Reconversion dans les jardins thérapeutiques

« Je veux proposer des jardins thérapeutiques avec une solide base en aménagement paysager. » Après 24 ans dans la communication, 20 à Paris et les quatre dernières dans sa région d’origine à Toulouse, Béatrice Bonzom Dedieu rêvait d’une reconversion. Jardinière amatrice, elle se rend en 2014 au symposium Jardins & Santé. Elle découvre également la Cité des Sciences Vertes, un établissement rassemblant plusieurs parcours scolaires autour de l’horticulture, de l’agriculture et de l’agronomie. Elle présente un projet de reconversion professionnelle pour y faire un BTS Aménagement Paysager en formation continue, partiellement financé par la région Midi-Pyrénées. Depuis quelques mois, elle suit un cursus d’un an sur le campus d’Auzeville. Elle est particulièrement heureuse que les jardins thérapeutiques soient le sujet de l’année. « C’était une demande des élèves qui ont commencé à faire des rapports sur le sujet », explique-t-elle.

Emilie Ferrer, l’enseignante responsable de ce module d’initiative locale (mil) consacré cette année aux jardins thérapeutiques après les jardins partagés l’an dernier, a suivi la formation proposée par Jean-Luc Sudres à Toulouse tout comme Béatrice qui a bien entendu des bruits sur la création d’un diplôme dédié aux jardins thérapeutiques par le professeur de psychologie, mais n’en sait pas plus. « Ce serait quelque chose sur deux ans, quelque chose d’ambitieux et de pluridisciplinaire ». Emilie Ferrer a également suivi la formation sur les jardins de soin à Chaumont-sur-Loire, contrairement à Béatrice. « Au final, j’ai plus appris sur le jardin thérapeutique au symposium et par mes propres recherches pour l’instant. Ce BTS me permettra d’être crédible sur les fondamentaux comme l’analyse de la terre ou les systèmes d’arrosage », résume Béatrice.

En parallèle de son BTS, elle met les mains dans la terre. Aux côtés de Macadam Gardens, elle s’implique dans un projet de patio à la clinique Pasteur (un projet différent du jardin sur le toit créé par l’entreprise). « J’ai travaillé sur la version 1 du jardin de la Clinique Pasteur et une autre stagiaire d’Auzeville travaille actuellement sur la version 2″, explique-t-elle. « Je travaille actuellement pour le Jardin des Vents de Castelnaudary. J’ai rencontré John Riddel et nos échanges m’ont enthousiasmés. » Elle a commencé à rencontrer d’autres cliniques intéressées, mais sans budget pour financer des projets. Au moins, ces établissements pourront-ils se transformer en lieux de stage. Au fil de sa réflexion, Béatrice a également contacté Terramie et envisagé de se franchiser. Mais elle a abandonné cette piste car elle n’a pas envie « de cracher du devis » comme elle le décrit. Chemin faisant, elle rencontre des professionnels du jardin qui lui racontent être sollicités pour faire des jardins thérapeutiques. « Il faut évangéliser sur l’intérêt du jardin thérapeutique. Il faut faire de l’évaluation et des études. Tous mes projets dans le cadre du BTS sont une variation sur le jardin thérapeutique : la discussion avec l’équipe, la conception et l’évaluation. »

Un formateur invité raconte le module « jardins thérapeutiques »

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Rencontre entre les stagiaires du BTS Aménagement Paysager et les jeunes dans un IME de la région de Toulouse.

Sébastien Guéret de Formavert est venu prêter main forte à Emilie Ferrer pour animer le module qui se tenait la semaine dernière. « Emilie est une enseignante très « pêchue » et intrépide. Elle n’a peur de rien. Elle n’est pas du tout spécialiste du sujet mais elle a su proposer un programme qui tient la route en compilant les apports reçus des deux formations qu’elle a suivies. Elle fait surtout partie de ces enseignants qui plutôt que de délivrer un discours formaté va mettre ses stagiaires en situation de réflexion et de recherche. Donc elle les a fait plancher sur le sujet », explique Sébastien, admiratif et impressionné par l’expérience. A l’initiative de l’enseignante, un après-midi a donc été consacré à une animation auprès de jeunes souffrant d’autisme dans un IME. « Les stagiaires étaient en binômes et avaient à charge de réaliser avec les résidents de l’institution un « cadre végétal » qui resterait ensuite à l’institution. 20 stagiaires, répartis dans 4 unités différentes, du matériel, des ballots de tourbes, du grillage, des plantes, c’était un peu le bazar mais l’éducateur qui a coordonné tout ça s’est montré très disponible et bienveillant. Et l’animation s’est très bien faite. La qualité de relation et d’animation qui s’est dégagé de la part de ces stagiaires a bluffé tout le monde. Les personnels de l’institution n’en revenaient pas que des personnes sans aucune formation sociale puissent mener un tel travail auprès de leurs résidents », raconte Sébastien.

Et la contribution de Sébastien? Apporter sa longue expérience et son témoignage aux stagiaires. « On a fait un « débriefing » à chaud de l’animation et le lendemain j’ai refait un debrief avec des apports didactiques. On a retravaillé la notion d’objectifs thérapeutiques pour inscrire le jardin dans un processus de soin et on a fait travailler les stagiaires sur la conception d’un jardin thérapeutique à partir d’un patio de l’IME visité la veille. » Le lendemain, les revoilà partis sur le terrain. Cette fois, dans un CPC (Centre de Post-Cure pour malades souffrant de troubles psychiatriques) qui offre un atelier espaces verts qui n’est toutefois pas à but thérapeutique.

« Au final je pense que cette semaine aura permis une réelle ouverture sur le sujet. Ceux qui voudraient s’y consacrer plus pleinement auront encore beaucoup de choses à découvrir évidemment mais c’était une bonne approche. Pour les autres, cela aura le mérite de leur avoir ouvert les yeux sur la relation que l’on peut avoir au végétal et sur ce sujet qui, au-delà de la thérapie, touche tout le genre humain. Si toutes les formations horticoles pouvaient proposer une telle ouverture, les jardiniers de demain auraient bien plus conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans notre société. »

 

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Les mains dans la terre

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Le cadre prend forme avec application

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Les cadres végétaux réalisés par les jeunes et les stagiaires : une première expérience pour les uns et les autres.

A Toulouse, un jardin sur le toit de la clinique

Alexandre Belin et Cédric Jules de Macadam Gardens, Thomas Laurent est l'autre fondateur  (D.T. /Metronews)

Jeune entreprise dédiée à l’agriculture urbaine et issue du maraichage bio, Macadam Gardens s’est diversifiée dans la création de potagers en entreprises. « En utilisant des surfaces non utilisées, une terrasse inoccupée par exemple, on reverdit les lieux et on implique les salariés », explique Cédric Jules, son fondateur. « C’est une activité conviviale qui permet de sortir de son cadre et de renforcer la cohésion. » Le rôle de Macadam Gardens est de concevoir, installer et animer des jardins qui ne demandent pas trop d’entretien car les salariés doivent le faire vivre, souvent sur les temps de pause. Par ailleurs, la société offre sur son site web un ensemble de produits adaptés au jardinage en ville et des conseils sous forme de fiches. « Nous prouvons que c’est possible. »

Les jardinières en géotextile accueillent les plantes sur le toit.

Les jardinières en géotextile accueillent les plantes sur le toit.

Au printemps 2014, Macadam Gardens s’implique dans un nouveau projet à la clinique Pasteur à Toulouse qui a la réputation d’être à la pointe en termes de développement durable et de RSE (responsabilité sociétale des entreprises). De loin son plus gros projet actuellement. Sur une surface de 500 m2, 150 jardinières ont été installées sur le toit de cette clinique située en centre ville. Pour la culture, des travailleurs de l’ESAT de Nailloux (Etablissements et services d’aide par le travail) prêtent main forte au personnel. Une autre dimension intéressante du projet.

D’abord conçu pour les personnels, le jardin s’ouvre inévitablement aux patients. « Nous pensons accueillir des patients en cancérologie qui viennent à la clinique plusieurs fois par semaine. L’été prochain, nous allons leur aménager un coin pour eux avec des activités thérapeutiques. »

Un jardin pour les patients : une demande de la clinique

A travers le personnel soignant, Macadam Gardens entend les demandes de ces patients. « Ils veulent oublier la maladie, voyager à travers le jardinage. Ils veulent un endroit gai et coloré avec beaucoup de diversité. Je pense que des plantes aromatiques seraient aussi intéressantes pour les senteurs. » Un questionnaire qui a circulé a déjà récolté les noms d’une cinquantaine de personnes intéressées. L’idée serait que le jardin leur soit accessible 24h/24 avec une animation une fois par mois. Des bancs, des chaises en feraient un lieu de vie où il ferait bon discuter. « Dehors, on est plus à l’aise que dans un couloir d’hôpital », reconnaît Cédric Jules. Comme le personnel, les patients viendraient sur la base du volontariat.

Récolte de fraises. Cette année, le potager a produit 150 kilos de tomates et une soixantaine de kilos de haricots verts...

Récolte de fraises. Cette année, le potager a produit 150 kilos de tomates et une soixantaine de kilos de haricots verts…

Pour sa première année, le potager a produit une récolte qui a permis de faire quelques repas 100% « hyper locaux » pour la cantine du personnel en utilisant tomates, aubergines, poivrons, piments, haricots verts, aromates et fleurs comestibles comme des capucines, des cosmos, des tagettes et des chrysanthèmes comestibles. Quant aux patients, ils ont pu déguster des fraises.

 

Etudes et appel à idées

Le projet de la clinique Pasteur va bénéficier d’un partenariat avec une école d’ingénieurs agronomes locale pour étudier ce potager en milieu urbain, notamment sur la question de la biodiversité des insectes et, grâce à un sociologue, sur l’impact du jardin sur les relations au sein de la clinique.

Cédric Jules est très preneur d’idées pour faire avancer le projet de jardin pour les patients en cancérologie. Que les lecteurs qui ont des expériences à partager dans ce domaine n’hésitent pas à le contacter (cedric.jules (at) macadam-gardens.fr).