Joyeuses fêtes

Oliver Sachs

Oliver Sachs

En lisant L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau, le récit de cas qui ont marqué le neurologue anglais Oliver Sachs et qu’il raconte de façon très abordable et très humaine, je trouve des passages que j’ai envie de partager ici.

 

Jimmie et William au jardin

A propos de Jimmie, le « marin perdu » souffrant d’une amnésie qui a effacé plus de trente ans de sa vie, Oliver Sachs écrit ceci : « Le fait d’avoir vu Jimmie à la chapelle m’ouvrit les yeux sur l’existence d’autres domaines où l’âme a droit à la parole, où elle se trouve retenue et apaisée par l’attention et la communion. Jimmie faisait preuve de la même profondeur de concentration et d’attention pour ce qui touchait à la musique et à l’art : je remarquai qu’il n’avait aucune difficulté à « suivre » un morceau de musique ou des pièces de théâtre simples, parce que chaque moment artistique renvoie à d’autres moments et les contient. Comme il aimait le jardinage, il avait pris en charge quelques travaux du jardin. Au début, il avait l’impression d’entrer chaque matin dans un jardin inconnu, puis, pour je ne sais quelle raison, celui-ci lui devint plus familier que l’intérieur de la maison. Il ne s’y perdait presque plus jamais, ne s’y sentait plus désorienté; je pense qu’il associait cet espace à des jardins de son enfance dans le Connecticut, jardins qu’il avait aimés et dont il gardait le souvenir. »

William Thompson est un patient souffrant d’un syndrome amnésique de Korsakoff se caractérisant par des affabulations. « Nos efforts pour « reconnecter » William, en revanche, échouent tous – ils augmentent même sa pression affabulatrice. Mais, si nous abandonnons nos efforts et le laissons à lui-même, il erre dehors, dans le jardin entourant l’hospice; ce jardin calme ne lui demande rien; si bien qu’il peut au sein de cette quiétude, retrouver sa propre quiétude. La présence d’autres personnes l’excite et l’agite, le force à un bavardage incessant et frénétique, à un véritable délire au moyen duquel il se cherche et se fabrique une identité; les plantes de ce tranquille jardin, cet ordre sans rien d’humain et qui n’attend rien de lui, permettent à son délire de se reposer et de s’apaiser; leur autosuffisance, leur plénitude sereine, non humaine, lui rendent l’indépendance et la quiétude en lui offrant (en deçà ou au-delà de toute identité ou relation humaine) une communication profonde et silencieuse avec la nature, et restaurent en lui le sens d’une appartenance au monde, d’une réalité. »

Joyeuses fêtes et à bientôt.

 

 

A Toulouse, un jardin sur le toit de la clinique

Alexandre Belin et Cédric Jules de Macadam Gardens, Thomas Laurent est l'autre fondateur  (D.T. /Metronews)

Jeune entreprise dédiée à l’agriculture urbaine et issue du maraichage bio, Macadam Gardens s’est diversifiée dans la création de potagers en entreprises. « En utilisant des surfaces non utilisées, une terrasse inoccupée par exemple, on reverdit les lieux et on implique les salariés », explique Cédric Jules, son fondateur. « C’est une activité conviviale qui permet de sortir de son cadre et de renforcer la cohésion. » Le rôle de Macadam Gardens est de concevoir, installer et animer des jardins qui ne demandent pas trop d’entretien car les salariés doivent le faire vivre, souvent sur les temps de pause. Par ailleurs, la société offre sur son site web un ensemble de produits adaptés au jardinage en ville et des conseils sous forme de fiches. « Nous prouvons que c’est possible. »

Les jardinières en géotextile accueillent les plantes sur le toit.

Les jardinières en géotextile accueillent les plantes sur le toit.

Au printemps 2014, Macadam Gardens s’implique dans un nouveau projet à la clinique Pasteur à Toulouse qui a la réputation d’être à la pointe en termes de développement durable et de RSE (responsabilité sociétale des entreprises). De loin son plus gros projet actuellement. Sur une surface de 500 m2, 150 jardinières ont été installées sur le toit de cette clinique située en centre ville. Pour la culture, des travailleurs de l’ESAT de Nailloux (Etablissements et services d’aide par le travail) prêtent main forte au personnel. Une autre dimension intéressante du projet.

D’abord conçu pour les personnels, le jardin s’ouvre inévitablement aux patients. « Nous pensons accueillir des patients en cancérologie qui viennent à la clinique plusieurs fois par semaine. L’été prochain, nous allons leur aménager un coin pour eux avec des activités thérapeutiques. »

Un jardin pour les patients : une demande de la clinique

A travers le personnel soignant, Macadam Gardens entend les demandes de ces patients. « Ils veulent oublier la maladie, voyager à travers le jardinage. Ils veulent un endroit gai et coloré avec beaucoup de diversité. Je pense que des plantes aromatiques seraient aussi intéressantes pour les senteurs. » Un questionnaire qui a circulé a déjà récolté les noms d’une cinquantaine de personnes intéressées. L’idée serait que le jardin leur soit accessible 24h/24 avec une animation une fois par mois. Des bancs, des chaises en feraient un lieu de vie où il ferait bon discuter. « Dehors, on est plus à l’aise que dans un couloir d’hôpital », reconnaît Cédric Jules. Comme le personnel, les patients viendraient sur la base du volontariat.

Récolte de fraises. Cette année, le potager a produit 150 kilos de tomates et une soixantaine de kilos de haricots verts...

Récolte de fraises. Cette année, le potager a produit 150 kilos de tomates et une soixantaine de kilos de haricots verts…

Pour sa première année, le potager a produit une récolte qui a permis de faire quelques repas 100% « hyper locaux » pour la cantine du personnel en utilisant tomates, aubergines, poivrons, piments, haricots verts, aromates et fleurs comestibles comme des capucines, des cosmos, des tagettes et des chrysanthèmes comestibles. Quant aux patients, ils ont pu déguster des fraises.

 

Etudes et appel à idées

Le projet de la clinique Pasteur va bénéficier d’un partenariat avec une école d’ingénieurs agronomes locale pour étudier ce potager en milieu urbain, notamment sur la question de la biodiversité des insectes et, grâce à un sociologue, sur l’impact du jardin sur les relations au sein de la clinique.

Cédric Jules est très preneur d’idées pour faire avancer le projet de jardin pour les patients en cancérologie. Que les lecteurs qui ont des expériences à partager dans ce domaine n’hésitent pas à le contacter (cedric.jules (at) macadam-gardens.fr).

Tamara Singh : une hortithérapeute certifiée débarque en France

Une activité bouturage dans une école à New York.

Une activité bouturage dans une école à New York.

Quel plaisir d’être contactée par Tamara il y a quelques jours ! Je bouleverse un peu mon « calendrier éditorial » pour vous la présenter de toute urgence alors qu’elle est en train de faire ses bagages à New York pour venir s’installer à Paris. On sent que la communauté française va s’enrichir d’une nouvelle membre, formée et forte d’une expérience américaine très intéressante.

Pour donner une idée de son riche parcours, commençons par son arrivée à Paris en provenance d’Amsterdam pour étudier à Sciences Po, puis sa bifurcation vers le DEA “Jardins paysages territoires” à la Sorbonne, programme créé par Bernard Lassus. Puis direction Londres pour étudier l’art végétal et floral à la London University for the Arts. Là, elle anime des ateliers de deux ou trois jours avec des enfants pour leur parler de notre énorme dette envers les plantes, leur apprendre des techniques de tissage (elle a aussi étudié l’anthropologie) et construire avec eux des huttes en saule. Dont au moins une survit encore dans une cour d’école londonienne.

Destination suivante, New York où elle suit la formation du New York Botanical Gardens : un programme accessible aux détenteurs d’une licence minimum de 189 heures de cours suivis d’un stage supervisé avec rapport de stage. La voilà donc hortithérapeute certifiée et membre de l’American Assocation of Horticultural Therapy. Pendant presque trois ans, elle travaille dans deux hôpitaux new-yorkais avec les thérapeutes du Rusk Institute of Rehabilitation et au fameux Glass Garden, promis à la démolition et prématurément détruit par l’ouragan Sandy. Tamara travaille notamment aux côtés de Matt Wichrowski, pilier de l’AHTA chargé de la recherche que je vous avais présenté l’année dernière.

Rebond après la disparition du Glass Garden

Dans les couloirs de l'hopital NYU Langone Tisch en cardiologie.

Dans les couloirs de l’hopital NYU Langone Tisch en cardiologie.

« Depuis l’ouragan Sandy et la fermeture de la serre, le programme est très différent et presqu’entièrement basé dans les wards (les salles de l’hôpital). La présence dans les unités médicales a permis d’autres percées and a rendu l’hortithérapie visible d’une façon nouvelle dans le milieu médical », affirme Tamara. Leçon de réaction positive à l’adversité, s’il en est. D’ailleurs l’utilisation de l’espace, intérieur ou extérieur, est une différence entre la France et les Etats-Unis d’après ses premières observations. « Dans les hôpitaux new-yorkais construits dans les années 50-70, il n’y a pas d’espace dehors. On amène tout ce qu’il faut pour les résidents. Ca n’empêche pas de monter un programme d’hortithérapie. Maintenant on peut accepter des gens plus « compromis » qui ne pouvaient pas descendre au jardin. En France, la discussion est toujours autour d’un espace extérieur. »

« Les hortithérapeutes ne sont pas des animateurs »

Amener l'activité au plus près des patients parfois immobilisés

Amener l’activité au plus près des patients parfois immobilisés

« A Rusk, je travaille avec des neuro-lésés pour les aider à récupérer leurs moyens et pallier les déficiences. On peut travailler la motricitié, le visuel, la mémoire, la problématisation. Je travaille aussi avec des patients souffrant de troubles cardio-vasculaires, des enfants opérés, des enfants en oncologie, des personnes âgées atteintes ou pas de la maladie d’Alzheimer. Ce sont en général des groupes de 45 minutes à une heure. Il y a aussi des projets dans la communauté, dans des centres pour personnes âgées ou pour jeunes », décrit Tamara. Et la thérapie dans tout cela ? « Nous faisons un travail d’équipe pour établir les objectifs de chaque patient et les changer en fonction de leurs progrès. Nous ne sommes pas des animateurs, mais des thérapeutes. A nous de trouver les activités en rapport avec les objectifs. Nous travaillons beaucoup avec les ergothérapeutes et les physiothérapeutes dans des situations de « cotreat ». Parfois, c’est plus social. » Un travail d’évaluation de chaque patient et de chaque séance fait partie intégrante du processus.

Peu d’hortithérapeutes américains, dans l’expérience de Tamara, travaillent à temps plein. Tous ont des activités à côté. La plupart continue à se former. « Nous sommes une profession jeune, il faut être au fait de la recherche pour améliorer les activités. Il faut aussi comprendre que chaque séance d’une heure peut prendre 2 ou 3 heures de préparation. »

Conseil de lecture

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.

Avec de jeunes femmes handicapees du WID (womens initiative for disability) du NYU langone medical center.

« M’apprêtant à rentrer à Paris, forte de mes expériences cliniques auprès de cardiaques et de neuro lésés, gériatrie, pédiatrie, psychiatrie, la maladie de Huntington pour ne parler que de quelques populations suivies, je me demande sur quelles pistes me lancer. Pratiquer? Animer? Former d’autres? Retourner à la recherche? », m’avait écrit Tamara quand elle a pris contact fin novembre. Des interrogations bien légitimes. J’espère que la communauté française fera un accueil chaleureux à Tamara.

En guise de conclusion, Tamara nous recommande la lecture de tout récent The Glass Garden: A Therapeutic Garden in New York City, écrit par Gwenn Fried, Matthew Wichrowski et Nancy Chambers (aujourd’hui retraitée).

Symposium Jardins et Santé 2014 : compte-rendu (2e partie)

(mise à jour : les séances plénières et au moins une table ronde sont maintenant en ligne en intégralité : https://www.youtube.com/channel/UCB6OvoJ1JLqfzIH7YU7NsUA)

Gwenaelle Jaouen continue son compte-rendu avec les cinq dernières interventions en plénière.

Retour d’expérience d’un paysagiste anglais

Garuth Chalfont (crédit Laurence Toussaint)

Garuth Chalfont (crédit Laurence Toussaint)

La communication de Garuth Chalfont (Chalfont Design Sheffield, Grande-Bretagne), intitulée « Structuration et usage des jardins thérapeutiques en établissements accueillant des personnes âgées atteintes de troubles cognitifs », avait pour but d’examiner brièvement les bénéfices des liens avec la nature pour les personnes âgées et plus spécifiquement celles atteintes de démence. G. Chalfont a évoqué 10 raisons pour encourager le lien avec l’extérieur de ces personnes, dont leur besoin quotidien de vitamine D et de garder l’esprit vivant. Le jardin doit être élaboré pour que les personnes puissent s’impliquer dans des occupations utiles et porteuses de sens. Ces personnes ont besoin de se sentir utiles et souhaitent généralement continuer à donner un sens à leur vie et à leurs activités.

Il est également important de maintenir le lien avec la faune et la flore des jardins. Ceci peut avoir une signification profonde pour les personnes, et plus particulièrement lorsqu’elles perdent leurs facultés verbales. Elles peuvent toutefois encore être sensibles à leur environnement et profiter du confort émotionnel et spirituel que leur offrira la nature.

« L’architecture soutient. La nature stimule. Les personnes interagissent. » Ce sont trois principes dynamiques du design. Comment les assembler dans une structure de soin afin qu’elles profitent aux résidents ? G. Chalfont présente des exemples de plans architecturaux et paysagers de projets de jardins pour les personnes atteintes de démence menés en Angleterre dans des structures telles que des accueils de jour ou des maisons de retraite. Ces espaces ont été conçus en vue d’améliorer le bien-être de personnes atteintes de démence modérée à sévère.

Les environnements de soin ont besoin de marquer une continuité entre le dedans et le dehors. Les espaces extérieurs doivent être chaleureux et confortables selon les moments de la journée où ils sont fréquentés. Ceci nécessite que l’architecture de la structure et l’architecture paysagère soient pensées en parallèle très tôt dans le projet de développement du site. Cette partie de la présentation a développé les caractéristiques essentielles permettant aux usagers de rester actifs, de se sentir utiles et heureux. Ces espaces doivent soutenir l’autonomie des personnes dans leurs activités, ainsi que les familles et les professionnels. L’architecture paysagère devient ainsi un support à celles-ci. Elle permet de développer des activités créatives et ayant du sens. Ces activités doivent pouvoir stimuler l’intellect, le corps et l’esprit.

L’architecture paysagère doit permettre de faire pénétrer la nature, la lumière et le paysage dans l’établissement par des vecteurs variés. Elle permet aux personnes de se repérer dans le temps au quotidien et de reconnaître la saison. L’architecture paysagère doit assurer une connexion entre les espaces intérieurs et les espaces extérieurs significatifs pour encourager les personnes à sortir. Les éléments du jardin peuvent aussi être complémentaires des activités se déroulant à l’intérieur de l’établissement. Par exemple, les herbes aromatiques et le potager peuvent se situer à proximité de la fenêtre de la cuisine.

« Une vie saine grâce à l’apprentissage », un moyen de prévention de la démence. L’objectif étant de retarder la maladie et de ralentir le déclin.

Au CHU de Nice, un projet d’évaluation pionnier

Dominique Pringuey (Professeur de Psychiatrie,  Ancien Chef de Service de la clinique universitaire de Psychiatrie, Hôpital Pasteur au CHU de Nice) et France Pringuey (Médecin, Paysagiste concepteur conseil en Jardins de Soins) dans leur communication « Jardins de Soins en psychiatrie de l’adulte, un recours thérapeutique en évaluation » ont présenté les critères de bases et plus spécifiques de l’évaluation du jardin de soins.

Les Pringuey commencent par rapporter l’importance de l’évaluation comme un outil essentiel à la validation des connaissances scientifiques. Elle répond à la double exigence de la rigueur de l’observation et du partage des savoirs. Si chaque jardin et chaque projet est unique surtout lorsqu’il s’inscrit dans l’architecture, le paysage et l’esprit du lieu, il n’en reste pas moins que pour être qualifié de Jardins de Soins, il doit répondre à des critères essentiels et spécifiques qu’il faudra s’attacher à respecter. L’intérêt alors de son évaluation est non seulement la vérification standardisée et répétée de l’atteinte de ces objectifs mais aussi l’apport d’une vision critique du processus lui-même permettant modification, ajustement, et perfectionnement au cours du temps.

France Pringuey propose une échelle d’évaluation standardisée reprenant les critères essentiels fondamentaux des Jardin de Soins issus des recommandations internationales. La mesure des scores s’effectue par échelle visuelle analogique de 1 à 10. Des observations écrites, points positifs, points négatifs et proposition de réflexions enrichissent le dossier. Cette échelle d’évaluation générale devra être complétée par la standardisation des critères spécifiques relatifs au publics concernés par le Jardin de Soins auquel se réfère le projet (jardin d’hortithérapie, jardin pour la mémoire, jardin de ressourcement pour le personnel, jardin de réhabilitation sociale, jardin de rééducation, jardin récréatif ou pédagogique…) Enfin, l’atteinte des objectifs du projet lui-même pourra être évalué en tenant compte des attentes de l’institution, des patients, des familles et des soignants, et des processus thérapeutiques engagés.

Les cibles de l’évaluation générale reposent sur les bases scientifiques du concept, c’est à dire la co-relation originaire Homme/Plante, un processus de coopération vitale, auquel se réfèrent les théories de la Savane, de la Phyto-résonance ou de la Biophilie.

Le premier critère à évaluer est celui de la Naturalité du Jardin. La végétation doit être suffisante, sur trois niveaux. Ensuite la maintenance et biodiversité qui en découlent. La biodiversité au Jardin reflète la coopération et l’attention portée à l’autre. Un environnement qui prend soin des gens doit être traité avec soin et respect. Et le dernier critère est la sécurité, la protection et le respect de la vie privée.

Cette évaluation standardisée et répétée au cours du temps et des saisons permettra de mieux saisir le potentiel thérapeutique du Jardin lui-même, d’en améliorer les composants et d’atteindre les objectifs. Elle n’est pas exhaustive bien sûr et doit être complétée par l’évaluation des critères spécifiques du projet.

D. Pringuey présente ensuite le programme d’évaluation clinique de l’efficacité des activités au jardin de soins testée et élaborée au sein du Protocole de Recherche aux Hôpitaux soumis au comité de Protection des Personnes.

L’échelle d’évaluation des émotions PANAS de Gaudreau et coll est utilisée en complément à l’échelle de Cotation Psychiatrique Brève (BPRS) dans le but d’approcher au plus près l’expérience vécue par le patient.

Lors d’une séance, l’étude des variations du profil de réponse à l’échelle PANAS témoigne le plus souvent d’une mobilisation affective, parfois marquée. En général elle traduit en positif un intérêt pour la séance, la satisfaction de son déroulement et la réduction de la sensation de stress.

Sur les 6 premiers mois de l’année, lors du programme pilote d’une séance hebdomadaire de 2 heures, 87 patients ont été accueillis dont plus de la moitié souffrent de schizophrénie, un tiers sont hospitalisés sous contrainte. Le soin a pu se répéter au moins 5 fois pour 16 d’entre eux, plus de 7 fois pour 9, 11 et 13 fois dans deux cas. La Panas a été proposée, selon les disponibilités, 16 fois pour tester la faisabilité d’utilisation qui est excellente. Ce début a permis la mise au point et l’ajustement du protocole, fournissant un bilan préliminaire très encourageant.

A terme, ces données viseront à vérifier l’hypothèse d’un effet émotionnel bénéfique et/ou spécifique de l’activité Jardin pour les patients. Elles permettront d’harmoniser l’activité selon leurs attentes, en tenant compte de leurs dispositions émotionnelles. L’appréciation de l’évolution clinique globale tiendra compte de la contribution de cette thérapie non conventionnelle dans le résultat thérapeutique final. Les deux intervenants ont insisté sur la nécessité de publier les résultats de ces recherches en croisant plusieurs centres.

Le CHU de Nancy continue son travail

Alain Trognon (Groupe de Recherche sur les Communications, Département de Psychologie, Université de Lorraine, Nancy) et Martine Batt (Groupe de Recherche sur les Communications, Département de Psychologie, Université de Lorraine, Nancy) dans leur communication « Développement des jardins thérapeutiques en Lorraine à travers le programme JAZ (Jardin AlZheimer) » ont raconté l’histoire d’un jardin, d’une équipe, de patients et de scientifiques en réponse au Plan Alzheimer 2008-2012 lancé auprès des établissement accueillant des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées (MAMA) faisant la recommandation de disposer de jardins thérapeutiques.

L’aménagement du jardin « art, mémoire et vie », destiné aux personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et à leur entourage au CHU de Nancy, a été établi à partir d’une double approche de sa conception, neuropsychologique et artistique. Il s’est déroulé de 2007 à 2010, tandis qu’une Unité Cognitivo Comportementale a été ouverte en 2012 au Centre Paul Spillmann où il se situe. Un programme de recherche y est actuellement développé en partenariat avec le CHU, l’Université de Lorraine. Le programme JAZ Jardin AlZheimer se décline en différents axes :

JAZ-LOR (Jardin, AlZheimer Lorraine) Axé sur l’intérêt de références à la mémoire culturelle régionale utilisées lors des activités proposées lors des ateliers individuels, en petits groupes ou transgénérationnels.

JAZ –ART (Jardin, AlZheimer ART) Axé sur l’intérêt d’une dimension artistique au service du projet thérapeutique et les effets émotionnels et cognitifs et ultérieurement d’ateliers utilisant l’observation d’œuvres d’art comme médiation.

JAZ-TOP (Jardin AlZheimer TOPographie) Axé sur les principes d’organisation spatiale qui favorisent l’orientation des personnes atteintes de MAMA (maladie d’Alzheimer ou maladie Apparentée). Les perspectives sont la mise au point de méthodes d’évaluation diagnostique des troubles de l’orientation spatiale en condition écologique et la mise en place d’ateliers de réhabilitation de l’orientation spatiale.

JAZ-BURN (Jardin AlZheimer, Burn-out) Axé sur la prévention du risque d’épuisement professionnel (syndrome de burnout) des équipes de gériatrie, problème important qui touche les soignants sous les trois facettes d’épuisement émotionnel, de fatigue physique et de lassitude cognitive.

JAZ ACT (Jardin AlZheimer, Activités) Axe ciblé d’une part sur le rôle des différents éléments mobiliers et leur impact sur l’interaction entre résidents/patients, soignants, visiteurs ainsi que sur les activités partagées qui se tiennent dans le jardin: jardinage accompagné, ateliers transgénérationnels, ateliers culturels…

Le projet JAZ Partenaires porté par l’association JAZ Pairespective (Psychologie Art Interaction REcherche) vise enfin à créer un réseau de jardins partenaires de recherche dans le domaine de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées.

Hortithérapie et soins palliatifs

L’intervention d’Angélique Doumenc (Université Toulouse Le Mirail, UFR de Psychologie) était consacrée aux « Effets différentiels de l’’hortithérapie et soins palliatifs ». A. Doumenc a exposé l’évaluation faite auprès des personnes en soins palliatifs dans le cadre d’un dispositif hortithérapique standardisé et manualisé. Le groupe était composé de personnes souffrant de pathologies somatiques et neurodégénératives, d’un cancer ou ayant subi un AVC. Différentes techniques, activités sensorielles leur ont été proposées (jardinage, peinture, mandala, conte, senteur).

Les principaux résultats révèlent un effet bénéfique de l’hortithérapie ainsi que des différentes techniques sur les états de base, les attitudes et les processus de création auprès de personnes souffrant de pathologies somatiques et neurodégénératives.

En conclusion, l’éveil du vivant

La séance plénière se termine par la communication de Bernard Andrieu (Philosophe, Université de Lorraine) consacrée à « L’éveil du vivant par l’écologie corporelle ».

Andrieu commence par introduire la différence entre « awareness » et « consciousness », que nous traduisons par « éveil » et « conscience de ». La différence entre le corps vivant et la conscience du corps vécu. La réflexion est « peut-on activer, une cosmo-sensation, depuis son jardin intérieur en s’immergeant dans le jardin extérieur ? ».

Le vivant est actif en dessous du seuil de conscience et cette activité est désormais mesurable dès l’activation à 40ms. Le corps et l’esprit peuvent être entièrement immergés dans ce que nous appelons l’immersion dans le jardin de plantes, de fleurs, de légumes et autres arbres : Marcher pied nu, sentir les odeurs, voir des couleurs, prendre l’air, toucher les matières. Qu’est-ce qu’il se passe dans le corps vivant lorsque je lui fais sentir une fleur ? Et bien il y a un processus d’activation exogène qui se produit. L’immersion dans la nature va déclencher des éléments dans le corps vivant (sans conscientisation).

Un constat a été fait lors d’une intervention de Gilles Gallopin (enseignant, chercheur Agros Campus Ouest) où le monde d’aujourd’hui n’a pas de repère avec son écologie, pas de relation au sacré. Les enfants grandissent dans un monde urbain. Il est nécessaire de plonger une personne dans un milieu naturel afin de stimuler de manière exogène son écologisation.

Le sentant de notre corps sensible n’est pas le senti. Par sa sensibilité, le corps vivant dans le jardin est sans personne au sens où le sujet n’en contrôle pas l’activité organique ni l’activation cérébrale. C’est la vicariance de son cerveau lors de son écologie dans ses environnements qui lui fait créer des réseaux et des formes avant la conscience.

Le corps vivant est éveillé par son écologie spontanée avec le monde et la conscience par le corps.