L’horticulture thérapeutique se fédère en Europe : Fiona Thackeray et Leila Alcalde font le point

Ce tout dernier article est porteur d’un grand espoir. Depuis quelque temps, se tiennent des réunions réunissant des individus et des associations de toute l’Europe : Royaume-Uni, Espagne, Italie, Allemagne, Suisse, Autriche, Belgique, France, Portugal, République Tchèque et la porte reste ouverte…

Une partie du groupe lors d’une réunion en Allemagne

« Nous nous sommes réunis parce que nous voulions partager nos idées, nos connaissances et nos bonnes pratiques. Nous avons compris qu’en travaillant ensemble, nous pouvions obtenir bien plus que ce que nous aurions pu faire individuellement en travaillant de manière isolée », explique Fiona Thackeray qui a contribué à lancer le mouvement.

Les fidèles de ce blog ont fait la connaissance de Fiona Thackeray pour la première fois en 2015, puis l’ont retrouvée lorsque Trellis, l’association qu’elle dirige en Ecosse, a lancé les Trellis Seminar Series. Cette conférence en ligne rassemble pendant trois jours en mars des hortithérapeutes du monde entier. Déjà cette envie de rassembler qui s’est aussi incarnée dans l’organisation depuis deux ans du World Therapeutic Horticulture Day (WTHD).

Pour cette double interview, Fiona était en compagnie de Leila Alcalde Banet que j’avais décrite en 2022 comme la locomotive de l’hortithérapie en Espagne et en Amérique Latine. Formée et exerceant en Angleterre, Leila a cofondé l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica).

Si vous êtes très pressée, tout est dit dans cette vidéo commune créée à l’occasion des 50 ans de l’AHTA en 2023 et décrivant la coopération européenne dans le champ de l’hortithérapie. Si vous avez un petit moment et que vous voulez savoir comment le projet a évolué depuis un an, écoutez Fiona et Leila en parler. Quel plaisir de terminer cette aventure de 12 ans avec un entretien avec ces deux femmes extraordinaires et inspirantes.

Fiona et Leila, d’où est venue cette envie de se rassembler ?

Fiona. C’est un problème universel dans notre domaine : l’isolement des professionnels entrave leur développement. Trellis s’est toujours vue comme une organisation professionnelle de substitution parce que c’est beaucoup plus facile pour les professions organisées comme les médecins, les infirmières ou les enseignants qui peuvent se rencontrer entre pairs. Ils peuvent se féliciter de leurs succès, se plaindre des difficultés et partager entre eux. Mais dans notre profession, être isolée au sein de l’hôpital ou de l’institution peut retarder le développement.

Pendant le Covid, quand nous avons remplacé notre conférence traditionnelle par des séminaires en ligne, nous avons vu à quel point les participants et les participantes apprenaient dans les présentations. Cela leur montre combien ils ont en commun. Nous faisons partie du même mouvement, nous faisons les mêmes choses ici qu’en Islande ou dans les Caraïbes. Mais aussi « Wow, vous faites ça, je n’y aurais jamais pensé, j’ai appris quelque chose de nouveau ». C’est fondamental et inspirant.

Naturellement nous avions plus de contacts en Europe et nous sommes restés en contact après la première année de séminaires en ligne. Et puis nous nous sommes rendues à un évènement organisé par IGGT (Internationale Gesellschaft Gartentherapie) en Allemagne. C’est là que l’idée de formaliser ce groupe est arrivée, même si c’était déjà en cours car Andreas (Niepel, président de IGGT) gérait déjà un groupe informel. C’est le Covid et la capacité de se rencontrer en ligne sur Zoom qui a permis de formaliser les choses.

Je me suis éloignée de la question. Essentiellement, c’est l’isolement des professionnels qui est au cœur de notre démarche !

Leila. Dans mon cas comme je suis Espagnole et que je vis au Royaume-Uni, je peux ressentir l’isolement. Avec l’association espagnole, c’est ce que je voulais faire. Par exemple, nous avons une réunion mensuelle pour rester en contact. Et par ailleurs, je voulais me mettre en contact avec des gens dans d’autres pays pour apprendre d’eux. Nous avons l’impression que les Etats-Unis sont une sorte de modèle que nous essayons de suivre et en fait on se rend compte qu’eux aussi se battent toujours pour se réunir.

D’où l’idée de commencer ce groupe européen. Nous savons que c’est difficile car nous voulons faire tant de choses. La volonté est là, mais ce sera long. C’est important de se rassembler, d’avoir un organisme et de contribuer au développement des compétences. Le modèle américain ne sera peut-être pas pertinent pour nous en Europe.

Fiona. Si je peux ajouter quelque chose, nous voyons beaucoup de recherche sur les interventions basées sur la nature et le « green care », avec une popularité croissante depuis que tout le monde a passé du temps confiné à l’intérieur pendant le Covid. Cela a ajouté une urgence à notre inquiétude qu’il n’y ait aucun standard de qualité. Nous y travaillons depuis un moment et nous aurons bientôt une qualification professionnelle approuvée en Ecosse. Cela fait bientôt deux décennies que nous souhaitons avoir une organisation professionnelle ! Malgré tout, il y a encore des gens qui n’ont jamais entendu parler de nous. Le jardin thérapeutique reste une intervention de niche que peu de gens connaissent. Le manque de reconnaissance, comme l’isolement, font obstacle aux financements, au développement professionnel et à l’échange des pratiques.

En parallèle d’établir un organisme professionnel et des standards de qualité en Ecosse et au Royaume-Uni en général car nous travaillons avec Thrive, nous avons vu que si nous pouvions établir des standards au niveau de l’Europe, de manière souple, ce serait une façon de gérer ces gens qui prétendent faire de la thérapie sans aucune formation. C’est inquiétant. Nous pensons que c’est bénéfique d’avoir ce mouvement européen avec des standards communs. Ce sera d’une grande puissance.

Quelles sont vos priorités ?

Fiona. La priorité, ce sont les connexions, l’échange, apprendre les unes des autres. Mais nous avons beaucoup travaillé pour nous mettre d’accord sur les compétences essentielles, les core competencies. C’est le travail que Leila a pris à bras le corps depuis un an. Je vais la laisser en parler.

Leila. Quand nous nous sommes rencontrées l’an dernier, nous avons décidé de nous focaliser sur quelques points pour commencer à avancer. Les compétences essentielles étaient le point important. Cela nous a pris presqu’une année. Nous avons partagé les compétences couvertes dans nos différentes formations et nous avons identifié celles qui étaient communes dans tous les pays. A partir de cette liste, nous les avons réduites à cinq grandes compétences pour simplifier. Nous en sommes maintenant à déterminer le nombre minimum d’heures de formation nécessaires pour acquérir ces compétences et être reconnue comme une professionnelle dans chaque pays.

Si quelqu’un se forme en France par exemple et déménage en Allemagne, nous voulons que la formation soit reconnue. C’est un point qui nous semble important et utile pour la profession.

Pour l’instant, les cinq domaines fixés entre les participantes aux réunions sont : santé humaine et bien-être, connexion à la nature et horticulture thérapeutique, connaissances de base en horticulture et jardinage, gestion d’un groupe thérapeutique, programmation des activités.

Fiona. En Ecosse, nous avons développé une liste de compétences car nous voulions voir ce que faisaient déjà les différentes formations existantes. Nous voulions voir où étaient les lacunes et ensuite nous avons écrit de nouveaux modules. Nous avons partagé ce travail avec le groupe européen pour en faire un point de départ. Nous avions trois domaines : l’horticulture, la santé et le soin et l’horticulture thérapeutique. Avec les différentes perspectives dans le groupe européen, nous en sommes arrivés à cinq compétences. C’est un énorme travail de triangulation qu’ont fait Leila et Ania (Balducci).

A notre réunion en mars, nous avons aussi discuté du vaste panel de formations en Europe. En Italie, il y a un master et uniquement un master (à l’Université de Bologne, ndlr). Ailleurs, ce sont des diplômes de techniciens. Nous avons décidé de nous concentrer sur les compétences de base, plutôt au niveau technique.

Leila. Oui, c’est cela. Par exemple, en Espagne, la formation n’est pas reconnue. Nous ne formons pas les gens pour devenir des praticiens. C’est encore nouveau. Nous voulons simplement partager une compréhension du domaine. Nous formons principalement des professionnels, des psychologues, des ergothérapeutes par exemple. Nous voulons avoir des formations au niveau universitaire et ce travail nous donne un modèle.

La question des niveaux de formation est importante. Nous sommes d’accord que les « praticiens » sont un niveau intermédiaire.  Au-dessus, il y a les formations au niveau master pour former des experts. Certains pays ont des formations de 200 heures et d’autres de 80 heures. Nous voulons aussi avoir une idée claire des pays qui ont des formations reconnues officiellement.

Fiona. Le travail de notre groupe permet d’alimenter ces discussions sur les définitions et le besoin d’organisations professionnelles. C’est un bon échange, c’est productif.

Leila. A la dernière réunion, nous avons commencé à voir la lumière au bout du tunnel. Nous avions commencé avec une idée et là on commence à y voir plus clair.

Fiona. C’est un énorme travail qu’a fait Leila. Elle a tout mis dans un grand tableau.

Leila. Oui, j’ai rentré toutes les compétences par pays en surlignant celles qui étaient le plus souvent présentes. Quelqu’un a suggéré qu’on regarde les cinq principales. On a bien avancé. En résumé, nous voulons définir des exigences minimales pour se définir comme professionnelles quelque soit le mot utilisé dans chaque pays. Par exemple, au Royaume-Uni, on parle de « practioniers » et ailleurs il y a d’autres mots. Nous voulons savoir que, quelque soit le nom, on est au même niveau de compétences, qu’on a étudié les mêmes sujets.

Fiona. Oui, nous avons essayé de ne pas nous enliser dans la sémantique et nous y sommes parvenues. Nous voulons savoir ce que nous faisons qui est commun.

En lançant ce mouvement européen, il est aussi utile de regarder comment évolue le modèle américain qui, bien que plus ancien, connaît ses propres difficultés.

Fiona. Oui, j’ai lu un article qui parlait de l’avancement de l’horticulture thérapeutique aux Etats-Unis. Dans l’article de Derrick Stowell et al. qui est une enquête des membres d’AHTA (voir ci-dessous), ces derniers se plaignaient beaucoup et cela peut nous aider. Ils se plaignaient que l’AHTA faisait les choses d’une manière qui leur rendait la vie plus difficile et aussi ils attendaient des choses que l’AHTA ne faisait pas et que nous sommes déjà en train de faire. C’est bon de savoir que les praticiens partout dans le monde veulent ces mêmes choses.

Les membres étaient frustrés que la profession ne se soit pas développée autant que d’autres professions qui ont commencé en même temps ou même plus récemment (comme la recreational therapy). Parce que les Etats-Unis sont si grands, c’est difficile de se déplacer pour les formations même si maintenant il y a plus de formations en ligne. Donc les membres étaient frustrés que la profession ne soit pas plus reconnue, que la rémunération soit si basse. Il y avait une frustration de ne pas plus échanger entre professionnels, de ne pas plus se réunir. Et là, en Europe, nous faisons les choses correctement !

Nous avons encore beaucoup de chemin à faire, nous n’avons pas d’association professionnelle, toutes les formations. Mais  nous notons qu’un pays qui a une association professionnelle a aussi des difficultés. Nous avons déjà prévu d’éviter certains problèmes en mettant en place certaines structures/politiques réclamées par les membres américains, et nous devrons en éviter d’autres en tirant les leçons de leur expérience. Mais nous avons tellement de choses en commun que c’était très instructif.

(Dans son intervention au IPPS (International People Plant Symposium) à Reading en juillet 2024, Fiona a donné une présentation intitulée « Growing a global network to help therapeutic horticulture groups flourish » où elle a présenté les avancées du WTHD. Dans sa présentation, elle s’appuie sur deux articles que voici avec un accès au texte complet. Et un constat : d’autres professions se sont structurées et « imposées » plus rapidement que l’hortithérapie ou horticulture thérapeutique.

Wood, C., Bragg, R. and Morton, G., (2024). A qualitative study of the barriers to commissioning social and therapeutic horticulture in mental health care. BMC Public Health. 24 (1), 1197-

Stowell, D.R., Mark Fly J., Klingeman, William E., Beyl, C.A., Wozencroft, A.J., Airhart, D.L., and Snodgrass, P.J. (2021). Current State of the Horticultural Therapy Profession in the United States. Hortechnology. )

Mais au fait, comment s’appelle cette nouvelle organisation, ce mouvement ?

Fiona. Nous avons évolué à partir d’une initiative d’IGGT. Il faut maintenant trouver un nom pour ce « réseau européen ».

Leila. J’ai suggéré la coalition des praticiens ou des entités européennes. Sans doute quelque chose avec le mot « network » ou « coalition ».

Pour revenir à la sémantique un instant, on sent qu’on s’éloigne du terme « horticultural therapy » dans le monde en ce moment et que le terme « therapeutic horticulture » est plus en vogue. A quoi correspond ce changement ?

Fiona. En effet, nous utilisons intentionnellement le terme « therapeutic horticulture ». Car il y avait des formations qui utilisaient « hortitherapy », mais il n’y avait aucun apport sur la thérapie dans leur programme. « Therapist » est un terme qui est légalement protégé et il y a des organismes qui accréditent ces thérapeutes. Ils ont fait ce que nous cherchons à faire : créer un standard qui rassure les gens qui cherchent leur aide que ce sont des professionnels qui ont la formation appropriée. Nous ne recherchons pas une régulation légale dans notre cas, mais nous cherchons à avoir une accréditation qui garantie un certain niveau de formation. Nous évitons les termes « therapy » et « therapist » qui impliquent un niveau master. C’est au-delà de ce que nous proposons de créer et nous ne voulons pas suggérer que c’est équivalent. Ce serait une affirmation dangereuse.

Leila. C’est la même chose en Espagne, on ne peut pas utiliser le mot « therapy » sans un diplôme universitaire d’un certain niveau. C’est un soulagement car autrement cela introduit de la confusion.

Fiona. C’est un compromis. « therapeutic horticulture » est un terme long, que les gens ne connaissent pas. Mais au moins, nous ne faisons pas de fausses affirmations. La représentante belge dans notre dernière réunion exprimait sa frustration car maintenant on forme en Belgique des « hortitherapists » avec des formations courtes et, en tant qu’ergothérapeutes, elle n’est pas d’accord. L’idée est d’avoir un niveau commun de compétences qui est sûr, pour « ne pas faire de mal ».

En plus du grand chantier de la formation, quels autre projets avez-vous envie de lancer ?

Leila. Nous sommes vraiment concentrés sur le projet des compétences essentielles. Pour le reste, nous verrons après. Mais nous utilisons déjà nos réunions pour partager ce qui se passe dans chaque pays. Ania Balducci par exemple a invité un universitaire du département de l’agriculture de Milan. C’est un paysagiste qui a fait des études sur les éléments thérapeutiques du jardin.

Car c’est un autre aspect dont nous avions parlé lors de notre rencontre en Allemagne : labelliser les jardins thérapeutiques. Un jardin pourrait être bénéfique, mais pas thérapeutique. En Espagne, nous disons qu’un jardin thérapeutique est là où a lieu la thérapie. Pour l’instant nous avons mis ce sujet de côté. C’est un des sujets potentiels.

En parlant d’Europe, j’avais envie qu’on revienne sur le master créé cette année en Ukraine qui a été présenté pendant le Trellis Seminar Series 2024.

« Le premier programme éducatif et scientifique interdisciplinaire « Garden Therapy » en Ukraine » est le titre de l’intervention d’Olesia Prokofieva, qui dirige le département de psychologie à la Bogdan Khmelnitsky Melitopol State Pedagogical University et qui est l’une des créatrices du premier master « Garden Therapy » en Ukraine. Je vous invite à écouter son intervention enregistrée en mars 2024. En 2023, ce master n’était encore qu’un projet, aujourd’hui c’est une réalité. Si réel que vous pouvez lire les retours de la première promo dans le document Sowing the Seeds disponible sur le site de Trellis. Sept femmes aux parcours variés – enseignantes, médecin, psychologues, guide touristique,…- qui racontent leur envie de se former à l’horticulture thérapeutique. Fiona explique qu’une chaine de solidarité internationale s’est mise en place pour aider les créatrices du master ukrainien avec des coups de pouce, de l’Autriche à l’Allemagne, de l’Ecosse aux Etats-Unis.

On peut retrouver toutes les vidéos du Trellis Seminar Series 2024 en ligne.

Au-delà de l’Europe, le World Therapeutic Horticulture Day est en train de devenir le jour où on parle du sujet sous toutes ses formes partout dans le monde.

Fiona. Il n’y a pas de reconnaissance sans prise de conscience. Aux Etats-Unis, on a essayé il y a quelques années d’obtenir la reconnaissance, en Ukraine également. Cela n’a pas marché. Aux Etats-Unis, la raison du refus était qu’ils ne pouvaient pas dire combien il y avait de professionnels dans le domaine !

Mais plus on en parlera et plus les gens en auront connaissance, rechercheront cette intervention, la financeront…Et ils ne diront plus « quoi ? » quand ils en entendront parler la prochaine fois. C’est l’intention derrière le WTHD. Et c’est aussi devenu un réseau de connexions, des gens qui se mettent à se parler alors qu’ils ne seraient jamais rencontrés sans cela. La carte du monde se remplit des nations en vert qui participent. Il y aura un WTHD en 2025.

Leila. Nous utilisons cette journée pour organiser des rencontres en ligne. Il y a des pays où les praticiens sont encore plus isolés. C’est une idée géniale. Cette année, c’est devenu encore plus important et ça va continuer à grandir.

Je vous renvoie à une vidéo présentant la journée, le 18 mai de chaque année désormais.

Vous étiez toutes les deux à IPPS en Angleterre ?

Fiona a parlé des retombées du WTHD lors de sa présentation au IPPS (International People Plant Symposium) à Reading en juillet 2024 et voici la trame de sa présentation.

Leila. Je pense que le sentiment a été très positif parce que ce genre de réunions n’existait pas en Europe. Nous avons la chance d’avoir des gens qui sont venus de Corée du Sud, du Canada, des États-Unis ou du Pérou, ainsi que des pays européens. Par ailleurs, le secteur suscite de plus en plus d’intérêt, je pense donc qu’il s’agit d’une combinaison des deux.

Une étude française de premier plan

Je ne peux pas conclure sans un mot sur une étude française, qui était présente à IPPS 2024, une étude randomisée qui vient confirmer l’impact positif d’ateliers d’hortithérapie sur l’anxiété pendant une hospitalisation en psychiatrie. Les résultats de l’étude “plaident en faveur de l’intégration de l’hortithérapie dans les pratiques infirmières psychiatriques”.

“ Impact of horticultural therapy on patients admitted to psychiatric wards, a randomised, controlled and open trial” est une étude lancée dès 2015 à la création du Jardin des Mélisses au CHU de Saint-Etienne. Bravo à toute l’équipe pour ce travail de longue haleine.

Yes !

Mirela Maganha ouvre la voie à l’hortithérapie au Brésil

La première fois que j’ai entendu parler de Mirela Maganha, c’était à l’occasion du World Therapeutic Horticulture Day, le brainchild de Fiona Thackeray qui a fait ses débuts en 2023, avec une version 2024 déjà en chantier. C’est ce post sur LinkedIn qui m’a encouragée à contacter Mirela. J’ai le plaisir de donner la parole à cette pionnière brésilienne dont la sensibilité l’a amenée à découvrir l’hortithérapie alors même que cette discipline est pour ainsi dire inconnue dans son pays. Qu’à cela ne tienne. La puissance des réseaux lui a permis de rentrer en contact avec des personnes qui partagent les mêmes idées. Et elle n’a pas perdu de temps pour se mettre en mouvement dans l’état de São Paulo.

« J’adore ce que je fais »

Quelles sont tes expériences personnelles des jardins et de la nature ?

Je suis la fille d’un producteur rural, j’ai vécu à la ferme jusqu’à l’âge de cinq ans, et même lorsque nous sommes arrivés en ville, notre maison (jusqu’à aujourd’hui) a un espace de terre qui, lorsque j’étais enfant, était mon espace de jeu et de croissance. Lorsque nous sommes arrivés en ville, mes grands-parents sont restés à la ferme et j’y étais le week-end, car j’aimais aller jouer sur le terrain, jouer avec les animaux, nager dans la rivière et travailler dans le jardin avec ma grand-mère.

Je crois que ce contact précoce avec la terre m’a influencée dans cet amour que je ressens pour tout ce qui est naturel, et en suivant la façon dont ma grand-mère prenait soin de tout, cela m’a influencé à vouloir être comme elle, à prendre soin des plantes, des animaux, à me nourrir de ce que la terre produit, à planter mes propres remèdes. Car, comme nous le savons, lorsque nous aimons quelque chose, nous l’introduisons dans notre vie d’une manière respectueuse et nous essayons de le transmettre à d’autres personnes, dans le but de leur faire prendre conscience que quelque chose peut avoir un retour positif. Ce que j’essaie de faire avec mes étudiants par exemple, comment le fait d’être en contact avec la nature, de manipuler la terre et de profiter de ses fruits peut être positif pour leur vie. Ainsi que de prendre soin de tout cela car nous sommes la nature, et nous devons être inclus dans les soins que nous offrons.

Comment as-tu commencé à t’intéresser aux bienfaits du jardinage sur la santé mentale et la santé en général ?

Quand j’ai commencé à étudier l’agronomie, j’ai vu un vaste domaine d’activité, et l’un des domaines qui m’intéressaient était celui des plantes médicinales pour aider les communautés les plus démunies de la ville dans le cadre des activités de l’église. Pour mieux comprendre le sujet, j’ai acheté des livres et, par hasard, j’en ai acheté un sur l’horticulture sociale et thérapeutique, un sujet complètement nouveau pour moi. Au fur et à mesure que je lisais, je me suis intéressée au sujet et j’ai commencé à faire des recherches pour mieux comprendre ce dont il s’agissait et comment réaliser des activités horticoles pour sauver le bien-être humain. À partir de là, j’ai fait part de mon intérêt à une professeure. Mais elle m’a rapidement dit qu’il serait difficile de travailler dans ce domaine au Brésil, car la finalité semblait plus sociale qu’économique et aussi parce que la discipline n’était pas reconnue.

Voyant mon engagement dans ce domaine, mon enseignante m’a conseillé de participer à un programme d’entrepreneuriat de la faculté, qui offrait la possibilité de présenter un objectif social, et j’ai donc rédigé un projet d’horticulture pour travailler avec les étudiants de l’APAE (Association of Parents and Friends of Exceptional Children), qui souffrent de neurodivergences. Le projet était prêt, mais la pandémie est arrivée et le programme a été annulé car il n’y avait plus de fonds pour financer les actions. Pendant quelques mois, j’ai fait des recherches sur le sujet, et j’ai réalisé que je ne pouvais pas abandonner l’idée de mettre en œuvre un projet de ce type ici. C’est alors que j’ai découvert l’existence d’une Communauté Thérapeutique qui travaille à la réhabilitation de personnes souffrant de dépendance chimique près de ma ville. J’ai pris contact avec eux et leur ai demandé s’ils avaient des activités dans ce domaine. Ils m’ont répondu que non, mais ils m’ont laissé libre de mener à bien le projet que je voulais. À partir de ce moment-là, j’ai intensifié mes études dans le domaine pour élaborer un plan d’activités, d’évaluation et de contenu pour mener à bien le projet d’horticulture thérapeutique.

Quel est ton parcours professionnel et ta formation en hortithérapie ?

Mon rêve a toujours été d’étudier l’agronomie, mais lorsque j’ai quitté l’école, je n’ai pas pu, et j’ai donc fait une école de commerce. Je travaillais déjà dans la région, dans une usine. Après un certain temps, je me suis spécialisée dans la gestion de projets et j’ai changé d’emploi. Aujourd’hui, je suis responsable de l’administration d’une petite entreprise dans la ville voisine. Après quelques années dans la nouvelle entreprise, la faculté locale a présenté un cours d’ingénierie agricole et j’ai immédiatement été intéressée. J’ai pensé aux cinq longues années que cela représentait, mais aussi au rêve que j’avais toujours eu. Et je me suis inscrite. C’est en conciliant travail, faculté et projets que je me suis identifiée à l’horticulture thérapeutique et que j’ai commencé à me consacrer à ce domaine. J’ai commencé ma formation à l’hortithérapie en lisant un livre et en faisant des recherches ainsi qu’en créant des réseaux par le biais des médias sociaux.

Le premier contact que j’ai eu avec des professionnels du domaine a été Leila Alcalde, qui m’a recommandé un livre, que j’ai immédiatement obtenu pour pouvoir étudier davantage. J’ai commencé à suivre des professionnels du domaine sur les médias sociaux pour être au courant de leurs activités, participer à des événements ou à des activités en ligne. Puis j’ai commencé à regarder différents webinaires de Trellis Scotland et Fiona Thackeray m’a ensuite contactée pour me demander mon expérience en matière d’horticulture thérapeutique au Brésil. Elle m’a invitée à présenter mon projet lors du séminaire Trellis en 2022. Le projet d’hortithérapie que j’ai développé était une étude de cas que j’ai utilisée pour mon travail de fin d’études à la Faculté d’ingénierie agricole. De plus, j’ai effectué des recherches sur des activités et des cas déjà publiés dans d’autres pays, en plus des activités menées par des institutions traditionnelles dans la région, culminant dans une étude « Projet de jardins potagers à des fins thérapeutiques dans la réadaptation des toxicomanes ».

À partir de là, en 2022, je me suis fixée pour objectif de suivre un cours d’agroforesterie, car il s’agit d’un mode de culture qui envisage le système d’une manière saine, en prenant soin du sol et en promouvant la diversité dans le même espace. J’ai donc eu l’occasion d’obtenir un diplôme de troisième cycle en agroécologie, avec un accent sur l’agroforesterie. Lorsque nous avons commencé notre dernier cours, j’ai décidé de maintenir la même ligne de recherche, maintenant dans un système biodiversifié. Lorsque j’ai parlé de mon idée à ma conseillère, elle a été surprise par le sujet et a accepté de me guider. Cette recherche vise à présenter aux lecteurs les différentes façons dont un système biodiversifié peut contribuer au bien-être humain, que ce soit par le contact avec la terre lors de la préparation du sol, ou par la plantation de différents légumes et fruits qui peuvent favoriser la sécurité alimentaire de la famille, mais aussi en encourageant la coexistence entre les personnes concernées, en renforçant leurs liens, en créant des possibilités et en gardant toujours l’humain dans l’environnement naturel, sans jamais le séparer.

Actuellement, je continue à faire des recherches sur les activités, la meilleure façon de les appliquer, la manière d’évaluer l’évolution de la personne, entre autres aspects importants. De plus, je suis toujours en contact avec Fiona de Trellis Scotland. Nous échangeons des idées et elle me guide pour m’aider dans mes projets, car je commence à travailler dans ce domaine au Brésil. Elle m’a mis en contact avec Daniela (Silva-Rodriguez Bonazzi) au Pérou. Je sais que son organisation au Pérou est la plus proche de moi géographiquement. Je n’ai pas encore suivi les cours proposés par Daniela, mais j’espère pouvoir le faire dès que possible.

Car un de mes objectifs est de participer à un cours dans ce domaine afin d’améliorer mes activités chaque jour et de promouvoir l’horticulture thérapeutique au Brésil. Aujourd’hui, je peux combiner différentes activités en même temps, en travaillant à la fois dans le domaine administratif d’une entreprise et en fournissant des services dans le domaine agronomique, y compris l’horticulture thérapeutique.

Causerie dans le jardin : l’agroforêt comme nouveau type d’agriculture

Peux-tu décrire les projets auxquels tu participes actuellement ?

Je suis actuellement prestataire de services dans une organisation de la société civile (OSC Florescer), partenaire du Secrétariat d’assistance sociale de la ville, qui réalise des ateliers socio-éducatifs pour travailler sur la coexistence et le renforcement des

liens entre les usagers, dans le but de surmonter un certain type de fragilité, qu’elle soit financière, émotionnelle ou physique Le public cible avec lequel je travaille sont les adultes, la base des activités étant l’agriculture familiale.

L’environnement dans lequel nous travaillons avec ce public spécifique est un jardin urbain, ce qui nous donne la possibilité de mener différentes activités, de la gestion du jardin aux conférences et aux activités manuelles. Le service n’est pas axé sur la thérapie, mais la plupart des activités menées influencent directement le bien-être humain, ce qui est conforme aux objectifs du service et est directement lié aux bases de l’horticulture thérapeutique. Nous réalisons des activités telles que : production de plants de fleurs, jardinage, plantation de fleurs en pots, préparation des lits, plantation de légumes en lits, récolte de légumes, activités manuelles, cercles de lecture sur les plantes et leurs bienfaits, plantation d’arbres, peintures, entre autres activités.

Ces activités visent à aider les utilisateurs à générer des revenus en apprenant de nouvelles techniques et en se responsabilisant. En outre, les ateliers de lecture sur les plantes favorisent la connaissance des utilisateurs et encouragent un contact toujours plus grand entre les êtres humains et le monde naturel, en montrant clairement que nous en faisons partie et que nous ne sommes pas isolés. De cette manière, nous présentons et soulignons les avantages que ces activités peuvent promouvoir chez l’être humain et sur son bien-être.

Les utilisateurs ont déjà donné différents rapports sur l’importance de ces activités pour eux et sur la façon dont elles font une différence dans leur vie quotidienne, car nous avons des utilisateurs qui participent aux ateliers depuis environ un an et demi. Ils sont donc en mesure de faire une bonne évaluation des activités et de la façon dont elles influencent leur vie. Notre coordinatrice est une psychologue et je lui parle toujours de mes projets d’horticulture thérapeutique et du travail que je réalise avec nos utilisateurs de services. Ces jours-ci, je lui ai demandé si nous pouvions considérer nos activités comme thérapeutiques, même si comme je l’ai expliqué, ce n’est pas l’objectif du service. Cependant, elle m’a indiqué que les activités que je développe ont un but thérapeutique qui peut être évalué par les rapports des utilisateurs et les rapports que je rédige à la fin de chaque activité. Par conséquent, en plus de promouvoir le bien-être, les gains thérapeutiques de ces activités sont un plus pour nos utilisateurs.

C’est très pertinent pour notre service car la majorité de nos usagers souffrent de chômage, de dépression, de crises d’angoisse, de problèmes liés à l’insomnie, de problèmes familiaux, de difficultés à se regarder et à se valoriser en raison de la routine chargée qu’ils ont avec leur famille.

En outre, je développe un projet à présenter à une maison de retraite dans la ville voisine, pour commencer les activités peut-être en 2024, avec différentes activités d’horticulture thérapeutique destinées aux résidents âgés. Parallèlement à mes activités, je mène cette année des activités bénévoles dans une école en plantant des arbres et en faisant du jardinage avec des adolescents, ce qui, selon moi, est une façon d’embellir l’école et de créer un espace naturel avec lequel ils peuvent être en contact. C’est une façon de les encourager à renforcer leur relation avec la nature et à voir à quel point cela peut être positif.

Créer des mini jardins (pots) : gérer notre patience et estimer notre créativité

Est-ce que tu as des projets antérieurs que tu souhaites nous présenter ?

Mon premier projet d’hortithérapie s’est déroulé dans la communauté thérapeutique avec des personnes qui se remettent d’une dépendance chimique. En plus d’être mon premier contact avec ce type de travail, il s’agissait de mon premier contact avec ce public en « rétablissement ». Lorsque je suis allée leur présenter l’idée, j’ai été bien accueillie et ils ont accepté de participer à mon projet. Les activités ont été menées en groupes pendant six mois, une fois par semaine. Pendant cette période, nous avons réalisé différentes activités qui pouvaient avoir un impact sur le traitement de chacun d’entre eux, que ce soit en apprenant des techniques de jardinage qui peuvent être une nouvelle alternative dans la vie quotidienne, ou en interagissant avec des collègues pendant des activités ce qui influence la socialisation, la récupération de souvenirs affectifs. Il y a aussi des activités qui ciblent la coordination motrice qui est très affaiblie en raison de la consommation de drogues et d’alcool. Toutes les activités ont été réalisées par moi, et comme ceux qui ont été accueillis ont été suivis par une psychologue, elle a été en mesure de m’aider à évaluer les activités par rapport au traitement en cours.

Pour les évaluer, j’ai créé des questionnaires auxquels ils répondaient une fois par mois. Il était facile de répondre aux questions qui permettaient de collecter des données pour les analyser et vérifier quelles activités étaient les plus acceptées et les plus attrayantes, lesquelles généraient un plus grand impact positif, entre autres détails. Pour moi, ce fut une expérience incroyable, à tel point que je suis encore impliquée dans ce domaine aujourd’hui, et j’ai l’intention de continuer. Car il est merveilleux de voir comment l’horticulture et le jardinage peuvent contribuer à la resocialisation de l’individu. Je suis reconnaissante pour cette première opportunité et je veux retourner dans la même communauté pour réaliser un nouveau projet avec les nouveaux résidents, quand j’en aurai la chance. Si je devais décrire tout ce que j’ai fait et ce que je ressens pour ce projet, je pourrais être ici pendant plusieurs pages (rires).

« C’est ma photo préférée jusqu’à présent. Je l’ai prise dans le cadre de mon projet de communauté thérapeutique. »
Mon projet de volontariat : planter des arbres à l’école

Que peux-tu nous dire sur la situation de l’hortithérapie au Brésil. Les types de projets,  la sensibilisation du public ou des professionnels, la formation…

Je ne connais pas actuellement au Brésil de projets qui soient annoncés comme des projets d’horticulture thérapeutique en particulier, ni de mouvement qui soit développé. Lorsque j’ai effectué mes recherches à la faculté, j’ai identifié quelques recherches publiées qui mentionnaient l’activité de l’homme dans les jardins potagers ou la gestion des plantes à des fins thérapeutiques, et comment cela pouvait les aider. Cependant, au Brésil, il n’y a toujours pas de pratique effective de ce type d’activité avec la reconnaissance de l’horticulture thérapeutique. Je crois que certaines personnes peuvent mener des activités dans ce but, mais sans la base et la reconnaissance qui existe à l’étranger de sorte que ces pratiques sont souvent inconnues.

Ce que j’ai remarqué, ce sont des cours et des directives de certaines institutions qui essaient d’inclure des espaces verts dans les écoles et qui soulignent à quel point ce contact avec le monde naturel est important pour le développement de l’enfant afin que l’enfant puisse déjà grandir au contact de la nature. Je suis même un cours en ligne appelé « TiNis (Tierra de Niños) pour les éducateurs » qui fournit des conseils sur le contact des enfants avec le monde naturel, l’inclusion de cet environnement et des pratiques naturelles au sein de l’école et leurs avantages. En outre, en 2022, j’ai suivi un cours promu par l’institut Nature & Children en partenariat avec le ministère de la Citoyenneté, qui s’appelle « Nature de Jamais ». Il s’agissait d’un cours permettant aux éducateurs de faire l’expérience d’une nature unique afin d’en tirer des enseignements pour les environnements scolaires, les projets, entre autres lieux qui agissent en tant qu’éducateurs.

De mon point de vue, il devrait y avoir une institution qui s’intéresse à toutes ces pratiques isolées et qui puisse organiser des idées, vérifier les activités réalisées et maintenir un contact actif, car elle pourrait être un soutien, si elle s’inscrit dans la proposition d’horticulture thérapeutique. En ce qui concerne l’hortithérapie, il y a tellement de preuves que cette pratique est fondamentale et essentielle pour la promotion du bien-être humain, et avec toute la représentation du Brésil dans l’agriculture, il devrait déjà y avoir une institution qui représente notre pays dans ce domaine.

Mirela, obrigada por partilhar e um abraço! Estou ansiosa por vos conhecer pessoalmente um dia.

Créer des cartes botaniques et parler de ce qu’elles représentent
Manipuler des graines ! Une façon de bouger et d’améliorer notre coordination et notre souplesse.

Quand Le Bonheur se baladait dans le monde

Pour mesurer le temps, je peux utiliser celui qui s’écoule entre deux publications sur ce blog. Ce marqueur revient inexorablement tous les mois, tous les premiers lundis du mois précisément. Lorsque j’appuie sur le bouton « Publier » au début du mois, j’ai l’impression d’une longue plage de temps devant moi…Et puis pouf, il est temps de publier de nouveau.

Ce mois-ci, ce joli mois de mai, restons dans le thème de notre périple international de 2022. Si nous avons un besoin vital de nouveautés, il est aussi utile de prendre le temps d‘apprécier l’existant. Or, depuis 10 ans, je me suis déjà souvent promenée hors des frontières françaises. Voici un aperçu de ces voyages qui montrent la variété des jardins thérapeutiques, de l’hortithérapie et des écothérapies. Quelle énergie et quelle vision chez ces femmes et ces hommes rencontré.es depuis 10 ans !

Pour les mois qui viennent, je vous annonce quelques nouvelles destinations : l’Autriche et l’Allemagne, le Costa Rica et un bilan de l’hortithérapie dans les pays hispanophones. Et puis il va falloir aller explorer un peu plus en Asie, en Australie, en Afrique.

Sue Stuart-Smith, psychiatre et auteure de « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne » dans son jardin anglais (crédit photo gardenmuseum.org.uk)

EN EUROPE

ITALIE. En avril 2021, nous rencontrions Ania Balducci, hortithérapeute italienne formée en Angleterre et aux Etats-Unis, qui contribue à développer l’hortithérapie dans son pays à travers des projets et une formation universitaire. Pour compléter un lien pour se tenir au courant des actions de la Associazone Italiana Ortoterapia (ASSIOrt)

ANGLETERRE. Une autre rencontre, celle de Sue Stuart Smith. Elle est psychiatre et elle nous a offert en 2020 « L’équilibre du jardinier : renouer avec la nature dans le monde moderne ». Un des livres les plus inspirants sur les bienfaits de la nature et du jardin pour les personnes fragilisées. Sa sortie en pleine pandémie a fait beaucoup de bien. Il est devenu LE livre de jardinage de l’année pour le Sunday Times et un des 37 meilleurs livres de 2020 pour The Times. Autant dire qu’il aura rencontré un énorme écho en Angleterre et dans les nombreux pays où il a été publié.

ANGLETERRE. C’est grâce à Beth Collier que j’ai découvert l’écopsychothérapie. En 2018, elle nous expliquait comme elle pratique son travail de psychologue dans les parcs londoniens depuis plusieurs années. Elle prépare sur ce sujet un livre que j’ai hâte de découvrir. En attendant, merci à Beth de m’avoir inspirée car c’est en grande partie grâce à elle que je propose aujourd’hui des séances de psychothérapie dans la nature.

ECOSSE. Impossible de ne pas mentionner Trellis et Fiona Thackeray. Avec son équipe, elle organise depuis deux ans une série de séminaires internationaux dans l’âme. Dès 2015, cette ancienne de Thrive nous avait présenté Trellis, l’association écossaise d’hortithérapie.

SCANDINAVIE. En 2019, Philippe Walch, alors tout nouveau membre de la Fédération Française Jardins Nature et Santé et aujourd’hui actif dans son conseil d’administration, nous avait fait profiter d’un voyage personnel dans la Scandinavie biophilique avec une visite de Nacadia, le jardin thérapeutique initié par Ulrika Stigdotter et son équipe à de l’Université de Copenhague. Pour compléter ce tour dans le nord de l’Europe, regardez l’intervention d’Anna María Pálsdóttir au Trellis Seminar Series 2022. Elle y décrit l’expérience du jardin du Living Lab Alnarp Rehabilitation en Suède.

Salle de pause au jardin pour les infirmières d’un hôpital de Portland, Oregon (Etats-Unis), sujet d’une étude de Roger Ulrich.

EN AMERIQUE DU SUD ET DU NORD

PEROU. Je vous présente Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, hortithérapeute péruvienne également formée aux Etats-Unis. Depuis notre rencontre au Jardin du Luxembourg en 2019, Daniela a pratiqué, parlé, écrit. Voici quelques exemples de ses articles sur le blog du Horticultural Therapy Institute : auprès de personnes âgées en Argentine, pour des enfants en Equateur ou encore auprès d’enfants sur le spectre de l’autisme en Inde.

CANADA. Il s’en passe des trucs au Canada. Une de mes références est la Fondation Oublie pour un instant dont la fondatrice, Jeannine Lafrenière, est une personne que je croise régulièrement depuis plusieurs années. Sa mission : faire entrer la nature à l’intérieur des établissements de santé.

ETATS-UNIS. Choix difficile dans ce pays où j’ai passé le plus de temps, physiquement et à distance. J’attire simplement votre attention sur quelques personnes et programmes phares.

LIVRE « The Profession and Practice of Horticultural Therapy ». Le livre de Rebecca Haller, Christine Capra et Karen Kennedy, sorti en 2019, est incontournable si vous vous lisez l’anglais. Vous y retrouverez d’ailleurs quelques signatures françaises et européennes.

LIVRE « Therapeutic Landscapes ». Même chose pour le livre de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs, sorti en 2014. Indispensable, source d’inspiration, mise en contexte d’initiatives qui intègre la nature qui soigne dans les établissements de santé. Historiquement, ma première rencontre avec Clare Marcus Cooper il y a 10 ans.

« Une hortithérapeute californienne derrière les barreaux ». Je reste en contact avec Calliope Correia depuis notre rencontre dans une formation du HTI et je suis son implication intense dans son travail en prison. Une passionnée, une convaincue.

30 ans d’hortithérapie auprès des personnes âgéesKirk Hines a commencé sa carrière d’hortithérapeute depuis 1993 et il la poursuit auprès de personnes âgées dans la région d’Atlanta.

« Bénéficiaire » et témoinLe témoignage d’un homme pour qui le jardin thérapeutique d’un programme d’addictologie en Caroline du Nord a été salvateur.

Résilience et recherche. A New York, la résilience de Matt Wichrowski, hortithérapeute et chercheur, épate. Retrouvez ses publications en tant que chercheur et professeur associé dans le département de Médecine de Réadaptation à la Faculté de Médecine de NYU.

A Chamchamal dans le Kurdistan irakien, le Fondation Jyian (« vie » en kurde) a formé les thérapeutes qui accompagnent des adultes et des enfants traumatisés par la guerre à l’hortithérapie.

DANS LE RESTE DU MONDE

Force est de constater que les autres parties du monde sont peu représentées sur mon blog. L’attraction est tellement plus forte là où on a déjà des contacts. A améliorer !

Au Japon, j’avais présenté en 2015 l’état de la formation en hortithérapie, très inspirée des Etats-Unis ainsi que le travail du chercheur Mashiro Toyoda. Il a continué à explorer le sujet, notamment avec la publication en 2020 d’une étude sur les effets d’une activité d’arrosage régulière sur l’activation du lobe pré frontal chez des personnes âgées bien portantes. Du jardinage comme outil de prévention du déclin cognitif.

Au Kurdistan, nous avions découvert un programme de formation pour des thérapeutes spécialistes du psychotraumatisme qui accompagnent des réfugiés, un effort qui a rassemblé des experts de plusieurs pays. Le programme a également été présenté lors du Seminar Series 2022 de Trellis

Au Bénin. Concluons sur l’intervention de Josette Coppe, psychologue clinicienne et art-thérapeute, qui anime des ateliers d’expression et des ateliers thérapeutiques avec les équipes SOS villages d’enfants au Bénin depuis 2010 à travers son association Résonances. Elle avait partagé son expérience lors d’une table ronde en ligne organisée par Jardins & Santé en novembre 2021. Vous trouverez son intervention à la minute 59 dans cette vidéo, avec les témoignages filmés de deux professionnels béninois.

Trellis Seminar Series : le rendez-vous annuel des hortithérapeutes du monde entier

La première fois que j’ai eu le plaisir de discuter avec Fiona Thackeray de Trellis, l’association écossaise d’hortithérapie, c’était en 2015. En mars 2020, nous devions nous rencontrer « in real life » pour le symposium de Jardins & Santé à Paris….En 2021, Tamara Singh et moi avons eu le plaisir de présenter un état des lieux de l’hortithérapie en France lors de la première édition du Trellis Seminar Series. Hier soir, j’ai de nouveau eu le plaisir de passer un moment en ligne avec Fiona à une semaine du Trellis Seminar Series 2022. Ma question toute personnelle : est-ce que nous aurons un jour l’occasion de prendre un thé (ou une bière) ensemble ?

Pour le programme et les inscriptions aux séminaires de cette annnée, c’est par ici. Du 7 au 11 mars,  des experts interviendront d’Allemagne, d’Irak, d’Italie, de Belgique, du Brésil et d’Australie pour partager leurs expériences et connaissances de l’horticulture sociale et thérapeutique. Le programme s’enorgueillit également d’un panel de champions communautaires issus d’une variété de projets à travers le Royaume-Uni qui soutiennent les personnes vulnérables, handicapées et défavorisées de tous âges.

Plus que jamais et pour différentes raisons alors que la guerre revient brutalement au coeur de l’Europe, ce rassemblement est une « une lanterne d’espoir dans une année difficile ».

Fiona Thackeray de Trellis Scotland a écrit un livre pour se débarrasser du plastique au jardin, ‘Plastic-free Gardening’ (crédit photo Daily Record)

Fiona nous raconte la genèse de cette conférence en passe de devenir un grand rendez-vous annuel pour les hortithérapeutes du monde entier.

Qu’est-ce qui a incité Trellis à proposer une série de séminaires en ligne en 2021 ?

A little thing called Covid…En mars 2020, nous étions sur le point de tenir notre conférence annuelle qui rassemblait tous les ans entre 50 et 70 personnes en Ecosse. Mais c’était inimaginable de maintenir notre événement en personne : on se serait tous contaminés et nous aurions ramené le virus aux personnes fragiles avec lesquelles nous travaillons. Pendant plusieurs mois, nous nous sommes accrochés à l’espoir de le remettre à plus tard. Et puis nous avons décidé de le tenir en ligne. Cela me semblait un pauvre substitut à des rencontres en personne proposant des activités tactiles. Mais du côté positif, nous n’aurions jamais pu financer la venue de tous ces intervenants étrangers ! Il y avait un côté passionnant à cette transformation.

Les praticiens sont très isolés, ils n’ont souvent pas de pairs avec lesquels échanger dans leurs établissements. Ils nous disaient que notre conférence annuelle leur donnait le sentiment d’appartenir à un véritable mouvement en discutant avec d’autres faisant le même travail. Or, les séminaires en ligne reproduisent cela et l’étendent au-delà du Royaume-Uni.

Un aperçu du programme du Trellis Seminar Series 2022

Qu’est-ce que votre équipe a retenu de la conférence 2021 ? Quel est votre plus beau souvenir ?

La conférence a été un beau succès sur plusieurs plans. Les participants et nous aussi avons beaucoup appris. Nous avons établi des liens qui continuent encore aujourd’hui. Les séminaires étaient sociables et animés. Nous laissions le Zoom ouvert et la fête continuait après la présentation. Nous en étions stupéfaits. Au cours de la série, nous avons eu 580 participants des cinq continents. Nous avons vu les mêmes personnes revenir pour plusieurs séminaires. Ils en retiraient clairement quelque chose. Quelqu’un nous a dit que la conférence était une lanterne d’espoir dans ce qui avait été une année difficile pour beaucoup.

La série 2021 a-t-elle favorisé des coopérations internationales et des connexions individuelles qui ont perduré après l’événement ?

Nous sommes entrés en relation avec l’IGGT (Internationalen Gesellschaft Gartentherapie), l’association allemande d’hortithérapie présidée par Andreas Niepel. Je sais qu’une hortithérapeute travaillant en soins palliatifs en Angleterre est en contact avec Daniela Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, une hortithérapeute péruvienne. Nous avons probablement joué les « entremetteurs » sans le savoir.

Qu’est-ce que les participants vous ont dit vouloir pour la prochaine édition ? Des demandes et des besoins sont-ils apparus ?

Ils ont demandé plus de la même chose ! Il y avait également une demande claire et urgente pour une meilleure reconnaissance professionnelle. Cela a toujours été un de mes objectifs, mais il y avait toujours d’autres projets qui nous occupaient. L’événement a été un catalyseur. La nature et les espaces verts étaient désormais reconnus comme importants pour la santé et nous avons estimé que nous devions établir des normes avant que d’autres ne revendiquent ce domaine. Nous pouvions voir se développer des programmes de formation avec des normes moins strictes que les nôtres. 

Nous travaillons actuellement avec une université pour les cours d’horticulture et avons rencontré une autre université pour les cours liés à la santé. L’objectif est de proposer un certificat d’ici janvier 2023, notamment pour les professionnels de santé comme les infirmières ou les ergothérapeutes. Puis ensuite nous aimerions développer une formation au niveau du master. L’idée est de proposer une formation pour que les gens soient en sécurité et en confiance en tant que praticiens. Nous travaillons aussi à l’élaboration de normes, d’un code de conduite, d’une supervision et de projets de recherche plus structurés.

Quelle est la chose la plus difficile dans l’organisation d’un tel événement ?

La coordination ! S’assurer que tout fonctionne au niveau des fuseaux horaires, des versions de Zoom ou de PowerPoint. Nous faisons des répétitions pour nous en assurer. Nous sommes une équipe de 5 personnes à temps partiel et commençons à réfléchir à partir de novembre. Nous aussi travaillons à distance et nous commençons à ressentir le besoin de nous voir plus souvent en personne.

Quel est le principal objectif de l’édition 2022 ?

Notre objectif reste de connecter les gens, qu’ils retrouvent des thèmes universels avec des spécificités locales qui sont uniques. L’idée est que les participants réalisent qu’en Irak, par exemple, dans un environnement tout à fait différent à des milliers de kilomètres de chez eux, d’autres praticiens font essentiellement la même chose qu’eux avec des manières de faire, des plantes, des approches locales. Pour moi, c’est convaincant et stimulant. Si nous étions entre nous au Royaume-Uni, ce serait moins stimulant. Quant à 2023, nous allons essayer de réintroduire des événements en personne, en extérieur et à plus petite échelle. Mais je pense que nous continuerons aussi les séminaires en ligne.

Trellis, une association pro-hortithérapie en Ecosse

Bonne année à toutes et à tous. Je forme le voeu que les jardins de soin continuent à prendre racine cette année, en France et ailleurs. Pour ma part, j’ai pris une résolution : sortir des frontières. Pas uniquement aux Etats-Unis où nous allons faire un tour régulièrement. Mais en Europe, au Japon et ailleurs. Par contre, le début du mois de janvier étant très chargé professionnellement, je vais m’accorder une ou deux semaines de pause après cette semaine. Mais pour tenir les bonnes résolutions, on commence tout de suite avec le portrait de Fiona Thackeray de Trellis.

Fiona Thackeray à la conférence annuelle de Trellis qui, tous les mois de mars, permet à une centaine d'hortithérapeutes d'échanger leurs bonnes pratiques. A ses côtés, son "boss"  Jim McColl, spécialiste du jardinage qui donne des conseils à la BBC Scotland depuis des années.

Fiona Thackeray à la conférence annuelle de Trellis qui, tous les mois de mars, permet à une centaine d’hortithérapeutes d’échanger leurs bonnes pratiques. A ses côtés, son « boss » Jim McColl, spécialiste du jardinage qui donne des conseils à la BBC Scotland depuis des années.

Après avoir travaillé pour Thrive, le pilier de l’horticulture sociale et thérapeutique en Angleterre, Fiona Thackeray a fondé Trellis, une association écossaise dont l’objectif est de « soutenir la santé à travers l’horticulture ». « Nous existons parce que ceux qui pratiquent l’hortithérapie sont seuls dans leurs établissements. Ils n’ont pas de collègues. Nous devenons donc un groupe de pairs pour eux. Ils commencent souvent un programme suite à une demande. Ils viennent nous pour avoir des idées. Nous organisons des journées de partage de « bonnes pratiques ou sur des thèmes comme l’évaluation que certains pratiquent plus que d’autres », explique Fiona. Le site de l’association répertorie également des offres d’emploi. Les membres de Trellis travaillent avec des participants souffrant de traumatismes crâniens, AVC, démences, addictions, troubles du développement, santé mentale ainsi qu’avec des personnes sans domicile fixe.

242 projets en Ecosse

« Une tendance nouvelle, ce sont les enfants avec des troubles multiples. Mais nous sommes aussi très actifs dans les maisons de retraite où les résidents sont enfermés et n’ont pas l’opportunité de sortir. L’accès à un jardin est un droit et les avantages sont nombreux comme le montrent un tas de recherches », raconte Fiona dont l’association emploie trois personnes à temps partiel et sept conseillers en freelance. Ce sont eux qui répondent aux questions des membres et interviennent sur le terrain (un hospice dont le programme est en crise par manque d’argent, un jardin à revoir pour le rendre accessible aux fauteuils roulants). Au total, les membres de Trellis représentent 242 projets en Ecosse et dans le nord de l’Angleterre. « Il en existe sans doute le double. Il y a des programmes dans la plupart des prisons par exemple. Quand je visite un hôpital, je découvre quatre ou cinq projets », estime Fiona.

Fiona Thackeray (en tee-shirt rose) pendant une session d'information dans un centre de jardinage (Growforth à Fife ) en train d'expliquer des techniques de jardinage adaptées à des personnes souffrant de conditions de santé comme l'arthrite à la sclérose en plaques.

Fiona Thackeray (en tee-shirt rose) pendant une session d’information dans un centre de jardinage (Growforth à Fife ) en train d’expliquer des techniques de jardinage adaptées à des personnes souffrant de conditions de santé comme l’arthrite à la sclérose en plaques.

Trellis propose à la demande des formations pour les personnels de soin (ergothérapeutes, infirmiers,…). Ces formations se montent quand assez de gens ont exprimé un intérêt et elles tentent de jongler entre plusieurs sujets : l’adaptation aux diverses pathologies, mais aussi le financement ou la promotion. Au Royaume-Uni, les formations dans le domaine de la santé se heurtent à un processus d’accréditation très long. De plus, l’entité dispensant les accréditations a fermé la porte à des nouvelles disciplines. « Beaucoup de gens qui pratiquent n’ont pas de formation dans l’une ou l’autre des disciplines. C’est difficile de faire reconnaître leur expérience. » Fiona espère faire reconnaître des modules de formation, plutôt qu’un diplôme entier.

Une discipline dans l’air du temps

Elle voit de nombreux signes d’espoir en Ecosse. « Le jardinage est en vogue. Le médecin de la reine a parlé publiquement d’études sur le jardin et le stress, le jardin et la douleur. Dans des quartiers défavorisés où beaucoup de patients ont des problèmes complexes, les médecins généralistes font de la « prescription verte ». Ils encouragent les patients à se joindre à des groupes de jardinage pour les bénéfices physiques et sociaux », énumère-t-elle.

Fiona regarde aussi au-delà de l’Ecosse. Ayant identifié quelques interlocuteurs en France, elle n’a pas hésité à les contacter. C’est comme cela que nous nous sommes « rencontrées » virtuellement. Elle garde aussi un œil sur la communauté européenne. « Il y a des financements pour des programmes de formation et de partage de bonnes pratiques. Nous allons postuler à un programme dont le deadline est au printemps. » Et le 12 mars, Trellis tiendra sa conférence annuelle auquel Fiona invite tous les praticiens français intéressés…