Une thérapeute horticole et une armée de bénévoles

Anne McMinn pendant une des ventes de plantes qui aident à financer son programme.

Au Napa Valley Hospice Adult Day Services (NVHADS), Anne McMinn a de la chance. Une armée de bénévoles l’aident à encadrer les participants, des personnes âgées souvent frêles ou dans les stades précoces de la maladie d’Alzheimer, mais aussi des personnes plus jeunes ayant souffert un traumatisme crânien ou atteintes d’une lésion de la moelle épinière. Le centre dispose aussi d’une équipe complète de kinés, ergothérapeutes, orthophonistes et travailleurs sociaux.

Les participants fréquentent en principe le service cinq jours par semaine de 10h00 à 15h00. Ils ont un choix d’activités comme des discussions sur l’actualité ou un programme intitulé « voyage en fauteuil » au cours duquel ils regardent une vidéo sur une destination et en discutent ensuite.  Et bien sûr la thérapie horticole. « J’aime le fait que les participants ont la dignité du choix », affirme Anne. Son programme compte entre 20 et 25 participants réguliers. « On voit qui est là et on les invite à venir. On apprend à bien connaître les gens. » Peu de temps après avoir lancé le programme en 2005 à son arrivé à Napa (la région vinicole principale de la Californie), Anne a constaté que des bénévoles avaient envie de participer.

« J’ai maintenant 9 bénévoles. Pour chaque séance, j’ai 3 ou 4 bénévoles et 4 ou 5 participants. On peut ainsi travailler individuellement avec chacun pour que les participants en retirent un maximum. Un facteur important est la sécurité. On doit se tenir prêt à intervenir sans faire l’activité à la place de la personne. Pour les personnes qui souffrent de démence, elles pourraient regarder dans le vide pendant toute la séance si on n’engageait pas leur attention individuellement. »

La plupart des bénévoles ne sont pas formés à la thérapie horticole, à part une nouvelle recrue. Mais tous sont des jardiniers accomplis. « Il faut avoir de la patience, de l’humour et être capable d’adapter l’activité à la personne et à son rythme. Il y a une composante importante de formation. Tous les deux mois, nous déjeunons ensemble et c’est une autre occasion de faire des mini formations. »

Les participants peuvent travailler debout ou assis.

« Nous plantons, nous taillons, nous mettons de l’engrais, nous récoltons dans nos platebandes surélevées et des barriques coupées en deux. J’essaie d’avoir une variété de légumes, d’herbes et de fleurs comme dans un jardin personnel pour que chacun y trouve quelque chose. Si nous sommes à l’intérieur, nous faisons de la propagation, nous semons, nous faisons des pots-pourris, des fleurs séchées, un bingo avec des plantes. Trouver de nouvelles idées est toujours un défi », décrit Anne. En plus de ses bénévoles, Anne compte sur la générosité d’une association caritative locale, un club de femmes dédié à l’art et au jardin, pour financer son programme. Comme beaucoup d’autres thérapeutes, elle génère aussi quelques centaines de dollars avec des ventes de plantes.

Anne a accès au projet thérapeutique des participants et peut s’assurer que ses activités complètent les objectifs fixés par les autres thérapeutes. « Les bénéfices principaux pour les participants sont de sortir respirer et d’être au grand air et au soleil. Pour les patients atteints d’Alzheimer, une activité comme couper les fleurs fanées peut ramener des souvenirs. » La thérapie horticole est une des activités qui permet d’entretenir l’état général des patients,  « de les garder fonctionnels aussi longtemps et à un niveau aussi élevé que possible ».

Un patient qui est schizophrénique et souffre d’hallucinations auditives aime venir jardiner car l’activité l’aide à rester connecté avec la réalité et à se concentrer. Un autre qui manque de confiance en lui a constamment besoin d’encouragements. « Travailler dans le jardin engage les sens, ça fait du bien », conclut Anne.

Des enfants maltraités aux personnes âgées fragilisées

Patty Cassidy

Patty Cassidy est venue à la thérapie horticole par le biais de l’éducation. D’abord enseignante en primaire et conseillère d’orientation dans une université, elle obtient une maitrise en thérapie (counseling) et devient conseillère d’éducation dans un lycée. Quand elle découvre la thérapie horticole, elle peut enfin fusionner ses multiples intérêts en une profession qui la comble.

Comme Anna Schopp que nous avons rencontrée la semaine dernière, Patty a suivi une formation au Legacy Health System à Portland où elle vit. Elle obtient son « certificate » en 2007, puis devient une « registered horticultural therapist » en 2009 sous la houlette de Teresia Hazen. Teresia est une des figures les plus connues et les respectées du mouvement de la thérapie horticole et des jardins thérapeutiques.

Depuis, Patty applique ses connaissances auprès de deux groupes de participants bien différents, des personnes âgées dans des maisons de retraite médicalisées et de très jeunes enfants maltraités. Des participants à deux extrêmes de la vie, mais qui trouvent tous des bénéfices à travailler avec la terre, à faire pousser des plantes et à récolter le fruit de leurs efforts.

Les personnes âgées sèment des graines, confortablement assises

« Les maisons de retraites embauchent des gens comme moi pour aider leurs résidents à jardiner. Dans les maisons où j’interviens, je travaille avec des résidents frêles, mais capables de travailler dans le jardin et je vois aussi des résidents dans des unités spécialisées dans la maladie d’Alzheimer et la démence », explique Patty qui, en tant que travailleuse indépendante, intervient dans plusieurs établissements.

« Avec les résidents dans l’unité mémoire, les activités sont à l’intérieur et sont programmées en fonction de la saison. A Noël par exemple, j’amène des paniers pleins de cônes. On discute des différences et des similarités entre les cônes. Cela encourage les souvenirs. L’été, je peux amener des légumes du marché. On parle de la façon dont ils préparaient ces légumes », explique la thérapeute. Les personnes âgées qui sont plus indépendantes travaillent dans le jardin dans des platebandes surélevées (raised beds). « Nous plantons et semons des légumes, des herbes et des fleurs. Pour les légumes, ce sont surtout des choses que nous pouvons manger crues comme des tomates, des radis. Avec des poivrons et des tomates, nous pouvons une salsa sans cuisson. »

Une activité avec des fleurs séchées en maison de retraite.

Les bénéfices pour les participants coulent de source. « Ils sont dehors et au soleil. L’activité les fait sortir de leur chambre et rompt l’isolement. Ils font quelque chose ensemble, ce n’est pas comme regarder la télé. Il est plus difficile de mesurer les bénéfices physiques. Ils ne font pas un travail très physique. Mais ils se passent des objets, ils ont les mains dans la terre », explique Patty.

Les enfants maltraités avec lesquels travaillait Patty Cassidy adorent le moment de la récolte.

Les enfants avec lesquels travaillait Patty une fois par semaine étaient très jeunes (ce programme est pour l’instant arrêté par manque de financement). Ils avaient entre 3 et 6 ans et vivaient souvent dans une famille d’accueil. Le programme dont lequel intervenait Patty fait partie d’une agence composée de thérapeutes, d’assistantes sociales et d’enseignants spécialisés qui fixent des objectifs thérapeutiques à chaque enfant.

« Beaucoup avaient peur de la nature, les insectes étaient des ennemis. Au début, j’avais beaucoup de mal à les empêcher d’essayer de tuer les araignées ou les papillons. Ils ont dû apprendre à venir se confier à un adulte s’ils avaient peur, parfois nous devions enlever la bestiole. » Une autre technique consistait à observer les insectes dans un bocal en verre avec une loupe, en toute sécurité. Patty expliquait aux enfants en quoi chaque insecte est bénéfique.

Chaque enfant avait un petit carré de terre où il plantait des tournesols, des radis, des baies (framboises, myrtilles, fraises). Des pommes de terre étaient plantées dans des grands containers. « Je leur apprenais à récolter sans arracher la plante. Ils aimaient plonger les mains dans la terre des containers et en retirer les pommes de terre. Ils étaient ravis. » Si un oiseau passait dans le ciel, il devenait un sujet de discussion. « Mon objectif était de les mettre à l’aise avec la nature, de les rendre plus observateurs. Je voulais qu’ils soient heureux dehors. Je voulais aussi mettre de la beauté dans leur vie. »

Les enfants plantaient des fleurs, des légumes, des fruits.

« Il fallait prendre quelques précautions. Tous les outils étaient en plastique car ils se tapaient parfois dessus. Il fallait toujours faire attention que la porte du jardin soit fermée. Les séances étaient souvent chaotiques et chaque enfant était différent en fonction de sa journée.»

Patty a assez à faire et ne cherche pas à essaimer ses programmes dans d’autres lieux. Elle est d’ailleurs aussi occupée par le projet Friends of the Portland Memory Garden qu’elle préside. Ce jardin ouvert au public a été conçu pour les personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer et de démence. Avec ses fleurs et ses plantes des quatre saisons, il est propice à la stimulation des sens et des souvenirs. Les aidants sont aussi encouragés à venir s’y ressourcer. Elle a également écrit un livre intitulé Gardening for seniors. Pas étonnant qu’elle soit très occupée…