Prisonniers et jardiniers

Photo de groupe au jardin, prisonniers et bénévoles.

Beth Waitkus s’inspire de cette citation de John Muir, le célèbre naturaliste et activiste américain souvent associé avec le parc de Yosemite en Californie : « Quand on tire sur une simple petite chose dans la nature, on découvre qu’elle est connectée au reste du monde. » Cette question de connexion est centrale à son travail de consultante auprès d’organisations et particulièrement à son projet Insight Garden Program à la prison de San Quentin près de San Francisco. « En vérité, la mission de notre programme à San Quentin est d’utiliser la nature pour reconnecter les gens avec eux-mêmes, avec leurs communautés et avec l’environnement naturel », explique-t-elle.

Beth Waitkus a lancé l’Insight Garden Program en 2003.

Par manque de temps, je n’ai pas pu aller visiter le programme de Beth avant de quitter San Francisco. Je vous le décris donc malheureusement « de l’extérieur » plutôt que « de l’intérieur ». Ce programme de jardinage biologique comprend une forte composante de réinsertion. « L’Insight Garden Program a lancé une initiative de retour à l’emploi pour que les hommes qui quittent la prison puissent aider à restaurer leurs communautés à travers l’agriculture durable, le jardinage partagé et des emplois verts. » Beth considère que cette réinsertion est une solution plus durable aux coûts socio-économiques élevés de la prison traditionnelle érigée en complexe industriel.

Tout a commencé en 2003 avec un jardin de fleurs indigènes de Californie planté dans une des cours de San Quentin avec l’aide de prisonniers, de bénévoles et d’experts en jardinage, le personnel étant présent pour surveiller. Depuis presque 10 ans, les prisonniers qui souhaitent participer partagent leur temps entre des cours où ils apprennent les bases du paysagisme et de la durabilité environnementale et le jardin de 110 m2 dont ils ont la charge. Parmi les sujets développés en classe, la gestion et la planification d’un jardin, l’irrigation, l’amendement des sols, l’entretien selon les saisons, l’identification des plantes et la propagation.

Avant et après le jardin.

« A travers l’acte de s’occuper des plantes, les qualités de responsabilité, de discipline et de pleine conscience se transfèrent dans la sphère interpersonnelle – en faisant pousser les plantes, les gens « poussent » aussi », affirme Beth Waitkus. « Parce que la nature cultive la conscience, les hommes apprennent à répondre plutôt qu’à réagir et ils deviennent des membres productifs dans la société quand ils sortent. » En se basant sur son expérience, elle a d’ailleurs écrit une thèse de master en développement des organisations sur le sujet « Impact d’un jardin sur l’environnement physique et le climat social d’une cour de prison à la San Quentin State Prison ». On peut la télécharger ici.

Sa recherche basée sur des interviews avec les prisonniers et le personnel de la prison avant et après la mise en route du jardin a montré un certain nombre de bienfaits du programme. Le jardin reçoit de l’attention, est utilisé et sert de refuge. Etre dans ou près d’un jardin peut réduire le stress. Les prisonniers participants ont constaté des bienfaits de leur travail direct avec la nature. Les jardins créent la possibilité d’espoir et de changement. Les attentes des prisonniers et du personnel sur l’impact du jardin ont été comblées et même dépassées. Pour suivre le travail de Beth Waitkus, son blog, The Avant Gardener, est une lecture indispensable. Son programme fait aussi l’objet d’articles dans la presse locale. Avec une constante, l’espoir de réinsérer les hommes qui travaillent dans le jardin et de réduire le récidivisme.

Des prisonniers au travail dans le jardin.

La fleur et le mirador, tout un symbole.