Symposium Jardins & Santé : l’incroyable exubérance de l’hortithérapie en France

Chose promise, chose due, mais le temps a été une denrée rare depuis deux semaines. Dans l’effervescence du lancement de California Dream 3D et des trois concerts de The Ruse organisés autour de la sortie, difficile de trouver un moment pour se poser. C’est bien la première fois depuis le lancement de ce blog que je loupe une semaine, mais les journées ne sont pas extensibles. A l’impossible, nul n’est tenu pour conclure ces excuses sur un autre proverbe.

Mais revenons sur le 3e symposium de l’association Jardins et Santé. Depuis 7 ans, cette association composée de « bénévoles, issus de milieux socioprofessionnels très divers, tous préoccupés par l’insuffisance qualitative de l’environnement hospitalier et médicosocial des personnes atteintes de handicaps cérébraux tels que la maladie d’Alzheimer, les différentes formes d’autisme, d’épilepsies ou de dépression, se mobilise pour contribuer à faire bouger les choses.” Grâce à l’organisation de visites de jardins privés, elle récolte des fonds qui permettent de financer la création de jardins à but thérapeutique et la recherche clinique en France. Et elle organise donc, tous les deux ans, un symposium. Ce 3e symposium avait pour thème « Les jardins à but thérapeutique en milieu hospitalier et médico-social / Pratiques actuelles, recherches et perspectives ». Monique Lemattre en était la présidente.

Je vais faire un résumé rapide des séances de plénière du premier jour et un rapide résumé des tables rondes du deuxième jour. Que les lecteurs de ce blog qui ont assisté au symposium et ont envie d’ajouter leurs impressions n’hésitent pas à s’exprimer dans les commentaires.

  • Biodiversité et santé. Un exposé de Serge Morand, directeur de recherche/Institut des Sciences et de l’Evolution, Université de Montpellier 2 dont on retient que, si la biodiversité est source de pathogènes, elle est aussi une assurance contre les infections. Dans un effort pour équilibrer biophobie et biophilie, comment pouvons-nous apprendre à vivre avec le non-humain et avec les humains qui ne sont pas comme nous ?
  • Des jardins à usage des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. John Zeisel, docteur en sociologie et architecte, dirige Hearthstone Alzheimer Care qui regroupe trois résidences à Boston et trois autres à New York. Pour lui, il ne fait pas de doute que le jardin fournit à ces patients de l’exercice, un contact avec les plantes et surtout des repères dans le temps et dans l’espace. D’où l’importance de créer des jardins qui offrent des repères (il cite les travaux de Kevin Lynch sur l’urbanisme et la neurologie) avec des hauteurs de clôture appropriées par exemple. S’il est possible d’évaluer un jardin, il est difficile de les comparer entre eux à cause de leurs différences. Pour évaluer, il faut trianguler des méthodes d’observations physiques, d’observations des comportements et des entretiens individuels. Notons aussi que John Zeisel enseigne dans le cadre d’un D.I.U commun à Paris 6 et 7 sur les approches non médicamenteuses de la démence. Il laisse son auditoire sur ce message. « Si on veut améliorer la vie de ces personnes, il faut approcher leur condition avec espoir. Si on les regarde avec espoir, il y a moins d’agitation. »
  • Place des jardins dans la thérapeutique institutionnelle et les activités ergothérapeutiques. Gilbert Ferrey est psychiatre des Hôpitaux honoraire à l’hôpital Simone Veil. Il s’interroge sur ce qu’on appelle thérapeutique. Selon lui, le mot fleurit un peu à tort et à travers avec ce sous-entendu que ces méthodes diverses (musique, chant, chien, balnéo,…) sont positives si elles font baisser la consommation de médicaments. Il rappelle aussi que l’enfermement institutionnel des malades a depuis le 19e siècle une volonté de soigner et d’apaiser dans la nature avec des asiles départementaux souvent installés dans des parcs, à l’air pur.
  • Le jardin « Art, mémoire et vie » du Centre Paul Spillmann de l’hôpital Saint-Julien à Nancy

    Le jardin « Art, mémoire et vie » du Centre Paul Spillmann à l’hôpital Saint-Julien de Nancy.

    Principes de conception méthodologique d’un projet de recherche appliquée à l’évaluation des bénéfices des jardins thérapeutiques. C’est Thérèse Rivasseau-Jonveaux, neuropsychiatre au Centre Paul Spillmann de l’hôpital Saint-Julien à Nancy qui présente. Elle raconte la genèse du jardin « Art, mémoire et vie » qui a commencé en 2007 avec une revue bibliographique, une enquête, un bilan des espaces verts par un groupe pilote bientôt élargi pour représenter tous les groupes de personnel. Parmi les bénéfices mesurables en analysant la satisfaction des différents groupes et l’effet sur les symptômes, elle cite aussi l’ouverture de l’hôpital vers l’extérieur grâce à des activités artistiques qui ont lieu dans le jardin. Le docteur Rivasseau-Jonveaux mentionne que le jardin est éclairé jusqu’à 21h00. Les patients qui ne trouvent pas le sommeil peuvent s’y promener avec un accompagnant au lieu de prendre un somnifère.

  • Techniques de thérapie horticole et méthodes d’évaluation pour les personnes souffrant de maladies neuro-dégénératives. Rebecca Haller, directrice de l’institut de formation Horticulture Therapy Institute à Denver, présente les symptômes des maladies de Lou Gehrig, de Huntington et de Parkinson en comparant les problèmes physiques et comportementaux communs à ces maladies. Parmi les difficultés pour ces patients, le travail à hauteur du sol, la fatigue, la motricité, la régularité des mouvements. Mais des adaptations sont toujours possibles : platebandes surélevées, le jardinage assis ou dans des bacs mobiles, des outils adaptés qui demandent moins de force. Elle insiste sur le besoin de préserver l’autonomie des participants qu’il faut accompagner sans faire à leur place. En termes d’évaluation, elle suggère une évaluation avant/après, des notes de séances et différents tests (inventaire de dépression de Beck, inventaire d’anxiété état-trait de Spielberger,…).

    Adaptation et assistance en préservant l'autonomie.

    Adaptation et assistance en préservant l’autonomie.

  • Se former en hortithérapie : et après? Jean-Luc Sudres, professeur de psychologie et de psychopathologie clinique à l’université de Toulouse Le Mirail, a mis un coup de pied dans la fourmilière. Il a posé des questions très pertinentes sur les modalités de la formation à l’hortithérapie, questions qui interrogent aussi sur les objectifs de la pratique. Une formation de quelle durée, massée ou étalée dans le temps, connaissance déclarative uniquement, avec ou sans stage, avec quels contenus, en se formant à toutes les pathologies? Est-ce un certificat ou une accréditation? S’il s’agit d’une nouvelle discipline carrefour et pluridisciplinaire, comme les psychomotriciens, faut-il un ou plusieurs diplômes universitaires? Beaucoup de questions qui ont laissé certains vaguement assommés devant l’ampleur de la tâche. A savoir que Jean-Luc Sudres est à l’origine d’une formation continue en hortithérapie dispensée à l’université de Toulouse Le Mirail.
  • Place des jardins dans la thérapeutique. Gilles Vexlard, paysagiste DPLG et professeur de projet à l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage de Versailles, a fait un éloquent plaidoyer plein de bon sens pour le médecin-jardinier et pour « garder intact le plaisir des sens, du contact avec les autres ». A ses yeux, ce n’est pas le terrain qui manque, mais plutôt l’envie et l’état d’esprit. Il déplore « le coût exorbitant du m2 pour les bâtiments comparé au budget minable pour l’extérieur » dans la construction médicale. La conclusion est revenue à Vincent Furnelle, philosophe et professeur à l’Ecole du Paysage à Gembloux en Belgique. Une intervention lyrique impossible à résumer en quelques mots.

Le lendemain, les 170 participants (à la louche) se retrouvaient, non plus à Saint-Anne comme le premier jour, mais au FIAP Jean Monnet, centre de rencontres et d’échanges par excellence imaginé dans l’après-guerre. Les tables rondes de la seconde journée avaient quatre thèmes :

  • Expériences en gérontologie : un jardin dans un EHPAD de Biarritz, le jardin intergénérationnel entre des résidents du service de gérontologie de l’hôpital Louis Mourier et des enfants d’une maternelle voisine à Colombes, une expérience de conception, création et animation d’un jardin à but thérapeutique en PASA (Pôle d’Activités et de Soins Adaptés), les conclusions d’une étude de la Fondation Médéric Alzheimer recensant les jardins aménagés au sein des structures d’hébergement et accueils de jour (l’étude sera bientôt disponible au public et j’y reviendrai plus en détails).
  • Expériences dans d’autres champs d’application : une terrasse verte à l’usage des patients, des familles et du personnel du service de neuro-réhabilitation d’un hôpital de Perugia en Italie, une présentation des ateliers nature culture de Martine Brulé, le film « Natures » du docteur Granier du CHU de Toulouse qui raconte l’ouverture sur le milieu naturel du service d’art-thérapie,…
  • Formation : la formation professionnelle pour les thérapeutes horticoles aux Etats-Unis (je reviendrai plus en détails sur la présentation de Rebecca Haller dans les semaines à venir), l’implantation d’un jardin dans un hôpital de Genève comme outil d’éducation thérapeutique du patient (traitement de l’obésité), un bilan de la formation au CHU de Nancy suite aux demandes des personnels après l’installation du jardin « Art, mémoire et vie », les questionnements d’une équipe en EHPAD sur les besoins en formation à l’heure où un jardin à but thérapeutique est en développement,…
  • Pratiques innovantes/évaluations : la mise en pratique d’une grille d’évaluation sur les jardins à visée thérapeutique au CHU de Nancy, les apports des principes de Lynch (« L’Image de la cité ») appliqués à l’orientation spatiale dans la conception de jardins thérapeutiques dans la maladie d’Alzheimer, éléments pour un programme d’hortithérapie et protocole d’évaluation en soins palliatifs, enfin l’usage de l’agriculture dans le social sur la base de deux études de cas en Belgique et au Japon.

Si vous êtes arrivés jusque là, vous savez à peu près tout de ce qui s’est dit au 3e symposium de Jardins & Santé. Au moins dans les grandes lignes, car il est bien difficile de rendre compte de tous les échanges pendant les tables rondes ou les déjeuners, des petites conversations volées en faisant la queue à la cafétéria ou en partageant un métro à la fin de la journée…J’en ressors avec l’impression que l’hortithérapie est sur la bonne voie, sur les bonnes voies ( ?), même si la question de la formation reste toujours au premier plan des préoccupations. Ca bouge beaucoup plus en France que je ne les soupçonnais avant de remettre les pieds sur le vieux continent. Beaucoup de gens sont actifs et utilisent le jardin pour aider leurs patients à aller mieux. Certes, la discipline a besoin de reconnaissance pour mieux exister et être encore plus utile. Mais tant que des soignants et des soignés pourront se retrouver au jardin et en ressentir les bienfaits quantifiables ou non, tous les espoirs sont permis.

4 réflexions au sujet de « Symposium Jardins & Santé : l’incroyable exubérance de l’hortithérapie en France »

  1. Ping : Jardins et Santé : des particuliers ouvrent leurs jardins pour soutenir les jardins à but thérapeutique | Le bonheur est dans le jardin

  2. Je me souviens de Jean- Luc Sudres au jardin de Tara (http://lejardindetara.free.fr) en 2005 quand nous avons évoqué l’éventualité de cette formation d’Hortithérapie au programme du CUPPA. En 2006, elle était mise au programme de l’Université. Pour ce jour exceptionnel, je me souviens qu’il m’a téléphoné ! Je proposais déjà une formation d’hortithérapie dès 2002 en intra-établissement et à Trace et Couleurs. Je vous invite à visiter le site http://traceetcouleurs.free.fr
    Mais surtout les pages concernant l’hortithérapie où je mentionne des références de communications que j’ai faites sur ce thème sur lequel je travaille depuis 1998.
    http://hortitherapie.avenir.overblog.com/

    Belles pensées horticoles pour tous les êtres quelque soit leur conditions

    • Bonjour Jocelyne, j’ai entendu votre nom plusieurs fois dans des discussions sur l’hortithérapie, mais nous n’avons jamais eu l’occasion de nous rencontrer. J’aimerais beaucoup vous parler et présenter votre travail sur mon blog. Je vous appelle.

      • OK, cela me fait bien plaisir. Vous pouvez me joindre de préférence sur mon portable au 06 18 57 39 75.
        A très bientôt
        Jocelyne Escudero

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