Au New York Botanical Gardens, on enseigne l’hortithérapie

Après Carole Nahon et Romain R., je passe cette semaine la parole à Tamara Singh dont j’avais fait un portrait avant qu’elle ne quitte New York pour venir s’installer à Paris. Depuis, nous avons eu le plaisir de nous rencontrer « dans la vraie vie » et elle nous fait la gentillesse de partager son expérience américaine. En deux parties, car il y a beaucoup, beaucoup à raconter. Merci, Tamara. Vous pouvez la joindre à hortustherapy (at) gmail.com.

Tamara Singh  à l'hôpital NYU Langone Tisch.

Tamara Singh à l’hôpital NYU Langone Tisch.

New York Botanical Gardens, institution vénérable faisant partie d’un réseau de jardins –dont Kew à Londres– est reconnu pour l’étendue et l’intérêt historique et scientifique de ses fonds et collections botaniques. Soutenu par des financements publics et des donations privées, l’organisme témoigne sa volonté pour initier la recherche tout en mettant l’excellence académique à la portée de ceux qui veulent s’y parfaire. Couvant des personnalités, des conservateurs et des spécialistes renommés, on y mise sur l’ouverture des approches et des formations novatrices. Parmi leur offre de formations de pointe, le programme d’hortithérapie qui remonte au début des années 1980. Fondée par un triumvirat de précurseurs qui inclut alors Nancy Chambers –directrice du Glass Garden au Rusk Institute for Réhabilitation a New York pendant plus de 35 ans, partie à la retraite depuis peu– cette filiation, si on peut s’exprimer ainsi, en fait un des programmes formels d’hortithérapie professionnelle parmi les plus anciens et aussi un des plus expérimentés en Amérique du Nord. La formation à NYBG n’a cessé d’évoluer, tantôt pour imposer une vision, tantôt pour répondre à des phénomènes de société et de santé. Cela retentit sur l’enseignement de cette thérapie certes complémentaire, mais qui a toute sa place auprès de populations en souffrance en mal-être ou en réhabilitation.

Un « horticultural therapy certificate », fruit d’une évolution

Le « horticultural therapy certificate » qui est dispensé à NYBG a pu s’exprimer sous des formats divers dans le passé. Au tout début par exemple, les cours ne comptaient que deux ou trois heures, on est maintenant sur des modules de 15 ou18 heures; il y avait aussi moins de compétences exigées en préalable pour pouvoir s’y inscrire, aujourd’hui on veille sur les pré-requis. Il y a plus d’heures en situation réelle pour moins d’heures théoriques ; et puis aussi l’inverse, plus d’enseignements pour moins d’heures dans la pratique supervisée. Ont pu s’y ajouter et puis disparaître les cours à la carte et au choix, choisis parmi l’offre de NYBG. Ces « electives »  destinées à complémenter le savoir-faire des hortithérapeutes en devenir incluaient des modules de design floral, d’herboristerie, d’arboriculture, de la gestion de serre horticole, ou de l’illustration botanique. Cette obligation a été aujourd’hui supprimée afin de rendre la formation moins onéreuse en coût et en temps mais surtout pour inciter les uns et les autres à concentrer leurs efforts sur le cœur d’un programme déjà chargé.

Il aura donc fallu des refontes argumentées et somme toute justifiables avant de trouver un l’équilibre entre la qualité des enseignements pour une profession en pleine évolution et les qualités des candidats. Mais le pari a toujours été là : attirer des étudiants non conventionnels prêts à s’engager dans un métier lui-même tout aussi inhabituel.

Portrait-robot des étudiant(e)s

Le "conservatory" des NYBG

Le « conservatory » des NYBG

Aujourd’hui, la formation s’adresse à des étudiants « post Bachelors » –bac+4–   ayant déjà une première expérience professionnelle ou académique par ailleurs (qui équivaut au moins à une licence et/ou à des années passées dans l’exercice d’une activité validante, professionnelle ou bénévole). L’étudiant admis sur dossier et après entretien a déjà, pour la plupart, le visage de la profession aux Etats-unis. Selon une enquête menée en 2010 sur les hortitherapeutes pratiquant membres du AHTA (American Horticultural Therapy Association) qui affiche la volonté de représenter cette profession en développement aux Etats-Unis, les membres se dévoilent majoritairement, mais pas exclusivement, comme « mature » c’est-à-dire 45 ans+, en reconversion professionnelle, éduqués, féminins, appartenant à une catégorie ethnique. Mais là aussi on est en droit de s’attendre à des mutations! Le diplôme d’hortithérapie à NYBG bénéficie du fait très actuel et de haute importance que les cours ont depuis 2008-2009 une valeur d’équivalence. Cette formalité est essentielle dans un pays où les frais de scolarité universitaires sont élevés. (Pour mémoire, les frais d’inscription en hortithérapie avoisinent $6000). Actuellement on peut faire valoir les modules du NYBG contre des « crédits » universitaires standards transférables partout aux Etats-Unis.  Ceci ne manquera pas de faire évoluer le portrait type des hortitherapeutes qui passent par le jardin botanique.

A la recherche de profils variés et engagés

La carte des lieux

La carte des lieux

Un des premiers vrais atouts dans la formation à NYBG, on l’aura compris : les étudiants viennent d’horizons professionnels divers ayant déjà eu le temps d’accumuler des expériences de vie. Quand on se lance dans n’importe quel domaine d’accompagnement thérapeutique cela peut s’avérer être un avantage non négligeable. Mais quand on entame un enseignement comme celui-ci, chacun avec son style thérapeutique en devenir, le trésor des personnalités est précieux. On y trouve alors : l’animateur socio-éducatif comme le designer, le graphiste comme l’architecte paysagiste, une neuro-lesée ayant retrouvé ses fonctionnalités (permettant de suivre la formation) comme une grand-mère quittant la retraite pour mieux comprendre et accompagner son petit enfant autiste, l’historien comme le psychologue, le jardinier comme le doctorant en philosophie, le photographe comme un cadre du service des jardins publics remarquables, l’agent de la publicité comme la mère de famille suractive dans sa communauté, le traiteur bio en slow food comme l’éleveur de chevaux, l’infirmier comme l’artiste, l’institutrice comme le cadre en ressources humaines.  (J’ai mieux su déchiffrer la prise en charge et l’entretien téléphonique très long mais plein d’humour que j’ai passé avec la directrice du programme Phyllis d’Amico).

Lors de l’entretien d’admission et l’étude de dossier, on vérifie les preuves d’engagement dans la vie sociale ou dans les arts et sciences humaines. Le socle commun étant une vie menée dans l’interrogation et la mise en disponibilité du soi pour les autres. Mais le souci, lors du recrutement semble aussi se porter sur les «abilities », une fibre innée, des élans non appris, insaisissables, plutôt qu’uniquement sur les connaissances ou une technicité déjà disponible ou encore à acquérir. La mise à plat, et ensuite la remise à niveau pour tout le monde commence ainsi, à partir de ce « aha », pour reprendre un terme de l’histoire des jardins, chose inattendue dans le paysage de la vie des candidats qu’on ne s’attend pas à voir. Des individualités car on forme des thérapeutes.

Des enseignants issus du terrain

Dans les collections

Dans les collections

Le deuxième grand atout n’en est pas des moindres : les cours sont dispensés par des professionnels engagés. Il s’agit d’un corps enseignant ayant accumulé une grande expérience de 20 à 30 ans dans leur milieu, en situation clinique réelle ou par leurs interventions diverses, leurs publications, par leur création de fondation/d ‘association ou d’entreprise comme par la recherche ou leur participation à moult événements publics au nom de leur spécialité. En passant par Matt Wichrowski (hortithérapeute senior à Rusk et chercheur) ou Nancy Gerlach Spriggs (paysagiste), Gary Lincoff (botaniste) et Francisca Coelho (conservatrice en chef et spécialiste des plantes tropicales), on a un accès formidable car les enseignants sont disponibles et abordables. Il s’ensuit en corollaire que la confiance que l’on peut faire à cette équipe, malgré les cotés parfois excentriques de certains éléments –n’oublions pas qu’il s’agit de personnes de près ou de loin très ébahies par « la nature végétale» sous toutes ses formes extraordinaires, ce qui n’enlève rien à leur compétence ni à leur expérience– est totalement réfléchie dans la posture de l’administration pédagogique. Les cours sont inspectés et revus par l’organisme des études supérieures de l’Etat de New York et une université jumelée avec NYBG pour la formation. C’est ainsi que le gage de qualité fourni par le jardin botanique est doublé par une évaluation indépendante et extérieure. C’est également par ce biais que NYBG peut offrir des « crédits universitaires » en hortithérapie et figurer sur la liste des formations reconnues par la AHTA.

Le cursus

À quoi ressemble donc dans le détail le programme du certificat ? Et quelles sont les connaissances, les savoir-faire, les habiletés, et les techniques à acquérir ou développer ?

Aujourd’hui pour être certifié par NYBG en hortithérapie il faut :

  • 14 modules obligatoires (181 heures)
  • De l’observation clinique d’hortithérapie se faisant in situ (8 heures)
  • Un stage de 100 heures minimum avec rapport de stage

Les 181 heures s’articulent en gros autour de quatre pôles ou types de modules bien que la brochure du NYBG ne les présente pas sous cette houlette :

Sciences cliniques,

Sciences et arts horticoles,

Sciences ergothérapeutiques,

Développement professionnel

Les cours sont programmés afin de mieux servir les attentes des étudiants qui tendent pour la plupart à travailler et mener une vie de famille. Il s’agit d’adultes avec leurs contraintes par ailleurs. Et puis certains viennent de très loin, y compris de l’étranger. Dans cette optique, les cours ont souvent lieu le soir et/ou le week-end et se déroulent sur quelques semaines seulement. Les cours sont structurés de façon assez transparente. Il faut par exemple suivre certains enseignements avant d’accéder à d’autres selon une logique interne. Voir le programme en ligne.

La formation du NYBG peut se faire en une année, parfois commencée pendant les sessions d’été en intensif. Mais avec les aléas de la vie et du temps, ou dans le cas où il n’y ait pas assez d’élèves ou bien trop, il peut arriver que certains cours, offerts qu’une ou deux fois par an, nous passent sous le nez. La plupart des élèves mettent deux ans au moins à achever le certificat. La flexibilité n’est tout à l’honneur du programme. On accumule les modules sur plusieurs saisons. Ce qui fait sens pour la modalité qui est la nôtre.

Module par module

Le bâtiment principal

Le bâtiment principal

En ce qui concerne le format des modules, ils sont en partie magistraux, reposant sur l’exposé de l’enseignant, des supports multimédia, le partage d’articles venus de journaux scientifiques lus et préparés pour les discussions participatives, mais aussi des simulations et des jeux de rôle. Il y a des cours comme celui qui traite de l’analyse des activités (« activity analysis ») qui n’accueillent que les candidats au diplôme d’hortithérapie. D’autres cours, comme la botanique, sont partagés avec les autres filières enseignées à NYBG. Les évaluations en continu sous la forme de petits devoirs sur table chaque semaine incitent à la maîtrise des informations ; les devoirs à rendre d’une semaine à l’autre mettent en exergue notre capacité d’intégration et de réflexion critique, voire de créativité.

À la fin de chaque cours, il y a soit un examen de fin de cours et/ou un projet de recherche. Il y a de quoi faire. Mais on en retire que ce que l’on y met. Il est prévu que les élèves aillent de l’avant et commencent à circuler : à travers les recherches se faisant dans le domaine, à adhérer aux associations locales d’hortithérapie, à faire les premières démarches de stage ou de bénévolat, à étancher toute soif en botanique avancée, les ressources du jardin sont là pour cela. D’ailleurs quand le propos s’y prête, les cours ont lieu dehors. Il y a les collections des grandes serres comme les parterres et collections en extérieur remarquables. À cela s’ajoute une bibliothèque de recherche agréable, praticable et achalandée. En conclusion, une infrastructure de qualité à portée de mains, et aux portes de la ville de New York.

Dans un deuxième volet, on passera en revue les quatre pôles du certificat.

Tamara Singh

L’hortithérapie américaine en l’an 2015

En janvier, je suis allée passer une matinée avec les fondateurs et les franchisés de Terramie. Ils m’avaient demandé de leur raconter ce qui se passait dans le domaine de l’hortithérapie aux Etats-Unis. En guise de préparation, j’avais « sondé » trois hortithérapeutes qui ont un peu de bouteille et des responsabilités, présentes ou passées, dans l’AHTA. J’en profite pour signaler que l’AHTA tiendra sa conférence annuelle les 9-10 octobre à Portland dans l’Oregon, un amour de ville où j’ai vécu pendant trois ans dans les années 1990. C’est à Portland qu’officie en particulier la célèbre Teresia Hazen. En keynote speaker, Roger Ulrich en personne ! C’est tentant, non ?

En introduction, j’ai rappelé et je rappelle ici les définitions de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs, la première professeure émérite au département d’Architecture à l’Université de Berkeley et la seconde directrice et fondatrice du réseau Therapeutic Landscapes Network dans leur livre. D’une part, les « healing, therapeutic or restorative gardens » : des jardins où les participants peuvent « s’asseoir, marcher, regarder, écouter, méditer, faire une sieste, explorer ». D’autre part, les « enabling gardens » proposent des activités «dirigées par un hortithérapeute professionnel, un ergothérapeute, un kinésithérapeute ou d’autres professionnels apparentés en collaboration avec les autres membres du personnel soignant. »

Pour au moins deux raisons, je ne vais pas traduire les propos des trois interlocuteurs : je suis un peu pressée par le temps et un petit bain linguistique ne fera de mal à personne. Bien que j’aie indiqué leur localisation géographique pour les situer sur la carte, il est évident qu’ils ont tous une vision assez globale de la situation. Ils répondaient à plusieurs questions : quelle est l’étendue des programmes d’hortithérapie aux Etats-Unis aujourd’hui, qui conçoit ces jardins, comment sont-ils financés, quels sont les bénéfices constatés pour les participants ?

Où on se rend compte qu’il y a encore beaucoup de pain sur la planche pour les « horticultural therapists » américains, mais qu’ils ne manquent pas d’enthousiasme et d’énergie!

Patty Cassidy dans l’Oregon

Patty Cassidy

Patty Cassidy

Patty Cassidy travaille justement à Portland et a été formée par Teresia Hazen. Elle a écrit le livre « Jardinage pour les seniors » traduit en français en 2014 et elle est très impliquée dans l’AHTA. Elle décrit son approche comme « Gardening for Wellness ».

Où en est-on en 2015 ? « Horticultural therapy is an growing and expanding profession in the US.  In general, the types of programs range from clinical (working in a health care environment and being part of an interdisciplinary team) to social programming and vocational.

Horticultural therapists (HTs) work with a very broad base of clients ranging from children to aging citizens, with veterans, prisoners, cancer patients–any population that requires a therapeutic intervention — HTs are trained and skilled to deliver therapy working with physical, occupational, or recreational therapists. Consider Art and music therapists — we have much in common in terms of the populations and issues we all work all with.

In America, to be a Registered HT, one must have a bachelor’s degree from a college or universities in horticulture or HT. Those who have degrees in other academic areas, must get a foundation in plant science and human science in addition to horticultural therapy coursework that is through an AHTA approved certificate program.  Plant science and human science courses may be taken at a college or university or as an online course.  Coursework may also be met through obtaining college credit for related work and/or life experience. A 480 hour internship supervised by an AHTA approved supervisor is a requirement as well. »

Sur la conception des jardins. « If there are gardens at sites, many have been created by the general landscape architects (LAs) but I would not call these gardens therapeutic or healing.  The gardens that have been intentionally planned to serve a particular population are often designed by skilled LAs who understand the necessary design features and plants for « therapy » gardens.  Often HTs are the professionals who care for these gardens after they are designed and planted. HTs use the gardens in their HT practice and teach the staff how to use the garden. »

Le financement. « Not sure but often foundations of hospitals and other health care organizations raise the money for these special gardens.  Lots of variety in funding source in America. »

John Murphy en Caroline du Nord

Le programme de John Murphy aux Bullington Gardens n’est pas né de la dernière pluie.

John Murphy plante un jardin potager, à partir de graines, avec des élèves de primaire.

John Murphy plante un jardin potager, à partir de graines, avec des élèves de primaire.

En mai 2013, voici ce que John m’avait écrit sur l’état des lieux. « Currently we have 486 members (as of mid May), of those 250 are registered HTs.  This does not really give an accurate reflection of the extent of HT though. There are many folks involved in HT who are not members of AHTA.   I’ve also been organizing a Carolinas HT Networking Group and I would say the majority of folks who attend that are not members.  I’m sure this is similar in other regional HT groups as well.  So it’s really hard to get a number that shows the scope of HT. »

En décembre 2014, il ajoutait ceci sur la prévalence de l’hortithérapie. « I don’t know of much hard data that exists to answer these questions.  In terms of populations, my feeling is that HT is more prevalent with seniors, and those with developmental disabilities close behind.  HT in the medical field has been lagging but I think it will increase due to the recent recognition in medical journals.  I believe many HT programs begin because a practitioner sells the idea to an institution rather than that institution initiating a program.   Or programs are done as a freelance service/business. I feel the number of HT programs is also increasing but since there is no required registry of those programs, it’s difficult to know.  Also it might be hard to say what are actually HT programs.  Does the retirement home with a vegetable garden for residents have a HT program?  I would say no, but there’s nothing that says a HT program should conform to these standards. ».

« The HT programs can also take many forms, not just in a garden.  The Rusk Institute which used to have a conservatory to conduct programs, now does most of its HT by bringing plant activities around to patients on a cart.  If they are gardens, they can range from professionally designed sites by landscape architects or ones designed and implemented by the HT.  I suspect many are just raised beds and containers. »

Bénéfices pour les participants. « As for research, while there are some studies done (many showing favorable results), HT probably lags very far behind other treatment modalities in terms of the number of studies published.  That has been a big theme over the last several AHTA conferences– we need to do more research.  It seems many published studies are done in Japan and Europe (bcp de recherche en Chine depuis quelques années). I hope this is helpful, but I think your questions really show that we have a long way to go to really get a handle on the HT profession in the US. »

Rebecca Haller dans le Colorado

Rebecca Haller (à droite) avec Anne Ribes lors d'une visite en France en 2012.

Rebecca Haller (à droite) avec Anne Ribes lors d’une visite en France en 2012.

Fondatrice du Horticultural Therapy Institute, Rebecca Haller donne ce bilan : « I believe that the types of programs and people served are pretty consistent with those listed in a study done by Jean Larson, published in 2010. They are elders and youth as well as people with: developmental disabilities, Alzheimer’s Disease or demential, psychiatric disorders, traumatic brain injuries, visual impairments, hearing impoairments, cancer, HIV/Aids, as well as veterans, victims of abuse, and people in corrections. (Full citation is: A Descriptive Study of the Training and Practice of American Horticultural Therapy Association Members, by Jean M Larson, Ph.D., Lija Greenseid,Ph.D., and Mary Hockenberry Meyer, Ph.D., Journal of Therapeutic Horticulture Vol. 20. 2010. pages 10-21.) »

Sur la conception des jardins. « Who designs is really varied. It depends somewhat upon the scope of the garden and the amount of hardscape.  I THINK the number of programs is expanding, but the membership at AHTA is not – so I have NO data to back up my idea. »

Le financement. « Again, no data, but anecdotally it seems that most are financed by private donations. »

 

Tamara Singh : une hortithérapeute certifiée débarque en France

Une activité bouturage dans une école à New York.

Une activité bouturage dans une école à New York.

Quel plaisir d’être contactée par Tamara il y a quelques jours ! Je bouleverse un peu mon « calendrier éditorial » pour vous la présenter de toute urgence alors qu’elle est en train de faire ses bagages à New York pour venir s’installer à Paris. On sent que la communauté française va s’enrichir d’une nouvelle membre, formée et forte d’une expérience américaine très intéressante.

Pour donner une idée de son riche parcours, commençons par son arrivée à Paris en provenance d’Amsterdam pour étudier à Sciences Po, puis sa bifurcation vers le DEA “Jardins paysages territoires” à la Sorbonne, programme créé par Bernard Lassus. Puis direction Londres pour étudier l’art végétal et floral à la London University for the Arts. Là, elle anime des ateliers de deux ou trois jours avec des enfants pour leur parler de notre énorme dette envers les plantes, leur apprendre des techniques de tissage (elle a aussi étudié l’anthropologie) et construire avec eux des huttes en saule. Dont au moins une survit encore dans une cour d’école londonienne.

Destination suivante, New York où elle suit la formation du New York Botanical Gardens : un programme accessible aux détenteurs d’une licence minimum de 189 heures de cours suivis d’un stage supervisé avec rapport de stage. La voilà donc hortithérapeute certifiée et membre de l’American Assocation of Horticultural Therapy. Pendant presque trois ans, elle travaille dans deux hôpitaux new-yorkais avec les thérapeutes du Rusk Institute of Rehabilitation et au fameux Glass Garden, promis à la démolition et prématurément détruit par l’ouragan Sandy. Tamara travaille notamment aux côtés de Matt Wichrowski, pilier de l’AHTA chargé de la recherche que je vous avais présenté l’année dernière.

Rebond après la disparition du Glass Garden

Dans les couloirs de l'hopital NYU Langone Tisch en cardiologie.

Dans les couloirs de l’hopital NYU Langone Tisch en cardiologie.

« Depuis l’ouragan Sandy et la fermeture de la serre, le programme est très différent et presqu’entièrement basé dans les wards (les salles de l’hôpital). La présence dans les unités médicales a permis d’autres percées and a rendu l’hortithérapie visible d’une façon nouvelle dans le milieu médical », affirme Tamara. Leçon de réaction positive à l’adversité, s’il en est. D’ailleurs l’utilisation de l’espace, intérieur ou extérieur, est une différence entre la France et les Etats-Unis d’après ses premières observations. « Dans les hôpitaux new-yorkais construits dans les années 50-70, il n’y a pas d’espace dehors. On amène tout ce qu’il faut pour les résidents. Ca n’empêche pas de monter un programme d’hortithérapie. Maintenant on peut accepter des gens plus « compromis » qui ne pouvaient pas descendre au jardin. En France, la discussion est toujours autour d’un espace extérieur. »

« Les hortithérapeutes ne sont pas des animateurs »

Amener l'activité au plus près des patients parfois immobilisés

Amener l’activité au plus près des patients parfois immobilisés

« A Rusk, je travaille avec des neuro-lésés pour les aider à récupérer leurs moyens et pallier les déficiences. On peut travailler la motricitié, le visuel, la mémoire, la problématisation. Je travaille aussi avec des patients souffrant de troubles cardio-vasculaires, des enfants opérés, des enfants en oncologie, des personnes âgées atteintes ou pas de la maladie d’Alzheimer. Ce sont en général des groupes de 45 minutes à une heure. Il y a aussi des projets dans la communauté, dans des centres pour personnes âgées ou pour jeunes », décrit Tamara. Et la thérapie dans tout cela ? « Nous faisons un travail d’équipe pour établir les objectifs de chaque patient et les changer en fonction de leurs progrès. Nous ne sommes pas des animateurs, mais des thérapeutes. A nous de trouver les activités en rapport avec les objectifs. Nous travaillons beaucoup avec les ergothérapeutes et les physiothérapeutes dans des situations de « cotreat ». Parfois, c’est plus social. » Un travail d’évaluation de chaque patient et de chaque séance fait partie intégrante du processus.

Peu d’hortithérapeutes américains, dans l’expérience de Tamara, travaillent à temps plein. Tous ont des activités à côté. La plupart continue à se former. « Nous sommes une profession jeune, il faut être au fait de la recherche pour améliorer les activités. Il faut aussi comprendre que chaque séance d’une heure peut prendre 2 ou 3 heures de préparation. »

Conseil de lecture

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.

« M’apprêtant à rentrer à Paris, forte de mes expériences cliniques auprès de cardiaques et de neuro lésés, gériatrie, pédiatrie, psychiatrie, la maladie de Huntington pour ne parler que de quelques populations suivies, je me demande sur quelles pistes me lancer. Pratiquer? Animer? Former d’autres? Retourner à la recherche? », m’avait écrit Tamara quand elle a pris contact fin novembre. Des interrogations bien légitimes. J’espère que la communauté française fera un accueil chaleureux à Tamara.

En guise de conclusion, Tamara nous recommande la lecture de tout récent The Glass Garden: A Therapeutic Garden in New York City, écrit par Gwenn Fried, Matthew Wichrowski et Nancy Chambers (aujourd’hui retraitée).

Conférence AHTA 2014 : Martine Brulé raconte

On ne présente plus Martine Brulé. Au sein de Viv’Harmonie, elle pratique l’hortithérapie depuis plus de 10 ans. Membre de longue date de l’AHTA (American Horticultural Therpay Association), elle s’est rendue à la conférence annuelle et nous fait le plaisir de partager son expérience. Pour une courte description de chaque présentation, je vous renvoie également sur le site de l’AHTA. Merci beaucoup à MartineAHTA. Et maintenant je lui laisse la parole…

« La conférence annuelle d’AHTA, l’Association Américaine d’Hortithérapie, a eu lieu les 11 et 12 octobre 2014 à Philadelphie ainsi qu’une journée pré-conférence qui a permis aux participants de visiter des établissements de santé offrant un programme d’hortithérapie :

  • Un centre de réhabilitation
  • Un centre pour personnes handicapées mentales
  • Un centre pour personnes handicapées moteurs
  • Le centre d’horticulture à Fairmount Park qui accueille des personnes en réinsertion

Des visites particulièrement intéressantes qui nous ont permis d’avoir un aperçu sur le contenu des différents programmes proposés et des espaces adaptés mis à disposition des patients.

Une conférence sur le thème de la pratique et de la recherche

GROWING OUR FUTURE – Practice and Research

Une conférence de grande qualité de par les intervenants et le contenu de leurs sessions. Un grand nombre de participants : 175 participants venant de nombreux états des US et également de l’international : Suède, Danemark, Japon, Taïwan, Bermudes et France.

La qualité et aussi le caractère d’ouverture et de simplicité aussi bien de la part des organisateurs, des intervenants que des participants ont facilité les échanges amicaux et fraternels qui donnent à ces rencontres une dimension d’exception.

MaryAnne McMillan, HTR, Présidente d’AHTA a d’abord introduit le Dr Stephen R. Kellert, connu pour ses nombreux ouvrages et recherches sur les thèmes de l’homme et la nature : « Le rôle de la nature dans la santé, productivité et bien-être » Les principes de la Biophilie.

Des intervenants d’horizons divers : hortithérapeutes, docteurs en médecine, professeurs d’université, paysagistes, designers ont présenté, dans les diverses sessions qui se sont déroulées sur ces deux journées, leurs travaux, recherches et expériences.

Des présentations qui reflètent le développement, l’intérêt et la reconnaissance croissante des bienfaits de l’hortithérapie qui va bien au-delà, de « thérapie par l’horticulture », mais principalement de l’influence de la nature sur l’homme et de l’homme sur la nature. Deux entités qui ne font qu’UN.

Des actions développées auprès de groupes de personnes  atteintes de différentes pathologies, maladies et troubles divers dans les domaines de la psychiatrie, gériatrie. Un programme avec des enfants et adolescents en difficulté (une expérience internationale menée à Hawaï), des programmes également auprès de prisonniers dans des centres pénitenciers.

Les intervenants ont présenté leurs actions, toutes basées sur des programmes spécifiques liées aux techniques de l’hortithérapie. Des programmes à long terme, pour la plupart encadrés par des professionnels, hortithérapeutes et docteurs en médecine.

Le Dr Kenshi Nishino nous a parlé de sa pratique de l’hortithérapie auprès de ses patients âgés et des recherches qu’il développe dans ce domaine, dans son hôpital au Japon où il travaille avec son équipe de jeunes médecins.

La richesse des thèmes abordés, le professionnalisme et la dimension de recherche apportée par la majorité des intervenants ont fait l’évènement et la particularité de cette conférence.

« AHTA is GROWING ». AHTA grandit grâce à l’efficacité de ses dirigeants, à la diversité des actions mises en œuvre de la part des membres du bureau, à la croissance du nombre de membres participant qui viennent apporter leur soutien et leurs expériences professionnelles.

J’ai eu grand plaisir à retrouver Teresia HAZEN qui avait répondu à mon invitation pour visiter l’hôpital Bretonneau et rencontrer les responsables du pôle gériatrie en 2010.

Martine, Teresia Hazen et Douglas Airhart

Martine, Teresia Hazen et Douglas Airhart

Teresia Hazen a un rôle majeur dans le développement d’AHTA. Hortithérapeute et coordinatrice à Legacy Health Hospital à Portland – Oregon depuis quinze ans. Elle supervise de nombreux programmes. Teresia a reçu de nombreuses récompenses et reconnaissance pour son travail remarquable dans le domaine de l’hortithérapie. Elle est un défenseur infatigable de l’incorporation des plantes, des jardins et de la nature dans les établissements de santé. Elle dispense, tout au long de l’année des cours et séminaires aux États-Unis et sur invitation au Japon. (Elle a également contribué à l’ouvrage Therapeutic Landscapes de Clare Cooper Marcus et Noami Sachs, NDRL)

Martine Brulé et Patty Cassidy

Martine Brulé et Patty Cassidy

Une belle ascension pour Patty Cassidy, Hortithérapeute , membre du bureau d’AHTA et présidente du Friends of Portland Memory Garden. Patty est l’auteur de « Gardening for Seniors », maintenant traduit en français. Dans le cadre de la conférence, elle a animé la session « communities of care » où elle a invité les participants à réfléchir sur les moyens de collaborer efficacement et d’échanger les informations sur les actions professionnelles de chacun. Gerrie H. Schmidt, membre du bureau a pris en charge le dispositif et a ouvert l’invitation également aux participants étrangers dont je fais partie.

Un projet de collaboration avec la France est en route, nous en reparlerons… »

Un hortithérapeute expérimenté lance un nouveau programme gériatrique à Atlanta

Kirk Hines 1Les lecteurs de la première heure se rappelleront peut-être avoir rencontré Kirk Hines en juillet 2012. Après 21 ans en tant qu’hortithérapeute à Wesley Woods Hospital, un établissement gériatrique à Atlanta en Géorgie, Kirk prend un nouveau départ. « Ce n’est pas que l’hôpital ne jugeait pas notre service important, mais il y a toujours des changements et des coupes budgétaires dans les hôpitaux », explique-t-il très diplomatiquement. Par chance, un des administrateurs de Wesley Woods se trouve être le CEO de A.G. Rhodes Health & Rehab, un centre de soin long terme et sans but lucratif pour les personnes âgées frêles fondé à Atlanta en 1904. Il avait repéré le programme d’hortithérapie ainsi que le programme de musique thérapie : il a donc embauché les deux thérapeutes sur le champ. « Cela m’a fait mal au cœur de quitter un programme que j’avais créé et que je dirigeais depuis 21 ans, mais le nouveau programme à AGR est plein de potentiel enthousiasmant », avoue Kirk qui est soulagé d’avoir retrouvé un poste aussi facilement. Car même aux Etats-Unis, les postes d’hortithérapeutes à plein temps ne sont pas légion. Un accord entre les deux établissements lui a permis de récupérer plusieurs serres et de conserver des fonds qu’il avait levés, une aide précieuse pour lancer son nouveau programme.

Au travail sur des jardins et des programmes sur 3 sites

Kirk Hines courtyard« Il y a deux ans, j’avais conçu un jardin pour les patients en réhabilitation à A.G. Rhodes avec Marguerite Koepke, une professeur de paysagisme de l’Université de Georgia à la retraite. Nous avions transformé une cour en un espace utilisé par des thérapeutes. Mais il n’y avait pas d’hortithérapeute dans le staff jusqu’à maintenant », me raconte Kirk au téléphone. Il part presque de zéro pour concevoir un programme d’hortithérapie pour les trois sites de A.G. Rhodes à Atlanta. Depuis qu’il a été embauché en novembre 2013, Hines a passé beaucoup de temps à éduquer le personnel sur la thérapie horticole. « Je leur explique comment cette thérapie peut bénéficier aux résidents et comment elle s’articule avec d’autres services. » Une autre étape importante est d’évaluer les besoins. «Nous nous réunissons avec le personnel et les résidents pour comprendre comment ils utilisent ces espaces et quels sont leurs besoins. »

«J’ai maintenant trois sites pour lesquels je suis en train de concevoir des programmes et des jardins de thérapie horticole. Chacun des trois bâtiments a beaucoup de potentiel », explique Kirk. « Sur l’un des sites, un patio pour les patients atteints de démence a été nettoyé et organisé. Nous avons planté des végétaux que nous nous cultivons et je fais des séances de thérapie. » Son but est de transformer l’aménagement paysager dans les trois sites en jardins thérapeutiques qu’il décrit comme « calmes, accueillants, paisibles, sains, luxuriants et attirants. » Dans ces paysages thérapeutiques, il veut intégrer des espaces de traitement actif et des espaces où patients et visiteurs peuvent se réunir en plein air.

Picture2La collecte de fonds sera essentielle dans la réalisation de sa vision. Il estime qu’il a de la chance car à A.G. Rhodes une directrice du développement à temps plein est prête à l’aider dans cette tâche. Je connais en France certaines passionnées du jardin de soin qui passent beaucoup de temps à trouver des financements et qui rêveraient d’un tel soutien institutionnel !

Kirk Hines 2A l’origine, Kirk a un diplôme en horticulture ornementale avec une concentration en thérapie horticole, suivi par un stage pour asseoir ses connaissances en thérapie horticole dans un hôpital en Géorgie. Le sujet de la formation le passionne. « Nous devons aligner nos programmes de formation avec ceux des kinés et des ergothérapeutes. Car eux sont moins facilement licenciés quand les budgets sont coupés…. », fait-il remarquer. Il partage également son avis sur le sujet des stages exigés pour obtenir le titre de HTR (horticultural Therapist Registered), un titre que Kirk détient bien évidemment. «Je voudrais avoir des stagiaires ici parce qu’il y a plus de travail que je ne peux faire tout seul sur un seul des sites, alors sur trois….Mais je suis persuadé que les stagiaires doivent être encadrés avec un clinicien qui observe le stagiaire. Permettre des stages à distance (comme le fait l’AHTA, ndlr) est trop facile. » Quant à lui, Kirk se sent incroyablement chanceux d’avoir retrouvé un emploi et de relever ce nouveau défi.

 

Deux jardins en accueil de jour

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Décidemment l’hortithérapie est vivace en Caroline du Nord. J’ai déjà décrit les programmes de nombreux hortithérapeutes basés dans cet état : Sue Kaylor, Christene Tashjian, John Murphy ou Sally Cobb pour ne citer qu’eux. Ils et elles travaillent avec des malades en rééducation suite à divers accidents, des victimes d’abus sexuels, des ados qui souffrent de troubles du développement ou encore des malades en fin de vie et des proches en deuil. Beth Carter, quant à elle, a créé en 2012 un programme d’hortithérapie dans un centre d’accueil pour adultes, à la fois des personnes âgées souvent atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démences et des jeunes adultes souffrant de troubles du développement ou de retard mental, mais aussi des victimes de traumatisme crânien. Cet accueil de jour en leur procurant des activités dans la journée leur permet de vivre chez elles ou dans leur famille.

Isolés au quotidien, les hortithérapeutes aiment se rencontrer et partager

Récemment Beth organisait une rencontre du Carolinas Horticultural Therapy Network, un groupe d’hortithérapeutes de Caroline du Nord et du Sud créé en marge du American Horticultural Therapy Association dont les règles pour établir un chapitre local leur semblaient trop lourdes. « Nous nous rencontrons deux fois par an pour échanger des idées. L’un de nous accueille la réunion pour le weekend sur notre lieu de travail. Il y a toujours une ou deux présentations », explique Beth. Parmi les 25 participants au dernier weekend dont elle est fière d’avoir maitrisé les coûts (20 dollars de participation en plus des frais de transport et d’hébergement), on trouve un groupe de fidèles, des étudiants, des « master gardeners » qui pratiquent la thérapie horticole dans des maisons de retraite sans avoir fait de formation. « Il y a tellement de super programmes. Dans ces rencontres, nous pouvons recharger notre énergie, échanger des idées. Car nous faisons souvent ce travail de façon isolée. Nous ne sommes pas comme les kinés ou les ergothérapeutes qui ont toujours des collègues autour d’eux. »

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d'une réunion organisée par Beth en février.

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d’une réunion organisée par Beth en février.

Qu’a retiré Beth de ces deux jours de rencontres en février? « Avec les participants à mon programme, nous avions fait des posters de graines en collant les paquets de vieilles graines et les graines en dessous pour montrer à quoi elles ressemblent (voir photo ci-contre). John Murphy a eu une idée pour aller un peu plus loin : mettre du velcro sur les paquets et en faire un jeu de mémoire. Ca devient une activité interactive. On peut avoir de bonnes idées, mais quelqu’un d’autre peut les rendre encore meilleures. » Deuxième exemple avec la création d’un terrarium, ces mini-jardins d’intérieur qu’on abrite dans un bocal en verre. « La stagiaire de John a fait une présentation sur le sujet. Je n’en avais jamais fait et cela m’a donné envie d’en réaliser avec les jeunes adultes qui ont des troubles du développement. Avec les plantes dans un bocal en verre, on peut parler d’évaporation et de condensation. »

Deux diplômes et un travail d’hortithérapeute à plein temps

Mais revenons en arrière. « J’ai grandi les mains dans la terre. Mes grand-mères et mes parents jardinaient », résume Beth. Jeune maman, elle visite très régulièrement les Gallaway Gardens en Géorgie où elle deviendra plus tard bénévole pendant un temps, puis employée. Lorsqu’elle entend parler des « healing gardens », elle est immédiatement intéressée. En 2008, une recherche sur Google la mène au Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller.  En 2012, la voici doublement diplômée, de HTI et d’un programme de deux ans en science horticole. Dans le cadre de son projet final pour le certificat du HTI, elle travaille avec le Life Enrichment Center à Shelby, un programme de jour pour adultes : pour leur jardin inutilisé, elle conçoit un programme d’hortithérapie et passe six mois à développer l’activité. Une fois ses deux diplômes en poche, elle a la bonne surprise d’être embauchée à temps plein en deux temps trois mouvements !

Lentalus inspecte les courgettes.

Lentalus inspecte les courgettes.

Le Life Enrichment Center gère deux établissements implantés à quelques kilomètres de distance, entre lesquels Beth partage son temps. Les jardins y sont très différents. Dans le premier endroit, c’est David Kamp qui a conçu le jardin. Spécialiste des jardins thérapeutiques à New York, il a créé un jardin dans l’esprit « Prospect and Refuge », l’idée que notre expérience d’un paysage est ancrée dans des perceptions liées à notre évolution et notre instinct de survie. Beth cite aussi le travail de Rachel et Steven Kaplan, deux professeurs de psychologie environnementale à l’Université du Michigan, qui ont travaillé depuis les années 1970 sur les effets de la nature sur la santé et les relations humaines, avec cette idée pionnière que le l’environnement peut contribuer à soigner. Dans ce jardin très agréable, Beth a eu l’aide d’un Boy Scout qui lui a construit des jardinières à hauteur pour son projet d’Eagle Scout. « Quant à l’établissement plus récent, c’est un paysagiste local sans formation sur les jardins thérapeutiques qui l’a conçu. Il doit faire 12 000 m2. Mais il est si grand qu’il est intimidant pour les participants qui ont des difficultés à marcher ou utilisent un déambulateur. Finalement, ils restent sur le patio. J’essaie de construire des espaces de jardinage près du patio pour créer plus d’intimité. C’est un processus qui va prendre des années. »

« Je fais surtout un programme social. L’idée est qu’ils accèdent à leurs souvenirs, qu’ils ne s’isolent pas. J’adapte mes activités à leurs objectifs individuels et je prends des notes sur leur progrès. Mais je ne suis pas dans la documentation et certaines contraintes comme peut l’être Kirk », explique Beth. Elle fait référence à Kirk Hines qui travaille avec des personnes âgées au Wesley Woods Hospital à Atlanta en Géorgie depuis 1993. « Je prends des groupes de 2 ou 3 personnes, parfois plus et parfois je travaille avec une seule personne. Récemment, je travaillais avec un monsieur assez réfractaire. Mais après avoir planté un épicéa miniature, il était tellement fier qu’il en parlait à tout le monde.  L’autre jour, nous regardions des catalogues de graines et nous parlions des légumes de leur enfance avec un groupe de femmes. C’était un bon moment pour elle. Chaque jour est différent. »

Le retour du printemps

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

En Caroline du Nord, l’hiver a été long et froid, avec des chutes de neige inattendues. « Un matin, il faisait – 15° », s’étonne Beth. Tout le monde attend le printemps avec impatience. En attendant, les activités continuent. « J’ai trouvé des vieilles tasses à thé dans un magasin d’occasion. On y a mis des graviers et on a planté des bulbes de jacinthe. Tout le monde, y compris le personnel, spéculait sur la nature de ces bulbes. Des oignons ? Des betteraves ? Quand les jacinthes fleuriront, la pièce va embaumée. » Mais elle attend avec impatience de planter des légumes – des tomates, des épinards, des haricots verts, de la laitue, de l’okra (gombo en français, un légume très populaire du sud des Etats-Unis) – dans trois nouvelles jardinières récemment installées et accessibles en fauteuil roulant. « Je vais aussi doubler la surface du jardin de fleurs. Tout l’été, nous aurons des fleurs pour faire des bouquets. On plante des fleurs inhabituelles comme ces tournesols géants. » Beth attend de voir revivre le jardin de papillons où les participants regardent les chenilles se métamorphoser. « Je fais aussi beaucoup de choses avec des programmes de nature : des mangeoires pour les oiseaux, des sites pour qu’ils nichent. On écoute des enregistrements de chants d’oiseaux pour apprendre à les identifier. »

En Caroline du Nord, Beth et ses voisins guettent les signes du printemps. « Ici les gens ont la réputation de toujours planter leur pieds de tomates dès qu’il commence à faire dans les 20 degrés, tellement ils sont impatients. Chaque année, ils doivent les replanter. » On les comprend car l’arrivée du temps printanier de ces derniers jours en France a eu un effet immédiat sur les esprits engourdis par l’hiver.

Plantation de plantes grasses

Plantation de plantes grasses

Observation d'une araignée qui fait de l'ascension sur une fleur.

Observation d’une araignée qui fait de l’ascension sur une fleur.

Greg et les fleurs de l'été
Greg et les fleurs de l’été

Matt Wichrowski, un thérapeute horticole récompensé et…exproprié

Matt Wichrowski, hortithérapeute depuis presque 20 ans au Rusk Institute of Rehabilitation Medicine  à New York

Matt Wichrowski, hortithérapeute depuis presque 20 ans au Rusk Institute of Rehabilitation Medicine à New York

C’est une star de l’hortithérapie aux Etats-Unis. Matt Wichrowski vient de recevoir le « Horticultural Therapy Award » de la American Horticultural Society. « C’est un honneur car c’est une des plus prestigieuses récompenses dans le domaine. Et je ne sais toujours pas qui m’a nominé », explique-t-il, encore sous le choc. Voici presque 20 ans qu’il travaille au Rusk Institute of Rehabilitation Medicine à New York et plus spécifiquement au Enid A. Haupt Glass Garden. Malheureusement, ce jardin, qui a subi de gros dégâts pendant l’Ouragan Sandy en Octobre 2012, était déjà condamné pour permettre l’agrandissement de l’hôpital. Dans ce contexte, le prix sonne comme un prix de consolation.

Mais revenons en arrière. Après avoir soigné des vétérans de la Seconde guerre mondiale, le docteur Howard Rusk est convaincu que la médecine de réadaptation, cette « rehabilitation medecine » qu’il sera le premier à pratiquer dans son service à partir de 1948, doit avoir une approche holistique. « Il avait l’esprit ouvert à toutes formes de thérapies efficaces », explique Matt Wichrowski. Le docteur Rusk était également convaincu des effets bénéfiques de la nature pour les patients. C’est ainsi que, dès les années 1950, un don permet de construire le Enid A. Haupt Glass Garden où les patients viennent profiter de la nature, mais aussi travailler, planter et s’occuper des plantes. Sont venus s’ajouter par la suite deux autres espaces : le Perennial Garden en 1989 pour l’agrément des patients, particulièrement ceux en fauteuils, et à partir de 1998, le Children’s PlayGarden où les enfants pouvaient faire leur rééducation à l’extérieur tout en jouant.

Les trois jardins et l’ancien « Rusk Institute of Rehabilitation Medicine » vont donc être démolis pour faire place à un nouvel ensemble de soins intensifs de plusieurs étages, le Helen L. et Martin S. Kimmel Pavilion, qui devrait ouvrir ses portes en 2017. Dans le même temps, le centre de médecine de réadaptation déménagera, mais ne retrouvera apparemment pas ses jardins.

Matt travaillant avec un groupe

Matt travaillant avec un groupe

Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Matt Wichrowski continue ses activités de thérapie horticole à l’intérieur. « Nous continuons les activités avec les patients en psychiatrie, les épileptiques, la réadaptation générale et la réadaptation cardiaque. Je travaille au chevet des patients pour l’épilepsie et en groupes dans les autres cas. J’ai un chariot qui me sert pour faire du rempotage, des semis et des activités de saison. » L’équipe se compose de deux thérapeutes horticoles à temps plein et de deux autres à mi-temps. Certains de ses collègues interviennent dans des unités disséminées dans New York et travaillant avec des malades atteints de cancers et des patients souffrant de la maladie d’Alzheimer. « Les bénéfices que nous recherchons sont la réduction du stress, la socialisation et des bienfaits cognitifs. » Il s’est intéressé à la thérapie horticole un peu par hasard. « J’avais une maitrise en travail social et une licence en psychologie et en philosophie. Je travaillais avec des adultes autistes et l’opportunité s’est présentée de rénover une serre. J’ai vu une immense différence dans leur humeur », se souvient-il. De là, il a commencé à travailler au Rusk Institute avec Nancy Chambers, la directrice des jardins.

Quand la possibilité se présente, Matt aime étudier et démontrer l’efficacité des activités de thérapie horticole. « Nous avons fait une étude qui a été publiée dans le Journal of Cardiopulmonary Rehabilitation. Elle montrait que les patients qui suivaient une activité de thérapie horticole avait un rythme cardiaque plus bas et étaient moins agités après l’atelier que d’autres suivant un cours d’éducation du patient. » Voici au passage une liste de publications du Rusk Institute. D’ailleurs, Matt pilote pour l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) un groupe de travail dédié à la recherche. « Nous aidons ceux qui veulent conduire des études avec des ressources, une bibliographie et des recommandations. Je dirais qu’on voit de plus en plus de recherche dans ce domaine et plus d’intérêt à l’international. J’ai parlé avec des gens en Allemagne, en Autriche, en Angleterre, en Australie, en Egypte et en France. »

Enfin, Matt écrit un blog, Healing Green , pour le site du magazine Psychology Today. « Je parle de comment on peut utiliser la nature pour améliorer notre qualité de vie. Je parle de mon travail, je donne des références. C’est pour le grand public et jusqu’aux professionnels. »

Matt avec un patient

Matt avec un patient

De quoi parle-t-on quand on parle de thérapie horticole?

Atelier de tressage avec des enfants au Centre hospitalier spécialisé Georges Mazurelle à La Roche-sur-Yon

Je crie « Pouce ! ». Ces trois jours de formation ont fait exploser mon « réseau » en France et les idées d’articles se bousculent au portillon. Pour autant, je ne vais pas dévier de mon rythme choisi : deux articles par semaine. Comme j’avais aussi quelques interviews sous le coude avant le stage (une hortithérapeute américaine dont le jardin municipal est conçu pour accueillir divers groupes pour des séances d’hortithérapie, le trio du collectif La Valise et leur Terraform), je veux leur faire la place qu’il se doit. J’avais aussi le projet de fournir quelques définitions de l’hortithérapie, ce que je n’ai jamais fait jusque là.

Il est temps !

Accordons aux Anglo-saxons le droit d’ouvrir le bal des définitions puisque la thérapie horticole est chez eux une pratique plus ancienne. Dans ce « position papier »,  l’American Horticultural Therapy Association (AHTA) clarifie sa position. Ce document est extrêmement complet et cite également des études qui se sont penchées sur les bénéficies de la thérapie horticole dans plusieurs domaines (cognitif, psychologique, physique, social). A lire absolument. Pour la faire courte, « la thérapie horticole est la pratique d’intéresser un client dans des activités d’horticulture, avec la médiation d’un thérapeute formé pour atteindre des objectifs de traitement spécifiques et documentés. AHTA est convaincu que la thérapie horticole est un processus actif qui se déroule dans le contexte d’un projet de traitement établi où le processus lui-même est considéré comme l’activité thérapeutique plutôt que le produit fini. Des programmes de thérapie horticole peuvent exister dans toute une variété de lieux de santé, de réhabilitation et de résidences. »

Sébastien Guéret de Formavert propose cette définition : « L’hortithérapie c’est l’intégration des activités horticoles dans un processus de soin, de lutte contre la maladie ou encore de lutte contre l’exclusion, au même titre que les activités artistiques que sont la peinture ou la musique. » Il considère que l’hortithérapie peut offrir des solutions intéressantes pour les personnes souffrant des troubles suivants, un spectre très large dont ce blog a déjà exploré plusieurs exemples (suivre les liens).

Dans son livre Toucher la terre, Anne Ribes écrit que « le principe actif de cette étrange thérapeutique réside précisément en la transformation du soigné en soignât. C’est en donnant aux plantes cette attention affectueuse et précise, en se préoccupant de leur croissance et de leur santé que l’on recevra en échange les bienfaits espérés. » Et je reprends les propos de Jean-Paul Ribes en les concentrant : « La maladie, c’est ce qui nous rend absent. Le jardin est une stratégie de la présence. Quand on est présent au monde, on se porte bien…On ne prescrit pas le jardin, c’est une appropriation. Ce n’est pas un jardin de soin s’il n’y a pas d’évolution dans le temps…Le jardin doit privilégier le vivant et la simplicité. Pour écouter le jardin, il ne faut pas lui surajouter des messages qui perturbent…Faire un jardin, c’est faire la révolution dans un établissement. »

Même dans une discipline aussi jeune, on se rend compte qu’il y a des nuances, des différences d’approches, voire des écoles. Aux Etats-Unis, l’AHTA distingue « horticultural therapy », « therapeutic horticulture », « therapeutic gardens », « healing gardens », « restorative gardens »,…En France, où la discipline est encore plus naissante, on perçoit aussi des différences d’approches qui pourront, on l’espère, se réunir dans un seul élan pour faire avancer les choses.