Financer un jardin de soin : quelques conseils

Au Jardin d'Olt, des bénévoles ont relevé le défi pour préparer le jardin à sa création.

Au Jardin d’Olt (Aveyron), des bénévoles ont donné un coup de main pour préparer le jardin lors de sa création en 2013.

Au fil des billets, la question du financement revient souvent. C’est un sujet incontournable pour tout porteur de projet qui se lance et veut pérenniser son programme. Du coup, j’ai eu envie de rassembler les réflexions de plusieurs personnes expérimentées en la matière. Il y a tellement à dire sur le sujet que nous allons procéder en deux, voire en trois temps. Cette semaine, John Riddell du Jardin des Vents nous livre ses réflexions sur le financement de ce jardin ambitieux qui a mis plus de 10 ans à voir le jour comme il nous le racontait il y a quelques semaines. J’ai glané d’autres conseils ici et là.

« On devient un peu mendiant », constate John Riddell, le président de l’association du Jardin des Vents. « Il faut avoir un beau dossier. Grâce à notre stagiaire, notre dossier était plein de croquis pour faire rêver de ce pourrait être le jardin. J’ai constaté que le projet provoquait toujours des réponses positives. Le jardin thérapeutique est très consensuel. EDF nous a donné 45 000 euros, AG2R 37 000 euros, le Lions Club doyen de Castelnaudary 7 500 euros. Nous avons reçu une bourse de 3 000 euros de Jardins & Santé. La Caisse d’Epargne a aussi contribué. »

« Il y a 10 ou 20 ans, on aurait cherché du côté des collectivités, mais elles n’ont plus d’argent. Je précise quand même que le département de l’Aube nous a donné des végétaux. Par contre, la Fondation Truffaut a répondu non », continue-t-il en énumérant d’autres aides en nature. « Une coopérative agricole a aidé à désherber le terrain. Les élèves du lycée agricole de Castelnaudary et leurs professeurs ont aidé à la plantation ainsi que Bethsabée de Gunzbourg de Jardins & Santé. Et il y a sans doute de nombreux autres partenaires et bénévoles qu’il serait long de citer, mais qui ont rendu le projet possible.

« Les donateurs ne posent pas vraiment de question sur les bienfaits du jardin. Mais c’est important pour la suite et j’aimerais que des médecins ou des étudiants essaient de montrer des résultats réels. Avec la crise financière, ce serait utile de montrer comment les jardins peuvent avoir un impact », conclut-il. Il parle bien sûr d’un impact financier, en économie de médicaments ou d’autres services. Une approche comptable qui pourrait s’avérer productive devant certains interlocuteurs, des acteurs publics aux gestionnaires d’établissements privés.

Une simple lettre de sollicitation assure le budget plantes d’un projet

Carole Nahon de l’association le Jardin des (S)âges nous raconte une partie de son aventure de financement. « J’ai appris que le Crédit Agricole aidait des projets associatifs. J’ai fait un courrier dans lequel j’exposais le projet, brièvement, et j’ai demandé la somme qui correspondait au poste des plantes dans le projet, sachant que le Crédit Agricole ne nous donnerait qu’une bourse qui avait une attribution spécifique, ici les plantes. J’ai envoyé le courrier, j’avoue que je n’y croyais plus. Ma surprise en a donc été plus grande! Nous avons aussi déposé un dossier à Jardins & Santé…Là, je suis bien plus perplexe, vu le nombre de demandes cette année. »

Organiser une vente de plantes

Lorsque j’ai commencé ce blog en Californie il y a bientôt 4 ans, j’entendais beaucoup parler de ventes de plantes pour lever des fonds pour tel ou tel programme. Le concept peut être adopté en France comme le démontre le Jardin d’Olt. Cécile Ratsavong-Deschamps, la présidente de l’association Médecines, Cultures et Paysages qui soutient ce jardin dans un hôpital-maison de retraite, l’a mis en œuvre. A l’approche de l’événement, elle en faisait la promotion sur le blog de son association avec tous les détails nécessaires pour encourager la participation.

Des idées dont on peut prendre de la graine ! A suivre la semaine prochaine…

Le Jardin des Vents : un jardin pour plusieurs établissements

Le terrain nu avant les travaux de cette semaine

Le terrain nu avant les travaux de cette semaine

Voici plus de 10 ans que l’idée trotte dans la tête de John Riddel. Cette semaine, le réseau d’irrigation sera installé. La semaine prochaine, les jeunes résidents du foyer « Les Hirondelles » planteront…le Jardin des Vents sort enfin de terre. « On avait essayé il y a une dizaine d’années d’aménager ce terrain en friche derrière l’hôpital, sans même parler de jardin thérapeutique. C’était une époque où les hôpitaux de campagne étaient menacés de disparition. A l’époque, le directeur nous avait dit non. » Mais en 2010, John Riddel revient à l’attaque auprès du nouveau directeur avec le soutien du Lions Club doyen de Castelnaudary et la réponse change. Il faudra encore plusieurs années pour concevoir le jardin et récolter les fonds, soit la somme de 200 000 euros dont une partie a déjà permis de réaliser les chemins en sable compacté. Les fonds sont principalement venus d’EDF, d’AG2R, du Lions Club doyen de Castelnaudary, de la Caisse d’Epargne et de Jardins et Santé. Nous reviendrons dans un autre billet sur le financement de ce projet et d’autres initiatives car c’est un sujet à part entière.

Un patchwork de jardiniers

L’emplacement du terrain de 6 000 m2 est une aubaine puisqu’il est situé entre le Centre Hospitalier Jean-Pierre Cassabel, le foyer « Les Hirondelles » géré par l’AFDAIM (Association Familiale Départementale pour l’Aide aux Personnes Handicapées Mentales) et le foyer « Bel Oustal » de l’association départementale d’aide aux femmes et familles (l’ADAPE) sans parler de l’EHPAD « Le Castelou ». L’AFDAIM est devenu un partenaire important dans le projet : ce foyer héberge une soixantaine de jeunes travaillant en ESAT, dont certains dans des activités de jardinage. Ces résidents, qui ont d’ores et déjà investi les deux terrains de pétanque pour des parties effrénées, vont donc participer à la plantation la semaine prochaine avec l’aide de Bethsabée de Gunzbourg de Jardins & Santé, d’élèves du lycée agricole de Castelnaudary, d’une étudiante en architecture paysagiste de la Cités des Sciences Vertes de Toulouse et de bénévoles locaux.

Avant d’en arriver là, il y a eu tout un travail de conception. « Martine Brulé est venue faire deux jours de formation et a dessiné les jardins en grande partie. Mélanie Guesdon, une jeune paysagiste, aujourd’hui diplômée de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et du Paysage de Bordeaux, a passé trois mois sur le projet », explique John, le président de l’association du Jardin des Vents.

Le tour du propriétaire

Le plan du jardin

Le plan du jardin

Le jardin se compose de plusieurs parties : un jardin thérapeutique pour des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer, un potager pour le foyer « Les Hirondelles », un parcours de santé créé avec le kiné de l’hôpital et adapté à la rééducation des patients en moyen et long séjour (le mobilier en bois massif et les agrès ont été achetés à l’ONF), le Jardin des Oiseaux conçu avec la LPO pour attirer les oiseaux qui se font de plus en plus rares et que les résidents des foyers seront chargés de compter et enfin la Place du Noyer qui sera un point central du jardin et accueillera sans doute de nombreux personnels des établissements. Sans compter les deux terrains de pétanque et la place pour un troisième.

« J’ai beaucoup appris en allant voir le jardin de Nancy du professeur Jonveaux et d’autres. Entre autres, j’ai appris que le personnel appréciait beaucoup le jardin, pour prendre son déjeuner par exemple. J’ai aussi appris que les chemins devaient être adaptés aux fauteuils avec moins de 6% de pente et 2 mètres de large pour se croiser. Une maison de retraite de Valence qui a fait un jardin avec des chemins trop étroits m’a dit que c’était une piste de Formule 1 où tout le monde doit aller dans le même sens…. », raconte John. D’où l’intérêt de se renseigner, de visiter d’autres jardins, de parler avec leurs concepteurs et leurs utilisateurs….Un emplacement a été ménagé pour une serre. Les fondations sont là, pas le financement. Là encore, des contacts lui donnent des idées. « Il y a un hôpital psychiatrique où un jeune Hollandais s’occupe de la serre. Des patients y sont envoyés par les médecins. Il dit qu’on peut comprendre l’état du patient en voyant l’état de sa plante. »

Un jardin pour quoi faire ?

« Au début, nous avions le soutien de l’hôpital, mais sans aucun apport financier. Les médecins n’étaient pas intéressés. Mais le docteur Philippe Sol, gérontologue et responsable de l’unité de soins de longue durée, est devenu un passionné du projet. Nous avons une réunion prochainement pour proposer des journées de formation avec Martine Brûlé aux personnels de l’hôpital qui seront choisis comme responsables. Nous allons passer le relais. »

Il précise que le jardin sera ouvert à tous. « Quand on me demande comment on va gérer tout ce monde, je réponds que s’il y a des gens partout dans le jardin, c’est qu’on aura réussi », espère John Riddel. Une école primaire proche a déjà contacté l’association et aimerait amener les élèves pour jardiner avec les autres jardiniers, jeunes et moins jeunes. « Le docteur Sol nous a dit qu’il aimerait entendre des cris d’enfants sous les chambres de ses patients. » Un rêve qui va peut-être devenir réalité.

Mais comment a évolué le projet pour prendre une dimension thérapeutique ? « Au début, je voulais juste faire un jardin pour que cet espace ne devienne pas un parking. Puis on s’est rendu compte que le jardin pouvait servir un établissement de santé. J’ai lu le livre de Clare Cooper Marcus qui a déclenché l’envie. » Ces années de travail vont enfin aboutir et les premiers jardiniers occuper le terrain, en attendant une inauguration officielle prévue pour le printemps.

Pour découvrir le projet en détails, le voici en trois parties : Partie 1Partie 2 et Partie 3.

Des nouvelles du Jardin des Vents

Mise à jour le 28 août 2018. John Riddel m’écrit un message où il donne des nouvelles. « Le Jardin des Vents, que vous connaissez bien, est beau en ce moment. Il est très apprécié autant par les habitants du quartier que par les résidents des foyers qui l’entourent. Pendant l’année scolaire nous recevons des jeunes de trois établissements scolaires 2 fois par semaine. Ils viennent d’un lycée agricole, d’un collège avec des classes pour des jeunes handicapés et un établissement pour des jeunes en difficulté avec la société. Les résultats sont très encourageants. Le jardin est aussi utilisé par l’hôpital, par un foyer de convalescence et par un établissement de soin pour des enfants avec des problèmes psychiatriques. Heureusement il est assez grand. »