Le jardin d’Olt : réalisations et bilan (2e partie)

Dans cette 2e partie, Cécile Ratsavong-Deschamps, psychologue et présidente de l’association Médecines, Cultures et Paysages, explique que le jardin n’est pas perçu par tous comme un outil de soins. Merci à elle d’avoir partagé toutes ces informations avec une richesse de détails fort utiles à tous. « Nous continuons donc notre travail de communication et formons les professionnels à l’intérêt des approches non médicamenteuses. C’est notamment dans ce but que nous avons mis en place une recherche. Nous souhaitons évaluer l’impact du jardin sur les troubles du comportement, l’humeur et l’anxiété des résidents. Nous avons présenté cette étude sous forme de poster lors des 33e journées annuelles de la société Française de Gériatrie et de Gérontologie à Paris en octobre 2013. » Cliquer pour accéder au poster.

Ateliers de stimulation sensorielle pour les résidents les plus repliés sur eux-mêmes

Par ailleurs, Cécile a aussi répondu à quelques questions supplémentaires sur les ateliers, réponses qui fournissent de précieux renseignements concrets à d’autres praticiens. D’abord les ateliers de stimulation sensorielle. « Les ateliers de stimulation sensorielle visent à stimuler par les sens des personnes qui sont extrêmement repliées sur elle-même et communiquent peu (même de manière non verbale). Ce sont souvent des personnes qui ont peu ou pas de famille, qui ont des démences très évoluées ou des troubles psychiatriques anciens entraînant un repli autistique. Nous animons ces ateliers à 2 professionnelles, l’ergo et moi-même, et nous ne prenons que 4 résident(e)s. Ils durent 20 à 30 min. Nous choisissons un thème et essayons de le décliner pour chacun des sens. Le jardin a été d’une grande aide pour les plantes aromatiques, aller voir les fleurs, les cueillir, préparer un bouquet, préparer une belle table, écouter les oiseaux, sentir le vent. Même quand il ne faisait pas assez chaud pour rester à l’extérieur (l’atelier a lieu en milieu de matinée), nous y allions pour goûter à ces différents plaisirs. Nous « baignons » les résident(e)s dans un flot de paroles car nous estimons qu’ils ont besoin d’être stimulés verbalement afin que quelque chose se déclenche. Nous avons fait plusieurs ateliers sur le thème des plantes et des fleurs avec une bande sonore évoquant la nature, des sirops de fleurs à goûter, des pétales à toucher, des images, livres, une belle table à regarder, des odeurs à sentir. Les résident(e)s sont particulièrement réceptif(ve)s aux odeurs et au toucher (ils sont souriants, certains émettent des sons, manifestent une détente musculaire). Et nous observons une augmentation de leur attention au fil des ateliers. »

Ateliers mémoire avec le jardin comme support

Capture d’écran 2014-01-25 à 11.34.38

Voici ses explications sur les ateliers mémoire, suspendus pendant l’hiver. « Ils avaient lieu au jardin quand le temps le permettait. Ce sont aussi des ateliers thématiques et pendant cette saison, nous évoquons souvent les fleurs et les plantes du jardin et du potager. Il s’agit de permettre à chacun d’évoquer ses activités passées, de transmettre un savoir-faire, d’échanger sur ce qu’ils aiment, faisaient, ce qu’ils cultivaient, comment, les astuces, les recettes de cuisine. Aller voir ce qui pousse, comment, pourquoi ça marche ou ça ne marche pas, consulter quelques livres pour avoir des précisions sur telle ou telle variété, faire un quiz sur les fleurs, les légumes, trouver des noms de fleurs ou de plantes ou de légumes ou fruits commençant par chaque lettre de l’alphabet, préparer la liste des courses pour faire telle recette puis se souvenir de ce que l’on avait mis sur cette liste (travailler le rappel libre, le rappel indicé)… »

Fête du printemps et activités avec les enfants du village

Pendant cette période de repos du jardin, Cécile et son équipe pensent déjà au printemps avec une fête intergénérationnelle déjà programmée pour accueillir son arrivée. « Nous allons préparer une fête du printemps. Construire un jeu de mémo géant sur le thème des plantes et/ou des fleurs + préparer les semis pour le jardin et pour offrir aux enfants de l’école maternelle du village qui de leur côté nous offrirons un épouvantail (ils travaillent sur l’image du corps) et qui viendront le jour du printemps pour une après-midi. Nous prévoyons des jeux (mémo, pétanques…) et les enfants apprennent une chanson ancienne sur le thème du printemps que les résidents reconnaîtront sans doute. Nous espérons acquérir 3 carrés potagers Terraform adaptés aux fauteuils roulants et les inaugurer ce jour-là. Par ailleurs, nous sommes en train de signer une convention de jardin partagé avec le centre de loisirs afin que les enfants cultivent les carrés potagers au sol. Nous travaillerons plusieurs mercredis avec les enfants sur la rédaction de la Charte, ce qui incitera à des échanges entre enfants et résidents sur le thème du jardin. Et nous allons essayer de mettre en place des ateliers de jardinage pour les résidents dépendants avec ergo et animatrice. »

Parlons financements

Enfin et, parce que les finances sont un point clé, la psychologue nous apporte des éléments complémentaires sur le don de Conforama et d’autres. « Il s’agissait d’un don de mobilier de jardin d’une valeur de 1000 euros TTC qui nous a été d’une grande aide. Evidemment la question financière est le plus gros frein dans ce projet mais ça avance petit à petit. Nous avons signé une convention de mécénat avec EDF de 3000 euros et recevrons courant 2014 (probablement fin 2014) la subvention + de vie (environ 6000 euros). Nous continuons à répondre à des appels à projet de fondations pour mener à bien ce projet. »

Le jardin d’Olt : réalisations et bilan (1ere partie)

En mai 2013, Cécile Ratsavong-Deschamps, psychologue et présidente de l’association Médecines, Cultures et Paysages, nous présentait son projet de jardin à l’hôpital-maison de retraite Etienne Rivié à Saint Geniez d’Olt dans l’Aveyron. Dans le cadre d’un groupe de travail sur l’enfermement et la contention et avec une approche méthodique, elle avait décidé de concevoir un jardin et de mettre en place des ateliers pour les résidents. Des résidents qui sont pour la plupart des paysans qui, en entrant dans la maison de retraite, « ont fait le deuil d’aller dehors et de travailler la terre ». La psychologue nous fait la gentillesse de partager un bilan des activités du jardin au cours de la seconde partie de 2013. Je vous le livre in extenso.

La semaine prochaine, je partagerai des détails supplémentaires sur les ateliers de stimulation sensorielle et de mémoire ainsi que sur le projet de recherche que Cécile Ratsavong-Deschamps a présenté lors des 33e journées annuelles de la société Française de Gériatrie et de Gérontologie à Paris en Octobre.

« En Juillet, grâce à un don de mobiliers d’extérieur de Conforama, le jardin a pu être aménagé afin que les résidents en profitent durant l’été. Un déjeuner de travaux a été organisé. Les professionnels disponibles ont ainsi permis l’aménagement de trois carrés potagers en hauteur afin de jardiner debout.

Capture d’écran 2014-01-25 à 11.34.15Durant tout l’été, l’ergothérapeute et moi-même (psychologue) avons mis en place des ateliers de stimulation sensorielle pour les patients les plus dépendants de l’Unité de Soins de Longue Durée. Ces ateliers s’adressent aux résidents présentant des troubles cognitifs et de la communication ; des troubles gnosiques : agnosie visuelle (reconnaître les objets et les images), agnosie spatiale (reconnaître les lieux), agnosie temporelle (se situer dans le temps) ; des déficits sensoriels et physiques : troubles de la vue et/ou de l’audition, perte du tonus musculaire. Ils ont pour objectifs de stimuler les résidents afin de les éveiller et de leur permettre de sortir un peu de leur repli sur soi.

Les ateliers mémoire ont pris place dans le jardin chaque semaine et grâce aux dons de nombreuses maisons d’édition, les livres ont permis à chacun de se réapproprier des savoirs et de les partager.

Durant les vacances de la Toussaint, la météo restant clémente, les plaisirs du jardin ont pu se prolonger. La Ligue de Protection des Oiseaux est venue nous parler des oiseaux de nos campagnes et enfants et résidents ont construit des mangeoires.

Un artiste peintre est venu aider les résidents et les enfants du centre de loisirs à décorer les grands couloirs vitrés qui mènent au jardin. »

Cécile Ratsavong-Deschamps juge le bilan de ce premier été globalement positif, mais tire quelques enseignements de certaines difficultés qu’elle compte mettre en œuvre au printemps.

  • Un manque de compétences et/ou de coordination dans la mise en place des activités liées au jardinage. Dans les équipes, personne n’est formé à l’hortithérapie. Nous manquons de personnel qualifié et de matériel pour mettre en place des activités de jardinage adaptées aux résidents. Nous allons nous doter dans les semaines à venir de carrés potagers en hauteur accessibles aux fauteuils roulants.
  • Des problèmes d’arrosage se sont posés pendant tout l’été. Il en a été de même pour l’entretien des carrés potagers au sol. Les résidents ne sont pas capables de s’en occuper et l’équipe d’animation ne s’est pas encore emparé du jardin comme outil d’animation. Nous avons donc travaillé cet été à l’élaboration d’une convention de jardin partagé avec le centre de loisirs du village. Les enfants accueillis le mercredi et pendant les vacances scolaires pourront venir cultiver, quand ils le souhaitent, les carrés potagers au sol qui leur seront réservés. Les résidents pourront se consacrer aux carrés potagers en hauteur et des moments de partage et de travail collectif prendront donc place dans le jardin. Nous espérons insuffler ainsi une dynamique. De plus, les travaux de restauration de la grande salle attenante au jardin sont terminés. Cette salle sera inaugurée pour les fêtes de Noël. Les résidents pourront s’approprier les lieux et aux beaux jours profiter du jardin dans la prolongation de cette salle d’animation colorée et conviviale.
  • Le jardin n’est pas perçu par tous comme un outil de soins. Nous continuons donc notre travail de communication et formons les professionnels à l’intérêt des approches non médicamenteuses. C’est notamment dans ce but que nous avons mis en place une recherche. Nous souhaitons évaluer l’impact du jardin sur les troubles du comportement, l’humeur et l’anxiété des résidents. Nous avons présenté cette étude sous forme de poster lors des 33e journées annuelles de la Société Française de Gériatrie et de Gérontologie à Paris en Octobre.
Les résidents et les enfants ont fabriqués des mangeoires pour les oiseaux.

Les résidents et les enfants ont fabriqué des mangeoires pour les oiseaux.

Le travail de l'artiste, des résidents et des enfants du centre de loisirs.

Le travail de l’artiste, des résidents et des enfants du centre de loisirs.