Troubles alimentaires et hortithérapie

Mise à jour le 3 septembre 2019. Faryn-Beth Hart vient d’obtenir le titre très convoité de HTR (Horticultural Therapist-Registered). Elle travaille toujours dans le programme qu’elle nous décrivait en 2016 et au jardin de la prison de San Quentin. Elle travaille aussi pour le Homeless Prenatal Program.

 

Faryn-Beth Hart

Faryn-Beth Hart

J’ai « rencontré » Faryn-Beth Hart sur le groupe Facebook des étudiants du Horticultural Therapy Institute (HTI). Hortithérapeute dans une résidence de traitement des troubles alimentaires en Californie, elle était confrontée à un problème qui est familier pour certains d’entre vous (le mot « client » vous sera peut-être plus étranger). « Plantés, choyés, récoltés par les clients. Mais nous ne sommes pas autorisés à utiliser nos légumes dans la maison, sauf pour le personnel. Est-ce que quelqu’un a rencontré ce problème et a pu trouver une solution ? Merci. » Malheureusement, l’histoire n’a pas de fin heureuse à part une suggestion de se renseigner sur une certification (GAP comme Good Agricultural Practices) et une autre d’organiser des « dégustations » sous le radar.

En tout cas, sa question a été l’occasion d’engager la conversation avec cette récente diplômée du HTI qui travaille dorénavant sur l’étape suivante, la certification professionnelle délivrée par l’AHTA. Sur son site Harticulture, elle raconte son parcours déjà riche. Londonienne d’origine, Faryn-Beth a grandi en Afrique du Sud et déménagé aux Etats-Unis où elle a travaillé dans un centre d’éducation à l’écologie (construire des maisons dans les arbres, jardiner, cuisiner des repas communautaires, enseigner des pratiques de justice sociale et environnementale). Elle a également étudié avec Vandana Shiva en Inde.

Troubles alimentaires et jardin

Les mains dans la terre

Les mains dans la terre

« Quand je suis arrivée dans la région de San Francisco, je me suis rendue compte qu’il y avait ici beaucoup d’éducateurs spécialisés dans l’environnement. Je me posais des questions sur la nature, la guérison et la nourriture. Je n’avais jamais entendu parler de l’hortithérapie, mais j’ai trouvé le HTI et je me suis lancée dans ce nouveau monde. » Alors qu’elle suit encore les cours dispensés en modules par le HTI, elle développe un projet qu’elle présente au Center for Discovery, un centre résidentiel qui accueille des jeunes et des adultes qui souffrent de troubles alimentaires. En septembre 2015, elle lance un projet pilote qui convainc la direction. « J’ai une heure par semaine dans trois sites autour de San Francisco. Ces résidences sont des petites unités avec une demi-douzaine de personnes pour créer l’atmosphère d’une maison. » Seule ou avec le soutien d’un membre de l’équipe, Faryn-Beth jardine avec les résidentes et résidents qui plantent aussi une plante en pot pour la ramener chez eux.

« Je pense que l’hortithérapie renforce leur guérison. Les résidents voudraient en faire plus et l’activité leur manque quand je ne suis pas là comme pendant les fêtes. Cette activité a du sens pour eux. Elle les encourage à sortir, à se servir d’outils. Ils deviennent des tenders (ils s’occupent de la plante) », explique la jeune hortithérapeute. « Il y a des idées plus vastes sur leur guérison. Par exemple, transplanter une plante dans un container plus grand est une métaphore pour changer de taille de pantalon. Qu’est-ce que cela signifie ? Nous trouvons des fils communs avec des choses sur lesquelles ils travaillent comme la dépression, l’anxiété ou l’image corporelle. » Pour revenir à la question de manger la récolte, Faryn-Beth a peu d’espoir. « Les résidences ont une certification qui interdit de consommer de la nourriture produite sur place. C’est dommage car on pourrait cultiver une relation avec la nourriture dans leur assiette. En tout cas, nous récoltons pour le personnel et nous leur offrons cette nourriture en cadeau. »

Des enfants et des prisonniers

Bouquets

Bouquets

En plus de son engagement auprès des résidences du Center for Discovery, Faryn-Beth travaille en direct avec quelques familles et surtout des enfants de 5-7 ans. « Beaucoup d’enfants dans cette région ont un diagnostic (Trouble de déficit de l’attention / hyperactivité, NDLR). Au lieu de médicaments, des parents préfèrent donner une activité aux enfants, canaliser leur énergie. Je travaille aussi avec des enfants qui vont avoir un petit frère ou dont la maman reprend le travail. C’est de la nature therapy. On apprend à connaître le monde naturel dans la vie urbaine et à le respecter. » Elle s’intéresse aussi au monde carcéral, avec l’exemple local du Insight Garden Program à la prison de San Quentin qui a maintenant essaimé dans d’autres prisons de Californie.

Pour son stage, obligatoire dans le cadre de la certification de l’AHTA, Faryn-Beth pense rester dans le monde des troubles alimentaires. Deux programmes existants, l’un à San Antonio dans le Texas et l’autre au Homewood Health Center en Ontario au Canada, l’intéressent particulièrement. Elle s’est rendue à la dernière conférence de l’AHTA à Portland, Oregon et sera certainement présente en 2016 à Saint Louis. « On a l’impression d’appartenir à une communauté, à quelque chose qui grandit. Ca grandit grâce aux études qui montrent les effets positifs », explique-t-elle. « Dans les cours du HTI, la population a changé. Alors qu’il y avait beaucoup de femmes à la retraite, il y a maintenant plus de gens qui ont la vingtaine ou la trentaine. On peut en faire une carrière. J’espère que les assurances couvriront l’hortithérapie bientôt. » Un message optimiste bienvenu.

Trouble du Déficit de l’Attention : « Une solution, c’est la nature »

0 Ariane actionLe mot et le concept de la jardinologie se sont imposés un jour à Ariane Ansoult. « J’essaie de suivre un fil pour que tu comprennes comment la jardinologie a évolué. Le jardin me donne un équilibre, une paix intérieure. J’ai été appelée par la nature. Elle m’a sauvée, elle m’a aidée à guérir, à me centrer, à m’exprimer », annonce d’emblée cette résidente des alentours de Bruxelles qui déborde d’énergie. Un débordement de vie qui s’exprime aussi dans un tutoiement immédiat et systématique comme s’il n’y avait pas de temps à perdre en formalités. Ariane explique son chemin, à la fois personnel et professionnel, et le décrit comme difficile. «  A cause de mon travail, j’étais quasiment en dépression. J’ai commencé à travailler à mi-temps. Avec mon mari, je me suis demandée ce que j’aimais faire : la photographie, le jardin, les RH. Mais je n’avais pas de formation et je m’auto dévalorisais. Une nuit, j’ai créé une carte de visite et je me suis lancée dans mon activité de dépannage dans les jardins. » C’était en 2004. Une jambe cassée, une suite d’opération, pour éviter que le jardin ne tombe à l’abandon, Ariane se met à intervenir à la place des jardiniers temporairement dans l’incapacité de s’occuper de leurs plantes. Et se rend vite compte que le jardin joue un rôle dans leur guérison. « Si ton jardin se dégrade, tu déprimes. C’est parti de là », explique-t-elle.

 La révélation du Trouble du Déficit de l’Attention

« J’étais différente comme on l’est tous. Mais je ne m’étais pas rendue compte de ces forces en moi, une force d’écoute, une force de créativité, une énergie dans le jardin », continue Ariane. Ce qu’elle a découvert, c’est qu’elle est une « TDA », une adulte affectée par un trouble du déficit de l’attention. « C’est plein de forces, mais aussi de difficultés. J’ai trouvé la solution, c’est la nature. Tout s’est mis en place pour me lancer dans la jardinologie. » Après 19 ans dans la même entreprise, elle coupe le fil pour de bon et part la « tête haute ». « Je reprenais place ici sur terre en m’exprimant à travers le jardin. Le jardin a été ma thérapie pour devenir moi. Moi, je n’ai pas besoin de Ritaline. »

La piste de pétanque vue à travers les fleurs

La piste de pétanque vue à travers les fleurs

Un jour, cette native d’Avignon s’allonge dans l’herbe et une idée la saisit. « La pétanque est en moi. J’ai eu envie de créer un jardin ornemental, une piste de pétanque en forme de goutte, en forme de larme en fait, avec des fleurs autour et la piste à l’intérieur », décrit-elle. Comme sa réalisation est cachée des regards dans son jardin, elle intéresse une équipe de télé nationale de l’émission Jardins et Loisirs qui vient faire un reportage. « Cela m’a permis de me construire. Plus je crée, plus je suis en équilibre. Inconsciemment, j’ai répondu aux principes du Feng Shui que je ne connaissais pas à l’époque. » Elle suit des cours dans une école d’horticulture car elle sent qu’elle ne maitrise pas la théorie. « Mais je suis revenue à l’essentiel. Je n’apporte pas de théorie, mais l’écoute du jardin et du jardinier. On fait un jardin ensemble, je donne des idées dans le respect de l’autre. »

« Je leur donne un coup de pouce. Leur jardin reflète ce qu’ils sont. J’y vois leurs souffrances, des problèmes d’estime de soi, de couple, de burn out, de priorités,…Nous faisons un jardin qui leur correspondent et où ils se sentent bien. Je leur apprends à s’écouter ce qui est puissant pour la guérison. C’est difficile sans accompagnement de s’accepter tel qu’on est », explique Ariane. « Je ne suis pas dans la théorie et dans les livres. Pour lâcher prise et être dans l’instant présent, je me suis intéressée à un éventail large pour mieux jongler et aider les gens. Et je me suis spécialisé dans le TDA. » Depuis cet été, elle a imaginé des consultations « Coup de pouce », distinctes des séances sur le terrain, pour que le travail d’accompagnement continue même lorsque les jardins dorment. « Je les aide à avancer, à se rapprocher de leur nature », dit-elle encore des gens qu’elle reçoit.

Récolter des valeurs

18 Vue - notre couple contemple notre jardin-1Dans le jardin, Ariane veut récolter des plantes, mais aussi des valeurs. Elle raconte un projet dans son quartier, un potager pour les adultes et un autre pour les enfants. « Il y avait une friche à côté de chez nous. Nous y avons fait un potager pour adultes – pas un jardin bien rangé  – avec des chemins couverts de lave ou de gravier. Car je cherche à réactiver les petites portes qui sont ouvertes chez les enfants et qui se sont fermées chez les adultes », explique Ariane. « Il y aussi un mini-potager pour les enfants du quartier. Comme on a commencé en août et qu’il fallait du concret tout de suite, on a préparé les parcelles et fabriqué des épouvantails. Dans leur petit espace d’un mètre de large, ils peuvent faire ce qu’ils veulent. Papa et maman n’ont rien à dire. Je leur ai expliqué qu’on allait aussi récolter des valeurs comme le respect de l’environnement, le partage de graines, la responsabilité, le respect de soi et la patience. On est dans cette faculté de s’émerveiller en les encourageant pour tous leurs efforts sans jugement. Tous les épouvantails sont beaux… » Malheureusement, le terrain va être vendu.

Ariane jure que les « TDA » s’attirent, comme s’ils avaient des antennes puissantes qui captent des ondes (elle conseille ce site belge pour se renseigner sur ce trouble dont on parle de plus en plus, mais en se concentrant habituellement sur les enfants). « Naturellement, j’ai attiré des enfants TDA dans ce jardin. Ces enfants ne sont pas sages comme on les aime bien. On les voit comme rebelles, perturbateurs et difficiles pour les parents alors que c’est un cadeau. Les TDA évoluent en fonction de leurs blessures : ils deviennent artistes et inventeurs ou ils sont en souffrance. Je travaille avec des adultes TDA ou des parents pour qu’ils comprennent et acceptent leur enfant. Naturellement, les TDA sont bien dans la nature. On estime qu’un adulte sur 20 est concerné dont 10% qui en sont conscients. De ceux-là, très peu sont suivis. Ils sont géniaux, mais bloqués. Le TDA, c’est la base. Il peut y avoir de l’hyperactivité ce qu’on repère plus facilement, ou non. »

16 Association Allium schubertii et nepetaElle énumère les forces des TDA (avec les difficultés qui se dessinent en creux) : intuition, vision globale, curiosité, passion, débrouillardise, humour et répartie, autodérision, sensibilité des cinq sens, émotivité, générosité, séduction, réflexion. « Il faut sortir du jugement intérieur pour accepter sa nature. Je pars d’une page blanche et me connecte à la personne et au jardin. J’entends des choses qu’elle ne me dit pas. C’est une écoute du cœur, de l’intelligence du cœur. Ce n’est pas une thérapie de plusieurs années. Ca va vite, je suis dans la simplicité des outils. C’est simple, la nature et la nature humaine. Je connecte les gens à leur jardin et aux plantes, à la nature, à la terre mère. On arrive à la source essentielle et authentique. » Pour combiner deux de ses passions, Ariane utilise la photo dans le jardin. « Les photos donnent une autre dimension. En gros plan, on entre dans le cœur de la plante. On réveille l’enfant. Devant l’émerveillement, on nous a si souvent dit « tais-toi » que les portes se sont fermées. »

18 vue de la garrigue avec épilobes et Gauras au balcon11 Vigne, hibiscus, épilobe10 Terrasse toscane - Les montons montent la garde (METAL)

4 Côté - parfum de blush noisette 062010