un rôle d’intermédiaire.

Avant de rentrer en France, je m’en donnais à cœur joie en racontant des expériences américaines, en pédopsychiatrie à Cincinnatidans un hôpital gérontologique à Atlanta ou encore de jardin en soins palliatifs en Caroline du Nord. Les soins palliatifs déjà – comme un clin d’œil à aujourd’hui où me voici psychologue dans une équipe mobile de soins palliatifs. A l’époque, j’abordais tous ces sujets sans aucune connaissance de soignante et seulement une courte formation en hortithérapie. Avec un enthousiasme sans doute un peu naïf. Pendant quatre ans, Le bonheur a été publié une fois, voire deux fois, par semaine ! Avant de devenir mensuel lorsque j’ai commencé un master de psychologie à Paris Nanterre. Merci Carole Nahon pour la suggestion de réduire la fréquence, car j’ai bien failli arrêter à ce moment-là devant la somme de travail.

En 2012 toujours,  premier passage au Centre de Formation de Chaumont-sur-Loire comme stagiaire lors de l’une de toutes premières formations aux jardins de soin et rencontre avec quelques personnes clés : Hervé Bertrix, Sébastien Guéret, Stéphane Lanel,  Paule Lebay, Dominique Marboeuf, « les » Ribes,…

Anne Ribes et Suzanne Redell discutent dans le jardin à la Pitié Salpétrière en 2013.

2013, un pied en France, un pied aux Etats-Unis

Je suis en France, mais mes attaches américaines sont encore très fortes (jardin dans des quartiers défavorisés à Portlandoù j’ai vécu plusieurs années, hortithérapie et violences sexuelles, rencontre avec Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur new-yorkais,…). Petit à petit, le centre de gravité se déplace en France (Anne Ribes à la Pitié-Salpétrièrele Jardin d’Olt comme remède contre l’enfermement dans un Ehpad ou un atelier d’horticulture dans un IME). Toujours comme pont entre les deux pays, je commence à décliner le Bonheur en anglais pour alimenter le blog On the Ground du Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller et Christine Capra où j’ai été formée en 2010-2011.

Les animateurs du projet de jardin partagé au CH Georges Daumezon (Loiret) dont Anne Babin (à gauche en tablier vert) et Laurent Chéreau (devant avec le bob).

2014 fourmille de rencontres

Cette année-là, je commence à participer au jury du prix de la Fondation Truffaut qui récompense pendant plusieurs années, sous différentes formes, des jardins thérapeutiques, d’insertion et sociaux. Ce sera au fil du temps l’occasion de belles rencontres comme celle de Romane Glotain. Elle deviendra une régulière du blog à qui je passerai la plume plusieurs fois. Tout comme Nicole Brès qui écrira plusieurs billets au décours de ses voyages. Je fais aussi la connaissance de France Criou autour du Jardin de l’Armillaire qu’elle a contribué à créer au CHU de Nice. Je m’essaie pour la première fois à la vidéo avec une visite filmée du jardin de l’Ephad d’Onzain en compagnie de Paule Lebay. Ayant convaincu le magazine Le Lien Horticole de publier des articles sur les jardins thérapeutiques, je visite entre autres Dominique Marboeuf au CH Mazurelle à La Roche-sur-Yon. 2014 est aussi l’année où Tamara Singh, hortithérapeute certifiée aux Etats-Unis, débarque en France.

Un des cinq jardins au Legacy Emanuel Medical Center à Portland (Oregon, Etats-Unis).

2015, de la terreur à l’amour du vivant

L’année commence dans la douleur avec les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher et je publie les réflexions de Sébastien Guéret, amoureux des jardins coincé au Japon que j’avais déjà présenté quelques mois plus tôt. Je continue la pratique de passer la plume à d’autres, comme ici pour parler de jardins et de soins palliatifs à la maison médicale Jeanne Garnier. L’Amérique du nord reste un terrain d’aventure fréquent (Une hortithérapeute à temps plein au Mental Health Center à Denverla formation à l’hortithérapie aux New York Botanical Gardens by Tamara Singh, la rencontre avec Jeannine Lafrenière de la Fondation Oublie pour un instant au Canada,…). Je me balade aussi en Belgique où je risque de rester coincée dans un hôpital pour le weekend pour cause de grève des transports. J’évoque pour la première fois l’écothérapie ainsi que la biophilie et E.O. Wilson, ce chercheur iconique qui vient de nous quitter il y a quelques jours. 

Les Jardins de l’Humanité dans la brume

2016, rythme de croisière

Je propose une de mes premières « revues de la littérature » sur les études démontrant les bienfaits de la nature sur la santé mentale. En 2016, visite en chair et en os à Castelnaudary chez John Riddel au Jardin des Vents. Pas moins de 4 billets pour décrire ce projet qui aura pris 10 ans de travail acharné pour se concrétiser et qui rassemble plusieurs établissements. C’est le grand plaisir d’écrire un blog pour une pigiste habituée aux contraintes imposées par des rédac chef : ici, je fais ce que je veux. De même, je consacre une série de quatre billets au grand sujet du financement. Je mets aussi en avant des travaux d’étudiants de différentes disciplines qui ont pris le jardin thérapeutique comme objet d’étude, comme le travail d’Arnaud Kowalczyk en master Promotion et Gestion de la Santé à Tours (et en passant en train par Saint-Pierre-des-Corps, je lui prête un jour le livre de Clare Marcus Cooper sur le quai de la gare). Je reviens à la vidéo pour présenter Laure Bentze et Stéphanie Personne de Ter’Happy, mais c’est à distance que j’interviewe Estelle Alquier des Jardins de l’Humanité dans les Landes. 

Curiosité partagée : le Jardin de Bonne à Paris, le jardin partagé de mon quartier qui rapproche les habitants.

2017, les frémissements d’une future fédération

En 2017, un certain Jérôme Pellissier m’appelle pour boire un café au Père Tranquille à Paris : il va publier un livre (enfin) en français sur l’hortithérapie et les jardins thérapeutiques. Alléluia ! 2017 est aussi une année de symposium Jardins & Santé. Comme d’habitude, j’essaie d’en rendre compte pour les absents. Ce symposium sera de manière informelle, dans un autre bar, le point de départ de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Depuis 2012, j’ai rencontré petit à petit (et présenté ici) presque tous les futurs membres-fondateurs de la « Fédé », y compris Didier Sigler du CH Théophile Roussel. Je prends aussi le temps de revenir sur des projets découverts les années précédentes, un autre luxe que permet un blog indépendant.

Le jardin de soin de Chaumont-sur-Loire, un jardin couteau suisse : pour les stagiaires des formations, pour des bénéficiaires locaux et pour le grand public qui visite le domaine.

2018, des prisons et des bains de forêt

Je suis bien ancrée en France, mais je garde toujours un œil sur les Etats-Unis, par exemple avec ce portrait de Calliope Correia, une hortithérapeute californienne et camarade de cours au Horticultural Therapy Institute, qui travaille entre autre derrière les barreaux avec beaucoup de passion. En 2018, je suis frappée par la multiplication des livres sur les bains de forêts…ce qui m’amènera directement à en écrire un autre pour les enfants et les familles l’année suivante. 

Evénement marquant cette année-là, l’ouverture d’un jardin de soin à Chaumont-sur-Loire, une satisfaction pour toute l’équipe des formateurs dont je faisais partie à l’époque et un projet mené en un temps record à la suite d’une rencontre avec la directrice des lieux. Il y a d’autres bonnes nouvelles : l’arrivée de Heidi Rotteneder, une hortithérapeute certifiée des deux côtés de l’Atlantiquela découverte qu’on peut pratiquer la psychothérapie dans la nature grâce à Beth Collier (une pratique que je commence à m’approprier à ma manière en tant que psychologue et psychothérapeute) ou encore la rencontre avec Green Link, une fondation très nature. Green Link publiera notamment cette même année un livre blanc sur les jardins en prison.

Dr. France Criou et Roger Ulrich, en marge du colloque « Des jardins pour prendre soin » à Saint-Etienne en 2019 à l’initiative de l’équipe du Jardin des Mélisses et de Dr. Romain Pommier.

2019, un livre et un colloque génial

A titre personnel, elle débute avec la publication de mon livre susnommé, Le Shinrin Yoku en famille, qui incite les familles à reconnecter avec la nature dans la lignée de Richard Louv. A titre collectif, elle se poursuit avec le premier anniversaire de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé. Nous communions avec la communauté hortithérapique lors d’un colloque au CHU de Saint-Etienne avec Roger Ulrich en guest star (pour expliquer l’impact de sa venue en France, je fais le parallèle avec rencontrer Mick Jagger pour un fan de rock anglais). Je parle à des « reconverties » qui ont répondu à l’appel de la nature. Nous causons dans le Jardin du Luxembourg avec une hortithérapeute péruvienneUn nouveau jardin « hors les murs » fait son apparition en Sologne, le Jardin de Vezenne. 

Une sortie des Décliques qui reconnecte les petits Franciliens avec la nature

2020, l’année des confinés

Tout avait si bien commencé. Et puis boum. Confinement acte I (Confinés dans nos corps, pas dans nos têtes), confinement acte II (Quand les confinés redécouvrent la nature, la biophilie explose), confinement acte III (Dans les jardins et la nature, les activités thérapeutiques reprennent de plus belle). Et puis encore et toujours des rencontres : Florence Gottiniaux en face à faceSabrina Serres au téléphone,…

Un jardin à visée thérapeutique à la Clinique de l’Anjou à Angers pour améliorer la qualité de vie des patientes en oncologie

2021, l’année de la formation

2021 explose d’actualité autour de la formation, les trois premiers jardiniers médiateurs et l’annonce d’un DU Santé et Jardins, notamment. Romane Glotain a fait le Tour de France des jardins thérapeutiques. On est parti en Angleterre avec Sue Stuart-Smith pour son excellent livre L’Equilibre du jardinier, en Italie avec Ania Balducci qui lance une formation universitaire à l’hortithérapie et au Kurdistan avec Tamara et Heidi.

Et en 2022 ? Et bien justement, j’ai envie de continuer sur cette lancée hors des frontières. En 2022, le Bonheur va se balader dans le monde entier. La suite en février…Merci de votre fidélité. N’hésitez pas à commenter ou à me donner des pistes de sujets à l’étranger.

L’ortoterapia : les jardins italiens qui soignent

Dans une vie précédente, Ania Balducci a terminé un master en agriculture avant de se marier et d’élever ses trois enfants. A ses heures perdues, elle concevait des jardins pour des amis et faisait activement du bénévolat. Mais à la cinquantaine, changement de cap. Cette Italienne dynamique découvre l’hortithérapie à travers les livres de Rebecca Haller et Christine Capra Kramer. Quittant l’Italie qui n’offrait pas de formation sur le sujet, elle commence par se former auprès de Thrive en Angleterre. Puis elle traverse l’Atlantique pour suivre la formation de Rebecca et Christine au Horticultural Therapy Institute d’abord en « présentiel » comme on dit depuis la Covid, puis en visioconférence pour finir le cursus

Ania Balducci (en noir) pendant une séance de formation à l’Horticultural Therapy Institute

Projet du plus beau jardin du monde

Imaginez un palais florentin et son jardin abandonné. Quatre jours par semaine, Ania Balducci accompagne dans ce jardin un groupe de jeunes gens, garçons et filles, de 15 à 22 ans. Identifiés par les travailleurs sociaux et psychologues de la ville de Florence, les jeunes jardiniers sont aux prises avec diverses difficultés d’apprentissage et de socialisation. Un éducateur est présent aux côtés d’Ania pour mener les activités : produire et récolter toutes sortes de fruits et légumes, les transformer, apprendre les noms latins des plantes et la botanique,…

Lancé en 2019 pour trois ans, le projet est financé par le système des pharmacies de Florence. « Ces jeunes étaient laissés à eux-mêmes. Ils sortaient peu de chez eux et n’avaient pas d’occupation. A leur grande surprise, ils aiment être au grand air et apprendre sur les plantes. Leur estime de soi remonte. On voit des améliorations dans leurs capacités physiques, chacun selon ses capacités », décrit Ania. « C’est une expérience enrichissante de les voir devenir un groupe. » Visitez la page Facebook pour voir Ania et ses étudiants en action : Siamo l’orto più bello del mondo

Projets en chantier

Dans le plus vieil hôpital de Florence, fondé par le père de Béatrice, la muse de Dante, Ania participe à un projet de « healing garden » qui avait été approuvé avant le début de la Covid et pour lequel une campagne de financement avait déjà démarré. « L’objectif est de rendre le cloitre aux patients comme un lieu de soin. » Une autre piste poursuivie avec des gériatres est d’offrir à des personnes âgées fragiles, vivant chez elles ou dans des résidences, un accès à la nature au sein de cet hôpital qu’elles fréquentes pour des visites. « Et puis, un jardin est également bénéfique pour le personnel. »

Comment les médecins accueillent-ils l’hortithérapie en Italie ? « Certains nous soutiennent et y croient », affirme Ania, sous-entendant que cette nouvelle discipline ne fait pas encore l’unanimité. « Une cardiologue m’a demandé de participer à des groupes pour des patients avec des prédispositions cardiaques. Dans ces groupes, on parle de nutrition, d’exercice, de mode de vie. J’interviens sur le bien-être. »

Formation en préparation à l’Université de Bologne

Frappée par le manque de formation en Italie, Ania s’est rapprochée de l’Université de Bologne pour proposer un cursus de niveau master. « Le programme sera lancé en 2022. Nous serons plusieurs formateurs. Nous disposerons d’un parc pour y mener les cours pratiques. En tant qu’hortithérapeutes, nous travaillons avec des personnes fragiles. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire des erreurs qui seraient dangereuses pour les participants. » Pour 2021, un premier galop d’essai prendra la forme d’une formation plus courte et hybride, moitié en ligne et moitié en face à face.

Pour appuyer la formation, Ania est en train d’écrire un manuel en italien avec une collègue. Elle est également secrétaire d’ASSIOrt (Associazione Italiana Ortoterapia). « L’association était en souffrance, elle repart depuis ce printemps. » J’ai rencontré Ania dans le cadre d’une série de séminaires organisée au mois de mars 2021 par l’association d’hortithérapie écossaise Trellis (vidéos des séminaires à venir). Lorsque nous avons discuté par la suite avec Ania, une idée est venue… « Une association européenne d’hortithérapie nous rendrait plus forts », évoque-t-elle en conclusion.

Ailleurs dans le monde

Si vous voulez savoir ce qui se passe dans d’autres pays, voici quelques pistes.

Pour les pays hispanophones, suivez Leila Alcalde Banet sur les réseaux sociaux. Elle a co-fondé la Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica. Vous pouvez en apprendre plus sur le parcours de Leila en écoutant ce podcast en espagnol ou cette conférence en anglais dans le cadre des séminaires proposées en mars par l’association Trellis. Vous pouvez aussi écouter la conférence de Daniela Silva Rodriguez Bonazzi sur le jardin de soin qu’elle a créé dans un orphelinat à Lima au Pérou.

Aux Etats-Unis, l’association de référence est l’American Horticultural Therapy Association.

En Ecosse, allez voir du côté de Trellis Scotland. Liste non-exhaustive, à compléter…

Heidi Rotteneder : une hortithérapeute certifiée des deux côtés de l’Atlantique

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Heidi Rotteneder est hortithérapeute en Californie après une formation en Europe.

« My name is Heidi Rotteneder, I’m an HTR working in the Bay Area and I’m a member of the Horticultural Therapy Association of California. We are a group of Northern Californian Horticultural Therapists forming a new networking group for people working in this field….We organize network meetings, where we share our experiences, exchange ideas and discuss the progression of the profession. We also have created a Google group to share information and ideas. » Quand j’ai reçu ce message électronique de Heidi il y a quelques semaines, en tant qu’ancienne étudiante du Horticultural Therapy Institute, j’ai été intriguée en réalisant grâce à un rapide tour sur LinkedIn que Heidi était une hortithérapeute formée en Autriche et qu’elle travaillait dans la même clinique que Suzanne Redell près de San Francisco. Quelques jours plus tard, nous étions en train de discuter sur Skype.

« Cela faisait 15 ans que j’étais travailleuse sociale en Autriche. Je travaillais avec des adultes connaissant des problèmes financiers et d’autres problèmes. Je me suis rendue compte que je n’avais pas envie de faire toute ma carrière dans un bureau. Ayant grandi dans un milieu rural avec des grands-parents paysans, je ressentais l’appel de la nature. Je jardine depuis toujours », commence Heidi. « En Autriche, j’avais entendu parler de l’hortithérapie, un peu par accident. Mais j’ai vraiment appris qu’on pouvait se former en 2010 et je me suis lancée en 2013. » La formation qu’a suivie Heidi est une collaboration entre deux institutions universitaires : l’Université du Danube Krems qui est spécialisée dans la formation continue et le Collège universitaire pour la pédagogie agraire et environnementale. On peut trouver des informations sur leur programme conjoint en anglais et en allemand (plus détaillé). « Pour postuler, il faut déjà avoir un diplôme dans le domaine des sciences sociales, de la santé ou de l’horticulture. Les cours ont lieu un weekend par mois pendant deux ans. J’ai ensuite rédigé un mémoire final et j’ai effectué un stage de 150 heures dans plusieurs endroits », explique Heidi.

« Les cours sont un mélange de concepts en éducation, en sciences sociales, en horticulture et en santé. Pour mes stages, j’ai travaillé dans un accueil pour les réfugiés. Ils avaient chacun leur lopin de terre pour cultiver des plantes de chez eux et des plantes qu’on trouve en Autriche. Le deuxième stage était dans un programme résidentiel auprès d’adolescents et d’adultes souffrant de problèmes de santé mentale avec une composante de formation car ils devaient travailler soit dans la cuisine, soit dans le jardin pour produire des ingrédients pour la cuisine. De plus, j’ai créé un jardin dans un foyer pour enfants avec un processus participatif entre les aidants et les enfants. » En juin 2015, Heidi termine sa formation.

Go west, young woman

Et en août 2015, elle déménage avec sa famille en Californie où son mari vient de trouver un travail dans la Silicon Valley. « C’était un peu effrayant car j’étais nouvelle dans ce métier, il y avait la barrière de la langue et je ne connaissais personne. » Assez vite, Heidi rencontre Suzanne Redell qui l’aiguille sur la voie de la certification américaine pour qu’elle obtienne le titre de HTR (Horticultural Therapist Registered). Elle se lance dans cette certification : il lui faut valider 480 heures de stage qu’elle effectue au Cordilleras Mental Health Center dans la ville de Redwood City et suivre des formations complémentaires en horticulture qu’elle suit au Foothill College. C’est un peu un parcours du combattant car l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) ne lui fournit pas d’information précise. En parallèle, Heidi a également obtenu une certification en Europe à l’IGGT, l’équivalent allemand de l’AHTA, car elle est persuadée qu’elle reviendra un jour…

IMG_2791« Aujourd’hui je travaille toujours à Cordilleras avec un groupe de passionnés d’hortithérapie. Suzanne et moi sommes toutes les deux HTR, une autre personne est en cours de certification et il y a une stagiaire » Car depuis 2012 quand j’avais évoqué ce programme et son démarrage ici, il a pris de l’importance avec le soutien de la direction. A l’époque, Suzanne intervenait trois jours par semaine auprès de deux groupes. Aujourd’hui, le programme fonctionne tous les jours avec des activités de groupe et/ou des séances individuelles. Les hortithérapeutes forment une équipe avec les ergothérapeutes et les travailleurs sociaux. Tous les résidents peuvent intégrer un groupe. Pour les séances individuelles, l’équipe a mis en place un système de recommandation. En tout état de cause, les hortithérapeutes sont au courant du diagnostic et des objectifs de chaque patient.

Heidi travaille le plus souvent avec des patients dans les unités fermés où ils sont hospitalisés entre trois et six mois. Ses patients ont reçu des diagnostics de personnalité borderline, de schizophrénie ou d’autres troubles psychiques. Ils arrivent dans un état stabilisé, parfois après un passage dans un hôpital public, même si de nouvelles phases aiguës peuvent les ramener à l’hôpital. « Un objectif peut être de terminer une activité pendant la séance, en les aidant à se concentrer, à avancer pas à pas et à finir. On peut aussi avoir pour objectif qu’ils aient une réflexion sur l’activité pour développer leurs capacités à s’exprimer et à interagir socialement », explique Heidi. En plus de ce travail à Cordilleras, Heidi accompagne des jeunes adultes qui ont différentes difficultés dans une activité de jardinage. C’est le programme SNAP (Redwood City Special Needs Program).

La volonté de rassembler les hortithérapeutes

Quant au groupe de professionnels qu’Heidi cherche à étoffer, il s’agit d’un groupe que Suzanne et d’autres hortithérapeutes de longue date avaient envie de relancer. « Nous nous rencontrons, notre prochaine rencontre est d’ailleurs en septembre. Nous voulons nous apporter du soutien, développer des outils professionnels et partager nos expériences. » La Californie avait à une époque un gros contingent de membres de l’AHTA. Mais il faut de nouvelles énergies parfois pour relancer les choses. « Les hortithérapeutes travaillent le plus souvent dans des institutions où ils sont seuls. Je ne connais pas d’autres endroits que Cordilleras qui emploient plusieurs hortithérapeutes. Ils ont donc besoin d’échanger », constate Heidi.

« Le mouvement pour se reconnecter à la nature est fort en ce moment », se réjouit-elle. « Mon rêve serait de créer une ferme thérapeutique avec des animaux, des légumes, des fleurs. J’aimerais travailler avec différents groupes. Cela pourrait être n’importe où, le futur est imprévisible. » Avec sa double certification aux Etats-Unis et en Europe, Heidi est dans une position unique d’aider des personnes qui souffrent et de faire avancer cette jeune profession. Ayant géographiquement fait le chemin inverse de Tamara Singh, Heidi a beaucoup à apporter à l’hortithérapie. Peut-être la retrouverons-nous un jour de ce côté de l’Atlantique…

Les jardinières thérapeutiques se multiplient

 

Une jardinière Verdurable à la MAS Saint Jean de Malte à Paris

Une jardinière Verdurable à la MAS Saint Jean de Malte à Paris

Je vous ai déjà parlé des jardinières de Terraform (au fil du temps, ce billet reste l’un des plus consultés depuis sa mise en ligne en octobre 2012!) ainsi que des jardinières et des outils adaptés de Verdurable. L’opportunité de vous parler des jardinières de la société Guyon me donne envie, en passant, de vous donner de leurs nouvelles.

Commençons par Verdurable. Dans une page très riche, les fondateurs de Verdurable, Qi Wu et Luchun Chen, tiennent une chronique des établissements qui ont installé l’une ou l’autre de leurs jardinières : la MAS Saint Jean de Malte à Paris, l’hôpital Charles Foix (APHP Ivry-sur-Seine), Korian Périer de Marseille, l’hôpital Georges Clémenceau (APHP Champcueil) ou encore l’EHPAD Bastide Médicis de Lapège. Nouveauté, un « jardin aquatique », une fontaine prête à accueillir des poissons. Verdurable porte aussi la bonne parole dans des manifestations comme le 8e Colloque des Approches non médicamenteuses, organisé par Agevillage et les Instituts Gineste Marescotti, ou l’événement « La Silver Economie et la Cnav au service du bien-vieillir en Île-de-France », organisé par la Cnav en Ile-de-France.

J’ai moins de nouvelles à partager sur Terraform. En 2015, ils ont installé six « coques » au Portugal, à Coimbra dans les jardins de l’association Terra Fresca qui encourage la production et la consommation locale responsable et l’augmentation de la biodiversité dans les zones urbaines et le bien-être social.

Une jardinière Guyon/Euroform dans une école à Alençon.

Une jardinière Guyon/Euroform dans une école à Alençon.

Ce qui nous amène à Guyon, spécialiste du mobilier urbain qui est implanté à Thiers en Auvergne où il fabrique ses propres gammes et distribue les produits d’autres marques. Comme ces jardinières thérapeutiques créées par Euroform, un fabricant italien. « Ces gammes pour les seniors ont été précurseurs dans les années 2000. L’idée est de gommer les contraintes physiques pour rendre le jardinage accessible. Nous les commercialisons en France, mais sans faire de communication, depuis 2006. Un nouveau modèle est sorti en 2015 », résume Marie Bunel-Armellin chez Guyon. « On peut jardiner assis, debout, depuis un fauteuil (produit accessible PMR) et des accessoires pour tout garder à porter de main sont proposés en option. Une barre d’appui est disponible pour se tenir ou s’appuyer à la jardinière », décrit-elle. Le nouveau modèle a été livré dans deux EPHAD du Nord-est de la France et dans une école d’Alençon dans le cadre d’un programme « Passeport Développement Durable » qui amène les enfants à jardiner.

Un deuxième modèle de jardinière thérapeutique commercialisé par Guyon

Un deuxième modèle de jardinière thérapeutique commercialisé par Guyon

« Nous répondons à une demande existante, ce n’est pas un effet de mode. C’est une nouvelle façon d’interagir et de soigner. Nos jardinières commencent à 598 euros TTC, puis varient en fonction des modèles et options choisies. Nos clients achètent pour le long terme avec une garantie de 10 ans », ajoute Marie Bunel-Armellin. A noter que l’entreprise a conçu des pièces sur mesure pour le Jardin Océan Vert au Centre de lutte contre le cancer François Baclesse à Caen, jardin créé en 2013. « Nous avons fabriqué des bains de soleil, c’est-à-dire des transats en bois avec des lignes en courbe, et des tables basses », explique Marie Bunel-Armellin.

J’en entends déjà certains s’exclamer qu’il n’est pas nécessaire de dépenser 1000 euros, lorsqu’on fonctionne avec des budgets riquiqui, pour avoir une jardinière fonctionnelle. Récupération et débrouille sont aussi des solutions…En tout cas, des alternatives existent.

Et un mot sur le sommeil

En prime aujourd’hui, je partage cette émission de la Tête au Carré sur France Inter sur le sommeil. Des conseils de bons sens du psychiatre Patrick Lemoine qui a écrit « Dormir sans médicaments…ou presque » (Laffont, 2015). Je partage parce que les troubles du sommeil peuvent pourrir la vie de certains participants dans les jardins de soin et qu’il est urgent de s’interroger sur les alternatives aux somnifères, considérés comme une fraude par le docteur Lemoine puisqu’ils anesthésient au lieu de donner un sommeil normal, privant ainsi le dormeur de tous les bienfaits du sommeil (réparation, consolidation des souvenirs,…). Et je partage aussi parce que, pour ceux dont le sommeil n’est pas troublé, la sieste est toute indiquée et pourquoi pas la sieste au jardin…

Et un mot sur l’appel à participation de la conférence de l’AHTA

Et si vous aussi vous alliez parler de votre travail dans les jardins de soin à la conférence annuelle de l’American Horticultural Therapy Association (AHTA)? Elle se tient cette année du 15 au 17 septembre à Saint-Louis au Missouri. L’appel à participation est ouvert jusqu’au 1er mars. Le Missouri est connu pour être le  « Show Me state » : plutôt que de longs discours, ils aiment qu’on leur montre les choses. Défi accepté?