Aux Etats-Unis, Portland (Oregon) est une ville connue pour sa culture culinaire très développée. C’est de là par exemple qu’est parti le phénomène des « food trucks » version américaine et ennoblie des baraques à frites. Mais les micro brasseries et les restaus branchés ne sont que la face visible de la ville. On y trouve aussi des quartiers défavorisés, des « food deserts » délaissés par les commerçants. Le quartier de Centennial à l’est de la ville est de ceux-là. « Il y avait des problèmes de criminalité. Le dernier épicier a fermé à cause de problème de vols. C’était un no man’s land, mais la sécurité s’améliore grâce à une plus forte présence de la police », explique Kyle Curtis. Dans le cadre d’AmeriCorps, une version nationale du Peace Corps qui envoie les jeunes Américains dans le monde entier, Kyle vient de passer un an à développer des programmes d’activités après la classe pour les écoliers de ce quartier à bas revenus ainsi que pour leurs parents. Une de ces activités est d’ailleurs un jardin sur le terrain d’une école locale.
Mais au-delà des enfants, c’est toute la communauté locale que Kyle veut sensibiliser et fédérer. Et il pense qu’un jardin peut être tout à la fois une source de fierté et une source alimentaire. Un de ses amis, Adam Kohl, a lancé une association à but non lucratif, Outgrowing Hunger, dont la mission est justement de développer des jardins dans des quartiers négligés dans le but de combattre la faim en produisant localement une nourriture saine (Kyle vient d’ailleurs d’être élu au conseil d’Outgrowing Hunger). Dans le quartier de Centennial, une église locale disposait d’un terrain de 450 m2 dont elle avait envie de faire un jardin. Entre le terrain fourni par l’église et l’expertise d’Outgrowing Hunger, le projet est sorti de terre en quelques mois. Dans cet article pour un journal local en ligne, Kyle explique en détail le processus. Il est également membre du Portland Multnomah Food Policy Council, un organisme qui regroupe des citoyens et des professionnels autour des questions alimentaires dans la région de Portland (accès à la nourriture, politique d’achat des cantines des écoles et des institutions, utilisation des terrains,…).

Une trentaine de personne sont venues aider au printemps 2012. Stimuler l’intérêt au fil du temps est plus difficile (crédit photo Outgrowing Hunger)
« Nous voulions éviter l’approche de dicter aux gens ce qu’il leur faut. Nous voulions proposer des ressources et leur demander ce qu’ils voulaient en faire », explique Kyle. En avril 2012, une trentaine de bénévoles du quartier se sont retrouvés pour donner les premiers coups de fourche. « Il y avait une ambiance de fête ce week-end-là. Depuis il y a un petit noyau de 5 personnes qui s’investissent. Contre une ou deux heures de travail, les participants peuvent remporter des légumes chez eux. » L’idée de cultiver sa nourriture est un concept nouveau dans le quartier, mais déjà les habitants sont investis dans ce lopin. « On nous a raconté que, cet été, un homme qui avait pété les plombs était en train d’arracher les carottes et les pommes de terre. Des voisins l’ont arrêté. Notre but est que les habitants s’approprient le jardin », raconte Kyle. Et quand ce jardin sera bien établi, l’idée est de recommencer ailleurs. Terrain abandonné par terrain abandonné, Kyle et Adam aimeraient couvrir les quartiers défavorisés de Portland de jardins porteurs d’espoir. Pour l’heure, une réunion va se tenir pour planifier la deuxième saison du jardin du quartier de Centennial.