Les jeunes jardiniers du centre social Cerise et autres jardiniers urbains

Quand le jardin « soigne » les citadins…Pendant les dernières vacances scolaires, le centre social Cerise dans le 2e arrondissement de Paris a proposé une activité inédite aux jeunes. Toujours très inventive, l’équipe d’animation a en fait décidé de mêler deux activités : le jardinage et le graf. Côté jardinage, c’est une bénévole qui s’occupe déjà des plantes, de plus en plus présentes dans la cour intérieure du centre, qui a été mise à contribution pour transmettre à une douzaine de jeunes de 8-11 ans les gestes de semer et de planter.

IMG_7289« Nous avons d’abord eu l’idée de faire un mur végétal avec des palettes. Mais finalement, nous avons décidé de faire des jardinières suspendues devant une toile avec des grafs », explique Marie-Hélène, la jardinière des lieux. « J’ai acheté quelques plantes et j’en ai récupérées dans la nature. Les plantes fleuries étaient nécessaires pour rendre le projet attrayant. On a ajouté de la menthe et de la mélisse pour l’odorat et le toucher. C’était aussi pertinent d’ajouter des tomates cerises et des fraisiers que les jeunes ont plantés dans des bouteilles d’eau coupées et customisées qu’ils ont remportées chez eux. » Ce weekend, j’ai rencontré par hasard une des jeunes jardinières qui s’apprêtait à manger ses premières fraises et semblait très heureuse de cette expérience.

Les plantations à ramener à la maison

Les plantations à ramener à la maison

Pendant 5 jours, les jeunes ont donc créé leur projet collectif qui trône aujourd’hui sur un mur de la cour. Mais ils sont aussi sortis hors des murs, pour visiter plusieurs murs végétalisés dans le quartier ou pour se promener au marché aux fleurs sur l’ile de la Cité toute proche. « On a parlé du nom des fleurs. J’ai l’impression que certains savaient déjà planter. On sentait une envie de conseils et un enthousiasme », continue Marie-Hélène. Une initiative qui fait chaud au cœur dans un arrondissement assez « minéral » comme on dit.

 

 

Les jardiniers urbains sont-ils un marché?

En écho, dans le même pâté de maisons, signalons l’implantation depuis plusieurs années déjà de la boutique Macadam et Tournesol, « éco-boutique urbaine qui vous fait réfléchir et agir ». La boutique répond aux envies des urbains de jardiner, même dans des espaces réduits, même en intérieur avec une gamme de produits légèrement bobos comme ces jardinières suspendues ou ces modules pour créer son propre mur végétal. Certains s’adressent tout particulièrement aux enfants comme la gamme de Radis et Capucine. On semble là dans un rapport à la nature packagé par le marketing, mais si des enfants des villes y trouvent un premier contact qui les attire…

Un stand à Jardins, Jardin

Un stand à Jardins, Jardin 2015

C’est un peu le même esprit qui règne à l’événement Jardins, Jardin. Sans cracher dans la soupe (j’avais été invitée à participer à une table ronde sur le thème des jardins de soin pendant la Journée des Pros aux côtés du docteur Thérèse Jonveaux du CHU de Nancy, de Bethsabée de Gunzbourg de l’association Jardins et Santé et d’Etienne Bourdon de O Ubi Campi, une initiative qui mériterait un autre billet et qui montre que le jardin de soins intéresse de plus en plus), il me semble que le besoin de nature s’est métamorphosé en un marché ciblant des clients bobos avec des objets très design, très beaux, un peu aseptisés. A côté des grands créateurs de jardins, l’événement accueille des sociétés qui proposent des jardinières livrées à domicile (« rapide et sans effort »), des bassins-potagers aquaponique à installer même dans de petits espaces, des poulaillers urbains,…On sent bien le besoin de connexion avec la nature et le vivant chez beaucoup d’urbains. Je suis contente qu’il soit de plus en plus pris en compte. Mais on peut aussi aller chez son quincailler local, acheter un paquet de graines, du terreau, une jardinière et hop ! On peut aussi récupérer comme le fait la jardinière de notre immeuble.

Le compostage en ville : nouvelle initiative

Compostage urbain

Compostage urbain

Macadam et Tournesol propose également des ateliers de toutes sortes : créations d’objets en carton, compostage,…Le compostage justement, reparlons-en avec Damien Houbron, le maitre-composteur qui a suivi l’installation du lombricompostage dans notre immeuble, et son association J’aime le Vert. La semaine dernière, l’association et ses partenaires inauguraient un pavillon de compostage dans le Square Héloïse et Abélard dans le 13e arrondissement de Paris. Le projet a été initié et porté par le Conseil de Quartier Bibliothèque – Dunois – Jeanne d’Arc. « Ce composteur de quartier, animé par l’association « J’aime le Vert » pourra concerner jusqu’à 200 foyers volontaires et situés à proximité (environ 250 mètres) du square Héloïse et Abélard. Chaque foyer volontaire recevra gratuitement un bio-seau (petit récipient de 7 litres) qu’il pourra vider dans un bac de 25 litres installé en bas de son immeuble. Deux fois par semaine, un salarié de l’association « J’aime le Vert » viendra chercher le bac plein et le remplacera par un bac propre. » Une autre façon de composter en ville en plus du programme de compostage collectif en pied d’immeuble.

 

Le jardin de Steve et Gail rayonne dans leur vie

Steve et Gail dans leur jardin

Tout est lié. Planter des tomates a changé la vie de Steve et de Gail. Tous les deux à la retraite, ils vivent dans la région de San Francisco. Ils décident il y a quelques années de remplacer le gazon par des légumes dans le jardin qui s’étale devant leur maison dans les collines. « J’ai grandi à la campagne. Nous avions un jardin, des animaux. Tripoter la terre me manquait », avoue Steve qui a passé sa carrière à gérer des parcs publics dans la région. « J’aime manger et il n’y a rien de plus satisfaisant que de faire pousser sa nourriture », explique Gail qui était enseignante. « Les plantes qui se mangent ne sont pas seulement bonnes pour des questions de durabilité. Elles servent à quelque chose tout en étant belles. »

En lisant des livres, en feuilletant des catalogues de plantes, en se renseignant sur Internet, ils s’ouvrent à la diversité extraordinaire à leur disposition. De nombreuses variétés de tomates (« elles ont toutes une personnalité différente », affirme Gail), des courgettes, des fèves, des poivrons, des aubergines, des concombres, des betteraves, des salades et toutes sortes d’herbes. Dans le verger poussent des figuiers, des pêchers, des abricotiers, des poiriers, des grenadiers, des kakis.

Les deux jardiniers autodidactes sont fiers de cultiver sans utiliser de produits chimiques, ni trop d’eau. « Le sol n’est pas très riche. Nous y ajoutons du fumier de poulet et les feuilles de nos chênes transformées en paillis. Pour lutter contre les limaces, nous utilisons des « bateaux à bière, des bouteilles en plastique coupées en deux et remplies de bière », explique Steve. « Nous avons planté de la lavande pour attirer les abeilles. » Un des plaisirs du jardinage pour ces deux retraités actifs (ils font de la marche, du vélo et de la natation et voyagent beaucoup) est la sensualité. « Dans un monde où tout est électronique, la terre et le toucher sont un plaisir ».

Gail place le jardin au centre de son existence et considère le jardinage comme un style de vie. A partir des merveilleux produits biologiques de son jardin, elle a commencé à explorer de nouvelles recettes et à faire des conserves. De fil en aiguille, elle a fait son fromage et son pain. Les conserves font de merveilleux cadeaux à partager autour d’elle.  Explorer de nouvelles espèces mène à des découvertes et, depuis quelque temps, ils ont appris à conserver les graines pour ensemencer l’année suivante. Ils ont également appris à amender le sol et à préparer leurs plants.

Comme ils ont plus de plants qu’ils ne savent quoi en faire, ils les partagent avec des amis. « Nous avons une vingtaine de personnes avec qui nous partageons un intérêt pour le jardinage. Nous échangeons beaucoup de choses. Dernièrement, Steve a aidé trois jeunes ados qui s’intéressaient au jardinage », raconte Gail. Le jardin est également une inspiration pour leurs voyages. « Nous sommes allés en Italie, en Provence pour faire l’expérience de leurs produits et de leur cuisine. Le jardinage est aussi une source d’exercice, une occasion d’être dehors et une source de beauté. »

Le meilleur moment pour rendre visite à Steve et à Gail est quand les tomates sont mûres. On les déguste directement dans le jardin avec une pincée de sel, gorgées de soleil. Et voilà l’essence du jardinage selon eux : des produits qui sont beaux et bons et offrent un moment de partage.

Récolte de tomates

Le syndrome d’Asperger au contact de la terre

The Gardens at Heather Farm est un jardin paradisiaque à une quarantaine de minutes de San Francisco en Californie. Une jardinière et une armée de bénévoles entretiennent de magnifiques jardins de 2,5 hectares sans recourir à des produits chimiques et en économisant l’eau, véritable défi dans cet état toujours au bord de la sécheresse chronique. En déambulant dans la propriété, on découvre de nombreux univers : un jardin de roses, un jardin mural, un autre conçu pour attirer les papillons, un autre encore mettant en avant des plantes indigènes. Dans le jardin des sens, on trouve souvent des écoliers en train de toucher et de sentir des plantes qui poussent à leur portée. L’association qui gère les jardins organise de nombreux ateliers pour les jardiniers de la région.

Plusieurs fois par mois, un groupe très spécial vient se ressourcer dans les jardins de Heather Farm. Une demi-douzaine de jeunes lycéens atteints du syndrome d’Asperger, un diagnostic dans la partie haute du spectre de l’autisme encore peu reconnu en France, quittent leur école pour retrouver Patrice Hanlon, la jardinière en chef à Heather Farm qui est aussi une thérapeute horticole certifiée. J’ai récemment suivi le groupe de six garçons pendant leur matinée dans les jardins.

Première mission, débarrasser leur jardin potager des escargots qui s’attaquent aux feuilles de salade. La tâche devient un jeu et chacun s’écrit de bonheur quand il découvre une colonie d’escargots sous une feuille. Les garçons, âgés de 15-16 ans, travaillent avec enthousiasme. Un des bénéfices de leur passage à Heather Farms est l’interaction avec les bénévoles adultes qui s’affairent autour d’eux dans les jardins. Ils se saluent et échangent quelques mots. D’ailleurs les escargots collectés sont offerts à une des bénévoles qui s’en servira de déjeuner pour ses poules.

Deuxième tâche, récolter quelques salades et les laver pour les ramener à l’école. Les participants font l’expérience agréable de récolter le fruit de leur travail. C’est un moment de grande satisfaction qui a des ramifications en dehors des jardins. Dans un troisième temps, ils rentrent à l’intérieur pour terminer un projet manuel. Ils découvrent des fleurs qu’ils ont mises sous presse quelques semaines plus tôt. Avec ces fleurs séchées, ils fabriquent des cartes pour la fête des mères. Pendant toutes les activités, Patrice leur parle des plantes, leur posent des questions. Les participants sont enthousiastes, visiblement heureux d’être là.

Erica est leur professeur à l’école et les accompagne à Heather Farm. « Je pense que tous les étudiants tirent profit du programme de façons différentes. C’est bon pour tout le monde d’être dehors et au soleil. Certains ont découvert un intérêt pour le jardinage qu’ils ont étendu au-delà du temps qu’ils passent à Heather Farm. Pour certains, l’avantage est de pratiquer un travail physique, de se salir les mains. Ils acquièrent aussi beaucoup de connaissances qui leur serviront de base pour le cours de botanique qu’ils vont suivre plus tard », explique Erica. « C’est aussi une bonne expérience professionnelle car nous cherchons à augmenter leur tolérance au travail pour qu’ils ne soient pas frustrés dans leurs futurs jobs. » Elle est heureuse que ses étudiants, comme n’importe quels jeunes, fassent une expérience nouvelle et découvrent un monde qu’ils ne connaissaient pas.