Sébastien Guéret de Formavert : la nature à l’état brut

Sébastien Guéret (en orange) pendant une formation.

Sébastien Guéret (en orange) pendant une formation.

La semaine de Sébastien Guéret a commencé par un coup de colère. « Je viens de voir un appel d’offre pour la réalisation d’un jardin thérapeutique dans un EHPAD en Bretagne. Le projet comprend du gazon synthétique et un parcours du combattant ! », s’énerve le jardinier et formateur. « Je vois beaucoup de jardins dits thérapeutiques qui vont à l’encontre de ce qui est bon au jardin. Beaucoup de projets léchés où il ne reste rien à faire pour le résident. On continue à avoir une vision de la nature à domestiquer, à maitriser. » Il n’a fait ni une, ni deux. Pour partager le fond de sa pensée, il a immédiatement écrit au directeur de l’établissement.

Technicien supérieur du paysage, Sébastien a travaillé dans des entreprises de paysagisme avant de se frotter à la formation à la Fondation d’Auteuil où il a enseigné l’horticulture à des jeunes en difficulté pendant une dizaine d’années. « Pendant des années, j’ai taillé des haies comme un maçon monte un mur en parpaings, sans prendre en compte le végétal. A la Fondation d’Auteuil, j’ai continué à utiliser le support de manière inconsciente sans soupçonner son potentiel. » Tout bascule pour lui alors qu’il prépare une licence en ressources humaines. Mais surtout peut-être quand sa grand-mère entre en maison de retraite.

« Jusqu’à l’âge de 10-12 ans, j’ai vécu en immeuble à Paris. Le jardin, c’était le jardin de ma grand-mère en Normandie. Quand elle est entrée en maison, elle a été privée de jardin et je me suis dit qu’il fallait que j’aille jardiner en maison de retraite. » Ses explorations l’amènent à découvrir Anne Ribes, Suzanne Ménézo, Jocelyne Escudero, les cours de Jean-Luc Sudres à l’université de Toulouse. C’était en 2006. Il articule sa pensée sur les bénéfices de l’hortithérapie au moment où il crée sa société de formation en horticulture, Formavert. « Je voulais mener de front deux activités : la formation professionnelle pour les paysagistes, les collectivités locales ou les vendeurs en jardinerie d’un côté et de l’autre des activités d’hortithérapie. Je n’ai pas peur de ce mot-là. »

Assez vite, il lance un atelier de jardinage dans un établissement qui reçoit des autistes et entre en pourparlers pour d’autres projets (une maison de retraite, un foyer pour jeunes filles en difficulté). Mais quelques mois après le lancement de Formavert, un accident de moto l’arrête dans son élan. Quand il est en mesure de repartir, son activité s’oriente vers la formation professionnelle, y compris des formations pour des adultes handicapés travaillant en ESAT (Etablissement et service d’aide par le travail). « L’enseignement porte sur des techniques classiques de réalisation et d’entretien des parcs et jardins, mais il est adapté au public. » Quant aux ateliers d’hortithérapie, ils passent au second plan car, si les établissements se montrent très intéressés, ils ont du mal à débloquer des fonds.

Lors d'une formation menée avec le Réseau des Jardins Solidaires Méditerranéens

Lors d’une formation menée avec le Réseau des Jardins Solidaires Méditerranéens

Mais jardiner pour améliorer le bien-être est une idée qu’il n’abandonne pas. Il rejoint le Réseau des Jardins Solidaires Méditerranéens et propose ses services en tant que bénévole et formateur. « On a développé plusieurs formations professionnelles. L’une s’appelle « Créer et Animer un Jardin en partage », l’autre « Découverte de l’Horticulture Thérapeutique » qui vient de tenir sa troisième session », explique Sébastien. Les participants, venus de toute la France, ont des parcours et des objectifs variés. « A la première session, ils avaient entendu parler de l’idée et avaient des projets. Pour cette session, la moitié des 15 participants animent déjà un jardin dans un hôpital, dans une structure médico-sociale ou dans l’éducation. »

Une éducatrice spécialisée propose des ateliers nature à des handicapés mentaux. Un aide médico-psychologique (AMP) a déjà créé un jardin dans son établissement et un autre dans sa commune pour fédérer plusieurs établissements. « Ils viennent confronter et conforter leurs idées. Ce qui est compliqué est de contenter tout le monde malgré les horizons différents. On est à cheval sur le milieu horticole et le milieu de la santé. » En plus de ces formations à travers le Réseau des Jardins Solidaires Méditerranéens, Sébastien anime toujours quelques formations intra-entreprises, parfois aux côtés d’Anne Ribes.

Sébastien est adepte des siestes dans les arbres (ici dans un érable japonais)

Sébastien est adepte des siestes dans les arbres (ici dans un érable japonais)

En tout cas, ses idées sur les bienfaits de l’hortithérapie – et les fausses routes à éviter – sont claires. « C’est jardiner, ou co-jardiner, qui fait tout l’intérêt. Si on crée un jardin pour sortir les résidents et qu’il n’y a rien à faire, où est l’intérêt ? C’est déjà bien de sortir, mais pas suffisant. Nous sommes coupés de la nature, notre environnement est une pièce carrée avec des sols lisses et javellisés. L’environnement de l’homme était la forêt il n’y a pas si longtemps. Mais c’est loin dans notre tête et dans notre cœur. Mon rôle d’animateur est d’aider les gens à retrouver le lien intime au jardin. »

Dans le jardin thérapeutique, les critères d’esthétisme ne doivent pas être déterminants.  C’est l’aspect pratique – la circulation, l’accessibilité, un coin de repos, un coin pour l’accueil – qui doit primer. « Il faut quelque chose de plus proche de la permaculture, une diversité aussi riche que possible », milite encore Sébastien. « Le jardinier au sens noble du terme est à l’écoute de son jardin. Il peut être un amateur, mais il est plus éclairé que je ne l’ai été pendant des années. Au jardin, on est tous des malades, on a tous des manques. »