Cela fait plusieurs mois que nous entendions parler d’un projet pilote de compost « en pied d’immeuble » à deux pâtés de maison de chez nous. Notre voisine Olivia s’était renseignée et était en contact avec certaines personnes « au courant ». Puis pendant les vacances de la Toussaint, un email d’invitation à une séance de formation d’une vingtaine de minutes a vraiment lancé les choses. C’est mon mari qui y a assisté. Il est revenu avec un seau de compost prêt à l’emploi, une sorte de cadeau d’accueil que Laetitia a immédiatement mis à profit dans les jardinières de notre immeuble. Notre famille a donc commencé à trier ses déchets organiques dans un récipient séparé et à les emmener chez ces voisins si accueillants environ une fois par semaine. Mon mari a initié notre fils ainé, puis ce fut mon tour. Ce n’est pas compliqué, il faut jeter le compost dans un bac, y ajouter une grosse poignée de matières sèches (feuilles, branches,…), remuer le tout à la fourche et ne pas oublier de noter son passage avec le volume approximatif de la « contribution » sur un tableau noir.

Fourche à la main, Mary s’apprête à remuer les déchets fraichement déposés. Le bac exhale une odeur végétale très agréable et dégage aussi une certaine chaleur due à la décomposition.
Le moteur de cette solution locale de compostage est Mary Dyson. Il y a quelques jours, je lui ai demandé si on pouvait se voir pour qu’elle me raconte le projet depuis le début et c’est comme cela que je me suis retrouvée avec une tasse de thé dans sa cuisine chaleureuse, donnant sur une terrasse qu’elle et son mari ont construite et plantée depuis leur arrivée dans le quartier, à discuter avec une révolutionnaire du compost. Une révolutionnaire tranquille, mais très déterminée. Comme je l’avais déjà évoqué, Mary est Sud-Africaine d’origine et a quitté son pays à l’âge de 18 ans dans les années 50. Elle se souvient de son enfance près de Durban sur l’Océan Indien où sa famille avait un jardin. Il y a une bonne quinzaine d’années, elle s’est installée à Paris avec son mari. Avec Mary, la conversation va bon train. On parle d’oiseaux qu’elle voit dans la cour de son immeuble (récemment elle a assisté à la mise à mort d’un merle qu’elle écoutait souvent par une orfraie autour du bac à compost justement), de sa fille et de ses petits-enfants, de jardins qu’elle aime à Paris, du quartier.
Et bien sûr de compost. « Nous avons commencé il y a trois ans. Au début, je ne pensais pas aux bio-déchets, seulement aux déchets du jardin. Car le mouvement a vraiment commencé en 1997-1998 quand nous avons transformé la cour, où se garaient encore quelques voitures, en jardin », explique Mary. Effectivement la cour pavée de l’immeuble est de belle taille et accueille aujourd’hui quatre tonneaux, des jardinières, des arbres, une sorte de tonnelle qui masque joliment les poubelles, un petit bassin où une fontaine gargouille agréablement, un récupérateur d’eau…Beaucoup de plantes ont été récupérées ça et là et un ami très savant en botanique lui a tout appris, explique Mary. Cela faisait mal au cœur à cette jardinière de jeter les branches et feuilles mortes à la poubelle. Une de ses voisines avait vaguement entendu parler d’un projet de compostage pour les particuliers lancé par la Ville de Paris. De fil en aiguille, l’immeuble s’est porté volontaire pour participer à un projet pilote qui est maintenant pérennisé.
« Nous avons fait partie de la deuxième vague de projets. Pendant 9 mois en 2011, nous avons commencé le compostage. Le maire de l’arrondissement (Jacques Boutault, membre d’Europe Ecologie les Verts et maire du 2e arrondissement de Paris depuis 2001, NDLR) est venu bénir notre projet et a dit des choses auxquelles je crois profondément : composter régénère la nature et rapproche les gens. » De la perspective de la municipalité, la réduction du volume de déchets est un objectif central. Au terme du pilote, les participants de l’immeuble ont prouvé leur détermination et leur adhésion au compostage. Mais il reste un problème pour faire valider le projet. « A l’époque, le lombricompostage n’était pas une option comme maintenant. Pour que cela marche, il fallait le contact avec la terre », explique Mary. Qu’à cela ne tienne. Elle obtient l’autorisation d’arracher les pavés sur 3 m2 pour poser les bacs. Personne ne bronche, bien au contraire. Une table et des chaises installées dans la cour font le bonheur de tous ceux qui ont envie de s’y installer quelques instants. « Et le compost ne dérange personne et ne sent pas », se réjouit Mary qui note aussi l’implication de la gardienne de l’immeuble, maillon indispensable de la réussite du projet. Le conseil syndical, présidé par le mari de Mary, et le syndic professionnel sont tous les deux acquis au projet, ce qui aide également beaucoup.
Comme lui avait promis le chef de projet qui est venu superviser le pilote pendant 9 mois, les vers de terre se sont bien matérialisés. Leur arrivée, dans cette cour pavée depuis les années 1800, ravit Mary qui adore par ailleurs montrer les petits vers aux enfants de la crèche où elle jardine aussi (mais c’est une autre histoire). Au final, le pilote a permis de récupérer 720 kilos et de produire 33 kilos de compost. « Nous avons réduit les déchets de 29 kilos par participant. Nous avons atteint cet équilibre sans trop d’efforts. Je suppose que Paris va se réveiller et s’y mettre », s’impatiente un peu Mary qui trouve que la prise de conscience générale tarde à venir. « La Ville a ajouté d’autres projets depuis. On peut devenir un « immeuble engagé ». Les entreprises peuvent participer aussi. » Quant à Mary, elle attire de nouveaux participants grâce à l’association Amis de la Terre et à la participation à la manifestation Fêtes des Jardins. « Cette année, nous avons accueillis trois nouveaux convertis. Aujourd’hui plus de 75% des gens de l’immeuble participent et nous avons 5 familles de l’extérieur qui viennent aussi. Nous faisons deux récoltes de compost par an. »
En tant qu’une des familles nouvellement « convertie », je suis très heureuse que Mary ait pris cette initiative il y a trois ans et qu’elle nous ait accueillis dans son « cercle vertueux ». Entre son Maitre-Composteur qui lui prodigue encore des conseils, la responsable de la collecte sélective avec qui elle est en contact, un autre acteur local qui est en train de faire une étude sur le sujet, Mary est hyper connectée dans le monde du développement durable parisien. Elle applique à la lettre le slogan du « Think Globally, Act Locally » en fédérant ses voisins immédiats, puis un cercle plus large. Les deux objectifs – régénérer la nature et rapprocher les gens – sont déjà atteints à mes yeux même si je comprends l’envie de Mary que la révolution aille plus vite.
Si vous êtes Parisien ou si votre ville propose déjà un programme, vous pouvez vous lancer (l’idée devrait en toute logique se retrouver à l’ordre du jour dans notre propre immeuble dont la cour est malheureusement beaucoup plus petite que celle de l’immeuble de Mary). D’ailleurs, si votre ville ne propose rien, vous pouvez aussi être moteur. Un travail complexe, mais pas impossible…Voici quelques ressources : la page de la Ville de Paris sur le compostage en pied d’immeuble et le blog Compost à Paris tenu par un Maitre-Composteur parisien. Avec quelques préalables indispensables à connaître (du moins à Paris) : la présence dans l’immeuble d’une cour, petit espace vert ou jardin, la motivation des résidents et l’accord de la copropriété, l’implication d’au moins 10 personnes et enfin l’existence de débouchés pour le compost au sein de l’immeuble.
Nous retrouverons Mary bientôt (au printemps peut-être) car elle a très gentiment offert de m’emmener dans le jardin qu’elle a créé dans une crèche du quartier…Une visite qui m’enchante à l’avance. Pour l’heure, le Bonheur va aller se ressourcer à la campagne pendant les vacances. Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes, de doux moments auprès de ceux que vous aimez et beaucoup de sérénité. A l’année prochaine.
Je trouve cette initiative très sympa ! Un peu plus est ça donnerai envie d’habiter à Paris…
Espérons que 2014 nous apporte pleins de beaux projets comme celui ci.
Paule, on devrait faire un échange de vie toi et moi pour quelques jours. Il y a vraiment du bon à la ville et à la campagne 🙂