Quel plaisir d’être contactée par Tamara il y a quelques jours ! Je bouleverse un peu mon « calendrier éditorial » pour vous la présenter de toute urgence alors qu’elle est en train de faire ses bagages à New York pour venir s’installer à Paris. On sent que la communauté française va s’enrichir d’une nouvelle membre, formée et forte d’une expérience américaine très intéressante.
Pour donner une idée de son riche parcours, commençons par son arrivée à Paris en provenance d’Amsterdam pour étudier à Sciences Po, puis sa bifurcation vers le DEA “Jardins paysages territoires” à la Sorbonne, programme créé par Bernard Lassus. Puis direction Londres pour étudier l’art végétal et floral à la London University for the Arts. Là, elle anime des ateliers de deux ou trois jours avec des enfants pour leur parler de notre énorme dette envers les plantes, leur apprendre des techniques de tissage (elle a aussi étudié l’anthropologie) et construire avec eux des huttes en saule. Dont au moins une survit encore dans une cour d’école londonienne.
Destination suivante, New York où elle suit la formation du New York Botanical Gardens : un programme accessible aux détenteurs d’une licence minimum de 189 heures de cours suivis d’un stage supervisé avec rapport de stage. La voilà donc hortithérapeute certifiée et membre de l’American Assocation of Horticultural Therapy. Pendant presque trois ans, elle travaille dans deux hôpitaux new-yorkais avec les thérapeutes du Rusk Institute of Rehabilitation et au fameux Glass Garden, promis à la démolition et prématurément détruit par l’ouragan Sandy. Tamara travaille notamment aux côtés de Matt Wichrowski, pilier de l’AHTA chargé de la recherche que je vous avais présenté l’année dernière.
Rebond après la disparition du Glass Garden
« Depuis l’ouragan Sandy et la fermeture de la serre, le programme est très différent et presqu’entièrement basé dans les wards (les salles de l’hôpital). La présence dans les unités médicales a permis d’autres percées and a rendu l’hortithérapie visible d’une façon nouvelle dans le milieu médical », affirme Tamara. Leçon de réaction positive à l’adversité, s’il en est. D’ailleurs l’utilisation de l’espace, intérieur ou extérieur, est une différence entre la France et les Etats-Unis d’après ses premières observations. « Dans les hôpitaux new-yorkais construits dans les années 50-70, il n’y a pas d’espace dehors. On amène tout ce qu’il faut pour les résidents. Ca n’empêche pas de monter un programme d’hortithérapie. Maintenant on peut accepter des gens plus « compromis » qui ne pouvaient pas descendre au jardin. En France, la discussion est toujours autour d’un espace extérieur. »
« Les hortithérapeutes ne sont pas des animateurs »
« A Rusk, je travaille avec des neuro-lésés pour les aider à récupérer leurs moyens et pallier les déficiences. On peut travailler la motricitié, le visuel, la mémoire, la problématisation. Je travaille aussi avec des patients souffrant de troubles cardio-vasculaires, des enfants opérés, des enfants en oncologie, des personnes âgées atteintes ou pas de la maladie d’Alzheimer. Ce sont en général des groupes de 45 minutes à une heure. Il y a aussi des projets dans la communauté, dans des centres pour personnes âgées ou pour jeunes », décrit Tamara. Et la thérapie dans tout cela ? « Nous faisons un travail d’équipe pour établir les objectifs de chaque patient et les changer en fonction de leurs progrès. Nous ne sommes pas des animateurs, mais des thérapeutes. A nous de trouver les activités en rapport avec les objectifs. Nous travaillons beaucoup avec les ergothérapeutes et les physiothérapeutes dans des situations de « cotreat ». Parfois, c’est plus social. » Un travail d’évaluation de chaque patient et de chaque séance fait partie intégrante du processus.
Peu d’hortithérapeutes américains, dans l’expérience de Tamara, travaillent à temps plein. Tous ont des activités à côté. La plupart continue à se former. « Nous sommes une profession jeune, il faut être au fait de la recherche pour améliorer les activités. Il faut aussi comprendre que chaque séance d’une heure peut prendre 2 ou 3 heures de préparation. »
Conseil de lecture

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.
« M’apprêtant à rentrer à Paris, forte de mes expériences cliniques auprès de cardiaques et de neuro lésés, gériatrie, pédiatrie, psychiatrie, la maladie de Huntington pour ne parler que de quelques populations suivies, je me demande sur quelles pistes me lancer. Pratiquer? Animer? Former d’autres? Retourner à la recherche? », m’avait écrit Tamara quand elle a pris contact fin novembre. Des interrogations bien légitimes. J’espère que la communauté française fera un accueil chaleureux à Tamara.
En guise de conclusion, Tamara nous recommande la lecture de tout récent The Glass Garden: A Therapeutic Garden in New York City, écrit par Gwenn Fried, Matthew Wichrowski et Nancy Chambers (aujourd’hui retraitée).