Des enfants et des vers de terre

IMG_5515Tous les jeudis, on peut trouver Mary Dyson dans le minuscule jardin des Petits Pois, une crèche parentale du 2e arrondissement à Paris. Nous avions déjà rencontré Mary dans son rôle de militante locale pour la cause du compost (projet auquel je suis très heureuse de participer depuis plusieurs mois, aller ajouter nos déchets organiques dans les bacs de l’immeuble de Mary me remplissant d’une joie très concrète). Comme promis, elle m’a fait visiter le jardin il y a quelques jours. Les enfants n’étaient pas là, mais tout le monde qui passait dans cette rue du Sentier mettait le nez à la porte avec curiosité. Pour Mary, c’est simple. « J’aime jardiner, je trouve que c’est un remontant. Et j’aime les enfants. » Amener un jardin à ces petits citadins privés de nature est une évidence pour elle. Ce qu’ils aiment par-dessus tout : les vers de terre que Mary leur apporte et arroser leur jardin.

Je vais partager un texte que Mary a écrit l’été dernier pour raconter l’expérience de reprendre ce jardinet entouré de hauts murs. C’est en anglais et je prends le parti de ne pas le traduire ! Depuis l’été dernier cependant, les choses ont encore évolué : de nouveaux bulbes de l’association La Main Verte, de la menthe apportée par un restaurant marocain voisin qui a bien pris, le jasmin d’hiver et le forsythia qui commencent à former une arche autour d’une ancienne porte que Mary rêve d’ouvrir de nouveau pour rendre le jardin plus visible, plus aéré, plus ouvert. Comme dans tous ses projets et combats, Mary avance avec détermination.

Small is beautiful by Mary Dyson

On learning how to make a garden for La Crèche Parentale de Sentier from a patch of earth (3. 30 X 2.60m) fenced and walled (height of lowest wall 2.90 cm).

SUMMER/ AUTUMN 2012 The plot is already planted with tomato seedlings, radishes, a gooseberry bush, salvia, mint, wild strawberries and calendula. It has a walkway of wooden boards to keep the children (maximum of four at a time, always with two adults) out of the pervasive mud. We ask the Mairie de Paris for advice and are recommended to combine terreau (which in November they give us, with a sack of 50 mixed bulbs) and sand (which we acquire in October).

We also buy a small plastic pond for a papyrus, and a bamboo. (The latter eventually drowns from overwatering; the papyrus thrives from ecstatic drenches and, veiled, survives the winter). Next best to watering and longest in holding attention is the weekly supply of vers de terre from the local compost collective. We help the children – with metal spoons – to dig a hole for a plant or a bulb and a worm and to bed them down together. But 80 percent of the bulbs are planted by les grandes personnes.

In September we return to tomatoes and morning glories in tangled profusion. Marigolds from the neighbours upstairs and radishes have not taken, nor a clematis armandii. The children marvel at the tomatoes but are not allowed to eat anything from the garden until we have advice on soil pollution from the Agence d’Ecologie Urbaine. We begin the autumn ritual of broadcasting windborne seeds of wild impatience, morning glories, bullrush, vetch and wild sweet peas, hopeful of next summer. The weekly spell in the garden usually ends with tinkling , banging and singing – whistles, triangles, a tambourine – the children now suggest music to sign off – it means they are getting cold.

WINTER. We have planted forsythia cuttings in the shape of three wigwams for rays of yellow in March. That teaches us that we must reduce the path and make space enough for the children to move off the path! Less ‘Don’t stand on the plants!’ . We’ll try an edged round bed big enough for four children to circle, holding hands. This will have to be done in spring after the densely planted bulbs have flowered.

By New Year we have given up hope of piped water and an electricity connection. Un mur vegetal remains a dream – shared walls! But Jean-Paul Maurel from our Mairie passing by, is delighted by the transformation of ‘la dent creuse de la rue Croissant’ He agrees to back our proposal to La Voirie and the ‘responsable’ for le Patrimoine that the bricked-in door and the window above it (its elegant form is chiselled there for posterity) should be opened, at least to let in light and air and sociability. Passers by often stop to see what we are up to and to approve! We hope precedent and the current greening policy will prevail.

IMG_5516SPRING 2013. In May we have our tiny tapestry – crocus, tulip, jonquil, narcissus and hyacinths, and lilies of the valley who love the clayish soil. S does a fungus identified for us as Otidea Alutaceae by a sympa pharmacist in rue Montorgueil. Then come the purple irises around the pond – presents from the jardin partagé of la rue de la Manutention in the16th arr.!

So here we are – about to try out a solar-powered aerator for the pond,which , if successful, will stop mosquitoes from breeding and allow a couple of goldfish. We think we’ve heard house martins (hirondelles de fenêtre) twittering so we shall see about lodging the solar panel on top of a nest we’ll buy from the LPO. Perhaps the birds know that Zola was born one street south in rue Saint Joseph. In Le Ventre de Paris à propos of la maraichère and her potager he writes: ‘Paris pourissait tout, rendait tout à la terre qui, sans jamais se lasser, réparait la mort’.

Donc nous aimons notre jardin. » C’est la conclusion de Mary. Une maman, la nouvelle présidente de la crèche, passe par là. « Les enfants aiment avoir leur jardin et ils aiment cette activité qui se termine en chansons. » Des chansons en français ou en anglais avec un thème : « Savez-vous planter les choux ? » ou « Dansons la capucine »…

Avertissement : les deux semaines à venir sont les vacances parisiennes. Le Bonheur prend des vacances! A bientôt.

« Composter régénère la nature et rapproche les gens »

L'ensemble de l'espace poubelles, recyclage et compostage

L’ensemble de l’espace poubelles, recyclage et compostage.

Cela fait plusieurs mois que nous entendions parler d’un projet pilote de compost « en pied d’immeuble » à deux pâtés de maison de chez nous. Notre voisine Olivia s’était renseignée et était en contact avec certaines personnes « au courant ». Puis pendant les vacances de la Toussaint, un email d’invitation à une séance de formation d’une vingtaine de minutes a vraiment lancé les choses. C’est mon mari qui y a assisté. Il est revenu avec un seau de compost prêt à l’emploi, une sorte de cadeau d’accueil que Laetitia a immédiatement mis à profit dans les jardinières de notre immeuble. Notre famille a donc commencé à trier ses déchets organiques dans un récipient séparé et à les emmener chez ces voisins si accueillants environ une fois par semaine. Mon mari a initié notre fils ainé, puis ce fut mon tour. Ce n’est pas compliqué, il faut jeter le compost dans un bac, y ajouter une grosse poignée de matières sèches (feuilles, branches,…), remuer le tout à la fourche et ne pas oublier de noter son passage avec le volume approximatif de la « contribution » sur un tableau noir.

Fourche en main, Mary s'apprête à remuer les déchets fraichement déposés. Le bac exhale une odeur végétale très agréable et dégage aussi une certaine chaleur due à la décomposition.

Fourche à la main, Mary s’apprête à remuer les déchets fraichement déposés. Le bac exhale une odeur végétale très agréable et dégage aussi une certaine chaleur due à la décomposition.

Le moteur de cette solution locale de compostage est Mary Dyson. Il y a quelques jours, je lui ai demandé si on pouvait se voir pour qu’elle me raconte le projet depuis le début et c’est comme cela que je me suis retrouvée avec une tasse de thé dans sa cuisine chaleureuse, donnant sur une terrasse qu’elle et son mari ont construite et plantée depuis leur arrivée dans le quartier, à discuter avec une révolutionnaire du compost. Une révolutionnaire tranquille, mais très déterminée. Comme je l’avais déjà évoqué, Mary est Sud-Africaine d’origine et a quitté son pays à l’âge de 18 ans dans les années 50. Elle se souvient de son enfance près de Durban sur l’Océan Indien où sa famille avait un jardin. Il y a une bonne quinzaine d’années, elle s’est installée à Paris avec son mari. Avec Mary, la conversation va bon train. On parle d’oiseaux qu’elle voit dans la cour de son immeuble (récemment elle a assisté à la mise à mort d’un merle qu’elle écoutait souvent par une orfraie autour du bac à compost justement), de sa fille et de ses petits-enfants, de jardins qu’elle aime à Paris, du quartier.

Et bien sûr de compost. « Nous avons commencé il y a trois ans. Au début, je ne pensais pas aux bio-déchets, seulement aux déchets du jardin. Car le mouvement a vraiment commencé en 1997-1998 quand nous avons transformé la cour, où se garaient encore quelques voitures, en jardin », explique Mary. Effectivement la cour pavée de l’immeuble est de belle taille et accueille aujourd’hui quatre tonneaux, des jardinières, des arbres, une sorte de tonnelle qui masque joliment les poubelles, un petit bassin où une fontaine gargouille agréablement, un récupérateur d’eau…Beaucoup de plantes ont été récupérées ça et là et un ami très savant en botanique lui a tout appris, explique Mary. Cela faisait mal au cœur à cette jardinière de jeter les branches et feuilles mortes à la poubelle. Une de ses voisines avait vaguement entendu parler d’un projet de compostage pour les particuliers lancé par la Ville de Paris. De fil en aiguille, l’immeuble s’est porté volontaire pour participer à un projet pilote qui est maintenant pérennisé.

Matière première (déchets de table sauf protéines, fleurs et plantes) : la décomposition en action

Matière première (déchets de table sauf protéines, fleurs et plantes) : la décomposition en action

« Nous avons fait partie de la deuxième vague de projets. Pendant 9 mois en 2011, nous avons commencé le compostage. Le maire de l’arrondissement (Jacques Boutault, membre d’Europe Ecologie les Verts et maire du 2e arrondissement de Paris depuis 2001, NDLR) est venu bénir notre projet et a dit des choses auxquelles je crois profondément : composter régénère la nature et rapproche les gens. » De la perspective de la municipalité, la réduction du volume de déchets est un objectif central. Au terme du pilote, les participants de l’immeuble ont prouvé leur détermination et leur adhésion au compostage. Mais il reste un problème pour faire valider le projet. « A l’époque, le lombricompostage n’était pas une option comme maintenant. Pour que cela marche, il fallait le contact avec la terre », explique Mary. Qu’à cela ne tienne. Elle obtient l’autorisation d’arracher les pavés sur 3 m2 pour poser les bacs. Personne ne bronche, bien au contraire. Une table et des chaises installées dans la cour font le bonheur de tous ceux qui ont envie de s’y installer quelques instants. « Et le compost ne dérange personne et ne sent pas », se réjouit Mary qui note aussi l’implication de la gardienne de l’immeuble, maillon indispensable de la réussite du projet. Le conseil syndical, présidé par le mari de Mary, et le syndic professionnel sont tous les deux acquis au projet, ce qui aide également beaucoup.

Comme lui avait promis le chef de projet qui est venu superviser le pilote pendant 9 mois, les vers de terre se sont bien matérialisés. Leur arrivée, dans cette cour pavée depuis les années 1800, ravit Mary qui adore par ailleurs montrer les petits vers aux enfants de la crèche où elle jardine aussi (mais c’est une autre histoire). Au final, le pilote a permis de récupérer 720 kilos et de produire 33 kilos de compost. « Nous avons réduit les déchets de 29 kilos par participant. Nous avons atteint cet équilibre sans trop d’efforts. Je suppose que Paris va se réveiller et s’y mettre », s’impatiente un peu Mary qui trouve que la prise de conscience générale tarde à venir. « La Ville a ajouté d’autres projets depuis. On peut devenir un « immeuble engagé ». Les entreprises peuvent participer aussi. » Quant à Mary, elle attire de nouveaux participants grâce à l’association Amis de la Terre et à la participation à la manifestation Fêtes des Jardins. « Cette année, nous avons accueillis trois nouveaux convertis. Aujourd’hui plus de 75% des gens de l’immeuble participent et nous avons 5 familles de l’extérieur qui viennent aussi. Nous faisons deux récoltes de compost par an. »

Le tableau centralisant les infos. Le compostage, ça s'organise.

Le tableau centralisant les infos. Le compostage, ça s’organise.

En tant qu’une des familles nouvellement « convertie », je suis très heureuse que Mary ait pris cette initiative il y a trois ans et qu’elle nous ait accueillis dans son « cercle vertueux ». Entre son Maitre-Composteur qui lui prodigue encore des conseils, la responsable de la collecte sélective avec qui elle est en contact, un autre acteur local qui est en train de faire une étude sur le sujet, Mary est hyper connectée dans le monde du développement durable parisien. Elle applique à la lettre le slogan du « Think Globally, Act Locally » en fédérant ses voisins immédiats, puis un cercle plus large. Les deux objectifs – régénérer la nature et rapprocher les gens – sont déjà atteints à mes yeux même si je comprends l’envie de Mary que la révolution aille plus vite.

Si vous êtes Parisien ou si votre ville propose déjà un programme, vous pouvez vous lancer (l’idée devrait en toute logique se retrouver à l’ordre du jour dans notre propre immeuble dont la cour est malheureusement beaucoup plus petite que celle de l’immeuble de Mary). D’ailleurs, si votre ville ne propose rien, vous pouvez aussi être moteur. Un travail complexe, mais pas impossible…Voici quelques ressources : la page de la Ville de Paris sur le compostage en pied d’immeuble et le blog Compost à Paris tenu par un Maitre-Composteur parisien. Avec quelques préalables indispensables à connaître (du moins à Paris) : la présence dans l’immeuble d’une cour, petit espace vert ou jardin, la motivation des résidents et l’accord de la copropriété, l’implication d’au moins 10 personnes et enfin l’existence de débouchés pour le compost au sein de l’immeuble.

Nous retrouverons Mary bientôt (au printemps peut-être) car elle a très gentiment offert de m’emmener dans le jardin qu’elle a créé dans une crèche du quartier…Une visite qui m’enchante à l’avance. Pour l’heure, le Bonheur va aller se ressourcer à la campagne pendant les vacances. Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes, de doux moments auprès de ceux que vous aimez et beaucoup de sérénité. A l’année prochaine.

Le bruit de l'eau qui coule, si plaisant, si apaisant...

Le bruit de l’eau qui coule, si plaisant, si apaisant…