Lorsqu’on parle d’hortithérapie autour de soi, une réaction courante est de s’entendre demander s’il s’agit de soigner avec les plantes ou si on parle de plantes médicinales. Le but de ce portrait n’est pas d’ajouter à cette confusion. « L’hortithérapie consiste à utiliser les plantes et le végétal comme médiation thérapeutique sous la direction d’un professionnel formé à cette pratique pour atteindre des objectifs précis adaptés aux besoins du participant », selon la définition de l’American Horticultural Therapy Association.
Mais les plantes qui soignent quand on s’occupe d’elles peuvent aussi jouer un rôle dans la santé quand on les consomme. C’est pourquoi quand j’ai rencontré Catherine Chevallier en septembre autour de l’association Paradeisos à la maison de Jean Monnet, j’ai eu envie de lui donner la parole pour qu’elle nous explique sa passion pour l’aromathérapie, la phytothérapie et les cosmétiques faits maison.
Une enfance au milieu des plantes

Catherine Chevallier
Depuis son enfance, Catherine Chevallier a toujours vécu dans un monde connecté à la nature et aux plantes. Son grand-père, paysan (elle tient à ce mot), vivait en autonomie avec ses animaux dans les Alpes. Sa mère a toujours cultivé son jardin et soigné la famille par la phytothérapie et l’homéopathie. Dans le jardin maternel poussaient la violette, la gentiane, le cassis ou encore le tilleul qui servaient à des préparations.
Catherine se rend rapidement compte que, pour partager les bienfaits des plantes, elle devra acquérir une crédibilité scientifique. C’est ainsi qu’elle devient docteure en pharmacie. En passant, elle m’apprend que le terme pharmacien est réservé aux docteurs en pharmacie qui travaillent en officine.
Ses études de pharmacie ne lui donnent cependant pas une connaissance suffisante des plantes et elle suit une formation d’herbaliste à l’Ecole Lyonnaise des Plantes Médicinales (ELPM). Nous sommes à la fin des années 1990. « A cette époque, les plantes n’étaient pas encore dans l’air du temps. La phytothérapie n’avait pas encore retrouvé sa place traditionnelle dans les rayons de pharmacie, seuls garants de l’herboristerie, » se souvient-elle.
En avance sur l’époque
A la fin de ses études, elle fait un stage chez Biotope des Montagnes, une coopérative de petits paysans de montagne qui cultivent et cueillent des plantes aromatiques et médicinales selon des savoirs traditionnels en agrobiologie. Elle découvre les huiles essentielles et l’aromathérapie. « Mais c’était encore trop tôt et je n’ai pas trouvé ma place dans l’herboristerie et la phytothérapie », poursuit-elle.
Elle commence alors à travailler dans le monde de la santé publique avec pour fil rouge le goût de la transmission autour de la promotion de la santé. Et elle continue à titre personnel à se soigner par les plantes et les huiles essentielles. Elle commence aussi à fabriquer ses propres produits cosmétiques. « Plus on fait ses propres produits, plus on comprend que c’est sain. »
Mais une petite voix continue à lui souffler qu’il est dommage de passer à côté de sa passion. Elle s’inscrit au DIU de phytothérapie et aromathérapie de l’Université Paris Descartes (Diplôme Interuniversitaire) qui s’adresse aux pharmaciens, préparateurs en pharmacie, médecins, sages-femmes, dentistes et vétérinaires.
Voici comment est présenté ce programme sur la page de l’université. « Il existe à l’heure actuelle un intérêt croissant du public pour les produits à base de plantes. Dans ce contexte, les professionnels de santé se retrouvent face à une offre de plus en plus variée de la part des laboratoires. Cette formation souhaite leur apporter des connaissances solides en phytothérapie et aromathérapie afin de conseiller ou prescrire les plantes médicinales selon des critères d’efficacité validés, et, ainsi, d’être capables de choisir les formes les mieux adaptées à leur pratique. »
Acteurs autonomes de notre santé
Depuis juin 2018, Catherine se dédie à 100% à la phytothérapie et à l’aromathérapie à travers Secrets d’Herbes. « Nous ne sommes plus assez connectés à nos sens et à notre petite voix intérieure », constate Catherine. « Après avoir travaillé dans la promotion de la santé, j’ai envie de travailler à l’autonomie en matière de santé à partir du végétal qui a un pouvoir assez spectaculaire. »
Elle anime des ateliers d’aromathérapie dans lesquels elle cherche à redonner aux participants confiance en leurs propres capacités. Ses ateliers se déclinent sur les thèmes des maux d’hiver, du stress, de la douleur, de l’aromathérapie au féminin notamment. Les ateliers s’adressent au grand public et aux professions médicales, par exemple un dentiste qui souhaite utiliser des huiles essentielles au lieu d’un antibiotique. Ils mêlent le plus souvent aromathérapie et phytothérapie.
Professionnelle de santé, Catherine sait qu’il est nécessaire de consulter un médecin dans certains cas : « Je peux aider avec le stress, un rhume, des courbatures, pas avec la dépression ou un autre maladie chronique. Les maux du quotidien durent quelques jours. il faut être vigilant sur la place du médecin. »
Catherine aimerait travailler avec le milieu hospitalier qu’elle pense demandeur, notamment pour la maladie d’Alzheimer. Elle cite d’ailleurs des protocoles en cours en accidentologie, avec des enfants présentant des troubles autistiques, en cancérologie. « L’aromathérapie est spécifique à la personne. On cherche à court-circuiter le néocortex pour accéder aux émotions et aux souvenirs enfouis », décrit-elle. « Je constate une voie pour le végétal en milieu hospitalier. Il y a plus d’échos qu’il y a 20 ans. » Un constat qui fait écho à une reconnexion générale avec la nature et les plantes, malgré les frilosités encore bien présentes.
Dans un désir constant d’étendre ses connaissances, la jeune femme suit actuellement un DU Alimentation Santé Micronutrition à l’Université de Bourgogne. Son intérêt pour la cosmétique (voir son livre publié cette année) et pour toutes ces pratiques part de ce même constat : « nous sommes une seule personne et nous aspirons à faire nous-mêmes. En tout cas, nous pouvons acquérir des connaissances pour regagner de la confiance en nos capacités à prendre soin de nous. »
Pour l’année prochaine, elle travaille à une collaboration avec Ville en Herbes qui crée des jardins en milieu carcéral ou avec des centres sociaux dans le but de valoriser les compétences et se (re)découvrir. « A partir d’avril ou mai prochain, nous allons créer des ateliers sur les cosmétiques dans des maisons de quartier et les personnes formées en formeront d’autres. » Trasmission, autonomie, capacités à prendre soin de soi…
Les plantes « libérées »
Impossible de parler avec Catherine sans évoquer la situation de l’herboristerie et des plantes sur le plan juridique. « En 2008, 148 plantes ont été libérées par l’Europe. Il faut savoir que la France est le pays le plus drastique sur l’herboristerie. En Italie, en Angleterre ou en Suisse, on trouve des herboristeries et des magasins qui vendent des plantes. » En janvier dernier, la dernière herboriste diplômée du diplôme supprimé en 1941 et jamais rétabli depuis est morte. Le commerce des plantes médicinales est réservé aux pharmaciens…sauf pour les 148 plantes libérées.
On peut se renseigner sur le sujet à travers de nombreux articles sur Internet et plusieurs pétitions sont disponibles. Pour Catherine, c’est une aberration d’avoir des plantes en accès libre sans l’accompagnement professionnel (herboriste/phytothérapie) qui va avec. « Il y a eu plusieurs projets de loi pour réhabiliter l’herboristerie, mais je vois un espoir dans le rapport du sénateur Labbé. La société est plus prête à l’entendre aujourd’hui. »
Les livres de Catherine Chevallier :
- Les OGM dans notre assiette ?, Catherine Chevallier, Sang de la terre, 2002. Un livre grand public inspiré par sa thèse sur le thème de la transgénèse végétale.
- Cosmétique végatale maison : de la pratique à l’autonomie créative, Catherine Chevallier et Hélène Cacheux, Grancher Editions, 2018.