Se former à l’hortithérapie aux quatre coins du monde

La formation est au cœur de la reconnaissance de toute pratique et donc bien sûr de l’hortithérapie. Une matière qu’on n’enseigne nulle part – même officieusement, même hors des canaux traditionnels de l’enseignement – peut-elle vraiment exister ? Comment peut-elle avoir une place officielle, se transmettre, évoluer ? La formation est une condition nécessaire même si elle n’est pas suffisante.

En France, nous avons franchi une étape avec la création récente du Diplôme Universitaire (DU) Santé et Jardins à la Faculté de Médecine de l’Université de Saint-Etienne. Plus globalement, je vous renvoie à la rubrique Formations du site de la Fédération Française Jardins, Nature et Santé qui répertorie les formations courtes disponibles en France. Soit une bonne douzaine de formations dont certaines ont été créées il y a plus de 10 ans. Cependant, il n’existe toujours pas de diplôme d’hortithérapie en France.

Alors est-ce que se former ailleurs dans le monde est une option ? Il y a évidemment certains obstacles non négligeables (la langue, le financement, le visa,…), mais c’est une possibilité. Pour savoir ce qui existe hors de nos frontières, une première étape serait de se référer à un article que j’ai publié en mars 2023 sur les 14 associations qui font bouger l’hortithérapie dans le monde. Elles listent à coup sûr les ressources en formation dans leurs pays respectifs.

Voici quelques pistes en Europe (Royaume-Uni, Autriche, Suède, Espagne et en Italie), aux Etats-Unis, au Japon ou en Australie.

Se former au Royaume-Uni

Une option, géographiquement proche, est le Royaume-Uni où existent au minimum deux bonnes options : Thrive et Trellis.

Pour Thrive, le point de départ est cette page où l’on peut faire une recherche selon plusieurs critères : le format (en ligne, en classe à Londres, Reading, Bristol ou Birmingham ou en hybride), le niveau (introduction à enseignement supérieur) ou la spécialisation (santé mentale, troubles de l’apprentissage, enfants, seniors,…). La formation la plus aboutie et approfondie est le Diploma in Social and Therapeutic Horticulture. En effet, cette formation de niveau 5 se prépare en deux ans, chaque année étant composée de 60 crédits, soit 600 heures d’enseignement. A noter que la formation n’est pas certifiée par l’OFQUAL.

Du côté de Trellis, vous trouverez des ateliers disponibles en ligne qui s’apparentent plutôt à des formations continues courtes qu’à des formations initiales. Voici la liste de ces opportunités, surtout les LIVE Demonstration et les sessions en ligne GROWING SERIES.

Il est intéressant de voir comment un site gouvernemental anglais comparable à l’Onisep décrit la profession de « horticultural therapist ».

Une partie des formations proposées par Thrive en Angleterre

Se former en Autriche

La Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik (Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale) à Vienne propose un programme « expert académique en thérapie par le jardinage » et un Master Green Care. Birgit Steininger, chargée de cours et rattachée à la direction de la formation de l’école viennoise, nous en avait expliqué le principe en 2022.

« Nous sommes un collège universitaire qui forme des enseignants. Ce que nous avons créé au sein du Collège Universitaire de Pédagogie Agraire et Environnementale, et en collaboration avec la faculté de médecine, est un certificat « expert académique en thérapie par le jardinage » (« academic expert in garden therapy »). Nous pensons que c’est un atout d’avoir de nombreux professionnels différents dans ce domaine. Dès la formation, cela suscite des échanges intéressants entre étudiants. C’est donc une formation continue en deux ans, soit 16 weekends de cours et deux stages. »

« Effectivement, nous sentions qu’il y avait une demande pour un diplôme d’enseignement supérieur. En 2012, nous avons créé le Master Green Green, qui comprend aussi la thérapie avec les animaux. Le critère d’entrée est d’avoir une licence. Nous attirons des travailleurs sociaux, des enseignants, des ergothérapeutes, etc…Que ce soit pour le certificat ou le master, je leur dis qu’ils ne deviendront pas des thérapeutes. C’est plutôt un outil à ajouter à leur pratique qu’une nouvelle profession. Nous organisons aussi des conférences chaque année. »

La Hochschule für Agrar- und Umweltpädagogik publie aussi un magazine baptisé Green Care, une ressource intéressante pour les germanophones

Se former en Suède

La Suède se distingue par un programme d’hortithérapie et d’écothérapie exceptionnel, le Alnarp Rehabilitation Garden que vous pouvez découvrir dans cette présentation d’Anna María Pálsdóttir. Maître de conférences en psychologie environnementale à l’Université suédoise des sciences agricoles (SLU), au département « People and Society », elle est horticultrice professionnelle et titulaire d’une licence en biologie et sciences horticoles, ainsi que d’une maîtrise et d’un doctorat en aménagement du paysage et psychologie environnementale. Elle est l’une des fondatrices du Master Outdoor Environments for Health and Wellbeing (OWH).

« Ce programme s’adresse aux étudiants issus de différents domaines académiques ou professionnels. Il fournit des perspectives et des concepts scientifiques dans les matières concernées, dans un contexte interdisciplinaire, qui peuvent être utilisés à la fois pour comprendre et expliquer les interactions entre les personnes et l’environnement physique extérieur, et pour appliquer les connaissances acquises dans différents contextes sociétaux.

Parmi les exemples de sujets interdisciplinaires figurent la thérapie assistée par la nature et la promotion de la santé, ainsi que le rôle des environnements extérieurs dans l’apprentissage et le développement, par exemple l’éducation et la réhabilitation en plein air. Il s’agit également de perspectives plus larges telles que l’aménagement de l’espace ou la conception du paysage, qui s’appuient sur la psychologie de l’environnement. Une attention particulière est accordée à l’importance des environnements extérieurs pour le développement individuel, la qualité de vie, le bien-être et la santé. »

Ce master, enseigné en anglais et à distance, vaut sans doute le détour. La prochaine promotion débutera à l’automne 2024 et les étudiants internationaux ont jusqu’au 15 janvier 2024 pour envoyer leur candidature…

Se former en Espagne ou en Amérique latine

Pour les hispanophones, il y a des opportunités très intéressantes et pour tous les niveaux offertes par l’association espagnole d’horticulture et de jardinage social et thérapeutique ou AEHJST (Asociación Española de Horticultura y Jardinería Social y Terapéutica), fondée par Leila Alcalde Banet et Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi. Leur offre de formation est décrite ici.

En Amérique latine, le Pérou dispose de l’Instituto de Horticultura Terapéutica y Social (IHTS-PE), dirigé par Daniela Silva-Rodriguez Bonazzi, qui offre un programme complet de formation hybride en HT pour les professionnels hispanophones du monde entier, depuis 2014. Mentionnons aussi l’Association péruvienne d’horticulture thérapeutique et sociale (APHTS) actuellement impliquée dans le projet NATURELAB EU PROJECT, un projet de recherche financé par Horizon Europe qui vise à démontrer que les interventions basées sur la nature sont efficaces et devraient être prescrites.

Se former en Italie

Pour compléter notre tour d’Europe, n’oublions pas l’Italie. Quand elle s’est intéressée à l’hortithérapie, Ania Balducci a dû quitter Florence pour aller se former aux Etats-Unis (Horticultural Therapy Institute) et en Angleterre (Thrive). Cet exil lui a donné la motivation pour créer un programme à l’Université de Bologne. En 2021, une première formation courte et hybride, moitié en ligne et moitié en face à face, a eu lieu. Puis le master est lancé en 2022 avec plusieurs formateurs et un terrain d’application dans un parc proche.

Se former aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, l’hortithérapie (horticultural therapy) a gagné une légitimité – bien qu’elle ne soit pas encore suffisamment reconnue et développée – grâce aux formations universitaires. Le premier master d’hortithérapie est proposé en 1955 à la Michigan State University sous l’influence d’Alice Burlingame. Cette pionnière est aussi l’auteur avec Donald Watson d’un premier manuel, Therapy through Horticulture, qui paraît en 1960 et qui est toujours disponible. A partir des années 70, plusieurs universités développent des licences (Bachelor’s or B.S.) et des masters dans cette spécialité. En 1981, on en comptait huit.

Pour en savoir plus sur l’offre actuelle de formations universitaires, voici la page de l’AHTA. En résumé,

  • Colorado State University offre un B.S. in Horticulture with a concentration in Horticultural Therapy
  • Delaware Valley University, un B.S. in Horticulture with Option in Horticultural Therapy
  • University of Florida, unB.S. in Horticultural Science with a specialization in Horticultural Therapy
  • Oregon State University, un B.S. in Horticulture with a concentration in Therapeutic Horticulture
  • Rutgers, the State University of New Jersey, unB.S. in Plant Biology with a specialization in Horticultural Therapy
  • Tennessee Tech University, un B.S. in Agriculture with a concentration in horticulture, with independent study in horticultural therapy
  • University of Tennessee, Knoxville, unB.S. in Plant Sciences, with independent study in horticultural therapy
  • Temple University en Pennsylvanie, un B.S. in Horticulture with option in Horticultural Therapy

Autre voie, les certificats accrédités par l’AHTA et les parcours individuels de formation à l’hortithérapie, listés ici. La référence pour moi dans ce domaine reste le Horticultural Therapy Institute (HTI) où j’ai suivi une formation, non diplômante, dans les années 2010. A savoir que HTI a l’habitude de recevoir des étudiants étrangers (voir l’expérience de Daniela ou d’Ania) et propose par ailleurs des cours en ligne.

Pour comprendre les procédures d’inscription professionnelle de l’AHTA et la liste des connaissances exigées, voici le lien indispensable : « L’AHTA reconnaît et enregistre les hortithérapeutes par le biais d’un programme d’enregistrement professionnel volontaire. La désignation Horticultural Therapist-Registered (HTR) garantit que les compétences professionnelles ont été acquises sur la base d’exigences académiques normalisées et d’une formation professionnelle. »

Sans doute le premier manuel d’hortithérapie au monde à sa publication en 1960
Jay Rice, enseignant au HTI depuis ses débuts, et des stagiaires pendant un cours

Se former au Japon

En 2015, j’avais échangé avec l’universitaire Masahiro Toyoda, considéré comme l’un des principaux experts de l’hortithérapie au Japon. Professeur à l’université de Hyogo, il est lui-même hortithérapeute et chercheur dans ce domaine. Il semble qu’il enseigne toujours actuellement au sein d’un programme de certification en hortithérapie à la Awaji Landscape Planning and Horticulture Academy (ALPHA), unique établissement formant des hortithérapeutes au Japon à être accrédité par un gouverneur de préfecture. Le programme est né en 2002 peu après le tremblement de terre de Hanshin-Awaji de 1995.

Se former en Australie

Je mentionne l’Australie parce que c’est une terre d’aventure pour de nombreux jeunes Français. La Therapeutic Horticulture Association avertit que « En 2022, il n’existe pas de programmes d’enseignement et de formation accrédités dans le domaine de l’horticulture thérapeutique en Australie (selon le cadre de qualification australien). Toutefois, il existe plusieurs ateliers d’introduction et programmes de cours de courte durée proposés par différents établissements d’enseignement publics et privés. Il s’agit par exemple des programmes proposés par des groupes d’État tels que CERES (Vic), Kevin Heinz GROW (Vic) et ACS Distance Education (en ligne).  Une seule matière est proposée sous la forme d’un cours intensif d’une semaine à l’université de Melbourne en septembre (HORT90011 Therapeutic Landscapes).

Voici les liens vers ces formations cités par THA : CERES (Victoria), Kevin Heinz GROW (Victoria), ACS Distance Education et le cours Therapeutic Landscapes de l’université de Melbourne.

Une des formations citées par la THA en Australie

Le chantier européen de Hortus Medicus

Une autre piste de formation à l’hortithérapie, encore en chantier, est le projet européen Hortus Medicus qui rassemble des institutions en Hongrie, en Autriche, en Italie et en Roumanie. « L’objectif du projet Hortus Medicus est de développer un programme complet de formation à la thérapie horticole de 120 heures, comprenant du matériel pédagogique et un contenu d’apprentissage en ligne. Le programme de formation comprend un curriculum et un manuel. Ces deux ressources éducatives fusionneront les philosophies et pratiques existantes et nouvelles dans le domaine de la thérapie horticole. Nous voulons créer une formation innovante qui peut être dispensée de manière traditionnelle, sous la forme d’un enseignement par contact, mais aussi sous la forme d’un apprentissage mixte, avec des parties théoriques en e-learning. » A suivre…

Colleen Griffin : une hortithérapeute indépendante et impliquée

Dans l’état du Maine, aux Etats-Unis

Colleen Griffin a suivi la formation d’hortithérapeute du Horticultural Therapy Institute (HTI) de Rebecca Haller et Christine Capra, formation que j’ai moi aussi suivie en 2010-2011 sans aller jusqu’au titre de Horticultural Therapist Registered comme Colleen qui a été diplômée en 2018. Puis Colleen est devenue co-auteure du blog du HTI, pour lequel j’ai aussi écrit il y a plusieurs années. Pas étonnant que je ressente une sorte de camaraderie par association avec Colleen. Quand j’ai lu son dernier billet intitulé « Dormance : la réponse de la nature aux jours sombres de l’hiver », j’ai été très touchée par les idées qu’elle exprimait. J’ai eu envie de discuter avec Colleen et de lui consacrer ce premier billet dans mon voyage autour du monde de 2022.

Colleen Griffin

Il y a quelques jours, alors que l’état du Maine où elle vit se remettait d’une forte tempête de neige, nous avons passé un moment très cozy sur Zoom pour parler de son parcours et de ses projets dont celui qui l’occupe tout particulièrement pour les Dempsey Centers for Quality Cancer Care. Pour les fans de Grey’s Anatomy, le nom de Patrick Dempsey évoquera le personnage du Dr. Derek Shepherd. C’est en honneur de sa mère touchée par le cancer que l’acteur a fondé et reste très impliqué dans cette association caritative qui accueille et soutient les patients et leurs proches.

Quant à Colleen, voici comment elle résume son parcours. « Après une carrière de 25 ans dans le domaine de la santé, j’ai décidé qu’un changement était nécessaire. J’ai suivi mon cœur et me suis inscrite à des cours d’horticulture dans un community college local. C’est à partir de là que j’ai découvert l’hortithérapie et que j’ai suivi la formation du HTI dans le Colorado. J’ai obtenu mon HTR en 2018 et j’ai depuis travaillé avec des adultes et des enfants ayant des besoins spéciaux dans des programmes professionnels et développementaux/comportementaux. Depuis 4 ans, je suis affiliée aux Dempsey Centers for Quality Cancer Care, qui servent non seulement les personnes ayant reçu un diagnostic de cancer, mais aussi leurs familles et leurs soignants. Mon travail avec Dempsey est axé sur la réduction du stress basée sur la pleine conscience. » 

Mais ce n’est pas tout. Colleen s’implique dans deux organisations professionnelles dédiées à l’hortithérapie ainsi que dans la formation.  « Je fais partie de l’équipe de programmation de la conférence de l’American Horticultural Therapy Association – AHTA (prochaine conférence 8-10 septembre à Kansas City). Je suis actuellement coordinatrice des membres du North East Horticultural Therapy Network (NEHTN) et j’organise le bulletin trimestriel de ce réseau. Récemment, j’ai commencé à enseigner dans le cadre du programme bénévole des maîtres jardiniers (master gardeners) de l’Université du Maine Cooperative Extension. »

Cancer, nutrition et pleine conscience

Depuis une dizaine d’années, le Dempsey Center cultive un jardin avec l’aide de master gardeners comme ceux formés par Colleen. La production sert à des cours de cuisine thérapeutique en plus d’être distribuée aux patients pour encourager une alimentation saine et équilibrée. Devant quitter son emplacement original, ce jardin a trouvé refuge dans un nouveau lieu appartement au YMCA d’Auburn l’année dernière. C’est à Colleen que le Dempsey Center confie alors la conception du jardin communautaire et d’un jardin thérapeutique attenant. Dans cette partie qu’elle rend accessible aux personnes à mobilité réduite, elle installe des bacs et une longue table de travail pour jardiner à hauteur. 

En 2021, ce sont les herbes aromatiques et un jardin sensoriel qui ont été le principal objectif. Grâce à une structure couverte et à six tables, les activités d’hortithérapie peuvent se poursuivre par tous les temps car le Maine a un climat assez rude et imprévisible. Colleen espère que cette année, le projet va continuer à mettre des racines, notamment avec un jardin d’herbes médicinales. « Mais Rome ne s’est pas construite en un jour, » rappelle-t-elle. D’ailleurs, un autre projet ambitieux est de transformer une partie du terrain en espace naturel avec des pollinisateurs et des plantes indigènes. « Cette partie restera plus sauvage et pas accessible en fauteuil. Mais ce sera un lieu pour les familles. »

Jardin thérapeutique en devenir, nivellement et préparation du terrain appartenant au YMCA.
Le jardin thérapeutique en cours d’installation au printemps 2021 dans le jardin communautaire qui l’entoure. Il contient deux lits surélevés et deux jardinières accessibles aux fauteuils roulants, fixées à une table de travail.

Le jardin thérapeutique du Dempsey Center s’adresse aussi aux soignants, pour une pause dans leur quotidien. Colleen reçoit également des enfants de personnes malades ou des enfants endeuillés. « Avec des groupes de 8 à 18 ans, ce n’est pas toujours facile ! En mai dernier, nous avons commencé avec des plantations d’haricots verts et de concombres. Les enfants peuvent venir au jardin quand ils veulent. »

Jardiner n’est pas toujours rattaché à un lieu partagé, la Covid nous a appris à être adaptable. Cet hiver, Colleen a participé à une « Cabin fever series », un programme de wébinaires associant quatre professionnelles, une diététicienne, une prof de pleine conscience, une prof d’exercice adapté et une hortithérapeute. « Pour des patients qui ne pouvaient pas se déplacer, les conférences en ligne représentaient un grand intérêt. Une femme a participé depuis l’hôpital pendant une chimiothérapie. Une mère malade et sa fille adolescente ont apprécié de ne pas parler de maladie le temps de cet échange. » 

Dans cette vidéo, Colleen vous invite à une visite du nouveau jardin et vous raconte l’histoire de sa création. 

Le jardin sensoriel se trouve dans une jardinière surélevée. Attachée à la jardinière, une activité de pleine conscience auto-guidée que les visiteurs peuvent pratique avec les plantes devant eux.
Le jardin thérapeutique du Dempsey Center sa première année

Les origines d’une vocation

C’est l’accident de la route de son fils et sa longue convalescence qui a ouvert les yeux de Colleen sur le pouvoir thérapeutique du jardin. « Le jardin est un endroit rassurant où on peut démêler ses émotions. La nature ne porte pas de jugement et vous accepte. On peut reprendre confiance. Guérir est une longue route pleine de virages. J’ai constaté qu’il y a une différence énorme entre ce que la communauté médicale appelle être guéri et le fait d’aller vraiment mieux », explique Colleen dans une émission du podcast « Ah ha moment ». Ce podcast présente le parcours de plusieurs hortithérapeutes et leur « ah ha moment », le moment où ils ont pris conscience de l’intérêt des jardins thérapeutiques et de l’hortithérapie. Je vous encourage à écouter d’autres épisodes pour découvrir les histoires de Christine Capra, Matt Wichrowski, Pam Catlin, John Murphy, Patty Cassidy et bien d’autres.

L’accident de son fils impulse une envie de changement. Le jardin l’attire naturellement car elle pressent son intérêt thérapeutique. Quand elle parle à un de ses enseignants d’horticulture de cette intuition, elle s’entend répondre : « Ce que tu décris, c’est l’hortithérapie ». Et une hortithérapeute est née.

Hortithérapeute, une profession toujours en devenir

« En 2018, nous étions deux hortithérapeutes dans le Maine, dont Kathy Perry qui a été ma superviseuse de stage pour devenir HTR. Aujourd’hui, nous sommes quatre et bientôt cinq. A mes débuts, j’ai frappé à de nombreuses portes sans succès. J’ai été très heureuse que le Dempsey Center me donne une chance. Je pense que de plus en plus d’organisations voient l’intérêt de l’hortithérapie pour les gens qu’elles accueillent »,  constate Colleen. « La pandémie a changé notre vision de ce qui est thérapeutique. J’aimerais que tous les jardins communautaires, comme ceux dans lesquels travaillent les master gardeners, aient un jardin sensoriel. Dans cette crise, nous avons tous subi des traumatismes, des deuils, des pertes et de l’isolement. Le jardin peut nous aider à traverser la pandémie. »

Depuis la France, nous pourrions avoir l’impression que les hortithérapeutes ont la belle vie aux Etats-Unis, que la pratique est acceptée à bras ouverts. Le parcours de Colleen démontre que rien n’est jamais acquis. « J’ai rencontré une hortithérapeute de Seattle sur la côte ouest des Etats-Unis. J’avais l’impression que là-bas, l’hortithérapie était bien plus avancée. Mais finalement, non. » D’ailleurs, n’est-ce pas peut-être dans cet esprit un peu rebelle et hors des clous, toujours en lutte tranquille, que l’hortithérapie se joue ? 

En tout cas, partout les hortithérapeutes cherchent à se rassembler. Aux Etats-Unis, cette envie a pris la forme de huit réseaux régionaux de l’AHTA il y a plusieurs années. Après une période où les réseaux sont devenus indépendants de l’AHTA, il y a actuellement un mouvement pour rassembler de nouveau les deux niveaux d’organisation, national et régional. Colleen fait partie de ces chevilles ouvrières du rapprochement. « C’est important d’avoir une organisation nationale plus forte sans perdre l’identité des réseaux régionaux », explique-t-elle. Colleen représente le nord-est des Etats-Unis auprès de l’AHTA tout en s’impliquant dans le North East Horticultural Therapy Network (NEHTN). « Je me suis engagée dans le NEHTN à un moment où beaucoup d’anciennes partaient. Cela m’apporte beaucoup car nous partageons les mêmes questionnements. Nous avons quatre réunions par an et de nombreux échanges. » Pour rappel, l’hortithérapie, c’est connecter les humains – dont les hortithérapeutes – et les plantes.