Financer un jardin : conclusion

Pour conclure cette série sur le thème du financement, voici quelques expériences et quelques pistes pêle-mêle.  

 

Alain Flandroit, le concepteur du Grand Jardin au CHP de Mons-Borinage en Belgique (au premier plan). Photo © Avpress.

Alain Flandroit, le concepteur du Grand Jardin au CHP de Mons-Borinage en Belgique (au premier plan). Photo © Avpress.

Dans tous les pays, les créateurs de jardins thérapeutiques recherchent des fonds comme le montre l’expérience d’Alain Flandroit au « Grand Jardin » de l’hôpital Chênes aux Haies en Belgique. Comme il l’avait expliqué, il a reçu 10 000 euros dans le cadre du concours « Colour Your Hospital » de la Belfius Foundation, un budget qui lui avait permis de se procurer serres tunnels, outils, plantes et semences. Certains hortithérapeutes, comme Kirk Hines à Atlanta, ont la chance d’avoir un spécialiste du développement au sein de leur établissement qui recherche des financements pour leurs programmes.

En France, les deux sources principales vers lesquelles peuvent se tourner les porteurs de projets de jardins de soins, sont l’association Jardins & Santé et la Fondation Truffaut. La première soutient depuis 2004 la création de jardins « dans les établissements hospitaliers et médicosociaux qui accueillent des personnes atteintes notamment de maladies cérébrales – autisme et TED, maladie d’Alzheimer, épilepsies, dépression profonde, etc… », mais aussi la recherche clinique. Je reviendrai bientôt sur les six lauréats de son dernier appel à projets. Quant à la Fondation Truffaut, elle distribue également des aides à des jardins en cours de création ou d’expansion tout en organisant depuis 2013 un prix qui a changé de forme l’année dernière. Deux incontournables dans le paysage du jardin à but thérapeutique en France.

Mais il ne faut pas négliger les nombreuses autres fondations françaises, dont on trouvera la liste notamment sur ce site ou sur celui-ci. Et le financement participatif ou crowdfunding, si populaire chez les artistes et les startups ? « J’ai essayé la plateforme Ulule, mais nous avons été refusés immédiatement. Je pense que c’est la somme qui ne les a pas intéressés. Il faudrait peut-être voir avec KissKissBankBank », raconte Paule Lebay. Si quelqu’un a pu financer un jardin thérapeutique de cette façon, qu’il ou elle se manifeste ! Autre solution qui se pratique aux Etats-Unis, le bénévolat d’entreprise : le jardin où j’ai eu l’occasion de pratiquer en Californie bénéficiait ainsi du soutien de l’employeur de l’hortithérapeute qui intervenait, quant à elle, en tant que bénévole. Voir l’histoire de Marge Levy. En France aussi, c’est possible. Par exemple chez PwC.

Une chose est sûre : trouver des financements pour faire naitre et maintenir un jardin de soin demande de la persévérance et une bonne dose de créativité.

Financer un jardin : Paule Lebay raconte

Avant de donner la parole à Paule, trois événements à ne pas manquer en avril, juin et août.

  • Le mercredi 13 avril prochain à 15h00 à Port-Royal des Champs (78), une conférence intitulée « Flore et végétation entre Saint-Quentin et Port-Royal » avec Gérard Arnal (botaniste lié au Conservatoire botanique national du Bassin parisien) et Joanne Anglade-Garnier (conservatrice de la réserve naturelle nationale de St-Quentin-en-Yvelines).
  • Les 21-24 juin au parc départemental des Chanteraines (92), une formation pour les professionnels du jardin ou les amateurs éclairés sur le thème « Le Jardin Vivant » avec Sébastien Guéret qu’on ne présente plus ici et François Drouvin, paysagiste et thérapeute des lieux.Formation Sébastien

 

 

Mais revenons à Paule Lebay. Rien n’arrête Paule. Même pas les cambrioleurs qui ont récemment braqué la maison de retraite d’Onzain où Paule et l’équipe de Graines de Jardin ont fait pousser un magnifique jardin de soin depuis 2012. « Ils ont abîmé le grillage du jardin et utilisé un poteau pris sur le chantier pour fracturer la porte. Il faut remettre tout cela en place pour les beaux jours », m’expliquait Paule au téléphone il y a quelques semaines. Indémontable dans l’adversité!

Le jardin de la maison de retraite d'Onzain en chantier (hiver 2014).

Le jardin de la maison de retraite d’Onzain en chantier (hiver 2014).

En tant que pionnière récompensée par plusieurs prix, Paule a une expérience à partager et une voix qui porte. Ecoutez-la. « Je conseille de créer une association avec une mission assez large. Par exemple, le handicap plutôt que simplement le jardin. Ainsi, on ne se ferme pas de portes. Le statut d’association est important quand on se tourne vers des mécènes. » Comme l’expliquait la semaine dernière Ingrid Antier-Perrot de la Fondation Hospitalière Sainte Marie (FHSM), Paule rappelle qu’il est important de cibler les fondations et mécènes selon leurs axes d’intervention. Elle recommande le site annuaire des fondations françaises. Avec les fondations et les autres mécènes, elle insiste sur l’atout local. « Où est leur siège ? Si on peut axer la demande sur la proximité, c’est un plus. D’ailleurs, même une banque locale peut aider. Par exemple, pour une inauguration du jardin, ils peuvent fournir des affiches ou des objets. »

Brulons un peu les étapes et passons à l’inauguration officielle du jardin. « C’est un coup de pub pour montrer que des initiatives existent et que les choses sont possibles. La communication permet de créer un réseau. J’accueille souvent des personnes qui ont un projet en tête. Je les guide et je les réconforte, c’est un soutien technique et moral. Je suis contente de répondre à leurs questions et de faire part des écueils que j’ai rencontrés. J’accueille aussi des étudiants. Créer des liens avec d’autres est important car on n’a pas toutes les réponses », continue Paule qui se trouve de fait au cœur d’un réseau très actif.

Faire rêver les financeurs

Campagne de plantation intergénérationnelle en avril 2014

Campagne de plantation intergénérationnelle en avril 2014

Mais replongeons dans les premières étapes et le dur labeur de trouver les financements qui permettront au jardin de sortir de terre. « Dans le dossier de présentation, il faut vulgariser son propos et éviter les acronymes et le jargon de son domaine. Les dossiers sont lus en diagonal et il faut mieux être succinct. Mais il faut mettre beaucoup d’images. Si rien n’existe encore, on peut trouver des photos de plantes et de mobiliers sur des catalogues ou sur Internet. Pour donner envie et aider les mécènes à se projeter, les croquis et les dessins d’ambiance sont indispensables. Nous avons eu de la chance d’avoir Fabienne Peyron qui a fait des croquis pour le dossier. Le dossier doit aussi chiffrer le coût du jardin et le prévisionnel pour le fonctionnement annuel. »

Mais un jardin a aussi besoin de plantes, d’outils, de bras. « La ville nous a donné du paillage, la communauté de communes du compost, un pépiniériste des arbres. J’ai contacté le lycée agricole de Blois, mais ils étaient surbookés. Des familles des résidents nous ont aidés à planter. Nous avons récupéré des outils grâce à une émission dont Truffaut est partenaire », énumère Paule.

La noue, imaginée dès le départ pour s'adapter aux spécificité du terrain, prend forme.

La noue, imaginée dès le départ pour s’adapter aux spécificité du terrain, prend forme.

Faut-il solliciter l’agence régionale de santé (ARS) ? La question ne laisse pas Paule indifférente. « L’ARS nous serine sur le sujet des approches non-médicamenteuses, mais ne finance pas de projets dans ce domaine. Elle devrait financer des projets comme la zoothérapie, les poneys, les piscines en psychiatrie. Mais tout cela, c’est fini. » Et la question de l’évaluation comme argument pour convaincre le milieu médical et peut-être aussi les financeurs ? « C’est une excuse bidon pour ne pas faire avancer les choses de la part de l’ARS qui a des moyens, mais ne les met pas aux bons endroits. Nous savons tous que le jardin a un impact positif. Bien sûr, l’évaluation crédibilise le jardin. Mais il faut trouver ce qu’on veut évaluer et comment le faire. Car une évaluation clinique comme la tension ou la glycémie est très contraignante pour les participants. Le sommeil, ce serait différent. Par exemple, pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, ce serait intéressant d’observer les troubles du comportement comme la déambulation, l’agitation, l’agressivité, le langage, le sommeil, l’appétit pour voir si le jardin les atténue. »

 

 

Financer un jardin : conseils d’une pro de la philantropie

Fin février, je vous parlais du « Jardin pour Toit » du Centre Robert Doisneau dans le 18e arrondissement de Paris et je promettais de revenir sur les conseils d’Ingrid Antier-Perrot pour financer un jardin de soin. Elle est directrice philantropies et communication à la Fondation Hospitalière Sainte Marie (FHSM). Cette fondation d’utilité publique à but non lucratif gère, entre beaucoup d’autres établissements, le Centre Robert Doisneau. Présente dans cinq départements en Ile-de-France, elle « répond aux besoins spécifiques des personnes dépendantes, malades ou atteintes d’affections chroniques invalidantes, quel que soit leur âge » selon sa propre présentation en ligne (services à domicile, centres de rééducation, hôpitaux et centres d’accueil de jour pour des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, établissements d’hébergement pour adultes, structures d’accueil pour jeunes atteints d’autisme ou encore maisons de retraite médicalisées). Elle est aussi une fondation abritante. Voilà pour une présentation rapide qui semblait utile et que vous pouvez compléter sur le site de la FHSM et au-delà.

Ingrid Antier-Perrot, la directrice philantropies et communication de la FHSM

Ingrid Antier-Perrot, la directrice philantropies et communication de la FHSM

Pour rappel, le jardin sur le toit du Centre Robert Doisneau a été conçu alors que la construction du bâtiment avait déjà commencé. Ce n’est évidemment pas le déroulement idéal comme en sont bien conscients les initiateurs du jardin. Mais le résultat aujourd’hui est que le jardin existe et s’apprête à accueillir sa deuxième saison d’ateliers ! C’est cela le plus important. « Notre directeur général et l’architecte ont eu envie d’utiliser l’espace sur le toit pour en faire un jardin. Le projet avait commencé et nous avons dû obtenir une dérogation de la préfecture. Nous avons rencontré Topager à travers un article que j’avais lu sur eux dans Le Monde. C’était en 2011 », expliquait Ingrid Antier-Perrot.

Comment financer un projet de 100 000 euros ?

Topager conçoit et réalise des potagers et des refuges de biodiversité urbains. L’équipe propose un devis. Pendant que la Fondation discute avec le constructeur (il faut trouver un sol pas trop lourd, éviter les infiltrations, remplir les obligations de rétention d’eaux pluviales), Ingrid Antier-Perrot se tourne vers des donateurs privés pour récolter les 100 000 euros nécessaires au projet qui pourra bénéficier aux résidents des quatre établissements hébergés sous le toit du Centre Robert Doisneau. Comment finance-t-on un tel projet?

« Notre dossier présentait le projet, les objectifs thérapeutiques et les devis. Nous avons insisté sur les bénéfices pour les personnes selon leur handicap. C’est important quand on s’adresse à des financeurs qui sont spécialisés dans le handicap ou les enfants par exemple. Il faut bien regarder les fondations d’entreprise et leurs axes de financement », explique la spécialiste de la philanthropie. « Je pense que c’est important d’essayer de les faire venir sur place quand il existe déjà quelque chose. En tout cas, il faut bien identifier les points forts de son projet. »

Ma très mauvaise photo de la plaque posée à l'entrée du Jardin pour Toit pour remercier les donateurs

Ma très mauvaise photo de la plaque posée à l’entrée du Jardin pour Toit pour remercier les donateurs. Un geste indispensable.

Parmi les financeurs, on trouve par exemple la Fondation Lemarchand pour l’équilibre entre les hommes et la Terre qui a été sensible au lien entre nature et soin, nature et insertion. D’autres sources sont plus connues des lecteurs de ce blog comme la Fondation Truffaut (qui a aussi participé à un projet supplémentaire pour l’IME (Institut Médico-Educatif)) et l’association Jardins & Santé qui a également contribué au Jardin pour Toit avec une bourse de 5 000 euros décernée en 2013. Pour d’autres projets au sein de la FHSM, Ingrid Antier-Perrot avait déjà sollicité des financeurs : le géant de l’audit PwC pour un jardin dans un centre d’accueil pour personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer à Pantin et la Fondation Hôpitaux de Paris Hôpitaux de France pour un jardin des senteurs dans un EHPAD à Noisy-le-Sec.

Avoir une stratégie, être méthodique et ne négliger aucune piste

La page d'appels aux dons très pro de la FHSM, des solutions sont accessibles pour les petites associations...A suivre...

La page d’appels aux dons très pro de la FHSM. Des solutions sont accessibles pour les petites associations…A suivre…

N’oublions pas non plus les financeurs publics même si, comme l’expliquait John Riddell la semaine dernière, leurs budgets se rétrécissent comme peau de chagrin. En l’occurrence, le Conseil régional a participé ainsi que la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie. La FHSM a aussi apporté son écot à travers des dons et des legs. Il faut d’ailleurs noter que, dans sa brochure « Je fais un don », le jardin thérapeutique fait l’objet d’une mention. « Avec un don de 75 euros, vous pouvez financer l’achat de plantations pour des ateliers de jardinage en potager thérapeutique (pour une personne) » à côté d’autres exemples comme la musicothérapie pour des personnes atteintes d’Alzheimer ou l’achat de matériel pédagogique pour des enfants atteints d’autisme. L’appel aux dons prend aussi une dimension numérique sur cette page de la FHSM.

Financer un jardin de soin : quelques conseils

Au Jardin d'Olt, des bénévoles ont relevé le défi pour préparer le jardin à sa création.

Au Jardin d’Olt (Aveyron), des bénévoles ont donné un coup de main pour préparer le jardin lors de sa création en 2013.

Au fil des billets, la question du financement revient souvent. C’est un sujet incontournable pour tout porteur de projet qui se lance et veut pérenniser son programme. Du coup, j’ai eu envie de rassembler les réflexions de plusieurs personnes expérimentées en la matière. Il y a tellement à dire sur le sujet que nous allons procéder en deux, voire en trois temps. Cette semaine, John Riddell du Jardin des Vents nous livre ses réflexions sur le financement de ce jardin ambitieux qui a mis plus de 10 ans à voir le jour comme il nous le racontait il y a quelques semaines. J’ai glané d’autres conseils ici et là.

« On devient un peu mendiant », constate John Riddell, le président de l’association du Jardin des Vents. « Il faut avoir un beau dossier. Grâce à notre stagiaire, notre dossier était plein de croquis pour faire rêver de ce pourrait être le jardin. J’ai constaté que le projet provoquait toujours des réponses positives. Le jardin thérapeutique est très consensuel. EDF nous a donné 45 000 euros, AG2R 37 000 euros, le Lions Club doyen de Castelnaudary 7 500 euros. Nous avons reçu une bourse de 3 000 euros de Jardins & Santé. La Caisse d’Epargne a aussi contribué. »

« Il y a 10 ou 20 ans, on aurait cherché du côté des collectivités, mais elles n’ont plus d’argent. Je précise quand même que le département de l’Aube nous a donné des végétaux. Par contre, la Fondation Truffaut a répondu non », continue-t-il en énumérant d’autres aides en nature. « Une coopérative agricole a aidé à désherber le terrain. Les élèves du lycée agricole de Castelnaudary et leurs professeurs ont aidé à la plantation ainsi que Bethsabée de Gunzbourg de Jardins & Santé. Et il y a sans doute de nombreux autres partenaires et bénévoles qu’il serait long de citer, mais qui ont rendu le projet possible.

« Les donateurs ne posent pas vraiment de question sur les bienfaits du jardin. Mais c’est important pour la suite et j’aimerais que des médecins ou des étudiants essaient de montrer des résultats réels. Avec la crise financière, ce serait utile de montrer comment les jardins peuvent avoir un impact », conclut-il. Il parle bien sûr d’un impact financier, en économie de médicaments ou d’autres services. Une approche comptable qui pourrait s’avérer productive devant certains interlocuteurs, des acteurs publics aux gestionnaires d’établissements privés.

Une simple lettre de sollicitation assure le budget plantes d’un projet

Carole Nahon de l’association le Jardin des (S)âges nous raconte une partie de son aventure de financement. « J’ai appris que le Crédit Agricole aidait des projets associatifs. J’ai fait un courrier dans lequel j’exposais le projet, brièvement, et j’ai demandé la somme qui correspondait au poste des plantes dans le projet, sachant que le Crédit Agricole ne nous donnerait qu’une bourse qui avait une attribution spécifique, ici les plantes. J’ai envoyé le courrier, j’avoue que je n’y croyais plus. Ma surprise en a donc été plus grande! Nous avons aussi déposé un dossier à Jardins & Santé…Là, je suis bien plus perplexe, vu le nombre de demandes cette année. »

Organiser une vente de plantes

Lorsque j’ai commencé ce blog en Californie il y a bientôt 4 ans, j’entendais beaucoup parler de ventes de plantes pour lever des fonds pour tel ou tel programme. Le concept peut être adopté en France comme le démontre le Jardin d’Olt. Cécile Ratsavong-Deschamps, la présidente de l’association Médecines, Cultures et Paysages qui soutient ce jardin dans un hôpital-maison de retraite, l’a mis en œuvre. A l’approche de l’événement, elle en faisait la promotion sur le blog de son association avec tous les détails nécessaires pour encourager la participation.

Des idées dont on peut prendre de la graine ! A suivre la semaine prochaine…