Un hortithérapeute expérimenté lance un nouveau programme gériatrique à Atlanta

Kirk Hines 1Les lecteurs de la première heure se rappelleront peut-être avoir rencontré Kirk Hines en juillet 2012. Après 21 ans en tant qu’hortithérapeute à Wesley Woods Hospital, un établissement gériatrique à Atlanta en Géorgie, Kirk prend un nouveau départ. « Ce n’est pas que l’hôpital ne jugeait pas notre service important, mais il y a toujours des changements et des coupes budgétaires dans les hôpitaux », explique-t-il très diplomatiquement. Par chance, un des administrateurs de Wesley Woods se trouve être le CEO de A.G. Rhodes Health & Rehab, un centre de soin long terme et sans but lucratif pour les personnes âgées frêles fondé à Atlanta en 1904. Il avait repéré le programme d’hortithérapie ainsi que le programme de musique thérapie : il a donc embauché les deux thérapeutes sur le champ. « Cela m’a fait mal au cœur de quitter un programme que j’avais créé et que je dirigeais depuis 21 ans, mais le nouveau programme à AGR est plein de potentiel enthousiasmant », avoue Kirk qui est soulagé d’avoir retrouvé un poste aussi facilement. Car même aux Etats-Unis, les postes d’hortithérapeutes à plein temps ne sont pas légion. Un accord entre les deux établissements lui a permis de récupérer plusieurs serres et de conserver des fonds qu’il avait levés, une aide précieuse pour lancer son nouveau programme.

Au travail sur des jardins et des programmes sur 3 sites

Kirk Hines courtyard« Il y a deux ans, j’avais conçu un jardin pour les patients en réhabilitation à A.G. Rhodes avec Marguerite Koepke, une professeur de paysagisme de l’Université de Georgia à la retraite. Nous avions transformé une cour en un espace utilisé par des thérapeutes. Mais il n’y avait pas d’hortithérapeute dans le staff jusqu’à maintenant », me raconte Kirk au téléphone. Il part presque de zéro pour concevoir un programme d’hortithérapie pour les trois sites de A.G. Rhodes à Atlanta. Depuis qu’il a été embauché en novembre 2013, Hines a passé beaucoup de temps à éduquer le personnel sur la thérapie horticole. « Je leur explique comment cette thérapie peut bénéficier aux résidents et comment elle s’articule avec d’autres services. » Une autre étape importante est d’évaluer les besoins. «Nous nous réunissons avec le personnel et les résidents pour comprendre comment ils utilisent ces espaces et quels sont leurs besoins. »

«J’ai maintenant trois sites pour lesquels je suis en train de concevoir des programmes et des jardins de thérapie horticole. Chacun des trois bâtiments a beaucoup de potentiel », explique Kirk. « Sur l’un des sites, un patio pour les patients atteints de démence a été nettoyé et organisé. Nous avons planté des végétaux que nous nous cultivons et je fais des séances de thérapie. » Son but est de transformer l’aménagement paysager dans les trois sites en jardins thérapeutiques qu’il décrit comme « calmes, accueillants, paisibles, sains, luxuriants et attirants. » Dans ces paysages thérapeutiques, il veut intégrer des espaces de traitement actif et des espaces où patients et visiteurs peuvent se réunir en plein air.

Picture2La collecte de fonds sera essentielle dans la réalisation de sa vision. Il estime qu’il a de la chance car à A.G. Rhodes une directrice du développement à temps plein est prête à l’aider dans cette tâche. Je connais en France certaines passionnées du jardin de soin qui passent beaucoup de temps à trouver des financements et qui rêveraient d’un tel soutien institutionnel !

Kirk Hines 2A l’origine, Kirk a un diplôme en horticulture ornementale avec une concentration en thérapie horticole, suivi par un stage pour asseoir ses connaissances en thérapie horticole dans un hôpital en Géorgie. Le sujet de la formation le passionne. « Nous devons aligner nos programmes de formation avec ceux des kinés et des ergothérapeutes. Car eux sont moins facilement licenciés quand les budgets sont coupés…. », fait-il remarquer. Il partage également son avis sur le sujet des stages exigés pour obtenir le titre de HTR (horticultural Therapist Registered), un titre que Kirk détient bien évidemment. «Je voudrais avoir des stagiaires ici parce qu’il y a plus de travail que je ne peux faire tout seul sur un seul des sites, alors sur trois….Mais je suis persuadé que les stagiaires doivent être encadrés avec un clinicien qui observe le stagiaire. Permettre des stages à distance (comme le fait l’AHTA, ndlr) est trop facile. » Quant à lui, Kirk se sent incroyablement chanceux d’avoir retrouvé un emploi et de relever ce nouveau défi.

 

Un livre de conseils pratiques

Day centerEn août 2012, mon unique expérience directe de l’hortithérapie prenait fin après 8 mois de bénévolat aux côtés de Marge Levy et des participants du Mount Diablo Center for Adult Day Health Care en Californie (centre d’accueil de jour pour adultes). Les adieux furent très touchants, preuve que des liens s‘étaient créés pendant ces 8 mois de rencontres hebdomadaires : le « Russian group », le groupe le plus actif malgré la barrière de la langue, m’offrit de jolis chaussons tricotés avec amour et Marge me renvoya en France avec un livre que je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de mettre en pratique, mais que j’ai envie de vous faire connaitre.

 

Livre couvertureLe livre s’appelle « Growing with gardening : a 12-month guide for therapy, recreation and education » par Bibby Moore et a été écrit avec l’aide du North Carolina Botanical Gardens (encore un exemple de l’activisme de la Caroline du Nord dans ce domaine). Bien qu’elle écrive pour un public américain, je suis convaincue que les conseils de Bibby Moore peuvent s’appliquer partout dans le monde en les adaptant aux conditions locales. L’auteure commence par parler des étapes de la mise en oeuvre d’un programme. J’y reviendrai peut-être, mais je veux commencer par son calendrier d’activités. Une fois un jardin lancé, les activités se présentent certes d’elles-mêmes pour l’entretenir. Cependant voici ce que Bibby Moore suggère pour le mois de mai. Les activités peuvent être purement horticoles, mais aussi sociales.

Première semaine

  • Planter légumes, fleurs et herbes
  • Faire des bouquets (elle suggère de trouver un fleuriste prêt à faire un don de fleurs légèrement défraichies pour alléger le budget)
  • Propager des plantes de type forsythia, delphinium, géranium, groseillers et autres arbutres à fruits rouges. Elle explique comment procéder en coupant les jeunes pousses tôt le matin et en les plongeant dans l’eau. Il faut ensuite les couper à environ 6 cm, plonger les boutures dans une « rooting powder » et les planter dans un mix moitié sable et moitié tourbe. Elle explique le processus en détail.
  • Organiser une visite dans une pépinière à la recherche d’herbes à planter (basilique, persil, thym, romarin,…)
  • Planifier une journée Portes Ouvertes pour le mois de juin.

Deuxième semaine

  • Récupérer des fleurs et des plantes pour les presser
  • Organiser un pique-nique
  • Eclaircir les carottes
  • Semer des fleurs (soucis, zinnia)
  • Récolter chou, broccoli et chou-fleur
  • Pailler les pommes de terre

Troisième semaine

  • Pailler le reste du jardin pour conserver la fraicheur.
  • Préparer les tuyaux d’arrosage pour l’été.

Quatrième semaine

  • Faire des boutures (bégonias, chlorophytum,…). Dans un autre chapitre, elle explique en détails la procédure.
  • Détecter d’éventuels insectes, puis supprimer les insectes ou les œufs.
  • Se renseigner sur les plantes carnivores et insectivores. Là encore, elle donne deux pages de détails sur les spécificités de ces plantes et comment les faire pousser.

 

Le Jardin des (S)ages : l’aventure de Carole Nahon

Un mot avant de vous raconter l’histoire de Carole. Le tableau de bord du Bonheur est dans le jardin m’indique que nous avons atteint aujourd’hui le 100e billet. Depuis le printemps 2012, que de rencontres autour du jardin qui soigne ou qui du moins contribue au bien-être. J’espère que vous continuez à puiser des idées et peut-être à prendre des contacts semaine après semaine. Dans les billets à venir, nous irons visiter le jardin d’une crèche parentale en plein coeur de Paris, je partagerai des activités pratiques à mettre en oeuvre dans des ateliers et nous ferons peut-être faire un tour en Suède et au Canada (en tout cas, les contacts sont lancés).

Lors d'une journée autour du potager organisée avec Jardin, Art et Soin et à laquelle avait participé Martine Brulé.

Lors d’une journée autour du potager organisée avec Jardin, Art et Soin et à laquelle avait participé Martine Brulé.

Mais revenons à Carole qui jardinait en amateur et a décidé d’aller plus loin. Visiteuse bénévole dans une maison de retraite depuis quelques années via l’association Visite des Malades en Etablissements Hospitaliers, elle entrevoit vite le potentiel du jardin pour apporter de la vie. « Mes grands-parents avaient un jardin, j’ai un jardin. Je prends beaucoup de plaisir à biner, à désherber. C’est une source de bien-être, un moment de détente pour évacuer », décrit cette femme pleine d’enthousiasme. En 2010, une recherche sur Internet la mène à un article qui lui ouvre des perspectives sur les bienfaits du jardin. « C’était une publication d’un colloque de la SNHF qui a eu lieu en 2009. A la page 3 de ce document, le paragraphe « Jardins, plantes, et personnes souffrantes : un bref historique » m’a bouleversée et a fait écho en moi. Il mettait des mots sur ce que je ressentais quand je jardinais. et l’idée que je pouvais aider les autres, par ce biais, qui me parlait tant, a germé à partir de ce moment-là. »

Elle commence alors à prendre des contacts : le Jardin Bénéfique est un peu trop loin de Draguignan où elle habite pour aller se former, elle rencontre Martine Brulé, elle se rapproche de l’association Jardins, Art et Soin aujourd’hui dissoute dans sa région par manque de personnes pour s’en occuper. Au final, elle suit en 2012 une initiation à l’hortithérapie avec Sébastien Guéret où elle rencontre Anne Ribes. Ces échanges confirment ce qu’elle ressent et la conforte dans son envie de créer une association.

A partir de la mi-2012, elle se penche sur la création de cette association avec l’aide de PILES (Pôle d’Initiatives Locales d’Economie Solidaire) pour rédiger son projet. Ressentant le besoin de muscler ses connaissances techniques pour asseoir sa crédibilité, elle suit ensuite une formation en jardinage de janvier à juin 2013 dans un centre de formation professionnelle à Antibes. « Ca a été utile pour apprendre le nom des plantes, mais ça manquait de pratique sauf pendant le mois de stage », estime-t-elle. En octobre 2013, la voici prête à créer l’association avec son amie Elvire qu’elle a rencontrée en faisant la récolte dans leur AMAP. Le Jardin Des (S)âges est né.

Pour reprendre ses propres mots, l’association a pour mission:

-d’organiser des ateliers de jardinage afin d’améliorer le bien-être des personnes résidant dans des établissements médico-sociaux et de participer ainsi à la dynamique de ces structures.

– de participer à la valorisation des jardins de ces établissements

– d’organiser des rencontres autour des jardins de soin et de leur importance pour le bien-être des résidents de ces structures.

Les premiers ateliers à La Pierre de la Fée

Bacopa monnieri (je ne connaissais pas alors je partage cette photo).

Bacopa monnieri (je ne connaissais pas alors je partage cette photo).

Même si quelques ateliers avaient commencé à l’été dernier avant la création de l’association, ce n’est vraiment qu’au mois de janvier que Carole officialise les choses à la maison de retraite La Pierre de la Fée à Draguignan où elle est déjà bien connue en tant que visiteuse bénévole. « Les premiers ateliers se sont faits autour d’une table où ils ont parlé de leurs jardins et des plantes qu’ils avaient. On a fait une liste des plantes qu’on pourrait mettre dans notre jardin », explique Carole. Puis les ateliers se sont tournés vers des semis et des plantations dans des tables de culture et des pots : persil, cerfeuil, verveine, capucines, pois de senteur, bacopa, pensées.

Premières séances à la Pierre de la Fée.

Premières séances à la Pierre de la Fée.

« Le lundi après-midi, je visite les malades que le cadre de santé m’indique dans leur chambre. S’il fait beau, je suggère qu’on aille au jardin. Mais maintenant les vendredis sont dédiés aux ateliers de jardinage. Nous allons chercher ceux qui ont envie de jardiner. Nous avons deux résidentes très assidues qui viennent avec leurs filles. Les rapports sont différents car elles peuvent discuter d’autre chose que de la maladie », raconte Carole. « D’autres résidents viennent voir ce que l’on fait. Des accompagnants et des familles viennent aussi nous voir. C’est un facteur de lien. Il se passe quelque chose de nouveau. Le personnel soignant, les animateurs et les familles sont très contents que quelqu’un de l’extérieur viennent s’occuper des résidents. Il n’y a pas de compétition et tout le monde me connaît bien. La femme d’un résident qui vient tous les jours a envie de m’aider. » De 14h30 à 17h00, Carole est au jardin avec une fenêtre en début d’après-midi quand les résidents sont plus calmes et disposés à planter et semer. En fin d’après-midi, elle privilégie l’arrosage.

Résultats...

Résultats…

Le jardin existant est entretenu par les services de la ville et avait été conçu pour demander peu d’entretien (arbres, gazon). Il comporte une partie fermée pour les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer. « J’ai rencontré le chef des jardins de la ville, à l’ehpad, en présence d’un des deux animateurs. Entretien très fructueux. Nous allons travailler en partenariat et réfléchir ensemble à l’aménagement du jardin du secteur protégé. Magnifique… », s’enthousiasme Carole.

Faire vivre l’association

L’association vit de modestes adhésions (20 euros). Compte tenu des compétences actuelles d’Elvire et Carole, le montant des prestations a été fixé à 80 euros la séance de 2heures 1/2. Leurs aspirations « humanistes » les porteraient à priori vers le bénévolat total, mais « la tarification des prestations est apparue nécessaire afin que les bénéfices du jardinage dans les établissements de soins, soient reconnus et que cela ouvre les portes à des initiatives de formations diplômantes, ce qui n’est toujours pas le cas en France », explique Carole, visiblement gênée par la question financière. « Avec les autres Ehpad, je reverrai peut-être le tarif à la hausse. » Car l’objectif est bien de proposer des ateliers à d’autres établissements à Draguignan et dans les alentours.

Carole Nahon pendant son stage de formation professionnelle.

Carole Nahon pendant son stage de formation professionnelle.

Carole est toujours en perfectionnement et suivra en juin une formation avec Jocelyne Escudero. « Pour l’instant, je parle d’animations horticoles même si je prends des notes sur les réactions, la participation. J’aimerais approfondir et passer à des jardins à visée thérapeutiques avec des personnes atteintes d’Alzheimer et des enfants autistes. » Comme beaucoup d’autres, elle déplore l’absence d’une formation diplômante. Elle sent bien que certains soignants aimeraient se spécialiser dans le jardin…En tout cas sans attendre, Carole a retroussé ses manches et elle s’est lancée. « Quand je les entends discuter et que je les vois contents de jardiner, je me sens très heureuse. »

Les prix de la Fondation Truffaut : appel à projets ouvert jusqu’au 20 avril

Capture d’écran 2014-03-20 à 18.01.36La Fondation Truffaut lance la 2e édition de ses prix inaugurés en 2013 pour récompenser trois types de jardins : thérapeutique, pédagogique et insertion. J’avais eu le plaisir de participer au jury et à la cérémonie de remise des prix, très émouvante, au Grand Palais. Cette année, c’est reparti. Si vous avez un projet qui correspond aux critères énoncés par la Fondation Truffaut, n’hésitez pas à vous lancer. Bonne chance!

Les candidats ont jusqu’au 20 avril pour déposer leur dossier en ligne en prêtant une attention particulière à la qualité des photos, aux témoignages et à la description des bénéfices constatés. Les trois prix seront remis début juin dans le cadre de l’événement JARDINS, JARDIN. Les trois associations récompensées recevront chacune une dotation de 5 000 euros. « Partout en France, des initiatives “végétales” voient le jour grâce à des personnes engagées mettant tout leur cœur dans leur projet, dans le but de partager des émotions, de donner le sourire à des enfants handicapés, de croire et guider des jeunes dans leur insertion professionnelle, d’accorder du temps aux personnes âgées », explique le communiqué de la fondation qui a fixé quatre conditions pour participer.

• Être une association ou une organisation à but non lucratif

• Avoir développé une action concrète permettant d’améliorer le quotidien d’hommes et de femmes, grâce au végétal

• Correspondre à un des trois domaines : thérapeutique, pédagogique ou insertion

• Voir son action se dérouler en France

La Fondation a choisi 3 axes d’intervention qu’elle explique ainsi. « Le thérapeutique, parce que le rapport au végétal et au jardinage stimule nos 5 sens et peut soigner ! (principe de l’hortithérapie). L’insertion parce que jardiner, c’est valorisant. Et que cela permet d’être en lien avec la société tout en se projetant vers l’avenir, même si l’on est en difficulté ou en rupture : « Jardinier, c’est l’un des plus beaux métiers de demain ». La pédagogie parce que le jardin, c’est une manière de ressentir le monde, un formidable outil de connaissance sur soi et un lieu d’apprentissage de la vie. Les mains et les pieds dans la terre, on fait corps avec ce qui nous entoure et on échange, tous milieux et âges confondus. »

Une journée d’échanges en Loir-et-Cher

Pendant qu’on est sur le sujet des annonces, une journée d’échanges est organisée le 30 mai en Loir-et-Cher autour du thème « le jardin de soin et de bien-être » avec la visite de la Clinique psychiatrique de La Chesnaie et du jardin des Portes Vertes à la Maison Claude de France. Je vous renvoie à cette invitation qui donne tous les détails et les coordonnées.

Invitation Journée d'échanges

Deux jardins en accueil de jour

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Décidemment l’hortithérapie est vivace en Caroline du Nord. J’ai déjà décrit les programmes de nombreux hortithérapeutes basés dans cet état : Sue Kaylor, Christene Tashjian, John Murphy ou Sally Cobb pour ne citer qu’eux. Ils et elles travaillent avec des malades en rééducation suite à divers accidents, des victimes d’abus sexuels, des ados qui souffrent de troubles du développement ou encore des malades en fin de vie et des proches en deuil. Beth Carter, quant à elle, a créé en 2012 un programme d’hortithérapie dans un centre d’accueil pour adultes, à la fois des personnes âgées souvent atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démences et des jeunes adultes souffrant de troubles du développement ou de retard mental, mais aussi des victimes de traumatisme crânien. Cet accueil de jour en leur procurant des activités dans la journée leur permet de vivre chez elles ou dans leur famille.

Isolés au quotidien, les hortithérapeutes aiment se rencontrer et partager

Récemment Beth organisait une rencontre du Carolinas Horticultural Therapy Network, un groupe d’hortithérapeutes de Caroline du Nord et du Sud créé en marge du American Horticultural Therapy Association dont les règles pour établir un chapitre local leur semblaient trop lourdes. « Nous nous rencontrons deux fois par an pour échanger des idées. L’un de nous accueille la réunion pour le weekend sur notre lieu de travail. Il y a toujours une ou deux présentations », explique Beth. Parmi les 25 participants au dernier weekend dont elle est fière d’avoir maitrisé les coûts (20 dollars de participation en plus des frais de transport et d’hébergement), on trouve un groupe de fidèles, des étudiants, des « master gardeners » qui pratiquent la thérapie horticole dans des maisons de retraite sans avoir fait de formation. « Il y a tellement de super programmes. Dans ces rencontres, nous pouvons recharger notre énergie, échanger des idées. Car nous faisons souvent ce travail de façon isolée. Nous ne sommes pas comme les kinés ou les ergothérapeutes qui ont toujours des collègues autour d’eux. »

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d'une réunion organisée par Beth en février.

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d’une réunion organisée par Beth en février.

Qu’a retiré Beth de ces deux jours de rencontres en février? « Avec les participants à mon programme, nous avions fait des posters de graines en collant les paquets de vieilles graines et les graines en dessous pour montrer à quoi elles ressemblent (voir photo ci-contre). John Murphy a eu une idée pour aller un peu plus loin : mettre du velcro sur les paquets et en faire un jeu de mémoire. Ca devient une activité interactive. On peut avoir de bonnes idées, mais quelqu’un d’autre peut les rendre encore meilleures. » Deuxième exemple avec la création d’un terrarium, ces mini-jardins d’intérieur qu’on abrite dans un bocal en verre. « La stagiaire de John a fait une présentation sur le sujet. Je n’en avais jamais fait et cela m’a donné envie d’en réaliser avec les jeunes adultes qui ont des troubles du développement. Avec les plantes dans un bocal en verre, on peut parler d’évaporation et de condensation. »

Deux diplômes et un travail d’hortithérapeute à plein temps

Mais revenons en arrière. « J’ai grandi les mains dans la terre. Mes grand-mères et mes parents jardinaient », résume Beth. Jeune maman, elle visite très régulièrement les Gallaway Gardens en Géorgie où elle deviendra plus tard bénévole pendant un temps, puis employée. Lorsqu’elle entend parler des « healing gardens », elle est immédiatement intéressée. En 2008, une recherche sur Google la mène au Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller.  En 2012, la voici doublement diplômée, de HTI et d’un programme de deux ans en science horticole. Dans le cadre de son projet final pour le certificat du HTI, elle travaille avec le Life Enrichment Center à Shelby, un programme de jour pour adultes : pour leur jardin inutilisé, elle conçoit un programme d’hortithérapie et passe six mois à développer l’activité. Une fois ses deux diplômes en poche, elle a la bonne surprise d’être embauchée à temps plein en deux temps trois mouvements !

Lentalus inspecte les courgettes.

Lentalus inspecte les courgettes.

Le Life Enrichment Center gère deux établissements implantés à quelques kilomètres de distance, entre lesquels Beth partage son temps. Les jardins y sont très différents. Dans le premier endroit, c’est David Kamp qui a conçu le jardin. Spécialiste des jardins thérapeutiques à New York, il a créé un jardin dans l’esprit « Prospect and Refuge », l’idée que notre expérience d’un paysage est ancrée dans des perceptions liées à notre évolution et notre instinct de survie. Beth cite aussi le travail de Rachel et Steven Kaplan, deux professeurs de psychologie environnementale à l’Université du Michigan, qui ont travaillé depuis les années 1970 sur les effets de la nature sur la santé et les relations humaines, avec cette idée pionnière que le l’environnement peut contribuer à soigner. Dans ce jardin très agréable, Beth a eu l’aide d’un Boy Scout qui lui a construit des jardinières à hauteur pour son projet d’Eagle Scout. « Quant à l’établissement plus récent, c’est un paysagiste local sans formation sur les jardins thérapeutiques qui l’a conçu. Il doit faire 12 000 m2. Mais il est si grand qu’il est intimidant pour les participants qui ont des difficultés à marcher ou utilisent un déambulateur. Finalement, ils restent sur le patio. J’essaie de construire des espaces de jardinage près du patio pour créer plus d’intimité. C’est un processus qui va prendre des années. »

« Je fais surtout un programme social. L’idée est qu’ils accèdent à leurs souvenirs, qu’ils ne s’isolent pas. J’adapte mes activités à leurs objectifs individuels et je prends des notes sur leur progrès. Mais je ne suis pas dans la documentation et certaines contraintes comme peut l’être Kirk », explique Beth. Elle fait référence à Kirk Hines qui travaille avec des personnes âgées au Wesley Woods Hospital à Atlanta en Géorgie depuis 1993. « Je prends des groupes de 2 ou 3 personnes, parfois plus et parfois je travaille avec une seule personne. Récemment, je travaillais avec un monsieur assez réfractaire. Mais après avoir planté un épicéa miniature, il était tellement fier qu’il en parlait à tout le monde.  L’autre jour, nous regardions des catalogues de graines et nous parlions des légumes de leur enfance avec un groupe de femmes. C’était un bon moment pour elle. Chaque jour est différent. »

Le retour du printemps

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

En Caroline du Nord, l’hiver a été long et froid, avec des chutes de neige inattendues. « Un matin, il faisait – 15° », s’étonne Beth. Tout le monde attend le printemps avec impatience. En attendant, les activités continuent. « J’ai trouvé des vieilles tasses à thé dans un magasin d’occasion. On y a mis des graviers et on a planté des bulbes de jacinthe. Tout le monde, y compris le personnel, spéculait sur la nature de ces bulbes. Des oignons ? Des betteraves ? Quand les jacinthes fleuriront, la pièce va embaumée. » Mais elle attend avec impatience de planter des légumes – des tomates, des épinards, des haricots verts, de la laitue, de l’okra (gombo en français, un légume très populaire du sud des Etats-Unis) – dans trois nouvelles jardinières récemment installées et accessibles en fauteuil roulant. « Je vais aussi doubler la surface du jardin de fleurs. Tout l’été, nous aurons des fleurs pour faire des bouquets. On plante des fleurs inhabituelles comme ces tournesols géants. » Beth attend de voir revivre le jardin de papillons où les participants regardent les chenilles se métamorphoser. « Je fais aussi beaucoup de choses avec des programmes de nature : des mangeoires pour les oiseaux, des sites pour qu’ils nichent. On écoute des enregistrements de chants d’oiseaux pour apprendre à les identifier. »

En Caroline du Nord, Beth et ses voisins guettent les signes du printemps. « Ici les gens ont la réputation de toujours planter leur pieds de tomates dès qu’il commence à faire dans les 20 degrés, tellement ils sont impatients. Chaque année, ils doivent les replanter. » On les comprend car l’arrivée du temps printanier de ces derniers jours en France a eu un effet immédiat sur les esprits engourdis par l’hiver.

Plantation de plantes grasses

Plantation de plantes grasses

Observation d'une araignée qui fait de l'ascension sur une fleur.

Observation d’une araignée qui fait de l’ascension sur une fleur.

Greg et les fleurs de l'été
Greg et les fleurs de l’été

Terramie : des paysagistes et des jardins à visée thérapeutique

De gauche à droite : Jean-Yves Pauchard, Nathalie Joulié-Morand, Guillaume Berthier, et Philippe Pauchard.

De gauche à droite : Jean-Yves Pauchard, Nathalie Joulié-Morand, Guillaume Berthier, et Philippe Pauchard.

Voici un nouvel article écrit pour Le Lien Horticole, l’hebdo des professionnels de l’horticulture ornementale, et paru le 19 février. Il raconte l’aventure de trois professionnels du paysagisme qui ont lancé une réflexion sur le jardin à visée thérapeutique – c’est le terme qu’ils préfèrent – et viennent maintenant de dévoiler une franchise dédiée à ce type de jardins. Ce ne sont pas des inconnus puisque j’avais rencontré Guillaume Berthier à Chaumont-sur-Loire à la toute première session de l’atelier Jardin de soin et de santé. J’en profite pour vous informer que la prochaine session de la formation d’Anne et Jean-Paul Ribes (8-10 avril) est déjà pleine. Mais la suivante est déjà prévue pour les 1-3 octobre. Ne tardez pas à vous manifester si vous êtes intéressé(e).

En décembre, j’avais passé une journée très sympa – fraiche, mais lumineuse – à Nancy avec Philippe Pauchard qui m’avait fait visiter deux jardins déjà réalisés et m’avait exposé la philosophie du groupe et de Terramie. A lire dans cet article:

Le Lien Horticole 19 février 2014

Le prochain article pour Le Lien Horticole va m’emmener du côté de La Roche-sur-Yon, un voyage qui me tient à coeur et que j’attends avec impatience…

Rétrospective 2013

En passant

Le jardin des Halles nouvellement réouvert portera le nom de Nelson Mandela.

Le jardin des Halles nouvellement réouvert portera le nom de Nelson Mandela.

Ce billet est resté dans les brouillons depuis une semaine et je ne m’en suis aperçue que ce weekend. Un petit clic sur le bouton « Publier » fait toute la différence. Début janvier est un peu tard pour une rétrospective de 2013. Mais qu’à cela ne tienne. Voici quelques billets coups de cœur de l’année dernière en attendant les nouvelles découvertes que nous réserve 2014.

Laetitia et la thérapie horticole spontanée parce que la théorie est nécessaire, mais que la pratique et l’intuition sont aussi très importantes.

Le Jardin Nomade, pionnier des jardins partagés parisiens parce qu’il rassemble les habitants d’un quartier parisien autour d’un lopin de terre sauvé du béton.

Le jardin extraordinaire de Saint-Ex parce qu’enseignants et élèves en difficulté scolaire y trouvent un terrain commun pour retrouver le plaisir d’apprendre.

Le jardin de l’Ehpad d’Onzain parce que Paule Lebay et Fabienne Peyron !

L’atelier d’horticulture de l’IME du Prieuré à Saint-Vigor (Bayeux) parce que Jean-Luc Valot, éducateur technique spécialisé, y transmet des valeurs fortes.

L’hortithérapeute américaine Sue Kaylor parce que, elle-même victime d’un accident cérébral il y a 10 ans, elle travaille avec ses patients en toute connaissance de cause.

Le groupe de soutien aux victimes de viol et d’abus sexuels de Christene Tashjian en Caroline du Nord parce que le jardin et le contact des plantes peuvent aider presque tout le monde à se reconstruire.

« Je suis sûre que les plantes peuvent apaiser »

Laetitia est ma voisine depuis plus de 15 ans. Je savais depuis des années qu’elle avait la main verte. Mais en discutant avec elle, j’ai découvert que beaucoup de principes chers à Anne Ribes et à son école du « Toucher la terre » faisaient tout naturellement partie de la philosophie que Laetitia pratique depuis qu’elle est enfant et dont elle fait profiter ses voisins et les personnes dont elle s’occupe en tant qu’auxiliaire de vie.

Grâce à des plantes et à des pots de récupération, Laetitia a transformé la cour intérieure de l'immeuble où elle vit.

Grâce à des plantes et à des pots de récupération, Laetitia a transformé la cour intérieure de l’immeuble où elle vit.

Depuis qu’elle a commencé à installer des jardinières sur les fenêtres de son appartement, elle n’a jamais acheté une seule plante. « Je n’ai que des plantes récupérées. C’est plus sympa que des amis me donnent des plantes car il y a une valeur de communion et d’amitié. C’est comme le troc de vêtements que j’aime bien aussi », m’explique-t-elle, un soir où nous avons prévu de passer un moment ensemble pour qu’elle me raconte ce que les plantes représentent pour elle. « J’ai commencé à donner des pousses à une dame de l’immeuble. Puis petit à petit à mettre des pots dans la cour parce que j’avais inondé toutes mes copines. » Là encore, les pots sont récupérés à droite et à gauche. Une autre voisine trouve à son attention deux grands pots en terre cuite qui ornent désormais la cour intérieure. D’autres voisins lui laissent des plantes dans la cour, comme des enfants abandonnées dont ils savent qu’elle prendra soin. Un jeune voisin lui a confié des bégonias Tamaya quand il a déménagé. La seule chose que Laetitia consent à acheter, c’est du terreau.

Pas de photo de Laetitia comme elle l'a souhaité, elle laisse parler ses plantes.

Pas de photo de Laetitia comme elle l’a souhaité, elle laisse parler ses plantes.

« Je coupe, j’arrose, je traficote. » Il est vrai qu’en rentrant dans l’immeuble, on la trouve souvent qui s’affaire autour des pots et du robinet. On échange quelques mots, on discute. Dans cet arrondissement de Paris si peu fleuri, boisé ou planté (malgré son maire écologiste, mais bon…), cette cour intérieure est une oasis qui tranche avec le quartier extrêmement minéral. « Petite, j’avais un petit carré de jardin où je plantais des choses récupérées déjà. Je vivais en bordure d’une petite ville. Quand on sortait de l’école, on allait dans les champs, on ne regardait pas la télé. On ramassait des châtaignes, des mûres, des fraises des bois. On allait chercher le lait à la ferme. Je faisais des bouquets de primevères. A la maison, il y avait des arbres fruitiers et un potager, mais on avait aussi un jardin ouvrier », se souvient Laetitia qui évoque à demi-mot une enfance pas si idyllique que ça par d’autres côtés. « J’ai toujours aimé trifouiller dans la terre et pas avec des gants ! Jardiner me rappelle mon enfance, c’est mon échappatoire. Je ne vois pas le temps passer. »

Même à l'entrée de l'hiver, ce bégonia persiste à donner des fleurs roses.

Même à l’entrée de l’hiver, ce bégonia persiste à donner des fleurs roses.

Quand elle raconte la perte de ses plantes une nuit d’hiver, Laetitia est visiblement émue. « Il devait geler et je voulais rentrer les plantes à l’intérieur au chaud. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai regardé un film et je me suis endormie. Le lendemain, le gel était passé et tout était à recommencer. » On lui fait souvent compliment de l’atmosphère que ses plantes créent dans l’immeuble et Laetitia a l’impression que de plus en plus de voisins ont installé des jardinières. « Si je m’écoutais j’en mettrais aussi à toutes les fenêtres des escaliers… »

Auxiliaire de vie, elle utilise les plantes naturellement

Voici 10 ans, Laetitia a quitté un travail de nuit pour devenir auxiliaire de vie. Elle accompagne des personnes âgées et d’autres qui ont besoin d’assistance dans la vie quotidienne. « Je suis sûre que les plantes peuvent apaiser. Mais il faut penser au passé des gens. Même s’ils n’ont pas vécu à la campagne, cela peut les aider. Il faut que ce soit proposé, jamais imposé. La plante, c’est la vie comme un animal ou un enfant. Je leur propose de s’occuper des plantes spontanément, d’arroser par exemple. »

« Chez une personne âgée, les plantes n’étaient plus entretenues. Ses enfants jugeaient que ce n’était pas important. Mais les bouquets lui faisaient toujours plaisir. Par contre, il fallait les jeter dès qu’ils commençaient à faner. Quand son mari est mort et qu’elle a eu besoin d’aide 24h/24, j’ai continué à aller la voir à la maison de retraite. Quand elle a pu avoir une chambre particulière, je lui ai amené des plantes. Ce sont des plantes à arroser par la feuille. Cette dame oublie beaucoup de choses, mais pas d’arroser ses plantes et comment le faire. J’ai l’impression que cela fait partie d’un rituel comme se laver les dents. Elle aime voir ses plantes sur le rebord de la fenêtre dans des pots colorés. »

« J’aidais un monsieur qui souffrait de la sclérose en plaques. Il aimait ses rosiers qui étaient sur des mini balcons chez lui. Je pouvais approcher son fauteuil roulant très près. On faisait des voyages chez Truffaut qui prenaient des heures car se déplacer était difficile pour lui. Un jour, nous sommes allés acheter des coccinelles car les rosiers étaient envahis de pucerons. Le lendemain, il n’y avait plus de pucerons, mais les coccinelles s’étaient envolées. Il s’est exclamé « Ah, les ingrates, maintenant qu’elles ont fait bombance, elles sont parties. Au prix où je les ai payées ! ». C’était très drôle. »

La Misère (ou Tradescantia) est une plante tropicale, vivant à l'intérieur sous nos climats et qui est facile d'entretien. Elle aime la lumière. Dans cette cour protégée, elle pousse très bien.

La Misère (ou Tradescantia) est une plante tropicale, vivant à l’intérieur sous nos climats.  Dans la cour protégée de Laetitia, elle pousse très bien.

La vieille dame et la misère, c’est la première histoire que Laetitia m’a racontée et je la trouve très belle. « Cette dame avait perdu son mari récemment. Elle avait des bacs, mais la terre était stérile et il n’y avait plus de plantes. Je lui ai dit que je trouvais dommage ces belles jardinières vides et je lui ai proposé d’apporter de la misère. « Ca va me rappeler de bons souvenirs car j’ai rencontré mon mari dans un sanatorium où nous étions tous les deux et où cette plante poussait beaucoup », m’a-t-elle répondu. Elle ne montre pas trop ses sentiments d’habitude, mais je l’ai vue s’illuminer une fraction de seconde. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Laetitia amène donc des pousses de chez elle et en plante. La dame lui demande de mettre la misère bien en évidence pour qu’elle puisse en profiter de sa chambre. Puis sa fille découvre les plantes et trouve que c’est une bonne idée. Ensemble, mère et fille vont acheter des plantes : des véroniques, des cyclamens, des pensées pour regarnir les jardinières vides. Laetitia a planté une idée qui a germé…

La genèse du jardin de l’EHPAD de Chailles

Le "nombril" est la place  centrale, espace de rencontre, de convivialité, de spectacle pour des gens extérieurs,...Derrière, la façade a été peinte en vert pour atténuer la luminosité du mur blanc. Les bambous symbolisent la transition de l’intérieur vers l’extérieur, rouges en référence au jardin anglais, pour attirer l’œil et faire sortir les personnes. Sur 2 murs, il y aura de la végétalisation.

Le « nombril » est la place centrale, espace de rencontre, de convivialité, de spectacle pour des gens extérieurs,…Derrière, la façade a été peinte en vert pour atténuer la luminosité du mur blanc. Les bambous symbolisent la transition de l’intérieur vers l’extérieur, rouges en référence au jardin anglais, pour attirer l’œil et faire sortir les personnes. Sur 2 murs, il y aura de la végétalisation.

Avant de devenir le site d’un EHPAD (établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), l’endroit était planté de vignes. Lorsque Brigitte Conré a pris ses fonctions de directrice en 2008, l’EHPAD Claude de France à Chailles près de Blois possédait un espace non entretenu avec du gazon et quelques vieux arbres, formant un V entre deux ailes sécurisées du bâtiment. Assez rapidement, des jardinous, de grandes jardinières accessibles en fauteuil roulant, et des bacs à hauteur se remplissent de légumes grâce à des membres du personnel qui aiment jardiner. « J’avais envie de faire un jardin thérapeutique en développant les couleurs, les odeurs. Mais je ne savais pas où commencer », se souvient Brigitte Conré. « Le responsable de la formation à Chaumont cherchait un endroit avec un jardin à créer ou à améliorer pour accueillir un stage. J’avais de la place…. Deux membres du personnel se sont joints au stage qui allait du médecin au paysagiste. Il en a découlé un dessin, puis un devis. » Et aussi un jardin est sorti de terre.

En route, le projet a changé de nature. « Mon jardin dit à but thérapeutique est devenu un jardin « art et soin ». Le jardin à but thérapeutique mélange couleurs et senteurs, il faut que ce soit agréable et que ça donne envie d’y entrer avec des animaux comme des poules, par exemple. C’est devenu un jardin avec un parcours de motricité, un jardin avec de la terre au sol, un jardin en hauteur, du sable pour la mer, des rochers pour la montagne », m’a expliqué Brigitte Conré récemment.

Parcours de motricité "les pieds ont une mémoire", différentes textures pour différentes sensations avec un mur en gabions avec assise, permettant de se reposer. Le jardin n’est pas fini car tout le cheminement « normal » sera de couleur ardoise-bleue, comme un ruban tout autour, permettant de se repérer.

Parcours de motricité « les pieds ont une mémoire », différentes textures pour différentes sensations avec un mur en gabions avec assise, permettant de se reposer. Le jardin n’est pas fini car tout le cheminement « normal » sera de couleur ardoise-bleue, comme un ruban tout autour, permettant de se repérer.

Une visite a eu lieu à la fin de l’été (l’inauguration aura lieu au printemps quand la pergola sera finie et que les plantations seront plus vaillantes). Paule Lebay de l’EHPAD d’Onzain et Fabienne Peyron, son alliée paysagiste, étaient parmi les invités et ont ramené toutes les photos qui accompagnent ce billet (merci à Fabienne pour les légendes). Quant au texte ci-dessous, c’est un texte de présentation que la directrice de Chailles a partagé avec moi. Je le reproduis car il exprime en direct les intentions des créateurs du jardin.

Le Jardin des Portes Vertes – Présentation

« L’objectif de ce projet était de disposer d’un vrai jardin adapté aux personnes âgées, adapté à leurs conditions physiques et mentales, offrant aux résidents, au personnel, aux familles, la possibilité de sortir du bâtiment, du bien-être, de l’évasion dans l’évocation de différents paysages, la campagne, la montagne, la mer …. Il est donc né avec la formation de Chaumont sur Loire sur les Jardins de Soins.

Ce jardin prévoit un contact direct avec la végétation, en se promenant : il faut apprendre à le connaître ce jardin ! Voici une petite vue d’ensemble de la présentation faite par Béatrice Saurel (artiste-paysagiste), Servane Hibon (paysage dplg) et  Michel Racine (architecte-paysagiste), Jean-Bernard Guillot (entreprise Jean Bernard Guillot, Amboise).

La composition générale et les différents espaces du Jardin

Le rouge des portes et des bambous a été choisi pour attirer l’œil et favoriser le déplacement.

Les bambous rouges de l’entrée du jardin représentent un espace vertical et protecteur. Atmosphère de grotte, protectrice à l’entrée du jardin ; assis dos à la végétation pour ceux qui ne veulent pas aller dans le jardin : c’est un espace de transition.

Le nombril : c’est l’équivalent de la place du village où l’on peut se rassembler, et distribuer le reste du jardin, où l’on reçoit, lit, retrouve les proches, les amis et participe à des activités de groupe. C’est un lieu de festivités, de contacts avec l’extérieur.

La mer de bambous symbolise la mer, l’idée du mouvement ; c’est un espace de fraîcheur, ombragé. Invitation au voyage, au dépaysement sur place !

La montagne est suggérée au niveau du belvédère (le point haut du jardin) et permet un contact avec de gros rochers, un endroit pour s’assoir et regarder, du sable aux pieds, espace de souvenirs …

Le chemin de motricité part de la montagne avec un escalier en bois qui se dilate dans le jardin, puis est composé de traverses, rondins, espaces de pause où rien n’est obligatoire et chacun chemine à son rythme. Il se poursuit avec des textures minérales, de l’ardoise, des galets des pas japonais… Il  a été réalisé en concertation avec l’équipe, les kinés.

Ce chemin de motricité est une invitation à découvrir le jardin et un support d’activités, d’accompagnement, avec des rampes pour un espace sécurisé.

La pergola : sera un espace de transition convivial entre le dedans et le dehors au niveau de la campagne, permettant des activités à l’ombre et offrant une vue sur le verger, le potager même sans se déplacer et le plaisir des sens d’une terrasse fleurie. Car le jardin se visite, mais aussi se contemple, s’observe…

Le potager : toucher la terre, planter sur des bottes de paille, à hauteur.

Le verger est en devenir, sans produit phytosanitaire, sans traitement : «au verger, c’est beau et c’est bon !»

Entretien du jardin : Soignons le jardin et le jardin nous soigne ! La personne de référence du jardin, son ange-gardien son référent devra être un soignant qui aime jardiner, qui aime le regarder.

Son rôle sera d’organiser, d’être  à l’écoute des autres, des liens avec l’animatrice. Il tiendra le planning du jardin en lien avec Sébastien qui assure déjà la tonte, l’arrosage et le désherbage. »

Pour plus d’information, vous pouvez aussi visiter les sites des créateurs des Portes Vertes : Béatrice Saurel et Michel Racine, Servane Hibon.

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Le futur espace de travail pour les pensionnaires. Attention, il manque une partie du jardin ! En effet, les potagers vont être cultivés sur paille et seront installés en limite de chemin.

Le futur espace de travail pour les pensionnaires. Attention, il manque une partie du jardin ! En effet, les potagers vont être cultivés sur paille et seront installés en limite de chemin.

Merci à Fabienne Peyron pour les légendes. Le futur verger pour avoir le plaisir de cueillir des fruits et de les manger ! La porte rouge n’est pas sur le chemin même, on peut ainsi la passer plus facilement pour les patients atteints d'Alzheimer et leur peur du seuil.

Merci à Fabienne Peyron pour les légendes. Le futur verger pour avoir le plaisir de cueillir des fruits et de les manger ! La porte rouge n’est pas sur le chemin même, on peut ainsi la passer plus facilement pour les patients atteints d’Alzheimer et leur peur du seuil.

Place centrale avec Michel Racine parlant à une pensionnaire. En arrière plan, porte rouge symbolisant le passage On ne l’empreinte pas, on passe à côté.

Place centrale avec Michel Racine parlant à une pensionnaire. En arrière plan, porte rouge symbolisant le passage On ne l’empreinte pas, on passe à côté.

CooperRiis, une approche holistique de la maladie mentale

Lisa Schactman

Lisa Schactman

« Un jour, ma belle-mère m’a envoyé un article sur la thérapie horticole en pensant que ça pouvait m’intéresser : j’ai un background en psychologie et j’aime le plein air », explique Lisa Schactman qui, à l’époque, avait déjà travaillé avec des adultes victimes de traumatismes crâniens ainsi qu’avec des enfants handicapés dans le cadre d’un projet de recherche universitaire. Elle s’inscrit au programme de master en thérapie horticole de l’université de Kansas State dont elle sort en 1997. « Le programme était merveilleux avec beaucoup d’opportunités pour pratiquer. Richard Mattson qui dirige le programme est incroyable », se souvient Lisa. Le programme remonte à 1971 et a été établi en collaboration avec la Menninger Clinic qui a incorporé les plantes, le jardinage et la nature dans les activités de ses patients psychiatriques dès le début du 20e siècle. En 1941, le docteur Menninger écrivait que « Les fleurs en bonne santé m’ont aidé à garder mon équilibre émotionnel et intellectuel. L’espoir ne meurt jamais dans le cœur d’un vrai jardinier. »

Lisbeth and Don Cooper ont fondé CooperRiis

Lisbeth et Don Cooper ont fondé CooperRiis il y a 10 ans.

Depuis, Lisa Schactman (HTM) travaille dans ce domaine, d’abord au Texas avec des enfants ainsi qu’avec des jeunes en situation difficile via le programme AmeriCorps, puis en Géorgie dans la santé mentale. Ces expériences la mèneront à son poste actuel à CooperRiis à Mill Spring, Caroline du Nord. Le centre se décrit comme une « Healing Farm Community ». Fondé en 2003 par les parents d’une jeune fille souffrant d’une maladie mentale, CooperRiis a adopté une approche différente. Au lieu d’essayer de « réparer » la maladie avec une approche médicamenteuse, la psychologue et directrice Sharon Young et le personnel mettent en place un plan de guérison incorporant plusieurs domaines du bien-être : connexion sociale, spiritualité, productivité et épanouissement, « empowerment » et indépendance, santé émotionnelle et psychologique et enfin apprentissage et créativité. « On encourage les gens à se concentrer sur leur rêve et on les soutient pour qu’il l’atteigne. On ne se focalise pas sur les symptômes », explique Lisa. Une approche holistique encore très rare aux Etats-Unis.

Une résidente de CooperRiis (photo de Beth Beasley, Times-News Correspondent)

Une résidente de CooperRiis (photo de Beth Beasley, Times-News Correspondent)

« Les gens ont le choix entre cinq équipes dont le jardinage, mais aussi la cuisine ou les animaux. Nous cultivons notre nourriture et nous montrons cette interconnexion depuis le fumier des animaux jusqu’au composte et à la nourriture », explique Lisa qui supervise le programme de thérapie horticole. « Nous avons des fruits, des légumes, des herbes, mais aussi des fleurs avec lesquelles nous faisons des bouquets. Pour certains qui n’avaient jamais vu d’où viennent leurs légumes, c’est passionnant. Ils sont très motivés de voir que ce qu’ils font pousser se retrouve sur le bar à salade. » Selon Lisa, le centre ne pratique pas la thérapie horticole traditionnelle avec des objectifs et une documentation des progrès. Comme l’explique, cette vidéo qui donne la parole à des résidents, des familles et des membres du personnel, les plantes ou les animaux peuvent devenir un lien, un point de connexion pour certains patients. Seul ombre à ce tableau idyllique, le coût très élevé des séjours. Pour autant, les Cooper aimeraient voir d’autres centres copier leur modèle partout aux Etats-Unis.