Un intérêt pour les plantes et pour l’humain. On retrouve le plus souvent cette double passion chez ceux qui pratiquent l’hortithérapie. C’est le cas de Leigh Anne Starling, une Américaine impliquée dans le domaine depuis 25 ans et très active au sein de l’American Horticultural Therapy Association (AHTA). « J’ai découvert le programme de Diane Relf à Virginia Tech où j’ai obtenu un BS (équivalent d’une licence) en horticulture avec une concentration en thérapie horticole. Diane Relf permettait qu’on conçoive son propre programme et elle enseignait des cours de thérapie horticole dès qu’il y avait assez d’étudiants. On prenait des cours de psychologie et de sciences humaines », explique Leigh Anne. « Maintenant aux Etats-Unis, ce sont principalement des certificats. Les options en thérapie horticole dans les départements d’agriculture ou d’horticulture des universités ont tendance à disparaitre. » Elle fait une exception pour les programmes de « therapeutic horticulture » : « Oregon State University a ouvert une licence. Il s’agit de permettre à des professionnels de l’horticulture de connaitre les nombreuses populations de malades, mais ils ne travaillent pas directement avec les patients. »
« Il y a toujours un intérêt pour la thérapie horticole, mais le groupe d’âge a changé. Les jeunes obtiennent plutôt un diplôme en horticulture, puis font un certificat. Ce sont maintenant des gens qui y arrivent pour une seconde carrière. En moyenne, les membres de l’AHTA ont la quarantaine, voire la cinquantaine », constate Leigh Anne. Elle voit aussi que de nombreux programmes, dans des maisons de retraite (assisted living facilities) par exemple, utilisent le jardin pour améliorer la qualité de vie et le bien-être. « Mais il ne s’agit pas de programmes de traitement avec des objectifs comme dans un hôpital de réadaptation. S’ils ont des objectifs, c’est en terme de bien-être. »
Hôpitaux pour vétérans et formations pour adultes handicapés
Son parcours professionnel a commencé dans un hôpital pour vétérans en Pennsylvanie, puis au Walter Reed Hospital à Washington, DC où elle a travaillé avec des vétérans dans le département d’hospitalisation psychiatrique. « Avec les vétérans, les objectifs étaient de restaurer des fonctions comme la capacité d’adaptation, l’estime de soi, la socialisation en utilisant la métaphore des plantes. La thérapie horticole est toujours utilisée avec les vétérans avec un focus sur la réadaptation physique et la santé mentale. Le jardin offre un défi pour ceux qui ont un handicap ou sont dans un fauteuil roulant. Mais l’estime de soi est un élément très important. »
En déménageant sur la côte Ouest, elle quitte le monde de l’hôpital pour un programme de formation (vocational training) dans une résidence pour adultes pendant 6 ans. « Je gérais une entreprise de paysagisme avec des adultes atteints de troubles du développement qui avaient besoin de travailler leurs compétences pour le monde du travail. Ils étaient payés et savaient qu’ils pourraient trouver ensuite un travail dans la communauté, ce qui était très valorisant pour eux. Ils apprenaient aussi à trouver des solutions à des défis ou à gérer la frustration. » Etape suivante, la création de sa propre entreprise de conseil pour concevoir des programmes de thérapie horticole dans des divers milieux : la nutrition dans l’éducation, la formation avec des élèves souffrant de handicaps, des maisons de retraite ou le programme de Suzanne Redell par exemple.
C’est là qu’elle se frotte à l’épineuse question du remboursement de ses services. Différents cas de figures se présentent. « Les agences à but non lucratif peuvent parfois facturer les services de thérapie horticole sous Medicaid ou Medicare, surtout si on les classifie dans le département des activités. Les agences qui dépendent d’un état ou d’un comté peuvent se faire rembourser si la thérapie horticole est classée dans les services de réadaptation et a lieu en présence d’autres personnels internes. Enfin les établissements privés ont leurs propres systèmes et peuvent être créatifs pour facturer ces services. » Souvent la thérapie horticole est placée sous le contrôle d’autres professionnels qui sont certifiés ou ont une licence pour exercer : les ergothérapeutes, les conseillers en réadaptation, les ludothérapeutes (recreational therapists).
Le chantier de la certification pour les thérapeutes horticoles
Pour l’instant, le plus haut degré de reconnaissance atteint par les thérapeutes horticoles américains est le grade de « registered ». La plupart des 600 membres que compte environ l’AHTA sont « registered » selon les conditions énoncées par l’association. Mais la démarche pour aller plus loin est enclenchée. « Nous avons commencé à travailler pour devenir « certified » », explique Leigh Anne qui fait partie du comité qui s’est attelé à cette tâche. « Nous travaillons avec la National Commission for Certifying Agencies qui a des critères très poussés. Nous avons déjà défini le curriculum minimum. Nous venons de faire une analyse métier à partir de laquelle nous allons écrire une description générale du métier de « horticultural therapist ». Cette définition sera listée dans l’annuaire du Department of Labor, elle remplacera les différentes définitions qui existent aujourd’hui. »
« Nous devons aussi développer un examen. Cela prendra trois cycles d’essais pour le valider. Au bout de ce chemin, nous espérons obtenir la certification comme d’autres professions. Cela permettra d’être reconnu comme profession valable et d’être valorisé. Cela permettra aussi d’augmenter les opportunités d’emplois et les salaires, peut-être aussi de voir des écoles offrir des cours de nouveau. Enfin, le remboursement de ces soins sera facilité. » La profession serait dans une position plus forte pour négocier au niveau de chaque état, comme a déjà pu le faire l’art thérapie. Après la certification, on peut aussi envisager une étape supplémentaire : « licensure » (homologation, permis d’exercer).
Voilà le grand chantier dans lequel s’est engagé l’AHTA (Rebecca Haller du Horticultural Therapy Institute fait aussi partie de l’équipe qui planche sur ce projet). Pour sa part, Leigh Anne poursuit une autre approche pour que ses services soient remboursés. Après avoir obtenu un « master in rehabilitation counseling », elle poursuit aujourd’hui des études pour devenir une « Licensed Professional Clinical Counselor (LPCC) ». « Le monde était différent il y a 25 ans. Si c’était à refaire, j’obtiendrais un diplôme dans une discipline qui a le niveau « licensure » et je ferais ensuite une spécialisation en thérapie horticole. Nous voyons beaucoup de gens qui choisissent cette approche aujourd’hui. »
Leigh Anne conclut sur un message d’encouragement pour la communauté « plantes et soin » française. « L’AHTA a commencé en 1973 avec un petit groupe de gens. Si assez de gens qui partagent les mêmes idées se rassemblent, regardez ce que ça peut donner. L’association a dû relever le défi de plusieurs écoles et courants de pensées. Mais leur croyance commune est qu’ils étaient sûrs de la connexion entre les plantes et les humains. »
Nous nous sentons en pleine communion d’idées et de projets avec Anne Leigh etheureux de voir que ça bouge dans le monde!
Anne et JP Ribes
Oui, depuis la France, nous pouvons avoir l’impression que les Etats-Unis sont « arrivés » en terme de reconnaissance de la thérapie horticole. Mais il y a encore beaucoup de pain sur la planche là-bas aussi! Leur exemple peut nous inspirer.
Quel message d’espoir ! J’espère qu’un jour nous pourrons dire : « Elle disait vrai. Nous y sommes arrivés ». Quel bonheur si la France pouvait elle aussi avoir des formations diplômantes en la matière.
Paule Lebay.