Le Jardin des (S)ages : l’aventure de Carole Nahon

Un mot avant de vous raconter l’histoire de Carole. Le tableau de bord du Bonheur est dans le jardin m’indique que nous avons atteint aujourd’hui le 100e billet. Depuis le printemps 2012, que de rencontres autour du jardin qui soigne ou qui du moins contribue au bien-être. J’espère que vous continuez à puiser des idées et peut-être à prendre des contacts semaine après semaine. Dans les billets à venir, nous irons visiter le jardin d’une crèche parentale en plein coeur de Paris, je partagerai des activités pratiques à mettre en oeuvre dans des ateliers et nous ferons peut-être faire un tour en Suède et au Canada (en tout cas, les contacts sont lancés).

Lors d'une journée autour du potager organisée avec Jardin, Art et Soin et à laquelle avait participé Martine Brulé.

Lors d’une journée autour du potager organisée avec Jardin, Art et Soin et à laquelle avait participé Martine Brulé.

Mais revenons à Carole qui jardinait en amateur et a décidé d’aller plus loin. Visiteuse bénévole dans une maison de retraite depuis quelques années via l’association Visite des Malades en Etablissements Hospitaliers, elle entrevoit vite le potentiel du jardin pour apporter de la vie. « Mes grands-parents avaient un jardin, j’ai un jardin. Je prends beaucoup de plaisir à biner, à désherber. C’est une source de bien-être, un moment de détente pour évacuer », décrit cette femme pleine d’enthousiasme. En 2010, une recherche sur Internet la mène à un article qui lui ouvre des perspectives sur les bienfaits du jardin. « C’était une publication d’un colloque de la SNHF qui a eu lieu en 2009. A la page 3 de ce document, le paragraphe « Jardins, plantes, et personnes souffrantes : un bref historique » m’a bouleversée et a fait écho en moi. Il mettait des mots sur ce que je ressentais quand je jardinais. et l’idée que je pouvais aider les autres, par ce biais, qui me parlait tant, a germé à partir de ce moment-là. »

Elle commence alors à prendre des contacts : le Jardin Bénéfique est un peu trop loin de Draguignan où elle habite pour aller se former, elle rencontre Martine Brulé, elle se rapproche de l’association Jardins, Art et Soin aujourd’hui dissoute dans sa région par manque de personnes pour s’en occuper. Au final, elle suit en 2012 une initiation à l’hortithérapie avec Sébastien Guéret où elle rencontre Anne Ribes. Ces échanges confirment ce qu’elle ressent et la conforte dans son envie de créer une association.

A partir de la mi-2012, elle se penche sur la création de cette association avec l’aide de PILES (Pôle d’Initiatives Locales d’Economie Solidaire) pour rédiger son projet. Ressentant le besoin de muscler ses connaissances techniques pour asseoir sa crédibilité, elle suit ensuite une formation en jardinage de janvier à juin 2013 dans un centre de formation professionnelle à Antibes. « Ca a été utile pour apprendre le nom des plantes, mais ça manquait de pratique sauf pendant le mois de stage », estime-t-elle. En octobre 2013, la voici prête à créer l’association avec son amie Elvire qu’elle a rencontrée en faisant la récolte dans leur AMAP. Le Jardin Des (S)âges est né.

Pour reprendre ses propres mots, l’association a pour mission:

-d’organiser des ateliers de jardinage afin d’améliorer le bien-être des personnes résidant dans des établissements médico-sociaux et de participer ainsi à la dynamique de ces structures.

– de participer à la valorisation des jardins de ces établissements

– d’organiser des rencontres autour des jardins de soin et de leur importance pour le bien-être des résidents de ces structures.

Les premiers ateliers à La Pierre de la Fée

Bacopa monnieri (je ne connaissais pas alors je partage cette photo).

Bacopa monnieri (je ne connaissais pas alors je partage cette photo).

Même si quelques ateliers avaient commencé à l’été dernier avant la création de l’association, ce n’est vraiment qu’au mois de janvier que Carole officialise les choses à la maison de retraite La Pierre de la Fée à Draguignan où elle est déjà bien connue en tant que visiteuse bénévole. « Les premiers ateliers se sont faits autour d’une table où ils ont parlé de leurs jardins et des plantes qu’ils avaient. On a fait une liste des plantes qu’on pourrait mettre dans notre jardin », explique Carole. Puis les ateliers se sont tournés vers des semis et des plantations dans des tables de culture et des pots : persil, cerfeuil, verveine, capucines, pois de senteur, bacopa, pensées.

Premières séances à la Pierre de la Fée.

Premières séances à la Pierre de la Fée.

« Le lundi après-midi, je visite les malades que le cadre de santé m’indique dans leur chambre. S’il fait beau, je suggère qu’on aille au jardin. Mais maintenant les vendredis sont dédiés aux ateliers de jardinage. Nous allons chercher ceux qui ont envie de jardiner. Nous avons deux résidentes très assidues qui viennent avec leurs filles. Les rapports sont différents car elles peuvent discuter d’autre chose que de la maladie », raconte Carole. « D’autres résidents viennent voir ce que l’on fait. Des accompagnants et des familles viennent aussi nous voir. C’est un facteur de lien. Il se passe quelque chose de nouveau. Le personnel soignant, les animateurs et les familles sont très contents que quelqu’un de l’extérieur viennent s’occuper des résidents. Il n’y a pas de compétition et tout le monde me connaît bien. La femme d’un résident qui vient tous les jours a envie de m’aider. » De 14h30 à 17h00, Carole est au jardin avec une fenêtre en début d’après-midi quand les résidents sont plus calmes et disposés à planter et semer. En fin d’après-midi, elle privilégie l’arrosage.

Résultats...

Résultats…

Le jardin existant est entretenu par les services de la ville et avait été conçu pour demander peu d’entretien (arbres, gazon). Il comporte une partie fermée pour les patients souffrant de la maladie d’Alzheimer. « J’ai rencontré le chef des jardins de la ville, à l’ehpad, en présence d’un des deux animateurs. Entretien très fructueux. Nous allons travailler en partenariat et réfléchir ensemble à l’aménagement du jardin du secteur protégé. Magnifique… », s’enthousiasme Carole.

Faire vivre l’association

L’association vit de modestes adhésions (20 euros). Compte tenu des compétences actuelles d’Elvire et Carole, le montant des prestations a été fixé à 80 euros la séance de 2heures 1/2. Leurs aspirations « humanistes » les porteraient à priori vers le bénévolat total, mais « la tarification des prestations est apparue nécessaire afin que les bénéfices du jardinage dans les établissements de soins, soient reconnus et que cela ouvre les portes à des initiatives de formations diplômantes, ce qui n’est toujours pas le cas en France », explique Carole, visiblement gênée par la question financière. « Avec les autres Ehpad, je reverrai peut-être le tarif à la hausse. » Car l’objectif est bien de proposer des ateliers à d’autres établissements à Draguignan et dans les alentours.

Carole Nahon pendant son stage de formation professionnelle.

Carole Nahon pendant son stage de formation professionnelle.

Carole est toujours en perfectionnement et suivra en juin une formation avec Jocelyne Escudero. « Pour l’instant, je parle d’animations horticoles même si je prends des notes sur les réactions, la participation. J’aimerais approfondir et passer à des jardins à visée thérapeutiques avec des personnes atteintes d’Alzheimer et des enfants autistes. » Comme beaucoup d’autres, elle déplore l’absence d’une formation diplômante. Elle sent bien que certains soignants aimeraient se spécialiser dans le jardin…En tout cas sans attendre, Carole a retroussé ses manches et elle s’est lancée. « Quand je les entends discuter et que je les vois contents de jardiner, je me sens très heureuse. »

Les prix de la Fondation Truffaut : appel à projets ouvert jusqu’au 20 avril

Capture d’écran 2014-03-20 à 18.01.36La Fondation Truffaut lance la 2e édition de ses prix inaugurés en 2013 pour récompenser trois types de jardins : thérapeutique, pédagogique et insertion. J’avais eu le plaisir de participer au jury et à la cérémonie de remise des prix, très émouvante, au Grand Palais. Cette année, c’est reparti. Si vous avez un projet qui correspond aux critères énoncés par la Fondation Truffaut, n’hésitez pas à vous lancer. Bonne chance!

Les candidats ont jusqu’au 20 avril pour déposer leur dossier en ligne en prêtant une attention particulière à la qualité des photos, aux témoignages et à la description des bénéfices constatés. Les trois prix seront remis début juin dans le cadre de l’événement JARDINS, JARDIN. Les trois associations récompensées recevront chacune une dotation de 5 000 euros. « Partout en France, des initiatives “végétales” voient le jour grâce à des personnes engagées mettant tout leur cœur dans leur projet, dans le but de partager des émotions, de donner le sourire à des enfants handicapés, de croire et guider des jeunes dans leur insertion professionnelle, d’accorder du temps aux personnes âgées », explique le communiqué de la fondation qui a fixé quatre conditions pour participer.

• Être une association ou une organisation à but non lucratif

• Avoir développé une action concrète permettant d’améliorer le quotidien d’hommes et de femmes, grâce au végétal

• Correspondre à un des trois domaines : thérapeutique, pédagogique ou insertion

• Voir son action se dérouler en France

La Fondation a choisi 3 axes d’intervention qu’elle explique ainsi. « Le thérapeutique, parce que le rapport au végétal et au jardinage stimule nos 5 sens et peut soigner ! (principe de l’hortithérapie). L’insertion parce que jardiner, c’est valorisant. Et que cela permet d’être en lien avec la société tout en se projetant vers l’avenir, même si l’on est en difficulté ou en rupture : « Jardinier, c’est l’un des plus beaux métiers de demain ». La pédagogie parce que le jardin, c’est une manière de ressentir le monde, un formidable outil de connaissance sur soi et un lieu d’apprentissage de la vie. Les mains et les pieds dans la terre, on fait corps avec ce qui nous entoure et on échange, tous milieux et âges confondus. »

Une journée d’échanges en Loir-et-Cher

Pendant qu’on est sur le sujet des annonces, une journée d’échanges est organisée le 30 mai en Loir-et-Cher autour du thème « le jardin de soin et de bien-être » avec la visite de la Clinique psychiatrique de La Chesnaie et du jardin des Portes Vertes à la Maison Claude de France. Je vous renvoie à cette invitation qui donne tous les détails et les coordonnées.

Invitation Journée d'échanges

Le jardinier du Château de Courances : partage et connaissance de soi

Antoine Berthelin et sa récolte ((photo Thomas Dupaigne)

Antoine Berthelin et sa récolte ((photo Thomas Dupaigne)

Antoine Berthelin est un jardinier voyageur et curieux. Pendant plusieurs années, il a travaillé aux Jardins Rosendal à Stockholm, « un havre d’agriculture biodynamique au sein de la capitale suédoise ». Dans ce cadre, il a proposé avec un psychothérapeute un atelier de connaissance de soi mêlant jardinage et thérapie. Revenu en France en 2013 pour créer un jardin potager au château de Courances en Essonne, il récidive avec un nouveau stage de jardinage et yoga dont la première session aura lieu le 30 mars. Retour sur le parcours d’un jardinier ouvert aux échanges.

L’expérience suédoise 

L’envie de soigner au jardin prend racine bien avant le départ en Suède en 1998. « A la fin des années 80, un ami médecin qui pratiquait l’anthroposophie m’envoyait des patients pour qu’ils viennent jardiner avec moi. C’était très informel, mais on voyait rapidement un impact. » Installé en Suède, il revient à l’idée de faire jardiner des patients, en l’occurrence des victimes de douleurs chroniques. Mais le projet n’aboutit pas (« Avec 2 000 à 3 000 visiteurs par jour pendant le week-end, le jardin n’était pas un lieu adapté pour les gens qui vont mal », explique le jardinier). En revanche, le concept de stages mêlant jardinage et psychothérapie fleurira pendant 7 ans à Rosendal et dans un autre jardin dans le sud du pays.

« L’idée était de s’engager pour 10 weekends sur une année pour établir la confiance et de partir de la plante qu’on comparait à la vie humaine. Dans le premier stage, on semait des graines et j’expliquais ce dont la plante a besoin pour pousser avant de faire de la méditation guidée. En mars, on pratiquait la taille et l’activité consistait à dessiner un arbre représentant sa vie telle qu’on la ressent et telle qu’on la voudrait. En juillet, on parlait de plénitude, de se poser pour observer la beauté de ce qu’on a créé. Pour terminer, on faisait du compost et on faisait un parallèle avec les crises qui peuvent permettre de grandir », raconte-t-il en se souvenant que les séances occasionnaient beaucoup de rires et que le travail du corps pour se sentir mieux était central. « C’était des gens en réflexion et ils se rendaient compte qu’il y avait quelque chose à gratter. Certains ont osé prendre des décisions ensuite. »

Le potager du château de Courances

S’il aime la Suède et qu’il considère son passage aux Jardins Rosendal comme l’un des meilleurs jobs de jardinier, le climat lui pèse. « Il me manquait la chaleur du corps. Même en été, on n’a jamais très chaud. La nuit pendant tout l’hiver, c’est difficile. Le printemps est une période intense où on n’a que 15 jours pour réussir ses semis. » Approché par le château de Courances qui était dans une phase de passation de pouvoir, Antoine Berthelin revient en France. Même s’il reste partagé comme beaucoup d’expatriés (« On garde toujours deux pays »).

Le potager en transition biologique

Le potager en transition biologique

Depuis  début 2013, Antoine s’occupe du Potager du Château de Courances où il cultive des légumes mais aussi des fruits et des fleurs. La culture du Potager respecte le cahier des charges de l’agriculture biologique (2è année de conversion). Le jardinier a reçu carte blanche pour animer le jardin. Pour encourager la rencontre, il organise une vente sur place tous les samedi d’avril à décembre. Des diners préparés par des restaurateurs à base de la production du potager ont aussi démarré. A ce jardin actif et productif, il va maintenant ajouter une composante thérapeutique.

« La Rencontre avec Soi à travers le Jardinage et le Yoga »

Dans ce stage annuel de développement personnel, Antoine Berthelin s’associe avec Alexandra Bailly qui est professeur de yoga et praticienne en réflexologie. « Nous avons regroupé des activités comme la graine et la taille pour parler du potentiel qu’on a en soi. Mais sans thérapeute, nous ne pouvons pas aller trop loin par peur de réveiller des choses », recadre Antoine. « Le stage suivra le rythme des saisons et aura lieu sur 5 dates tout au long de l’année 2014. Durant le stage, vous recevrez des outils pour aller à la rencontre de votre jardin intérieur. En entrant en contact avec Soi, on accède à la compréhension puis une véritable acceptation de ce que nous sommes : une clé pour vivre avec plus de douceur, sérénité », expliquent les co-animateurs.

Au potager (photo Thomas Dupaigne)

Au potager (photo Thomas Dupaigne)

Chaque module aura lieu sur une journée, de 9h30 à 17h. « Une demi-journée sera dédiée au jardinage, où en entrant en contact avec la Terre vous recevrez les bases pour cultiver un jardin potager et fruitier. L’autre demi-journée sera consacrée au Yoga. Les participants sont alors invités à poursuivre le voyage intérieur à travers des postures physiques et exercices respiratoires de base. Être présent dans son jardin pour pouvoir jouir des récoltes, être présent dans sa pratique du Yoga pour se mouvoir dans le respect de ses capacités, entendues comme le cadre de nos forces et limitations : nous voyons combien la conscience du mouvement est inhérente aux deux pratiques. C’est sur cette présence de corps et d’esprit que nous baserons le travail de la rencontre avec Soi », expliquent-il encore. Le premier module, La Force Créatrice, est programmé pour le 30 mars (120 euros par module et 500 euros pour un forfait pour les 5 modules). Pour tout renseignement, vous pouvez contacter Antoine Berthelin par email (antoineberthelin@hotmail.com). Je vous présente l’initiative d’Antoine sans en avoir fait l’expérience comme cela avait pu être le cas quand j’ai parlé de la formation Jardin de soin de Chaumont-sur-Loire. Ce n’est donc pas une recommandation, mais le projet semble très intéressant.

Le parc et le château de Courances

Le parc et le château de Courances

Une pièce d'eau dans le parc

Une pièce d’eau dans le parc

Deux jardins en accueil de jour

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Beth dans le jardin de fleurs au Life Enrichment Center

Décidemment l’hortithérapie est vivace en Caroline du Nord. J’ai déjà décrit les programmes de nombreux hortithérapeutes basés dans cet état : Sue Kaylor, Christene Tashjian, John Murphy ou Sally Cobb pour ne citer qu’eux. Ils et elles travaillent avec des malades en rééducation suite à divers accidents, des victimes d’abus sexuels, des ados qui souffrent de troubles du développement ou encore des malades en fin de vie et des proches en deuil. Beth Carter, quant à elle, a créé en 2012 un programme d’hortithérapie dans un centre d’accueil pour adultes, à la fois des personnes âgées souvent atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démences et des jeunes adultes souffrant de troubles du développement ou de retard mental, mais aussi des victimes de traumatisme crânien. Cet accueil de jour en leur procurant des activités dans la journée leur permet de vivre chez elles ou dans leur famille.

Isolés au quotidien, les hortithérapeutes aiment se rencontrer et partager

Récemment Beth organisait une rencontre du Carolinas Horticultural Therapy Network, un groupe d’hortithérapeutes de Caroline du Nord et du Sud créé en marge du American Horticultural Therapy Association dont les règles pour établir un chapitre local leur semblaient trop lourdes. « Nous nous rencontrons deux fois par an pour échanger des idées. L’un de nous accueille la réunion pour le weekend sur notre lieu de travail. Il y a toujours une ou deux présentations », explique Beth. Parmi les 25 participants au dernier weekend dont elle est fière d’avoir maitrisé les coûts (20 dollars de participation en plus des frais de transport et d’hébergement), on trouve un groupe de fidèles, des étudiants, des « master gardeners » qui pratiquent la thérapie horticole dans des maisons de retraite sans avoir fait de formation. « Il y a tellement de super programmes. Dans ces rencontres, nous pouvons recharger notre énergie, échanger des idées. Car nous faisons souvent ce travail de façon isolée. Nous ne sommes pas comme les kinés ou les ergothérapeutes qui ont toujours des collègues autour d’eux. »

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d'une réunion organisée par Beth en février.

Les hortithérapeutes aiment se retrouver. Ici, la présentation sur les terrariums lors d’une réunion organisée par Beth en février.

Qu’a retiré Beth de ces deux jours de rencontres en février? « Avec les participants à mon programme, nous avions fait des posters de graines en collant les paquets de vieilles graines et les graines en dessous pour montrer à quoi elles ressemblent (voir photo ci-contre). John Murphy a eu une idée pour aller un peu plus loin : mettre du velcro sur les paquets et en faire un jeu de mémoire. Ca devient une activité interactive. On peut avoir de bonnes idées, mais quelqu’un d’autre peut les rendre encore meilleures. » Deuxième exemple avec la création d’un terrarium, ces mini-jardins d’intérieur qu’on abrite dans un bocal en verre. « La stagiaire de John a fait une présentation sur le sujet. Je n’en avais jamais fait et cela m’a donné envie d’en réaliser avec les jeunes adultes qui ont des troubles du développement. Avec les plantes dans un bocal en verre, on peut parler d’évaporation et de condensation. »

Deux diplômes et un travail d’hortithérapeute à plein temps

Mais revenons en arrière. « J’ai grandi les mains dans la terre. Mes grand-mères et mes parents jardinaient », résume Beth. Jeune maman, elle visite très régulièrement les Gallaway Gardens en Géorgie où elle deviendra plus tard bénévole pendant un temps, puis employée. Lorsqu’elle entend parler des « healing gardens », elle est immédiatement intéressée. En 2008, une recherche sur Google la mène au Horticultural Therapy Institute de Rebecca Haller.  En 2012, la voici doublement diplômée, de HTI et d’un programme de deux ans en science horticole. Dans le cadre de son projet final pour le certificat du HTI, elle travaille avec le Life Enrichment Center à Shelby, un programme de jour pour adultes : pour leur jardin inutilisé, elle conçoit un programme d’hortithérapie et passe six mois à développer l’activité. Une fois ses deux diplômes en poche, elle a la bonne surprise d’être embauchée à temps plein en deux temps trois mouvements !

Lentalus inspecte les courgettes.

Lentalus inspecte les courgettes.

Le Life Enrichment Center gère deux établissements implantés à quelques kilomètres de distance, entre lesquels Beth partage son temps. Les jardins y sont très différents. Dans le premier endroit, c’est David Kamp qui a conçu le jardin. Spécialiste des jardins thérapeutiques à New York, il a créé un jardin dans l’esprit « Prospect and Refuge », l’idée que notre expérience d’un paysage est ancrée dans des perceptions liées à notre évolution et notre instinct de survie. Beth cite aussi le travail de Rachel et Steven Kaplan, deux professeurs de psychologie environnementale à l’Université du Michigan, qui ont travaillé depuis les années 1970 sur les effets de la nature sur la santé et les relations humaines, avec cette idée pionnière que le l’environnement peut contribuer à soigner. Dans ce jardin très agréable, Beth a eu l’aide d’un Boy Scout qui lui a construit des jardinières à hauteur pour son projet d’Eagle Scout. « Quant à l’établissement plus récent, c’est un paysagiste local sans formation sur les jardins thérapeutiques qui l’a conçu. Il doit faire 12 000 m2. Mais il est si grand qu’il est intimidant pour les participants qui ont des difficultés à marcher ou utilisent un déambulateur. Finalement, ils restent sur le patio. J’essaie de construire des espaces de jardinage près du patio pour créer plus d’intimité. C’est un processus qui va prendre des années. »

« Je fais surtout un programme social. L’idée est qu’ils accèdent à leurs souvenirs, qu’ils ne s’isolent pas. J’adapte mes activités à leurs objectifs individuels et je prends des notes sur leur progrès. Mais je ne suis pas dans la documentation et certaines contraintes comme peut l’être Kirk », explique Beth. Elle fait référence à Kirk Hines qui travaille avec des personnes âgées au Wesley Woods Hospital à Atlanta en Géorgie depuis 1993. « Je prends des groupes de 2 ou 3 personnes, parfois plus et parfois je travaille avec une seule personne. Récemment, je travaillais avec un monsieur assez réfractaire. Mais après avoir planté un épicéa miniature, il était tellement fier qu’il en parlait à tout le monde.  L’autre jour, nous regardions des catalogues de graines et nous parlions des légumes de leur enfance avec un groupe de femmes. C’était un bon moment pour elle. Chaque jour est différent. »

Le retour du printemps

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

Lisa arrose ses bulbes de jacinthe.

En Caroline du Nord, l’hiver a été long et froid, avec des chutes de neige inattendues. « Un matin, il faisait – 15° », s’étonne Beth. Tout le monde attend le printemps avec impatience. En attendant, les activités continuent. « J’ai trouvé des vieilles tasses à thé dans un magasin d’occasion. On y a mis des graviers et on a planté des bulbes de jacinthe. Tout le monde, y compris le personnel, spéculait sur la nature de ces bulbes. Des oignons ? Des betteraves ? Quand les jacinthes fleuriront, la pièce va embaumée. » Mais elle attend avec impatience de planter des légumes – des tomates, des épinards, des haricots verts, de la laitue, de l’okra (gombo en français, un légume très populaire du sud des Etats-Unis) – dans trois nouvelles jardinières récemment installées et accessibles en fauteuil roulant. « Je vais aussi doubler la surface du jardin de fleurs. Tout l’été, nous aurons des fleurs pour faire des bouquets. On plante des fleurs inhabituelles comme ces tournesols géants. » Beth attend de voir revivre le jardin de papillons où les participants regardent les chenilles se métamorphoser. « Je fais aussi beaucoup de choses avec des programmes de nature : des mangeoires pour les oiseaux, des sites pour qu’ils nichent. On écoute des enregistrements de chants d’oiseaux pour apprendre à les identifier. »

En Caroline du Nord, Beth et ses voisins guettent les signes du printemps. « Ici les gens ont la réputation de toujours planter leur pieds de tomates dès qu’il commence à faire dans les 20 degrés, tellement ils sont impatients. Chaque année, ils doivent les replanter. » On les comprend car l’arrivée du temps printanier de ces derniers jours en France a eu un effet immédiat sur les esprits engourdis par l’hiver.

Plantation de plantes grasses

Plantation de plantes grasses

Observation d'une araignée qui fait de l'ascension sur une fleur.

Observation d’une araignée qui fait de l’ascension sur une fleur.

Greg et les fleurs de l'été
Greg et les fleurs de l’été

Terramie : des paysagistes et des jardins à visée thérapeutique

De gauche à droite : Jean-Yves Pauchard, Nathalie Joulié-Morand, Guillaume Berthier, et Philippe Pauchard.

De gauche à droite : Jean-Yves Pauchard, Nathalie Joulié-Morand, Guillaume Berthier, et Philippe Pauchard.

Voici un nouvel article écrit pour Le Lien Horticole, l’hebdo des professionnels de l’horticulture ornementale, et paru le 19 février. Il raconte l’aventure de trois professionnels du paysagisme qui ont lancé une réflexion sur le jardin à visée thérapeutique – c’est le terme qu’ils préfèrent – et viennent maintenant de dévoiler une franchise dédiée à ce type de jardins. Ce ne sont pas des inconnus puisque j’avais rencontré Guillaume Berthier à Chaumont-sur-Loire à la toute première session de l’atelier Jardin de soin et de santé. J’en profite pour vous informer que la prochaine session de la formation d’Anne et Jean-Paul Ribes (8-10 avril) est déjà pleine. Mais la suivante est déjà prévue pour les 1-3 octobre. Ne tardez pas à vous manifester si vous êtes intéressé(e).

En décembre, j’avais passé une journée très sympa – fraiche, mais lumineuse – à Nancy avec Philippe Pauchard qui m’avait fait visiter deux jardins déjà réalisés et m’avait exposé la philosophie du groupe et de Terramie. A lire dans cet article:

Le Lien Horticole 19 février 2014

Le prochain article pour Le Lien Horticole va m’emmener du côté de La Roche-sur-Yon, un voyage qui me tient à coeur et que j’attends avec impatience…