Paris est un jardin

Je ne veux pas parler du Jardin des Tuileries ou de celui du Luxembourg. Ni même des Jardins du Palais-Royal que j’affectionne particulièrement. Je veux parler des fenêtres fleuries et des mini-jardins qui fleurissent un peu partout dans le peu d’espace disponible, reconquis en particulier grâce aux programmes municipaux (jardins partagés, programmes Du vert près de chez moi ou plus récemment Permis de végétaliser). La couche administrative et très encadrée de ces programmes ne me réjouit pas forcément, mais la guérilla constante serait assez épuisante et ces programmes ont le mérite d’exister. Et en tout cas, ces Parisiens qui sèment et qui plantent se font du bien et font du bien aux autres. Y compris parce que leurs plantations urbaines poussent naturellement à la conversation entre voisins et inconnus.

Pour rester local, petit tour en images du 2e arrondissement.

 

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Le fameux Oasis d’Aboukir de Patrick Blanc, un lieu de promenade et de contemplation local.

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Le Potager de la Lune, jardin partagé dans le square Bidault (https://www.facebook.com/Potager2laLune/)

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Un autre mur végétal, plus modeste, rue Tiquetonne devant une école primaire.

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Le site du futur jardin partagé, le Jardin de Bonne, qui est pour l’instant un dépotoir et un cimetière de tuyas. A bientôt pour des nouvelles.

Patchwork

Au fil des semaines, j’accumule des références d’articles qui touchent, de plus ou moins près, au jardin de soin, à l’hortithérapie ou à la place de la nature pour les urbains. Beaucoup de ces liens circulent sur le groupe Facebook Jardins de soin ou me sont envoyés par des connaissances au courant de mon intérêt pour le sujet (merci Cléa, Nicole, Stew, Elise,…). Aujourd’hui, je les partage avec vous. Un peu en vrac. A vous de piocher dans ce qui vous intéresse.

Les Jardins de l’Humanité ont besoin de votre soutien

Les jardins de l'Humanité

Les jardins de l’Humanité

Estelle Alquier, présidente de l’association Terres Océanes, donne régulièrement des nouvelles des Jardins de l’Humanité. Voici son appel. « Les jardins de l’Humanité (19 jardins à vocation thérapeutique, historique, conservatoire, pédagogique et sociale) sont en cours de réalisation depuis septembre dernier (2015) dans le sud des Landes. Ce projet ambitieux est porté par l’association « terres océanes, cultures d’humanité » et avance grâce à l’implication de nombreux bénévolesvenus de toute la France. Nous arrivons au bout du budget de départ et pour continuer, nous faisons appel aux fondations, au financement public et à tous! Aucun doute qu’il verra le jour, cependant nous avons besoin de tous pour continuer. Une campagne de dons a démarré la semaine dernière sur le site helloasso, chaque don, dès 5 euros, est déductible des impôts et contribue à l’aboutissement de ce lieu hautement humain et écologique. Vous trouverez plus de détails sur notre site internet, accessible depuis le site de financement. »

Un jardin de soin à l’Institut Mutualiste Montsouris

Les acteurs en présence autour de ce jardin de soin inauguré en 2014: l’Institut Mutualiste Montsouris (département hospitalo-universitaire de psychiatrie de l’adolescent et du jeune adulte de l’Université Paris Descartes), l’association Jardin Art et Soin d’Alain Calender et le paysagiste Louis Benech.

Quantifier les bienfaits des espaces verts en ville

« Quand les élus, ou les promoteurs, regardent le budget d’un espace vert, c’est plutôt en termes de coûts que de recettes. Vu au mieux comme un plaisir apporté à l’habitant, au pire comme une onéreuse danseuse, le jardin n’est jamais crédité de ses bienfaits. Ils existent pourtant et peuvent même être chiffrés. Pour en avoir le cœur net, l’Union nationale des entreprises du paysage a demandé à l’institut Asterès de les recenser et, mieux encore, d’en faire une traduction monétaire. De cet exercice inédit se dégagent deux informations majeures : le jardin fait faire des économies en dépenses de santé et rapporte des rentrées en recettes liées à l’attractivité. » Lire l’article de Sybille Vincendon dans Libération.

Potagers en pied d’immeuble, jardins thérapeutiques en maisons de retraite

Une émission de Périphéries sur France Inter dédié à un jardin vivrier dans le quartier Bel Air de Montreuil. Montreuil, cela vous rappellera peut-être le projet de Yves-Aubert Alonzeau, l’un des gagnants du concours d’Avenir de la Fondation Truffaut en 2016. Décidemment, on jardine beaucoup à Montreuil.

Le site Ehpadeo, créé par deux frères pour aider les personnes âgées et leurs familles, dédie une rubrique aux jardins thérapeutiques en mettant en avant des projets dans plusieurs maisons de retraite.

Des jardins qui rapprochent

En Suisse, cette initiative qui date de 2011 permet à des migrants et à des réfugiés de s’insérer au travers d’une parcelle de jardin. En Alsace-Lorraine, j’ai entendu parler de trois jardins interreligieux de la Meinau, de Valff et de Saverne. Mais peu d’information filtre sur Internet malheureusement.

L’intelligence émotionnelle des plantes

« Est-ce que les plantes sont en résonnance avec l’Homme et le règne du vivant ? » C’est la question posée dans l’émission de radio Retour aux Sources à partir du livre « L’intelligence émotionnelle des plantes » de Cleve Backster avec deux invités autour de la table de Joëlle Vérai : Bénédicte Fumey qui est porte-parole du Pacte civique et Jacques Collin, ingénieur, écrivain et conférencier. J’avoue que je n’ai pas encore écouté l’émission jusqu’au bout…

Encore plus méconnue que l’hortithérapie, la bibliothérapie

« Inspirée par la philosophie grecque, plébiscitée par Marcel Proust à la fin du XIXè siècle et complètement reconnue aujourd’hui en Grande Bretagne, la bibliothérapie se fait attendre en France. Pourtant, l’apaisement des maux de l’âme ou le renforcement du bien-être psychologique par la lecture résonnent presque comme des effets on ne peut plus évidents. Il faut dire que ces pouvoirs prêtés au livre ont des origines très anciennes et sont désormais scientifiquement prouvés. » Cet article très complet fait un bilan historique et contemporain de la lecture comme acte thérapeutique.

Le coin anglophone : une maternelle dans les arbres, des ordonnances de nature et un nouveau livre

Une jeune élève à la Fiddleheads Forest School à Seattle (photo du New York Times).

Une jeune élève à la Fiddleheads Forest School à Seattle (photo du New York Times).

A Seattle, une maternelle installée dans University of Washington Botanic Gardens fait classe dans la forêt. Un article du New York Times raconte l’expérience de Fiddleheads Forest School. On dirait que l’appel de Richard Louv dans son célèbre livre Last kid in the woods a été entendu.

De San Francisco à Washington, des médecins américains prescrivent des marches dans la nature à leurs patients. Pas seulement pour faire de l’exercice, mais aussi pour raviver leur connexion avec la nature et stimuler leur cerveau. La pratique existe aussi en Angleterre. En France, j’ai entendu une professionnelle de la santé conseiller à une patiente de marcher en pleine conscience à travers un parc qui se trouve quotidiennement sur son chemin…

David Kamp a fondé Dirtworks Landscape Architecture à New York pour explorer l’interaction de la nature, de la santé et du bien-être. Il vient juste de publier Healing Garden, un livre qui mêle théorie et pratique. Je ne l’ai pas lu. La description du livre n’est pas sans rappeler Therapeutic Landscapes de Clare Cooper Marcus et Naomi Sachs.

Un potager urbain rue d’Aboukir

 

Emilie

Emilie Giafferi de Veni Verdi (dans un autre potager).

Décidément, la rue d’Aboukir dans le 2e arrondissement de Paris est un axe vert (depuis 2013, l’Oasis d’Aboukir est une attraction locale et une bouffée de nature pour les habitants). Depuis plus d’un an, un potager pousse sur le toit d’un immeuble que rien ne distingue de ses voisins quand on passe dans la rue d’Aboukir après avoir quitté l’imposante Place des Victoires à la gloire de Louis XIV. Mais ceux qui ont la chance de pouvoir visiter le potager découvrent un autre monde en plein cœur de la ville. Dans ce bâtiment occupé par ERDF, l’association Veni Verdi a installé en avril 2015 sa troisième exploitation agricole. « Une convention signée avec ERDF, occupant du site, et la Mairie de Paris, propriétaire, permet à notre association de disposer de 220 m2 pour continuer à développer son projet d’agriculture urbaine », explique cette association loi 1901. Son objectif est « de créer des jardins en milieu urbain pour agir sur notre Environnement, notre Société et Économie » et elle a déjà installé des potagers, notamment sur le toit du collège Matisse (20e) et dans les murs du collège Mendès France (18e). Soit 6000 m2 cultivés au total! Voici une vidéo tournée en juin 2018 qui explique comment la cour du collège Mendès France est devenu un potager.

 

Le 7 avril 2015, 20 bénévoles agents ERDF et 10 bénévoles Veni Verdi ont donc monté la terre et les sacs de chantier transformés en jardinières pour aménager les 200 m2. Depuis, Emilie Giafferi vient jardiner deux fois par semaine et récolte fèves, radis, cresson, mâche, épinard, roquette, ail, pommes de terre, tomates, concombres. D’ailleurs les tomates et les concombres fournissent une ombre bienvenue aux salades. Un paillis de lin permet de limiter l’arrosage. Une fois par semaine, Emilie installe son mini-marché dans les locaux en dessous et vend la récolte aux employés d’ERDF. Un circuit on ne peut plus court.

Une révolution en marche

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Abondance de fèves (photo Anne Thiollier)

Pendant notre visite, un agent ERDF passe faire un tour sur le toit pour prendre quelques légumes. Inspiré par cette expérience, il s’est lancé dans le compostage et le jardinage dans son immeuble en banlieue. Combien d’autres envies et projets ce potager urbain inspirera-t-il ? Auprès des enfants et des adultes, Veni Verdi poursuit une révolution tranquille des esprits. D’autres projets fourmillent dans les villes. A deux pas de la rue d’Aboukir, un autre potager doit naitre cette année sur le toit du gymnase de la rue Léopold Bellan, un toit qui abrite déjà des ruches depuis quelque temps et qui sera accessible au public. Après New York, Chicago et d’autres grandes villes, Paris se met à l’agriculture urbaine et ça fait plaisir.

 

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Vue sur les toits (photo Anne Thiollier).

 

Au Parc des Chanteraines, des ateliers jardin cultivent l’autonomie

Depuis 2009, dans le vaste potager de la ferme du non moins vaste Parc des Chanteraines à Gennevilliers (92), un carré est réservé à des jardiniers assidus venus de deux établissements locaux, le CITL (*) Le Castel de Gennevilliers et l’ESAT (**)/CITL Les Voies du Bois de Colombes. Claude Drothière, jardinier professionnel, prodigue instructions et conseils pour les semis, plantations, arrosages et les mille soins nécessaires à l’épanouissement des plantes. Plus important peut-être, il est un accompagnant régulier, une figure de confiance qui connait bien chaque jardinier. Le mercredi matin à la Ferme du Parc des Chanteraines, on jardine.

Nicole et une jardinière

Nicole et une jardinière

Courant mai, à l’invitation de Florence Pougheon Pultier du conseil départemental des Hauts de Seine et ancienne stagiaire de la formation de Chaumont, je suis allée rendre visite à Claude et à ses jardiniers avec Nicole Brès. Sous un ciel menaçant qui présageait les crues à venir, Nicole et moi avons participé à l’atelier. Le petit groupe, après avoir mis ses bottes à l’abri sous la serre, s’est dirigé vers le carré où il y avait fort à faire : arracher de l’herbe, semer des salades, planter des courges, courgettes et concombres, arroser, cueillir des salades et des radis pour les ramener au centre. Pour tout vous dire, en quelques semaines, j’ai oublié ce que nous avions planté exactement. Mais je garde un vif souvenir d’un profond sentiment de bonheur, simple et puissant. Avec Claude et ce groupe de jeunes femmes, nous avons passé un moment joyeux à toucher la terre, à discuter, à nous extasier. Je suis reconnaissante à toutes et à tous pour cette belle rencontre.

Un atelier de jardinage dans une ferme à disposition du public

Le jour de notre visite était aussi le jour de la tonte des moutons.

Le jour de notre visite était aussi le jour de la tonte des moutons.

« La ferme du parc des Chanteraines propose depuis 2009 des ateliers de jardinage pour accompagner des adultes en situation de handicap mental léger. Ces ateliers proposés deux fois par mois permettent aux personnes accueillies d’établir une passerelle d’apprentissage ou de développer des acquis professionnels qui les aideront à retrouver une autonomie. Les ateliers sont encadrés par un jardinier professionnel recruté par le conseil départemental et les éducateurs spécialisés qui accompagnent les groupes de deux centres d’initiation au travail et aux loisirs de Colombes et Gennevilliers », explique Florence Pougheon Pultier de la Direction des parcs et jardins- Service territorial nord. Quant à la Ferme des Chanteraines, elle remplit plusieurs objectifs : s’inscrire dans le schéma départemental de soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées conduit par la direction de l’Autonomie pour développer cette action sur d’autres sites en collaboration avec le PSOL, former les agents volontaires à l’accueil des personnes en situation de handicap et développer l’accueil de groupes sur la médiation animale (la ferme est l’occasion de découvrir poules et lapins, moutons et ânes, cochons et chèvres).

Un jardin, de multiples objectifs

IMG_8412Pour le CITL Le Castel, l’activité jardinage se déroule de septembre à juin (une fois par mois durant l’automne/hiver et deux fois par mois au printemps) à raison de deux heures en petits groupes de 5 ou 6 personnes en situation de handicap mental. Comme le fait remarquer l’éducatrice qui accompagne les participants, la mise en pratique dans le potager et la serre est mise en regard avec des activités théorique comme la visite des serres du Jardin des Plantes ou d’apprentissage du noms des plantes et outils. Dans cet atelier, les jardiniers poursuivent plusieurs objectifs pédagogiques : civiques et sociaux d’abord (s’approprier et pérenniser des actes écologiques dans leur vie quotidienne, favoriser le travail en équipe et le respect des règles, développer la communication, la socialisation et l’entraide,…), mais aussi cognitifs (concentration, observation, écoute, mémorisation, prise d’initiatives, structuration du temps et aménagement d’un espace, assimilation des consignes,…), moteurs (psychomotricité fine, fatigabilité, goût de l’effort,…). Les bénéfices pour les participants sont donc multiples.

Pour le CITL Les Voies du Bois, l’atelier est une façon d’aider les personnes accompagnées à dépasser leurs angoisses au sujet du monde extérieur. Comme le note une responsable, cet atelier est devenu pour certains participants la seule activité où ils parviennent à s’inscrire activement dans la dynamique du groupe et à être investi. « Ce que nous avons observé durant ce temps de jardinage c’est que le côté apaisant de cette activité apporte de la sérénité aux personnes les plus agitées. Au fil des séances une complicité s ‘installe entre les personnes et le jardinier. Ce qui n’est pas négligeable quand on parle de personnes autistes pour qui le rapport à l’autre est synonyme d’angoisse. » Dans le lien avec l’ESAT qui travaille justement sur les espaces verts, l’atelier est une initiation et une découverte d’un potentiel métier. Les jardiniers et les responsables du CITL Les Voies du Bois aimeraient bien venir plus souvent et avoir une plus grande parcelle…

* CITL (Centre d’Initiation au Travail et aux Loisirs)

** ESAT (Etablissement et Service d’Aide par le Travail)