L’Oasis : bientôt 30 ans d’atelier thérapeutique horticole pour des malades mentaux

Une grande première aujourd’hui sur Le bonheur est dans le jardin. Pour la toute première fois, je parle d’un programme français. Ce n’est qu’un début.

A Varennes le Grand entre Dijon et Mâcon, des patients de l’hôpital psychiatrique de Châlons sur Saône fréquentent l’Oasis, un atelier thérapeutique où ils travaillent au contact des plantes. Encadrés par quatre employés de l’hôpital (3 personnes à temps plein et une à mi-temps), ce sont huit patients qui peuvent bénéficier tous les jours de ce travail dans les serres où ils produisent des fleurs, et depuis peu des plants de légumes. Pourtant, le travail n’y est pas une fin en soi. Il apporte une aide à la restructuration dans le temps et l’espace, un réentrainement à l’effort.

L’Oasis à ses débuts dans les années 1980 avec un bus comme abri.

L’Oasis a vu le jour en 1983 sous l’impulsion du Dr Madinier et de M. et Mme Cléau, tous les deux infirmiers ergothérapeutes, suite à une visite du CAT Messidor à Lyon. Ce CAT était précurseur en matière d’ouverture sur la cité. Avec l’aval du corps médical, cette structure atypique fonctionnant comme une ergothérapie hors des murs s’est donnée pour objectif la réadaptation professionnelle et/ou sociale des malades mentaux. L’arrêté du 14/03/1986 relatif aux équipements et services de lutte contre les maladies mentales comportant ou non des possibilités d’hébergement donne un cadre à l’expérience et en 1989 une première convention est établie entre le CHS et l’Association qui a été créée pour gérer le succès commercial de la structure et apporter plus de souplesse. Depuis, l’Oasis fonctionne sans subvention. Le CHS met à disposition un terrain, ainsi que les installations nécessaires aux activités, les frais de téléphone, d’informatique et d’électricité et un véhicule.

« Certains patients sont encore à l’hôpital, mais la plupart sont sortis. Ce sont des adultes qui souffrent de différents troubles. Mais ils sont stabilisés et l’objectif de l’Oasis est de les remettre en contact avec une activité régulière », explique Céline Dreyer, une infirmière qui partage son temps entre l’Oasis et l’hôpital psychiatrique. « Ils peuvent venir jusqu’à trois fois par semaine à cet atelier qui est un soin parmi d’autres activités qui leur sont proposées. » A l’Oasis, les portes sont ouvertes de 7h30 jusqu’à 16h30. Dans le cadre de cette réhabilitation, les participants doivent présenter un certificat médical s’ils ne sont pas en mesure de venir travailler.

Les fleurs et les plants sont le travail des patients encadrés par une équipe soignante de quatre personnes.

Les patients s’engagent pour trois ans, une durée jugée suffisante pour se construire un parcours vers un travail le plus souvent en ESAT (Etablissements et Services d’Aide par le Travail, des établissements médico-sociaux qui relèvent du secteur protégé). Selon leur degré d’autonomie, ils peuvent travailler dans des unités d’horticulture et dans les espaces verts, mais aussi en cuisine ou dans d’autres services. Certains intègrent des équipes détachées dans des entreprises où un accompagnateur encadre une demi-douzaine de personnes.

« C’est une réhabilitation qui fonctionne bien s’ils sont volontaires. S’ils ont reconnus leur maladie et accepté leur traitement et ses effets secondaires, on voit une évolution en trois ans. Des gens qui à leur arrivée disent qu’ils ne sont plus bons à rien retrouvent de l’énergie », raconte Céline. « Ici, ce n’est pas un milieu hospitalier, il n’y a pas d’enfermement. Nous avons très peu de problèmes avec leurs troubles du comportement. S’ils ne se sentent pas bien, ils font faire un tour. » Céline aussi vit l’Oasis comme une bouffée d’oxygène après 7 ans d’expérience dans l’univers fermé de l’hôpital psychiatrique au contact de malades en crise.

La structure s’auto-finance grâce à plusieurs ventes de plantes tous les ans.

Plusieurs fois dans l’année, l’Oasis organise des ventes de fleurs et de plants. Son budget est d’environ 61000 euros et une partie des bénéfices est réinvestie dans l’outil de travail. L’Oasis propose aussi aux participants, qui ne sont pas rémunérés, des camps thérapeutiques (Corse, Espagne, Center Parks,…) et des après-midis de détente au plus fort de l’été (pêche, piscine,…).

« L’Oasis reste avant tout un lieu de soins. C’est un lieu d’écoute, de réassurance, de remise en confiance, de revalorisation. Le groupe  de patients y joue un rôle déterminant. En effet, les plus anciens aident les nouveaux à trouver leur place, ayant à  cœur de leur transmettre les connaissances acquises et l’esprit qui règne dans la structure ». Un programme pionnier en France qui fêtera l’année prochaine 30 ans d’existence.

Les patients travaillent au contact des plantes.

Les Jardins en fête : ballade dans Paris

Le weekend dernier, Paris et quelques villes de banlieue fêtaient leurs jardins avec un tas d’activités pour les grands et les petits, d’ouvertures de jardins habituellement fermés et d’encouragements à jardiner quelque soient les circonstances. « Jardinez votre immeuble » proclame une brochure municipale qui ajoute que « La Ville de Paris s’est engagée à augmenter et à diversifier le patrimoine végétal de la capitale : nouveaux espaces vers, arbres d’alignement, murs végétalisme, toitures-terrasses…Les Parisiens peuvent contribuer à cet effort. Devenez les jardiniers de Paris! »

Je vous propose une petite ballade en photos des jardins que j’ai visités samedi et dimanche.

Accueil dans des dizaines de jardins et espaces verts, avec des jardiniers de la ville de Paris prêts à répondre aux questions des visiteurs.

Au Clos des Blancs Manteaux cohabitent un jardin partagé que gère une association de quartier et un espace tenu par la Ville de Paris avec sur place la Maison des Acteurs du Paris Durable.

Le jardin partagé cultivé par une poignée d’adhérents de l’association Les jardiniers du 4e. Un jardin partagé, c’est un terrain cédé par la ville à une association qui promet de s’en occuper selon certaines règles précises et de le rendre accessible au public.

Les dadagreen n’étaient pas encore installés quand je suis passée au Clos des Blancs Manteaux, mais je voulais quand même vous montrer ces plantations pleines de fantaisie de Paris Label.

Décidément, Paris est plein de fleurs et de plantes quand on ouvre les yeux : le Marché aux Fleurs sur l’ïle de la Cité.

Dans le 7e, se cache un jardin mi-potager et verger et mi-jardin d’enfants, le jardin Catherine Labouré. On envie les petits du quartier qui peuvent jouer ici.

On trouve aussi au jardin Catherine Labouré, situé derrière Matignon, un club Nature de l’association CPN (« Connaitre et Protéger la Nature »). C’est le seul à Paris et les enfants peuvent y découvrir la faune et la flore, le jardinage et les saisons.

La Société Nationale d’horticulture de France ouvrait aussi ses portes, avec un hommage au Japon. « Semer, planter, faire pousser est une façon de mieux vivre. C’est excellent pour la santé physique, la santé mentale, les liens sociaux… » explique la brochure d’adhésion à la SNHF. Un plaidoyer pour la thérapie horticole appliquée à tout un chacun.

Une des nombreuses activités proposées aux enfants, la création de mini-jardins avec les plantes de leur choix.

Ce nichoir à insectes est installé au square Louvois dans le 2e. Pendant le weekend, on pouvait apprendre comment construire très simplement des nichoirs à insectes, à chauve-souris, à hérissons, à hirondelles ainsi que des mangeoires et des abreuvoirs.

Dans le 2e arrondissement, un petit jardin partagé vient d’être inauguré dans un square pour enfants près des Grands Boulevards. C’est un début avec un petit lopin et une cabane à outils…

Un restaurant du 2e propose un jus d’herbe de blé (bio, bien sûr) qui pousse devant vous.

L’association Puce Muse organise des concerts de musique vivante visuelle virtuelle. Une de ses installations participatives est ce jardin musical où les passants, à l’aide de manettes de jeu, jouent dans une mare pleine de carpes virtuelles et contrôlent la brume, tout ceci en créant des sons.

Un autre jardin partagé dans le 19e où depuis presque 10 ans des fleurs et des légumes poussent au milieu des immeubles et du béton.

Lectures : trois livres sur la thérapie horticole

 

Mise à jour. Jean-Paul Ribes me signale d’autres livres. Merci à lui.

  • La thérapie par l’Horticulture en France et à l’étranger, Suzanne Ménézo, Bordeaux, imp. castera, 2000. Ce livre fondateur est aujourd’hui très difficile à trouver.
  • La sagesse du jardinier, Gilles Clément, L’Oeil neuf Editions, 2004
  • Une brève histoire du jardin, Gilles Clément, Jean-Claude Béhar Editions, 2011
  • Le jardin disparu, Jorn de Précy (traduit par Marco Martella), Actes sud. Un ouvrage à part venu de l’époque victorienne, “à la fois traité fondateur, manifeste existentiel et réflexion sur le rapport de l’homme à la nature qui préfigure les théories contemporaines de l’“écologie profonde”, cet essai rappelle que jardiner est avant tout une façon d’être au monde”, selon Decitre.

 

Quoiqu’on en dise, il existe un petit corpus grandissant en français sur la thérapie horticole et les bienfaits du jardinage pour la santé. Voici trois livres qui explorent le sujet. N’hésitez pas à laisser un commentaire si vous en connaissez d’autres.

Le docteur Denis Richard est chef de service à la pharmacie du centre hospitalier Henri Laborit de Poitiers. C’est aussi un amoureux des jardins. Dans son livre Quand Jardiner Soigne, il alterne chapitres historiques, théoriques, voire philosophiques avec des conseils pratiques. Vous pouvez l’entendre expliquer ses idées dans cette vidéo sur Jardinland TV. Comme nous tous, il se tourne vers des sources américaines plus nombreuses. Mais il met aussi en avant plusieurs projets de jardins thérapeutiques, principalement ceux d’Anne Ribes qui a aussi écrit sa préface. Dans son livre, il n’aborde pas les raisons du retard pris en France dans la pratique du jardin pour soigner. Mais il l’explique par la proéminence accordée aux solutions médicamenteuses. Certainement naturel dans un pays qui a toujours compté des chercheurs prolifiques comme…Henri Laborit, pionnier français des neuroleptiques.

Anne Ribes est certainement l’hortithérapeute française – la jardiniste comme elle aime à se décrire – la plus connue de France. Infirmière, elle a fondé en 1997, avec son mari Jean-Paul, l’association Belles Plantes dont une des missions centrales est de « créer en milieu hospitalier pour les enfants ou les personnes âgées des ateliers jardin potager et floraux.
Belles Plantes cherche à développer en France un réseau d’hôpitaux verts et à le relier à d’autres initiatives internationales pratiquant l’hortithérapie » comme on peut le lire sur le site de l’association. J’avoue ne pas avoir encore lu son ouvrage Toucher la terre : Jardiner avec ceux qui souffrent. Il faudrait que je me dépêche si je veux le lire avant l’atelier de Chaumont-sur-Loire où je dois rencontrer Anne Ribes pour la première fois…

Etudes et recherches à l’appui, les psychologues Nicolas Guégen et Sébastien Meineri expliquent Pourquoi la nature nous fait du bien. Ils enseignent tous les deux la psychologie, sociale et cognitive, à l’université de Bretagne-Sud. Ils apportent de l’eau à notre moulin : la nature nous ressource et nous aide à guérir quand nous sommes malades. Selon les études citées, les fleurs et les plantes ont un impact direct dans la ville, sur les lieux de travail, dans les salles de cours à l’école et bien sûr dans les chambres d’hôpitaux…Ce qu’on savait instinctivement a été étudié et la preuve est faite que la nature nous veut du bien.

  • Quand Jardiner Soigne, Denis Richard, Delachaux et Niestlé, 2011
  • Toucher la terre : Jardiner avec ceux qui souffrent, Anne Ribes, Editions Médicis, 2005
  • Pourquoi la nature nous fait du bien, Nicolas Guégen et Sébastien Meineri,  Editions Dunod, 2012

Soins palliatifs et deuil : le rôle des plantes

Hospice and Palliative Care of Greensboro en Caroline du nord est un établissement qui accueille des malades en fin de vie et propose des services gratuits aux personnes en deuil, adultes et enfants. Chaque jour, le personnel du centre se rend chez environ 400 patients hospitalisés à domicile. Mais le centre dispose aussi de 14 chambres privées.

Sally Cobb au jardin en compagnie d’un patient.

Il y a bien des années, Sally Cobb était une simple bénévole quand elle a fait remarquer que les plantes défraichies ne donnaient pas la meilleure image du centre. Elle s’est mise au travail pour créer un environnement plein de beauté pour les patients, leurs familles et le personnel. Aujourd’hui les chambres donnent sur plusieurs jardins magnifiques et le jardin des enfants est un endroit propice au recueillement et aux séances thérapeutiques.

Dans le jardin des enfants, la très touchante sculpture « Come take my hand ».

Les jardins sont simplement là pour le plaisir de tous. Sally n’offre pas de séance de jardinage. Mais parfois elle prend les devants. « J’avais entendu qu’une jeune fille handicapée de 19 ans qui venait ici suite à la mort d’un soignant et de son chien d’aveugle avait dit que le « jardin était magique ». Je lui ai parlé et on a planté ensemble des roses qu’elle a choisies. Je viens de lui trouver des fées à mettre dans le jardin », raconte-t-elle. Elle essaie de faire sortir les gens dans le jardin et les aide à jardiner s’ils en expriment l’envie comme ce jeune ado qui venait de perdre son frère. « Il se trouve qu’il a commencé à me parler de son frère, je ne commence pas la conversation. Je ne suis pas une thérapeute spécialisée dans le deuil, je suis là en soutien.»

Un panier propice à la stimulation des sens sert de démarrer la conversation quand Sally visite un patient.

Elle assiste toutes les semaines aux réunions de l’équipe soignante. Si elle entend parler d’un patient qui aime jardiner ou d’un autre qui semble renfermé, elle va les voir en apportant souvent son panier des sens pour lancer la conversation. Elle peut amener un bouquet pour la famille si le patient est sans connaissance ou de la lavande pour calmer un patient agité. « Je pars du principe que nous sommes tous les deux vivants aujourd’hui. On peut trouver un endroit pour se rencontrer. C’est une question de qualité de vie. Deux personnes atteintes de la même maladie et avec la même espérance de vie peuvent avoir des réactions différentes. Certains se diront que c’est déjà fini et d’autres essaieront de sortir de leur lit à tout prix. »

Sally est venue au métier de thérapeute horticole après avoir été enseignante, puis mère au foyer. « Après mon divorce, j’ai commencé à jardiner. Je me suis dit que quand je retournerais au travail, j’aimerais apporter aux gens le même bonheur que j’avais ressenti dans le jardin. Je n’avais pas envie de faire du paysagisme pour des gens riches. Je faisais du bénévolat à l’hospice, puis j’ai suivi la formation du Horticultural Therapy Institute avec Rebecca Haller. ». Sally est aujourd’hui une « registered horticultural therapist ».

Chaque papillon en métal symbolise un enfant mort à l’hospice. Au premier plan, un « vitex tree » ou « arbre chaste » à la forte odeur.

Plus rarement, Sally peut aider à créer un « memory garden », un jardin en mémoire d’un proche disparu. « J’ai aidé une femme qui avait perdu sa fille de 16 ans et qui voulait faire quelque chose pour célébrer sa vie. Le plus, c’est qu’un patient de l’hospice est venu travailler chez elle avec moi pour créer un jardin », se souvient Sally qui parle à des groupes de deuil sur le thème des jardins de mémoire. « Il suffit d’une jardinière. On peut planter du romarin, la plante du souvenir, ou attirer les oiseaux avec des mangeoires. Il faut se concentrer sur la personne et ce qu’elle aimait. »

Un patient visiblement très heureux, deux semaines avant sa mort.

« Qu’est-ce que vous aimeriez voir en face de vous à l’heure de votre mort ? Un mur, une télé ou un jardin ? » C’est la question rhétorique à laquelle Sally a répondu en concevant et en entretenant, avec des bénévoles et des dons, des jardins qui célèbrent la beauté et la vie.

La vue d’une des 14 chambres de l’hospice de Greenboro.

Plusieurs chambres ont vue sur le jardin de roses.

Sally a la chance de pouvoir compter sur de généreux dons comme celui-ci d’une pépinière locale.

Quand elle a demandé aux thérapeutes ce qu’ils aimeraient dans le jardin, ils ont suggéré un pont (même sans ruisseau) avec un siège pour deux. Le pont a été réalisé par une troupe de jeunes filles scouts.

Adultes et déficience développementale : un programme phare au Colorado

Le programme de Mountain Valley Greenhouse n’est pas né de la dernière pluie : c’est Rebecca Haller, la fondatrice du Horticultural Therapy Institute, qui l’a lancé il y a environ 30 ans pour offrir une formation (vocational training) à des adultes souffrant de déficience développementale (Developmental Disability, aussi appelé déficience intellectuelle en français). Depuis 10 ans, Adam Juul gère ce programme pionnier dans la thérapie horticole dont le but est d’encourager l’indépendance des participants et leur intégration dans la société par le travail.

Adam Juul qui gère le programme depuis 10 ans et sa collègue.

Les participants aux programmes de Mountain Valley Developmental Services qui montrent un intérêt pour les plantes peuvent se porter candidat pour rejoindre l’équipe de la serre et y travailler du lundi au vendredi de 9h00 à 15h45. Ils sont une petite trentaine à bénéficier de cette activité où les tâches sont adaptées à leur diagnostic. « Si quelqu’un a des problèmes d’orientation dans l’espace, on ne va pas lui demander de déplacer des pots », explique Adam. Les trois employés de la serre suivent le plan de traitement de chaque client. « Un objectif fréquent est de rester concentré sur une tâche. Ils peuvent avoir d’autres objectifs : nettoyer sa zone de travail, ne pas partir sans prévenir, suivre les règles, toutes choses qui sont nécessaires pour un travail dans la communauté. » Car l’objectif final est de placer les participants dans des emplois où ils réussiront et où leur employeur bénéficiera de leurs compétences.

Joan arrose les poinsettias.

Certains clients ont besoin d’apprendre à contrôler leur colère. « Nous les mettons dans une situation un peu stressante en leur donnant quelque chose qu’ils n’ont jamais fait. On parle de ce qu’il faut faire quand on a un problème », explique Adam. « Ils doivent apprendre à ne pas refuser le travail et à se comporter de façon appropriée sur un lieu de travail. » Lorsqu’une participante est prête à partir pour un travail à l’extérieur, l’équipe encourage son indépendance : elle doit par exemple trouver des tâches à accomplir sans en référer constamment à l’équipe. Malheureusement, l’économie est moins favorable aux placements à l’extérieur et certains clients ont même dû revenir à Mountain Valley Greenhouse. « On travaille alors sur leur coordination fine. »

Plus récemment, la serre s’est ouverte sur l’école primaire à côté. « Chaque client a une classe sous sa responsabilité. Les enfants mangent à la cantine ce qu’ils cultivent. Pour nos clients, c’est une interaction importante avec la communauté. Nous voyons les enfants passer de « Ils sont étranges » à de véritables relations avec nos clients. C’est important à leur âge », explique Adam qui estime qu’environ 600 enfants ont bénéficié de ce programme. Cet échange a fait l’objet d’un article dans Time for Kids, la version jeunesse de l’hebdomadaire américain, et d’une vidéo qui montre la conception du projet (y compris une interview avec Adam Juul). En partenariat avec l’école, Mountain Valley Greenhouse a aussi installé un système à énergie solaire pour réduire l’empreinte carbonique de la serre. Le programme a également d’autres débouchés à l’extérieur. Mountain Valley Greenhouse vend des fleurs à la municipalité et ses légumes sont distribués dans quelques magasins et restaurants locaux.

Joe coupe du romarin pour le vendre dans des magasins et restaurants locaux.

« Chaque jour, nous prenons cinq clients et nous évaluons la qualité de leur travail qui détermine leur salaire. Certains clients seront avec nous très longtemps car on ne peut pas les pousser vers un job dans la communauté, ils ne sont pas confortables. » Les clients sont très fiers de leur travail, qui a un impact dans la communauté et leur permet de gagner un salaire. « C’est phénoménal. »

Le Mountain Valley Greenhouse vend ses fleurs à la ville de Glenwood Spring, Colorado.

Formation à Chaumont-sur-Loire

Le festival des jardins à Chaumont-sur-Loire

En France, les occasions de se former à la thérapie horticole sont encore très rares. En voici une en or. Les 10, 11 et 12 octobre, le Domaine de Chaumont-sur-Loire, bien connu pour son Festival des Jardins, accueillera des intervenants prestigieux pour un atelier intitulé Le Jardin de soin et de santé (comment aborder la conception d’un projet, en assurer le financement, la réalisation, l’animation et la pérennité?).

Retours d’expériences, études de cas et conseils pratiques permettront aux participants de repartir avec des clés pour lancer un programme de thérapie horticole. Les intervenants sont des pionniers en France : Anne Ribes, infirmière jardiniste à l’origine de plusieurs projets, Jean-Paul Ribes, président de l’association Belles Plantes, Sébastien Guéret de Formavert, Stéphane Lanel, animateur à la Maison des Aulnes, Michelle Tanguy, infirmière psychiatrique à l’hôpital de Landernau et Dominique Marboeuf, responsable des espaces verts au centre hospitalier G Mazurelle.

Tous les renseignements se trouvent en ligne. Il reste encore apparemment quelque place, mais il est conseillé de se renseigner par téléphone auprès d’Hervé Bertix au 02 54 20 99 22. Pour information, une seconde session est déjà prévue pour 2013. Ce sera les 9, 10 et 11 avril avec un programme enrichi des enseignements de la première session.

Deux ados au jardin : « Dehors on se sent plus libre »

Les jeunes sont à l’honneur toute la semaine pour fêter la rentrée des classes.

Charlie aime jardiner à l’école, dans la communauté, à la maison.

Charlie est un jardinier récidiviste. En classe de CM2, ce jeune Américain a la chance d’avoir un cours de jardinage. « Une fois par semaine, par groupe de 5, nous allions jardiner. C’était dans la cour de récréation. Nous mangions ce que nous cultivions, comme des choux frisés. » L’année suivante, il s’implique dans un jardin communautaire dans sa ville (Alameda, California). « Nous étions tous des bénévoles et on compostait, on enlevait les mauvaises herbes, on plantait, on mettait de l’engrais ». A la maison aussi, il a planté, des asperges, du basilique, de la ciboulette. « Jardiner, c’est relaxant et amusant », conclut Charlie.

Pour Killian qui vit dans un petit village en Haute-Savoie, jardiner est presque un besoin vital. « J’ai toujours aimé être dehors. Dedans, j’ai l’impression d’être enfermé. J’ai besoin d’air pur. Dehors, on se sent plus libre », affirme-t-il. A partir de la 5e, il se met à jardiner à la maison avec ses parents. « On a eu un potager, mais les limaces l’ont mangé. On a planté beaucoup de plantes de décoration et aussi des plantes exotiques qu’on essaie d’adapter. » Parmi ses plantes préférées, les coquelicots et les bananiers. Un intérêt pour la nature qu’Isabelle, sa maman, confirme. « Il fait des cabanes avec ses copains le week-end, aime dessiner des jardins, concevoir, créer, veut être en harmonie avec la nature et trouver un moyen de planter, sans abimer. »

Killian en pleine plantation pendant son stage avec le paysagiste Maurice Marchesi.

Pour tester son intérêt dans le métier de paysagiste, il fait des stages avec Maurice Marchesi, un « jardinier paresseux » qui s’occupe du Jardin des plantes autonomes. « J’apprenais à savoir comment les plantes réagissent si on met d’autres plantes à côté par exemple ou comment elles se développent quand on s’en occupe de différentes façons. » Du coup, à la rentrée, il commencera un bac pro « Aménagements Paysagers » dans un lycée agricole près de chez lui. « On va apprendre les noms des plantes en latin et en français et travailler dans le jardin du lycée. » Killian aime la nature et aimerait tout faire pour la conserver. Par exemple, il aimerait trouver des solutions pour que les outils à essence qui servent à travailler au jardin ne contribuent plus à l’effet de serre. Quelles promesses d’avenir!

Les générations se rencontrent au jardin

Rentrée des classes oblige, je vais consacrer les deux articles de la semaine aux enfants. Et je commence par les miens exposés à la thérapie horticole par ricochet. Emmanuel (13 ans) et Gabriel (10 ans) m’ont plusieurs fois accompagnée au centre de jour pour personnes âgées où je faisais du bénévolat en Californie. Pour être honnête, ils ne sautaient pas de joie. Mais ils étaient toujours charmants une fois sur place. Par contre, le visage des participants s’éclairait immédiatement à la vue d’un enfant. Plus tard, ils me demandaient toujours des nouvelles des garçons et ils me parlaient aussi de leurs petits, voire arrière-petits-enfants. Dommage qu’on ait jamais pu installer une relation dans la durée (l’activité avait lieu pendant les heures d’école).

Gabriel apporte du terreau aux participantes qui travaillent assises autour d’une table installée dehors.

Le diable étant utilisé, Emmanuel se voit confier une chaise roulante pour transporter des sacs de terreau et des plantes.

Gabriel qui aime expliquer et montrer faisait preuve d’une grande patience et d’une grande douceur avec les participants. Avec Emmanuel, c’était agréable d’avoir un gars costaud pour porter les sacs de terreau ou les plantes. Je peux imaginer des programmes mêlant les générations et créant des liens dans la durée. Tous les participants en retireraient des avantages réciproques. D’ailleurs, l’association Belles Plantes, dont nous reparlerons bientôt j’espère, a montré l’exemple au Jardin des Ages à l’hôpital Louis Mourier à Colombes (92). Je parlerais aussi bientôt d’un programme où des participants handicapés mentaux travaillent au jardin avec les enfants d’une école voisine. Au jardin, tout le monde est égal.

Emmanuel travaille avec des participantes qui plantent des fleurs au pied d’un arbre dans le jardin du centre de jour.

 

Dans une unité pour patients atteints d’Alzheimer où j’ai fait un cours passage, Gabriel est venu une fois. Après la séance à l’intérieur, nous avons proposé un tour sur le jardin en terrace. Cette dame dans sa chaise roulante était aux anges avec son petit guide attentionné.